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Russie _ Vladimir Poutine face à ses premières

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00:00 - Je voulais vous montrer une image qu'on n'a pas l'habitude de voir en Russie.
00:03 On est dans l'Oural, dans une petite ville de l'Oural, et regardez, il y a des échauffourées qui ont éclaté.
00:08 Entre des milliers de manifestants, nous dit-on, et la police.
00:11 Pourquoi ? Parce qu'il y a eu la condamnation d'un opposant régional qui a critiqué l'opération militaire spéciale en Ukraine, cet assaut en Ukraine.
00:19 La police a annoncé, elle, l'ouverture d'une enquête pour, je cite, "émeutes de masse".
00:24 Après ces manifestations, on est dans, très exactement pour tout vous dire, dans l'Oural, dans la République, du Pachkortourstan, dispersé avec du gaz lacrymogène.
00:32 Vous le voyez, on est en ligne avec Sergeï Boutman.
00:36 Merci beaucoup, Sergeï, d'être avec nous.
00:38 Je le disais, cette image, on n'a pas vraiment l'habitude de la voir en Russie.
00:42 Racontez-nous qui est ce militant. Il s'appelle Fahil Altsinov, et qu'a-t-il dit précisément pour qu'on en arrive là ?
00:48 Fahil Altsinov, ce n'est pas précisément pour sa contestation de cette fameuse opération spéciale militaire, de la guerre en Ukraine,
00:56 mais c'est un mouvement, il dirige un mouvement, à Bashkir, un mouvement nationaliste depuis assez longtemps,
01:05 qui énerve les autorités de Pachkortourstan, de cette République, dans l'Oural,
01:13 et c'est surtout la défense de la langue bachkir, c'est surtout la défense des valeurs bachkir,
01:25 et aussi, par exemple, l'exploitation qui est considérée comme barbare,
01:32 l'exploitation des gisements de différents minerais, des richesses de Pachkortourstan.
01:38 C'est ça, et le président du Pachkortourstan, M. Khabirov, qui mène sa lutte contre Altsinov,
01:48 et ceux qui le soutiennent, depuis assez longtemps,
01:53 depuis assez longtemps, et c'est lui qui voulait exterminer la base de ces organisations nationalistes,
02:00 surtout des jeunes, qui existent au Pachkortourstan.
02:04 Je pense que la guerre n'a fait qu'exacerber le mécontentement,
02:11 parce que vous savez très bien que les gens, les jeunes et les moins jeunes,
02:17 sont appelés à faire la guerre d'un peu partout, surtout des confins et des confins nationaux.
02:26 Il y a une autre cause de ce soulèvement des bachkirs,
02:34 c'est la langue bachkir, qui d'après une nouvelle loi, n'est que facultative en république même,
02:44 comme au Tatarstan et d'autres républiques nationales de la fédération de Russie.
02:50 Je pense que c'est un mécontentement qui était un peu occulte pour les autres parties de la Russie pendant des années,
03:02 mais qui devient évident maintenant où Fahil Altsinov a été condamné à quatre ans de prison ces derniers temps.
03:11 C'était l'appel et le document qui a été envoyé au comité d'investigation par le président même de la République.
03:26 C'est une confrontation très sérieuse, je dirais.
03:30 - Oui, parce qu'ils sont courageux quand même ces manifestants.
03:34 Ils risquent jusqu'à 15 ans de prison si l'accusation de participation à une émeute est retenue.
03:41 - Oui, tout à fait. Il y a eu une vingtaine d'arrêtés.
03:49 Il y a eu des négociations après la condamnation de Fahil Altsinov.
03:57 La police a eu des conversations et des poux-parler avec son père, le père de l'accusé.
04:05 Il y a eu un échange d'arrêtés contre la volonté des manifestants de laisser passer la voiture de la police qui allait emmener Fahil Altsinov.
04:23 - Sergei Boutman, est-ce que vous diriez que ce genre d'émeute-là est amené à se multiplier ?
04:30 - Oui, je dis ça parce que c'est vrai que les dernières émeutes montent quand même.
04:33 D'ailleurs, on apprend qu'il y a des blessés, dont des policiers.
04:35 Les dernières émeutes à Moscou, c'était quand même le 6 mai 2012.
04:39 On parlait d'un dernier grand rassemblement.
04:40 Il y avait beaucoup plus de monde.
04:42 Ce qui avait donné lieu à Poutine, il avait engrangé les forces de police.
04:48 C'est là que plus personne ne se rebellait depuis environ cette année 2012.
04:52 Là, est-ce qu'on assiste à un tournant ?
04:54 - Non, ce n'est pas 2012.
04:56 Il y a eu des manifestations en 2019, juste avant la pandémie.
05:04 Il y a eu des émeutes de jeunes.
05:06 Ce n'est pas des émeutes, c'était appelé émeute.
05:09 C'était des manifestations tout à fait paisibles,
05:12 qui ont été d'une façon très cynique.
05:16 Il y avait des gens qui ont été tabassés, des jeunes gens.
05:23 Notre radio fonctionnait encore.
05:26 On avait des correspondants qui étaient témoins de tout ce qui se passait à Moscou.
05:30 C'était surtout à Moscou.
05:32 C'était très cruel.
05:35 C'est le comportement de la police et de la garde nationale.
05:39 Mais depuis 2019, il faut encore mentionner des manifestations à Kabarovsk.
05:47 C'est après l'arrestation de leur gouverneur,
05:50 qui était assez aimé par la population.
05:53 Ça a duré quelques semaines.
05:57 Puis c'est tout.
05:59 J'ai eu une information sur la chaîne Télégramme de Bashkortostan,
06:06 que le président Kabirov, le président de la République,
06:11 cette République dans l'Oural,
06:14 a été convoqué à Moscou.
06:16 Il est convoqué à Moscou.
06:18 Quelle sera la réaction de Moscou, de Poutine, du Kremlin ?
06:22 Ces personnes ne le savent pas encore.
06:25 Pendant la campagne électorale, c'est ce qu'ils ne veulent pas,
06:30 surtout aux Kremlins.
06:32 Évidemment de voir ces images.
06:34 Merci beaucoup, Sergei Boutmane, d'avoir été avec nous à chaud,
06:38 pour commenter ces images que nous venons de recevoir.
06:43 On imagine que ça ne doit pas faire plaisir aux Kremlins, Xavier.
06:49 Est-ce que ça peut être le début de quelque chose ?
06:53 Ou c'est très local ?
06:54 C'est difficile de le dire pour l'instant.
06:56 C'est visiblement lié à une situation locale,
06:59 de revendications de gens de cette ville, de cette région.
07:06 Bashkortostan, j'ai du mal à le dire.
07:09 La ville est plus facile, c'est Baymak.
07:11 C'est une petite ville de 17 000 habitants.
07:14 Évidemment, les revendications anti-guerre sont toujours sous-jacentes.
07:17 Mais en fait, la défense...
07:19 C'est une accumulation.
07:21 Oui, c'est ça.
07:22 Ce qui frappe, c'est de voir ces gens lancer des boules de neige,
07:25 quand on a vu les images tout à l'heure, on était assez effaré,
07:28 des boules de neige sur la police.
07:29 Au final, il y a quand même des interpellations, une vingtaine,
07:32 et puis des policiers qui ont été blessés.
07:35 Mais visiblement, pour le moment, c'est quelque chose de très local.
07:38 Et on ne voit pas, d'ailleurs c'est notre grand étonnement,
07:40 parce que nulle part en Russie,
07:42 même par exemple dans des républiques
07:44 qui ont été très touchées par la mobilisation,
07:47 comme le Balouchistan,
07:48 on ne voit pas de grand mouvement de foule
07:51 pour réclamer le retour des soldats,
07:53 réclamer le retour des cercueils aussi,
07:56 qu'on a pu voir depuis l'Afghanistan ou le Tchétchénie.
07:58 Yves Bourdillon, c'est très local, mais quand même,
08:00 ça peut embêter Vladimir Poutine,
08:01 ça en pleine campagne présidentielle,
08:03 et Sergei le disait, il convainc quand même Kadirov.
08:05 Donc, preuve qu'il veut vraiment se débarrasser de ce genre d'image
08:08 qui peuvent peut-être monter dans les semaines qui viennent.
08:10 Il s'en passerait bien en effet,
08:12 c'est-à-dire qu'il a encore deux mois à tenir.
08:14 Donc on peut faire confiance à d'une part
08:16 la répression, qui va sans doute être très sévère
08:18 pour envoyer un message, si d'autres régions
08:20 avaient aussi ce problème, qui comme vous le dites,
08:23 il y a à la fois la conjonction de revendications nationales,
08:26 et puis aussi un peu la souffrance de la guerre,
08:29 c'est-à-dire que ce sont des régions
08:31 qui fournissent une proportion,
08:33 c'est disproportionné le nombre de morts
08:35 et de blessés de certaines régions,
08:37 et pour autant, c'est assez étonnant,
08:39 ça ne se traduit pas du tout sur le plan politique
08:41 par des revendications fortes d'arrêt de la guerre.
08:44 C'est-à-dire que c'est des régions qui souffrent,
08:46 ça affecte certainement le lien entre Moscou et la périphérie,
08:51 mais ça ne se traduit pas par un mouvement d'ampleur
08:53 appelant à la fin de la guerre,
08:55 même si les sondages montent quand même,
08:57 qu'en Russie en ce moment, il y a une proportion
08:59 qui monte et qui devient non négligeable,
09:01 de gens qui disent "bon, il faudrait arrêter",
09:03 mais ils ne vont pas descendre dans la rue pour autant,
09:05 et ça se comprend, vu ce qu'ils risquent.
09:07 Là, dans les deux mois qui viennent,
09:09 on a un contrôle médiatique,
09:11 un contrôle policier répressif
09:13 pour éviter d'autres manifestations du même type.
09:15 Savoir si ces images, d'ailleurs,
09:17 passent sur les grandes chaînes russes,
09:19 ça, Elisabeth Shevard-Salam, on n'en sait rien.
09:23 On sait très bien que les images sur la télé russe
09:27 sont très contrôlées pour l'essentiel.
09:29 Après, sur les réseaux Telegram
09:31 et comme on parlait des réseaux sociaux,
09:33 on a beaucoup de réseaux sociaux en langue russe
09:37 qui parlent de ce genre de choses,
09:39 mais très clairement, vous ne verrez pas forcément
09:41 des émeutes ou de la contestation
09:43 à la télé russe comme ça.
09:45 – Sergei, selon les médias locaux,
09:47 ce militant avait affirmé,
09:49 alors c'est ce que nous disent les médias locaux,
09:51 que l'offensive de la Russie,
09:53 chez son voisin ukrainien, n'était pas notre guerre.
09:55 Est-ce qu'il maintient ça encore,
09:57 ou est-ce qu'il est revenu sur ses propos ?
09:59 – Il ne revient pas sur ses propos,
10:01 mais il défend sa qualité d'organisation,
10:05 oui, d'organisation nationale,
10:07 l'organisation qu'il dirige,
10:09 mais ce n'est pas une organisation
10:11 ni extrémiste, ni séparatiste, ni xénophobe.
10:15 Quoique, il y a eu des propos assez,
10:19 franchement, xénophobes,
10:23 dans les documents et dans les textes
10:25 de cette organisation,
10:27 et ce qui fait aussi un peu le jeu du Kremlin,
10:31 qui peut ne pas avoir peur
10:37 de ce genre de manifestation dans les républiques voisines,
10:41 parce que les Bashkirs, qui n'aiment pas les Tatars,
10:45 les Tatars n'aiment pas les Bashkirs,
10:47 et tous les deux n'aiment pas les autres républiques
10:51 qui se situent dans cette région.
10:53 C'est assez difficile,
10:55 mais ça sape cette notion de l'union,
10:59 de l'union du peuple uni, du peuple soudé
11:03 pendant l'opération spéciale militaire.
11:05 Voilà, c'est les propos que Poutine répète partout.
11:11 Je peux dire qu'il n'y a pas d'image à la télévision russe,
11:15 à la télévision officielle, il n'y a pas d'autre.
11:19 Il n'y a pas d'image, il n'y a pas même,
11:23 le fait de l'arrestation et de la condamnation
11:25 du militant Bashkir n'est pas mentionné,
11:28 mais on peut être informé,
11:31 parce qu'il y a énormément de chaînes Telegram,
11:35 il y a énormément de sources d'informations
11:39 qui ne sont pas fermées.
11:41 C'est aussi le choix de cette partie de la population
11:44 qui, avec un certain confort,
11:49 veut croire tout ce que dit le pouvoir
11:53 et la télévision officielle.

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