En 1825, une femme millionnaire de la Nouvelle-Orléans est soupçonnée d'avoir torturés ses esclaves noirs. Entre 1910 et 1919, un tueur en série assassine au hasard et froidement à coups de hache des habitants de la Nouvelle-Orléans. Cependant, il semblerait qu'il épargnerait les habitants des maisons où de la musique jazz jouait. En 1837, dans cette même ville, une grande prêtresse vaudou faisant craindre plusieurs avec sa sorcellerie.
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00:00 Ce sont parfois des trans volontaires. On pense par exemple au Vodou.
00:07 La Nouvelle Orléans a vu naître le Vodou en Amérique. C'est la capitale du mystère, made in America.
00:13 Les coups de feu auraient tendance à attirer l'attention.
00:15 Il a même utilisé la méthode de Jack l'éventreur en disant qu'il expédiait cette lettre depuis l'enfer.
00:22 En 1825, une riche femme de la Nouvelle Orléans est soupçonnée de torturer ses esclaves.
00:29 Qui osera confronter la belle et terrible Marâtre ?
00:32 De 1910 à 1918, un mystérieux tueur terrorise les habitants de la Nouvelle Orléans.
00:40 Sauf les amateurs de jazz, qu'il a promis d'épargner.
00:44 En 1837, une grande prêtresse Vodou fait la pluie et le beau temps à Louisiane.
00:49 Les blancs la craignent, les noirs la vénèrent.
00:52 D'où lui vient ce pouvoir occulte ?
00:54 Meurtre, magie noire et sortilège.
00:57 A tous les mystères.
01:00 [Musique]
01:29 [Musique]
01:33 La Nouvelle Orléans s'est développée sur un air de débauche.
01:36 Sin City, la ville du péché comme on l'appelait, était un "women's land" où la corruption régnait.
01:42 Le vie s'attirait les aventuriers et les pirates qui y faisaient des affaires d'or.
01:47 Le trafic des esclaves y était florissant.
01:50 Toutes les grandes villes du monde ont eu droit à leur personnage infâme, amplifié par la légende.
01:56 La Nouvelle Orléans, la ville de tous les excès, ne pouvait pas échapper à la naissance d'un tel monstre.
02:02 [Musique]
02:07 À bout de souffle, la fille est bondie dans la cour.
02:10 La matronne toujours sur les canons.
02:13 Elle cherche un abri, mais ne trouve rien.
02:17 Derrière elle, Madame Lalaurie, les yeux exorbités par la rage,
02:22 font l'air de cette cravache qu'elle tient à bout de bras.
02:25 Les emparées, elles retournent vers la demeure de sa maîtresse.
02:29 Baissant la tête et évitant de justesse le fouet, la fillette replonge en avant.
02:35 Elle esquive un autre coup et court vers le portique,
02:39 s'engouffre à nouveau dans la maison, toujours poursuivie par la femme en colère.
02:44 Sans ralentir, elle grimpe les escaliers qui mènent à la terrasse aménagée sur le toit.
02:51 Elle est prise au piège.
02:55 Sans ménagement, la femme frappe la fillette.
02:59 Mue par l'instinct de conservation, l'enfant se redresse et enchambe la balustrade.
03:05 Comme un pantin désarticulé, son corps s'écrase sur les gravats de la cour intérieure.
03:11 Doucement, Madame Lalaurie se penche sur le garde-fou.
03:15 Tout en bas, la fillette est immobile.
03:19 L'angle que forment sa tête et son corps montre qu'elle s'est brisée le cou en tombant.
03:24 Sans se soucier davantage du sort de l'infortunee négresse, Madame Lalaurie retourne à ses occupations.
03:30 Après tout, elle donne une réception ce soir. Il y a tant à faire.
03:35 Marie Delphine McCarty voit le jour le 19 mars 1787.
03:42 Elle est le deuxième enfant de Louis Barthélemy McCarty et de Marie-Jeanne L'Hérable.
03:48 Les McCartys formaient un clan très étendu et très puissant à l'époque de la Louisiane coloniale.
03:56 Ils étaient officiers militaires, propriétaires de plantations, marchands ou fonctionnaires.
04:03 Une famille très puissante.
04:07 Ils sont riches et ils offrent à leurs enfants une éducation bourgeoise et leur apprennent les bonnes manières.
04:13 Une bienséance qui, en quelque sorte, restera l'un des charmes de Marie Delphine.
04:18 Elle semble avoir été une fillette heureuse durant son enfance et son adolescence.
04:24 Et les gens remarquaient à quel point elle était jolie.
04:27 Sa famille était, encore à cette époque, très en vue dans la société.
04:32 En 1800, alors qu'elle vient de fêter son 14e anniversaire,
04:39 elle épouse Ramón López Yangulo de la Candelaria, un magistrat espagnol de 20 ans son année.
04:46 Tant la loi civile que le droit canon, le droit canon étant la loi de l'Église,
04:51 permettait à des jeunes filles aussi jeunes que 12 ans de se marier,
04:55 dans la mesure où les parents accordaient leur consentement.
04:58 Et il était fréquent que de très jeunes femmes épousent des hommes beaucoup plus âgés qu'elles.
05:05 Parfois ces hommes étaient aussi âgés que leurs pères, voire plus âgés.
05:10 Ils se mariaient, puis rencontraient des difficultés parce qu'ils n'avaient pas demandé la permission du roi.
05:17 Pour les représentants festiels du gouvernement espagnol et pour le personnel militaire,
05:24 il était interdit d'épouser des femmes locales sans la permission du roi.
05:31 Il connut donc de grandes difficultés, on l'a suspendu de ses fonctions,
05:35 on l'a envoyé en exil en Espagne pour environ 5 ans,
05:39 et finalement, après avoir obtenu son pardon, il a été nommé consul d'Espagne à la Nouvelle-Orléans.
05:46 À son retour vers la Louisiane, le bateau a fait naufrage sur les côtes cubaines, et il y a trouvé la mort.
05:57 La jeune veuve, enceinte de 8 mois et demi, se retrouve sans aucune source de revenus.
06:02 Le temps d'accoucher de son premier enfant, Delphine rentre en Nouvelle-Orléans pour y vivre son deuil.
06:08 Elle est revenue en Louisiane et a vécu sur la plantation avec ses parents.
06:13 Sa mère est morte et elle a hérité d'une importante somme d'argent,
06:17 et en 1807, elle a épousé Jean Blanc, un français, qui était très différent de son premier mari, Lopez de Angoulot.
06:26 Il était bien connu dans la société de la Nouvelle-Orléans.
06:33 C'était un orateur, un politicien, un homme d'affaires.
06:37 C'était également un négociant d'esclaves, associé avec des pirates.
06:41 On le savait associé avec Jean Lafitte,
06:44 et son frère ainsi que d'autres gens de son entourage étaient impliqués dans des entreprises pas très légales à la Nouvelle-Orléans.
06:50 Puis il est mort. Il est mort en 1815.
06:55 Peu après, son père meurt et elle hérite de beaucoup d'argent.
07:00 La voilà donc veuve.
07:03 Elle est mère de cinq enfants, très riches, propriétaires de plusieurs domaines et d'esclaves.
07:11 Et voilà que le troisième mari entre en scène.
07:14 Après le décès de son second mari, Delphine, maintenant dans la trentaine, est une veuve immensément riche et elle est courtisée.
07:22 L'un de ses soupirants se nomme Léonard Louis-Nicolas Lallory, un jeune français fraîchement débarqué à la Nouvelle-Orléans.
07:30 Il a étudié la médecine à l'Université de Toulouse.
07:33 Il avait 16 ans de moins qu'elle, venait d'une famille de classe moyenne, d'un petit village de France.
07:40 Son père et son frère étaient tous deux médecins.
07:43 Lui venait tout juste d'obtenir son diplôme d'une école de médecine et il était venu à la Nouvelle-Orléans pour chercher fortune.
07:53 Il apparaît comme un jeune homme très naïf. Il était ambitieux et son père lui avait dit,
07:58 « Va là-bas, établis-toi en tant que médecin, épouse une femme riche et reviens. »
08:05 Alors, qui rencontre-t-il?
08:08 D'un film.
08:11 C'est à cette époque que les rumeurs de maltraitance commencent à circuler.
08:16 Au fil des années, il y a eu plusieurs épisodes où Madame Lallory et le docteur Louis Lallory ont dû comparaître en cours pour répondre à des accusations de maltraitance d'esclave.
08:28 Les visiteurs qui allaient chez eux remarquaient que les esclaves étaient émaciés, mal nourris.
08:34 Quelques-uns avaient des cicatrices causées par des coups de fouet.
08:40 À voix basse, on raconte que Madame Lallory imposerait à ses domestiques des punitions cruelles et satygues.
08:48 Si la loi autorise les châtiments corporels, elle dit aussi que ces corrections doivent être administrées avec modération.
08:56 Le meurtre et les mutilations d'esclaves sont strictement interdits.
09:01 Une histoire raconte que les Lallory auraient été amenés en cours et qu'on leur aurait retiré plusieurs esclaves parce que ceux-ci auraient été abusés.
09:11 Ces esclaves ont été ramenés au marché de Congo Square pour être vendus à nouveau.
09:17 Mais des connaissances des Lallory les ont achetés et les ont ramenés à la maison des Lallory.
09:26 Malheureusement pour ces esclaves, les voilà à nouveau sous le joug de Delphine Lallory.
09:33 Ils connaissent déjà le sort cruel que leur réserve la riche propriétaire.
09:38 C'est le genre de choses qui se passaient. Non seulement maltraitaient-ils leurs esclaves, mais ils étaient sournois avec eux et ils posaient des actions interdites, même à l'époque.
09:50 En 1831, les Lallory emménagent dans leur nouvelle maison du vieux quartier français.
09:56 C'est l'une des maisons les plus cossues du quartier et les Lallory ont déboursé une fortune pour sa construction.
10:03 Les extravagances du couple ne s'arrêtent pas qu'au luxe de leur intérieur.
10:07 Ils étaient reconnus et appréciés par leur père essentiellement pour les cocktails extravagants qu'ils organisaient fréquemment.
10:14 Mme Lallory organisait des dîners, des balles et des soirées dans sa maison de la rue Royale, mais les gens ne l'aimaient pas vraiment.
10:26 Je crois qu'elle devait être arrogante parce qu'elle était très riche.
10:32 Mais il y avait aussi de ces rumeurs d'abus d'esclaves qui commençaient à circuler.
10:38 Peu après son mariage, elle avait été convoquée à plusieurs reprises devant la cour criminelle, mais n'avait jamais été condamnée.
10:47 Les gens savaient ce qu'elle faisait, mais pourquoi venait-il à ces fêtes ?
10:55 D'ailleurs, ces rumeurs, se disent les convives, sont sans doute exagérées.
11:01 Il est vrai qu'il y a un roulement d'esclaves chez les Lallory.
11:04 Mais lorsqu'on s'informe du sort des disparus, Delphine explique qu'ils sont en congé, ou mieux encore, qu'ils ont été affranchis.
11:12 Tout s'explique.
11:16 A l'automne de 1833, les rumeurs de Sévices montent d'un cran.
11:22 Une voisine raconte avoir vu Mme Lallory poursuivre une jeune domestique jusque sur le toit de la maison.
11:29 Dans les premiers mois de 1834, Mme Lallory a fait les gros titres des journaux locaux.
11:35 Elle se préparait pour une de ses soirées.
11:37 Elle est dans le boudoir où une jeune esclave du nom de Leah s'occupe d'elle.
11:41 C'est une enfant esclave qui n'a que 12 ans.
11:44 Leah coiffait les cheveux de Madame, qui a de longs cheveux noirs qu'elle remonte sur le dessus de sa tête.
11:49 Une opération qui prend des heures de soins.
11:52 À un moment donné, le peigne de Leah s'est pris dans un nœud et elle a tiré les cheveux de Mme Lallory.
11:59 Dans un moment de rage, on raconte que celle-ci a pris la queue de poivre sous la table de maquillage et qu'elle s'est mise à battre la viette.
12:07 En panique, la jeune esclave à Leah s'est enfuie dans la cour.
12:11 Elle essaie qu'à la moindre erreur, les esclaves soient sévèrement corrigés à coup de fouet.
12:17 Et plus elle court, plus elle sait que sa maîtresse va s'enrager davantage après elle.
12:23 Mais que faire d'autre que fuir ?
12:26 Leah s'est réfugiée sur un petit balcon qui surplombait la cour.
12:30 Voulant échapper à la fureur de sa maîtresse, elle a enjambé le garde-fous, a perdu pied et s'est tuée en tombant dans la cour.
12:40 Le lendemain, un voisin qui avait entendu des cris a prévenu la police en disant qu'il avait aperçu Mme Lallory debout sur le balcon avec un fouet à la main.
12:52 La maîtresse se serait débarrassée du corps en demandant à son fidèle majordome, prénommé Bastien, de le jeter au fond du puits.
13:05 Le 10 avril 1834, un incendie éclate dans la maison de Lallory. Le feu avait pris naissance dans la cuisine.
13:20 Maintenant, la configuration de la maison était telle que la partie avant, qui avait trois étages, était la principale section de la maison.
13:28 Ce qui forme maintenant les appartements tout autour de la cour, constituait le quartier des esclaves et la cuisine était dans cette partie.
13:37 Plusieurs voisins et amis se sont rassemblés pour porter secours et combattre le feu.
13:44 Un de ses voisins, qui vivait juste de l'autre côté de la rue, était le juge Jean-François Canonge.
13:52 Bien sûr, il avait eu vent de ces rumeurs à propos des esclaves emprisonnés et forcément s'est mis à demander qu'en est-il des esclaves.
14:03 Une esclave enchaînée à la cuisinière avoue avoir mis le feu pour se libérer du fou de sa maîtresse.
14:10 Elle insiste, il y a beaucoup d'esclaves enchaînés dans le grenier.
14:16 La porte était verrouillée et cadenassée de l'extérieur et on pouvait entendre des cris et des pleurs en provenance de l'intérieur.
14:22 Il a fallu un pied de pitch pour enfoncer la porte.
14:26 Madame Lallory a fait aménager cette chambre spéciale, un cachot qui n'est rien de moins qu'une salle de torture.
14:34 Au grenier, on a trouvé ces esclaves, dont les murs portants étaient enchaînés, suspendus par le cou.
14:42 D'autres portaient de lourds colliers d'acier. Ils étaient émaciés, avaient été battus.
14:50 Beaucoup de gens se trouvant dans cette pièce étaient morts, mais il y avait quelques survivants qu'on a transportés dans des hôpitaux de charité pour qu'ils y reçoivent des soins médicaux.
15:03 Ils étaient pratiquement morts et tout le monde les a vus. Si bien que s'il y avait eu des rumeurs à propos de sa conduite, maintenant on en voyait la preuve.
15:15 Pendant ce temps, rue Royale, les Lallory se sont enfermés chez eux. Ils surveillent avec appréhension la foule.
15:24 La foule se mise à se rassembler autour de la maison et tout en laissant leur colère monter, ils attendaient que le shérif vienne l'arrêter.
15:35 Furieux, les gens leur crient des insultes et les invitent à sortir pour les lyncher.
15:42 Et, vif comme l'éclair, Bastien, son majordome, amène une voiture devant la porte d'entrée, elle saute à bord et puis elle prend la route du Bayou en direction du lac.
15:55 Aujourd'hui, on a des preuves que les Lallory avaient de la famille sur la rive nord du lac.
16:00 Il y a également des documents qui démontrent que dans les semaines qui ont suivi, la famille Lallory était à New York et s'embarquait sur un bateau pour Paris.
16:09 Nous savons précisément à quel moment ils se sont embarqués pour la France.
16:15 Et nous connaissons même le nom d'une navire à bord duquel ils ont voyagé, puisque le poète américain William Colin Bryant était sur le même bateau.
16:22 Il a rapporté le fait dans son journal.
16:26 Bien sûr, tout le monde connaissait cette histoire et il a écrit « Madame Lallory était à bord et elle semble avoir été très embêtée par la manière dont les passagères américains la traitaient et l'ignoraient. »
16:39 Et il ajoute « On l'a souvent vue en larmes. »
16:44 Donc, ils sont arrivés en France et se sont d'abord rendus dans le village du Dr. Lallory, Villeneuve-sur-Lac.
16:51 Puis, ils se sont rendus à Paris où ils se sont installés dans un grand appartement.
16:58 Et éventuellement, le Dr. Lallory partira. Je crois qu'il en avait finalement eu assez d'elle.
17:05 Il se rendra à la Havane et ne se reverront jamais.
17:11 Elle continuera à vivre là jusqu'à sa mort en 1849.
17:16 Ses funérailles auront lieu à Paris et elle sera inhumée au cimetière Montmartre.
17:25 Mais en 1851, son corps fut exhumé et retourné en Louisiane où il repose aujourd'hui dans une tombe à Saint-Louis, dans le cimetière No. 1.
17:37 Le personnage de Delphine Lallory a marqué l'histoire de la Louisiane.
17:43 Stigmatisé par l'horreur, les passants de la Nouvelle-Orléans ont longtemps affirmé avoir entendu des cris et des pleurs
17:50 venant de la riche demeure abandonnée par l'infâme maîtresse.
17:56 La maison Lallory, à la Nouvelle-Orléans, est aujourd'hui une référence pour les amateurs de sensations fortes.
18:06 Les guides touristiques se plaisent à raconter l'histoire sordide de Mme Lallory et de ses esclaves.
18:12 À quelques rues de là, les petites maisons de bois témoignent discrètement d'une histoire plus sordide encore.
18:19 Arrivé derrière la maison, il s'arrête, attentif.
18:28 Il n'y a aucune lumière derrière les fenêtres.
18:31 Ou bien les locataires sont absents, ou bien ils dorment.
18:36 L'inconnu s'approche de la porte.
18:38 À cause de la chaleur, les occupants ont laissé le bâton intérieur ouvert.
18:44 Seule la porte moustiquaire est fermée.
18:47 Elle est verrouillée de l'intérieur.
18:49 Il sort de sa poche un rasoir coupe-choux, l'ouvre et découpe un coin du fin grillage.
18:57 Son cisaillage terminé, il y glisse sa main et à tâtons, cherche le verrou.
19:04 Un verrou qu'il fait glisser sans problème.
19:07 La voie est libre.
19:10 Pendant un instant, l'homme reste là, sur le palier.
19:14 De sa poche révolver, il sort une lampe d'aileau.
19:18 L'homme sourit.
19:20 Il connaît bien cette petite épicerie pour y être venu maintes fois.
19:25 Au gré de son exploration, il aperçoit une hache.
19:29 Il la prend par le manche, la lève à bout de bras.
19:33 Puis, hache à la main, il monte à l'étage.
19:37 "Il est temps", se dit-il.
19:42 L'intrus sent dans sa poitrine son cœur qui bat la chamade.
19:46 La hache levée à bout de bras est là-bas sur la tête de l'homme endormi.
19:52 L'assassin relève son arme et assassine aussi la femme.
19:56 Puis, comme si cette boucherie était insuffisante, il sort de sa poche son rasoir et leur tronche la gorge, à l'un et à l'autre.
20:05 Une fois son crime consommé, il range sa lame, reprend sa hache et quitte les lieux.
20:11 Il regagne Magnolia Street en fredonnant "When the Saints Go Marching In".
20:17 Après tout, rien ne vaut un petit air de jazz pour décompresser.
20:23 La nuit, la Nouvelle Orléans s'anime sur des airs de jazz.
20:27 En 1911, puis en 1918, le jazz a servi de trame sonore à deux mystérieuses vagues de meurtres en série.
20:35 Celles du tueur à la hache.
20:37 "Le crime le plus résolu de l'histoire de l'humanité est probablement celui du tueur à la hache.
20:44 Une série de meurtres à la hache s'est déroulée entre 1911 et 1912 dans la partie ouest de l'état de la Louisiane, près de la frontière du Texas.
20:53 Ces meurtres semblaient se rapprocher de la ville, puis vers la fin de l'année 1912, ils se sont arrêtés.
21:00 Puis en mai 1918, les crimes ont repris, mais cette fois dans la ville de la Nouvelle Orléans."
21:05 "La seconde vague de meurtres du tueur à la hache est particulièrement sanglante.
21:10 Elle débute la nuit du 22 mai 1918."
21:14 "Cette personne ou groupe de personnes, parce que certains croient qu'il n'y a plus d'un coupable,
21:20 s'introduisait durant la nuit par la porte arrière des demeures en cisaillant la moustiquaire pendant que les gens dormaient.
21:28 Une fois entrés, ils les frappaient avec une hache, ou parfois leur tranchaient la gorge avec un rasoir."
21:37 "Après avoir fracassé la tête de Joseph et Catherine Maggio, le tueur, par précaution ou par sadisme,
21:43 leur tranche la gorge, question de qu'ils finissent le travail.
21:47 Sur ce, ils tournent les talons et disparaissent dans la nuit."
21:52 "Quelques instants après le crime, et ce malgré la sévérité de ces blessures,
21:57 Joseph Maggio reprend conscience et hurle à l'aide."
22:01 "Ce sont ses frères, Jack et Andrew, qui habitent un appartement aménagé de l'autre côté de la maison, qui courent à son chevet."
22:09 "Mais en arrivant sur place, ils trouvent le moribond de nouveau inconscient."
22:16 "Il meurt quelques minutes plus tard."
22:19 "C'est la consternation. Pendant un temps, des enquêteurs suspectent les frères Maggio du crime."
22:26 "Mais ceux-ci ont des alibis confirmés."
22:30 "La police envisage alors la piste en rôdeur, qui aurait assassiné les Maggio pour les voler."
22:36 "Il ne semble pas y avoir de motif particulier à ces meurtres."
22:40 "Ce n'était pas pour le sexe, car il n'y avait pas de viol."
22:43 "Ce n'était pas pour de l'argent non plus, puisqu'il n'y avait pas de vol."
22:47 "Le seul indice laissé par l'assassin est cette hache maculée de sang retrouvée près de la porte arrière."
22:54 "Cette affaire de meurtre à la hache rappelle aux néo-orléanais de bien macabres souvenirs."
23:00 "En 1911, trois épiciers italiens et leur femme ont été assassinés à la Nouvelle Orléans."
23:08 "Le modus operandi du tueur était toujours le même."
23:14 "L'assassin s'introduisait dans la demeure de ses victimes en cisaillant la moustiquaire arrière et les tuer à coup de hache."
23:21 "Une arme qu'il abandonnait sur les lieux du crime."
23:24 "Des coups de feu auraient eu tendance à attirer l'attention."
23:28 "Il est probable que le tueur à la hache, celui qu'on surnomme le tueur à la hache, ait utilisé une hache parce que c'était une arme facilement disponible."
23:37 "Tout le monde possède une hache."
23:39 "Et de fait, lors de certains de ces meurtres, la hache a été identifiée par les survivants comme appartenant à la victime."
23:47 "Il est probable que le meurtrier arrivait à la maison et attrapait la première arme qui lui tombait sous la main après s'être introduit par la porte arrière."
23:55 Avec l'assassinat du couple Maggio, la presse s'interroge.
24:00 Le mystérieux tueur à la hache de 1911 aurait-il repris du service ?
24:05 "Définitivement, je crois que les meurtres sont reliés."
24:09 "Ceux qui se sont déroulés en 1911-1912 et ceux qui se sont déroulés à la Nouvelle Orléans en 1918."
24:16 "Plusieurs pensent qu'il s'agit d'un tueur en Syrie qui aurait été incarcéré pour un autre motif, par exemple des vols, entre les deux séries de meurtres."
24:25 "Une fois libéré à la fin de sa peine, il aurait recommencé dans une autre zone de l'État."
24:31 Le 5 août, une femme enceinte de 6 mois est retrouvée ensanglantée dans sa résidence.
24:40 "C'est un tueur en Syrie."
24:42 5 jours plus tard, c'est un certain Joseph Romano qui est assassiné dans son sommeil.
24:53 Les policiers découvrent encore une fois que l'assassin est passé par la porte de derrière en découpant la moustiquaire.
25:01 Il apparaît de plus en plus évident qu'un tueur en Syrie a fait de la Nouvelle Orléans son terrain de chasse.
25:08 "Beaucoup de gens, incluant des policiers, ont cru que la mafia pouvait avoir un rôle à jouer dans ces affaires, parce qu'il y avait une sorte de processus d'exécution dans ces meurtres."
25:19 "La motivation semblait relever d'un manège de chantage de la main noire."
25:23 "La main noire est une tactique de chantage que la mafia avait développée et perfectionnée dans les premières années du 20e siècle."
25:28 "En un mot, un racket de protection. Voilà ce que c'était devenu."
25:32 "Vous menacez le propriétaire d'un commerce, il doit vous payer ou quelque chose de désagréable va lui arriver."
25:38 "Et dans ce cas-ci, ce désagrément était l'assassinat."
25:41 Charles Cortimiglia, sa femme Rose et leur fillette de six mois sont agressés dans leur sommeil.
25:49 Les époux, encore une fois des petits commerçants, survivent à leur blessure, mais pas leur enfant.
25:57 Remise de l'attaque, Madame Cortimiglia accuse bientôt des épiciers rivaux, Frank Giordano et son père, Yorlando, d'être les agresseurs.
26:11 Les Giordano sont arrêtés. Madame Cortimiglia reviendra éventuellement sur son témoignage, forçant la relaxe des Giordano.
26:23 Quatre jours après l'agression contre les Cortimiglia, le Times-Picayune, le plus important quotidien de la Nouvelle-Orléans, publie une lettre signée apparemment par le tueur.
26:36 En mars 1919, quelqu'un s'identifiant comme le tueur à la hache, écrit une lettre au Times-Picayune en affirmant qu'il allait perpétrer sa prochaine attaque à un moment précis, minuit 15,
26:50 s'il allait épargner quiconque ferait jouer du jazz dans sa maison.
26:55 Et bien sûr, cela a plongé la population dans une frénésie musicale. De toutes les maisons émanaient des airs de jazz, de peur que s'ils ne le faisaient pas, le tueur à la hache allait venir chez eux.
27:08 À ce point, les gens croyaient avoir affaire à une sorte de créature surnaturelle. Il a même utilisé la méthode de Jack l'Éventreur, en disant qu'il expédiait cette lettre depuis l'enfer.
27:23 Le 19 mars, aucune agression n'est rapportée. Il faut dire que ce soir-là, les citoyens n'ont jamais autant fait jouer du jazz sur leur gramophone.
27:33 Maintenant, s'agit-il d'une blague imaginée par quelqu'un ou est-ce vraiment le meurtrier? Personne ne sait.
27:42 Le 27 août, Steve Bocca, un épicier, est agressé dans sa résidence d'Elysian Fields Avenue.
27:51 Le 3 septembre, un homme se glisse par la fenêtre de la chambre de Sarah Lohman et la frappe à coup de hache.
27:59 Par miracle, la femme survit à ses blessures.
28:03 La dernière attaque du tueur à la hache s'est produite en octobre 1919. Un épicier nommé Michael Pippitone est assassiné dans son lit.
28:12 Son épouse n'a pas été blessée, bien qu'elle ait été là au moment de l'attaque.
28:17 Ce sera la dernière attaque du tueur à la hache. Et même cette attaque sera remise en question par les experts parce que le tueur n'a pas utilisé une hache.
28:25 Le tueur a utilisé une barre de fer ou une lourde pièce de métal, ce qui nous ramène à l'hypothèse que c'est peut-être le seul objet qu'il ait pu attraper lorsqu'il est entré dans la maison à 2 heures du matin.
28:36 Ce sera la dernière attaque et personne ne sait pourquoi les attaques s'arrêteront là.
28:43 Aucun autre meurtre portant la signature du tueur à la hache ne sera jamais rapporté à la Nouvelle-Orléans ni dans les environs.
28:53 À l'instar du célèbre Jack l'Éventreur, qui a fait trembler Londres 29 ans plus tôt, l'assassin de la Nouvelle-Orléans ne sera jamais appréhendé.
29:03 La police fera même référence au cas de Jack l'Éventreur. Dans un article, un détective à la retraite, John D'Antonio, dira "Jack l'Éventreur n'a jamais été capturé, alors ne comptez pas sur nous pour capturer le tueur à la hache".
29:16 Et bien sûr, ils ne l'ont jamais capturé.
29:20 Depuis, le mystère de son identité n'a cessé de faire fantasmer les amateurs de crimes.
29:29 Pendant un temps, plusieurs d'entre eux ont accusé un certain Joseph Monfrey d'être le meurtrier fantôme.
29:37 Mon sentiment est que Joseph Monfrey était le tueur à la hache. C'était un membre de la Main Noire qui pratiquait l'extorsion.
29:45 Il a passé un moment en prison pour avoir lancé une bombe dans une épicerie. Il était à la Nouvelle-Orléans et connaissait Madame Pépétone.
29:54 Elle a épousé un autre propriétaire d'épicerie d'origine italienne nommé Monsieur Abano, lequel a disparu à Los Angeles. On l'a présumé mort, on ne l'a jamais revu.
30:07 Joseph Monfrey était venu à la maison de Madame Pépétone pour lui réclamer 500 dollars.
30:14 Monfrey avait probablement kidnappé Monsieur Abano et réclamait une rançon à Madame Pépétone, qui l'a abattue.
30:24 Après la mort de cet homme, il n'y a plus jamais eu de crime à la hache.
30:29 Et sans preuve pour vraiment appuyer cette thèse et solutionner les crimes, cela porte à croire que c'était relié à la mafia et que cette femme savait qui était le meurtrier à la hache.
30:42 Le tueur à la hache n'a jamais été capturé, jamais amené devant une cour de justice, personne n'a jamais témoigné contre lui, il n'a jamais été condamné. Nous ne savons tout simplement pas qui il était.
30:54 Qui était alors le mystérieux tueur à la hache de la Nouvelle-Orléans ? S'agissait-il vraiment d'un membre de la mafia italienne ou bien d'un psychopathe amateur fou de jazz ?
31:04 Le meurtrier n'a jamais été pris, ainsi son histoire demeure telle un mystère dans les annales de la ville.
31:10 Mais c'est quelque chose qui a effrayé beaucoup de gens et qui a laissé un souvenir indélébile dans notre ville.
31:21 Le jazz, prisé par le tueur à la hache, est un mélange de musiques issus des chants de travail des esclaves noirs de la Nouvelle-Orléans.
31:29 Ce trafic humain allait donner à la ville du péché une signature unique, le vodou louisianais.
31:37 Dans la salle du tribunal, le juge fait son entrée. L'accusé, le fils d'un riche marchand, est anxieux.
31:51 Les preuves contre lui sont accablantes. Trois piments ont été placés sous la chaise du juge ce matin-là.
31:59 Le magistrat les repousse du pied. Faisant mine de rien, il jette un oeil distrait à l'assistance.
32:06 Il la voit. Elle est là, assise au premier rang, elle le fixe de son regard perçant.
32:16 Le juge consulte ses notes. Les procédures commencent. L'accusé sait qu'il n'a aucune chance d'échapper à une condamnation.
32:25 Les preuves parlent d'elles-mêmes. Mais le juge est mal à l'aise avec cette cause.
32:31 Marie Laveau, la grande prêtresse vodou, qui le fixe toujours, est la plus redoutable adversaire de la Louisiane.
32:40 Le juge ne porte qu'un intérêt mitigé aux arguments de l'accusation. Sa préoccupation n'est plus de trouver l'accusé coupable,
32:48 mais de savoir comment, lui, il pourra échapper au mauvais oeil de Marie Laveau.
32:53 Contre toute attente, le juge tranche. Non coupable. À la consternation générale, il quitte le tribunal.
33:05 Personne dans la salle n'avait prévu ce dénouement, sauf Marie Laveau, qui esquisse leur le prévenu un sourire de satisfaction.
33:14 Venue d'Afrique avec les esclaves africains au XVIIIe siècle, la pratique du culte vodou se répond parmi la population noire de la Nouvelle-Orléans.
33:26 Pour la population blanche, il y a péril en la demeure. Ces pratiques mystérieuses sont perçues comme subversives par la bourgeoisie blanche,
33:35 qui ne se sent plus en sécurité nulle part à la Nouvelle-Orléans.
33:39 C'est là qu'une habile mythiste de la Nouvelle-Orléans va changer les mœurs de la ville, Marie Laveau.
33:48 Sous son influence, magie noire, vodou et christianisme vont enfin cohabiter.
33:55 Quelque chose d'intéressant à propos de la Louisiane, c'est que le culte vodou est la seule religion afro-catholique à s'être développée en Amérique du Nord.
34:04 Et c'est parce que la Louisiane était à la fois française, espagnole et catholique, et non pas anglaise et protestante.
34:13 Il n'y avait rien dans la religion protestante à quoi les esclaves africains pouvaient se rattacher.
34:21 Alors ça ne s'est pas développé dans le reste du Sud.
34:25 Après la disparition de son premier mari, la veuve Paris, comme on l'appelle alors, se trouve un emploi comme coiffeuse.
34:36 Ce travail lui permet de côtoyer les femmes blanches et créoles de la Nouvelle-Orléans.
34:41 C'était une femme éduquée, qui parlait plusieurs langues et qui avait suivi une formation de coiffeuse.
34:48 A titre de dot, son père lui avait acheté une propriété dans le quartier français, lors de son mariage avec Jacques Paris, un homme de couleur mais libre.
34:56 Quelques mois après le mariage, Jacques Paris disparaît mystérieusement, et elle commence à se faire appeler la veuve Paris.
35:03 Elle prétend que son mari a été tué, car à l'époque, à titre de femme catholique, elle ne pouvait pas obtenir le divorce.
35:09 Elle aurait été considérée comme une femme abandonnée.
35:12 Les veuves sont respectées, et comme c'est une femme d'affaires, elle avait besoin du respect de la communauté.
35:17 Elle insistait pour se faire appeler la veuve Paris.
35:20 Autour de 1826, elle entre dans une relation de concubinage avec un homme blanc, descendant de la noblesse française, nommé Christophe Clapion, et ils auront sept enfants ensemble.
35:35 Elle a de l'entrejambe, et ses épouses frustrées se livrent facilement à elle, le formant de derniers scandales et des rumeurs les plus choquantes.
35:46 Peu à peu, Marie Laveau devient la gardienne des secrets escabreux de cette bourgeoisie féminine.
35:52 En tant que coiffeuse, Marie Laveau était également infirmière, parce qu'à l'époque, les coiffeuses et les barbiers étaient autorisés à poser certains gestes chirurgicaux, comme retirer des verrues ou des kystres.
36:04 Elle n'avait pas de boutique, et elle se déplaçait dans les maisons pour coiffer les dames.
36:09 Quelques-unes étaient malades, avaient un mal de gorge ou un petit bobo, et elle les soignait également.
36:15 Marie s'est écoutée. Elle s'est aussi utilisée ses informations à bon escient.
36:20 Son omniscience de la vie mondaine lui vaut bientôt la réputation d'être une voyante extra-lucide, et ça lui plaît.
36:30 "Ses clientes croyaient qu'elle savait tout et qu'elle était capable de prédire l'avenir. Et bonne part de ce talent venait probablement du fait qu'elle était coiffeuse.
36:39 Elle coiffait toutes les femmes, et on sait que celles-ci aiment bien parler lorsqu'elles se font coiffer.
36:44 Alors elle entend tous les commérages de la ville, ce qui contribue également à construire sa réputation de femme savante, alors qu'en fait, elle était simplement bien informée."
36:54 Elle offre des consultations et débute un commerce de gris-gris, d'amulettes, de talismans et de filtres d'amour.
37:05 Les affaires vont rondement, et Marie s'impose de plus en plus comme une puissante prêtresse voudou.
37:10 "Marie Laveau était une prêtresse du culte voudou, et le voudou est une religion...
37:17 Elle ne pratiquait pas la sorcellerie ou la magie noire, qui sont des pratiques totalement différentes.
37:24 Dans toutes les religions, vous avez la religion et les rites. Vous pouvez être religieux sans pratiquer les rites, et vice-versa."
37:33 Marie Laveau rencontrait diverses clientes ou membres de sa congrégation chez elle, le Saint-Anne,
37:39 et elle pratiquait divers rituels pour elle, des cérémoniales de guérison,
37:45 et elle fabriquait divers accessoires pour elle, comme des amulettes, qu'on nomme gris-gris en Louisiane, un nom d'origine sénégalaise.
37:57 Et ces gris-gris prenaient la forme de petits sacs, de petits paquets,
38:02 parfois c'était un liquide dans une bouteille, que vous deviez verser dans l'eau avant d'y prendre votre bain,
38:09 ou encore des herbes à l'odeur sucrée, qu'il fallait faire brûler.
38:15 On la voit régulièrement aux réunions de la place Pontchartrain,
38:22 où elle participe aux danses rituelles en caressant un serpent jeté sur ses épaules.
38:27 Après la naissance d'une première fille, également baptisée Marie,
38:33 Marie Laveau quitte son emploi de croisseuse pour se consacrer exclusivement à son commerce vaudou.
38:39 Ses initiatives vont transformer radicalement le visage du culte en Nouvelle-Orléans.
38:46 Chaque semaine, les membres de sa congrégation se rencontraient là.
38:52 Ils priaient et chantaient.
38:55 Des musiciens venaient jouer du tambour et des instruments de musique d'origine africaine.
39:01 Et les gens dansaient en invoquant les esprits.
39:05 Sacrée grande prêtresse vaudou, Marie Laveau comprend le besoin des esclaves de se rattacher à leurs racines,
39:14 et en même temps, cette peur des Blancs devant ces rituels magico-religieux pour le moins insolite.
39:21 Fervente catholique, Marie va introduire, ou plutôt associer,
39:25 certaines figures populaires du christianisme à des personnages du culte vaudou.
39:30 Dans les années 1830, le vaudou, qui est un amalgame de pratiques spirituelles et de religions africaines,
39:40 et de catholicisme, était très largement accepté.
39:48 Mais, le temps passant, et la Louisiane devenant de plus en plus américaine,
39:52 la répression a commencé.
39:55 Nous avons tendance à craindre ce que nous ne connaissons pas.
39:59 Et quand le vaudou est arrivé dans la ville, même si les religions du Congo avaient été présentes depuis plus d'un siècle,
40:05 c'était sous contrôle.
40:07 C'était les esclaves qui pratiquaient ces rituels.
40:10 Alors les gens se fermaient les yeux, c'était un truc d'esclaves.
40:13 Mais le vaudou est arrivé en Nouvelle-Orléans via les gens libres.
40:17 Et on ne pouvait plus le contrôler.
40:19 Et je crois que c'est de là qu'est née la peur.
40:22 Et la police a commencé à interrompre les cérémonies vaudou et à arrêter les participants.
40:27 Mais ce n'était jamais parce qu'ils avaient pratiqué le vaudou.
40:31 Ils utilisaient une loi interdisant des réunions mixtes, c'est-à-dire un rassemblement réunissant des esclaves et des gens libres.
40:38 Et rappelons-nous que la congrégation de Marie Laveau, ainsi que les autres congrégations vaudou, étaient fortement mélangées.
40:45 On était très mélangés.
40:47 Le secret des pratiques vaudou est en source de méfiance.
40:52 Marie Laveau invite les journalistes et même la police à assister à ces réunions rituelles.
40:57 Le vaudou perd ainsi, peu à peu, son aura occulte au profit d'une reconnaissance générale.
41:05 Sa réputation grandit de paix avec son influence.
41:12 Des gens viennent des quatre coins de la Louisiane pour la consulter.
41:16 On lui attribue tous les pouvoirs.
41:19 Les politiciens ont recours à ces services pour lesquels elle est payée grassement,
41:24 afin de s'assurer de l'issue d'une élection ou d'une nomination.
41:28 Marie Laveau est apparemment l'élue des dieux, et mieux vaut ne pas s'en faire un ennemi.
41:35 Marie Laveau était très aimée et respectée à la Nouvelle-Orléans.
41:42 Et même dans le reste du pays, les gens venaient de partout pour la visiter, pour la consulter.
41:46 A l'automne 1837, l'arrestation du fils d'un marchand prospère va contribuer à la célébrité de Marie Laveau.
41:59 La riche famille bourgeoise promet à la grande prêtresse vaudou de lui donner une maison près de Congo Square,
42:07 si elle fait innocenter leur fils.
42:10 Le matin du procès, Marie Laveau prend trois piments et se rend à la salle du tribunal.
42:15 A l'insu de tous, elle dépose les trois piments sous la chaise du juge, et prend place dans l'assistance.
42:22 Le juge connaît les sortilèges vaudous, et il comprend le message.
42:27 Après des libérations, il déclare l'accusé non coupable.
42:32 Étaient-ce réellement les influences magiques du vaudou, ou le juge a-t-il connu un autre attentat ?
42:37 Le juge vaudou, ou le juge a-t-il craint que Marie Laveau, la femme qui sait tout, ne révèle à son sujet quelques secrets inavouables ?
42:44 Heureux de la tournure des événements, le commerçant offre à la prêtresse une petite maison cise au 1020 rue Saint Anne.
42:52 Une maison qu'elle habitera jusqu'à sa mort.
42:55 À sa mort, chaque journal de la Nouvelle Orléans a publié un éloge funèbre ou une note souvenir dont la plupart étaient louangeurs.
43:07 Certains l'étaient moins, mais ils ne représentaient pas l'opinion générale.
43:11 Beaucoup de gens n'avaient pas compris que Marie Laveau était une grande humaniste.
43:17 Elle était aux côtés de Pierre-Antoine durant l'épidémie de fièvre jaune à titre d'infirmière bénévole.
43:22 Elle accueillait les gens chez elle pour les soigner, sans écart pour leur race ou leur capacité de payer.
43:27 Je crois que son héritage social est remarquable.
43:33 Et aujourd'hui, ici, à la Nouvelle Orléans, tout le monde aime Marie Laveau.
43:38 On peut se procurer des poupées à l'effigie de Marie Laveau, acheter des albums à colorier et des poupées de carton Marie Laveau.
43:46 Elle est très populaire.
43:48 Sa petite maison, près de Congo Square, est une attraction touristique très visitée.
43:54 Et Marie Laveau demeure une icône de la culture populaire de la Nouvelle Orléans.
43:59 À sa mort, plusieurs personnes à la Nouvelle Orléans ont signé une pétition adressée à l'Église catholique afin qu'on la canonise.
44:06 Elle était aimée à ce point et on l'aime toujours autant aujourd'hui.
44:09 C'est par milliers que les gens se rendent sur sa tombe afin de lui rendre hommage, lui demander des faveurs, déposer des offrandes.
44:16 C'est la deuxième tombe la plus visitée à la Nouvelle Orléans, juste derrière celle de Louise Percy.
44:22 Née d'un mélange de folklore, de croyances, de superstitions et de magie noire,
44:28 encore aujourd'hui, la Nouvelle Orléans demeure la ville des excès et du vice.
44:32 Son célèbre Mardi Gras, riche en couleurs, n'est que l'expression de cette exubérance synonyme de plaisir.
44:38 C'est une ville comme il n'en existe aucune autre aux États-Unis.
44:41 Et si pour les touristes, la Nouvelle Orléans est la ville qui a vu naître le jazz,
44:45 elle est aussi celle de Marie Laveau, de Delphine Lallory et du mystérieux tueur à la hache.
44:51 Une ville de contraste et de sortilège.
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45:43 Merci à tous !