Stéphane Freiss : "Le message de liberté d'expression qu'un professeur doit avoir est en danger"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 18 janvier 2024 : Le comédien et réalisateur, Stéphane Freiss. À partir du 24 janvier, il sera sur la scène du théâtre Antoine dans la pièce : "Le Cercle des poètes disparus".
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00:00 Bonjour Stéphane Fresse.
00:01 - Bonjour.
00:02 - Vous êtes cet acteur toujours souriant, pétillant,
00:04 plein de vie, heureux sur scène, très tôt, sur la toile
00:07 ou sur petit écran. Ce métier d'acteur vous a permis de vous
00:09 épanouir et de fendre la carapace que vous aviez, ados et
00:12 enfants. À partir du 24 janvier, vous serez sur la scène
00:15 du Théâtre Antoine, dans la peau du professeur John Keating,
00:19 immortalisé par Robbie Williams dans le film "Le cercle des
00:22 poètes disparus" en 89.
00:24 Là, c'est une pièce de théâtre. C'est adapté effectivement
00:27 de l'oeuvre de Tom Schulman.
00:29 Stéphane Fresse, est-ce que ce rôle n'est pas déjà un cadeau
00:32 pour vous ?
00:33 - Je vais vous faire une confidence.
00:35 Je fais partie du cercle très fermé des gens qui n'avaient pas
00:37 vu le film, ce qui est fantastique en fait.
00:40 Je n'avais pas de pression par rapport à cette espèce de chose
00:43 un peu mythique que porte le film à travers les générations,
00:46 puisque je me rends compte qu'aujourd'hui encore, des jeunes
00:48 de 20 ans sont accros au film.
00:50 Et voir un film, 40 ans plus tard, un film qui a marqué
00:53 toute une génération, ce n'est pas le voir au moment où on le
00:57 voit, parce qu'il s'est passé 40 ans et qu'on ne se remet
01:00 jamais complètement dans l'époque, parce qu'on est marqué par
01:02 ces 40 ans. Et pendant ces 40 ans, il se sont passés tellement
01:05 de choses qui font dire au film autre chose que ce qu'il dit.
01:08 Donc, en fait, moi, je suis arrivé très tranquille là-dessus.
01:10 Je savais que Robin Williams avait marqué le rôle,
01:13 mais je dois dire que je me suis senti assez libre.
01:17 - On se rend compte à travers cette oeuvre à quel point la place
01:21 du professeur est essentielle, à quel point un professeur peut
01:24 aussi changer des vies et permettre à certains enfants,
01:27 certains ados, de se découvrir.
01:29 - On se rend compte aussi combien un professeur n'est plus libre
01:32 de faire son métier et combien ça fait du bien d'entendre
01:35 Keating, d'entendre un homme qui n'en a rien à foutre
01:39 des limites.
01:41 Parce qu'aujourd'hui, c'est compliqué.
01:42 Regardez l'attitude des élèves vis-à-vis des professeurs et même
01:46 des professeurs vis-à-vis des élèves, dans certains cas.
01:48 Les rapports ont tellement changé, mais si vous gardez ce rapport
01:53 de respect, on fait entendre tout un discours, tout un message.
01:56 La première raison pour laquelle j'ai choisi de faire ce spectacle,
01:59 c'est parce que justement, nous sommes en danger.
02:02 Notre école est en danger.
02:04 Le message de liberté, liberté d'expression qu'un professeur
02:08 doit avoir est en danger.
02:10 C'est essentiel aujourd'hui, par le théâtre par exemple,
02:13 de le faire entendre.
02:14 Il y a quelque chose qui touche à l'empathie, à l'émotion.
02:17 Qui n'a pas rêvé d'avoir un John Keating comme professeur ?
02:20 - Est-ce que ce n'est pas ça aussi la vie ?
02:22 C'est d'avoir besoin aussi et d'accepter que les autres nous nourrissent ?
02:26 Nous on dit que des voix nous prennent par la main ?
02:28 - Oui, évidemment.
02:30 Évidemment, la vie, c'est des rencontres.
02:33 Après, il faut savoir les lire.
02:35 Je comprends avec le temps que ce n'est pas moi qui ai choisi mes
02:39 personnages, que ce sont eux qui m'ont choisi.
02:41 Et l'addition de tous ces choix, qui s'est faite un peu à mon insu,
02:46 m'a construit dans ce qui m'a donné beaucoup de bonheur jusqu'à
02:50 présent et beaucoup de... et certainement un peu de frustration.
02:54 Mais c'est normal parce que ça me renvoie à moi-même.
02:56 Donc, à ce que j'aimerais, qui chez moi évolue, bouge, grandisse encore,
03:01 se remettre en question un peu plus.
03:02 Franchement, je pense que c'est très beau de se servir de la voix de John Keating
03:05 pour prêcher la bonne parole, mais il faut qu'elle résonne aussi à l'intérieur de moi.
03:09 Donc, en fait, oui, c'est pour ça que je le fais.
03:11 C'est pour vraiment réveiller mon sens critique sur le monde et sur moi-même.
03:16 - Tout est basé sur le fameux Carpe Diem.
03:18 Est-ce qu'aujourd'hui, vous acceptez et vous vivez Carpe Diem ?
03:21 - C'est très difficile. J'essaye d'être fragilisé.
03:24 Les jeunes que j'ai autour de moi me font un bien fou.
03:26 Ils sont intelligents, sensibles.
03:28 Je les regarde faire, je les regarde vivre.
03:30 Ils m'aident à grandir.
03:32 Mais je constate aussi que beaucoup de choses qui viennent impacter ma vie
03:36 aujourd'hui parlent de transmission, comme par hasard.
03:39 - Capitaine au capitaine, merci beaucoup, Stéphane Freyze, d'être passé dans le monde
03:44 d'Elodie sur France Info. Ça s'appelle "Le cercle des poids disparus".
03:47 - Effectivement, il faut aller le voir sur scène.
03:49 C'est au Théâtre Antoine à partir du 24 janvier prochain.
03:52 Merci beaucoup. - Merci à vous.