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00:00 Ne vous faites pas avoir par son air de grand-mère sage et traditionnel,
00:03 car Shana Orloff est en réalité une sculptrice avant-gardiste au succès fulgurant
00:08 et dont les portraits très modernes ont marqué les plus grands artistes des années 20.
00:11 Mon but était, je ne sais pas si je l'ai réussi, c'était de faire l'époque.
00:17 Shana Orloff grandit en Palestine et arrive en France en 1910 pour décrocher un diplôme de couture.
00:23 Mais elle passe le concours de l'école des arts décoratifs, le réussit
00:26 et abandonne sa machine à coudre pour se consacrer entièrement à cet art qu'elle vient de découvrir, la sculpture.
00:32 C'est encore plus audacieux de faire de la sculpture parce que c'est traditionnellement un art
00:36 qui est vraiment réservé aux hommes, parce que c'est un art qui demande beaucoup de force physique en fait.
00:41 Pour tailler de la pierre ou du bois, il faut de la force.
00:44 Et donc c'est vrai que ça exclut de fait les femmes, ou en tous les cas c'est ce qu'on pense à ce moment-là.
00:49 Pour le début c'était très dur.
00:53 J'ai même reçu des lettres de menace de mort si je continuais cette sculpture.
00:58 Je me suis brouillée avec pas mal d'amis, qui sont d'ailleurs maintenant mes excellents amis quand même, et je continuais.
01:05 Malgré les difficultés, la jeune Shana persiste, s'émancipe.
01:09 Tous les dimanches, elle va au musée pour observer, analyser, étudier les œuvres de l'art égyptien,
01:14 de la Renaissance et des arts premiers qui la fascinent.
01:16 Et avant chaque création, elle passe un temps infini à dessiner son modèle.
01:21 Elle cherche sous ses traits le secret de leur personnalité.
01:24 Elle a vraiment l'art de saisir ce qui fait l'individualité d'une physionomie.
01:29 Elle ne retient que l'essentiel.
01:31 Elle travaille vraiment en épurant les formes et en ne gardant que ce qui fait le secret d'une physionomie,
01:39 les traits caractéristiques.
01:41 Et c'est ça qui plaît beaucoup dans ses portraits.
01:43 Elle fréquente à Montparnasse l'avant-garde artistique.
01:46 Modigliani, Chagall, Soutine.
01:49 J'ai trouvé Paris, la France et Montparnasse un vrai paradis.
01:55 Et pourquoi ?
01:57 Parce que la vie était magnifique, libre.
02:00 Elle devient la portraitiste de l'élite artistique parisienne.
02:03 Pour faire un portrait, il faut que le modèle pose.
02:05 Et souvent, c'est assez pénible pour un modèle de poser puisqu'il faut être immobile,
02:09 on n'est pas toujours à son aise.
02:11 Et donc elle, elle insistait beaucoup justement sur le fait que les modèles devaient être à l'aise.
02:15 Et c'est pour ça qu'il y a beaucoup de portraits assis.
02:18 Grâce à cette attention particulière, se dégage de ses œuvres une certaine sérénité.
02:22 Sa marque de fabrique.
02:24 Veuve et mère célibataire, elle n'abandonne rien et utilise au contraire sa situation comme une force.
02:33 Et c'est en ça qu'elle est très originale parce que parfois on fait la distinction entre créée et procréée.
02:39 Et Shana Orloff, c'est un peu l'inverse.
02:41 Au contraire, elle dit que justement, son expérience de mère, elle l'a mise au service de son art.
02:46 Elle sculpte la femme, la maternité.
02:48 Et là aussi, le succès est au rendez-vous.
02:50 Mais l'artiste ne peut pas cacher ses origines juives.
02:53 Elle s'exile en Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale.
02:56 Son atelier est saccagé, ses œuvres pillées.
02:59 Après la guerre, son travail s'assombrit pendant quelques années.
03:03 Elle continue à exposer, mais l'époque est à l'art abstrait.
03:06 Ses œuvres se vendent moins.
03:07 Elle meurt en 68, mais reste la plus grande portraitiste de l'école de Paris.
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