Vidéo en lien avec le chapitre « Les NTIC sauveront-elles le capitalisme ? » écrit par Gilles Rotillon dans le livre Humanité et numérique, coordonné par Servane Mouton aux éditions Apogée. Les technologies numériques ont deux types d'effets qui contribuent à la crise sociale qui marque aujourd'hui les sociétés capitalistes. Le premier est celui de la relation au travail, de sa perte de sens pour beaucoup qui a conduit à ce que certains ont qualifié de grande démission pour désigner ces travailleurs qui quittaient leur emploi du jour au lendemain. Le second est celui de l'utilisation des technologies numériques pour des fins de surveillance des individus. [...]
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00:00 Les technologies numériques ont deux types d'effets qui contribuent à la crise sociale
00:13 qui marque aujourd'hui les sociétés capitalistes.
00:15 Le premier est celui de la relation au travail, de sa perte de sens pour beaucoup, qui a conduit
00:21 à ce que certains ont qualifié de « grande démission » pour désigner ces travailleurs
00:25 qui quittaient leur emploi du jour au lendemain.
00:27 Le second est celui de l'utilisation des technologies numériques pour des fins de
00:32 surveillance des individus.
00:34 Concernant la relation au travail, il faut noter la remise en cause de la division du
00:39 travail et du statut de salarié.
00:41 La première par la mise en concurrence des travailleurs, vivant dans des conditions très
00:46 différentes selon leur pays, ce qui pousse les rémunérations à la baisse.
00:50 Le second avec le mouvement dit d'uberisation, ou la relation de subordination caractéristique
00:57 du rapport salarial, semble avoir disparu pour ne laisser subsister que le libre contrat
01:02 entre deux parties supposées égales.
01:04 Ce capitalisme de plateforme, comme on le désigne parfois, supprime le rapport salarial
01:10 et incite les travailleurs indépendants à s'auto-exploiter en enchaînant les heures
01:15 de travail, en particulier quand la demande est forte, ce qui est utilisé comme argument
01:20 d'efficacité pour justifier leur utilité.
01:22 La forme extrême de cette suppression du rapport salarial survient, comme l'explique
01:29 le sociologue Antonio Cassini avec, je cite, « les micro-travailleurs rivés à leurs
01:34 écrans, qui, à domicile ou depuis des firmes à clics, propulsent la viralité des marques,
01:40 filtrent les images pornographiques et violentes, ou saisissent à la chaîne des fragments
01:45 de texte pour faire fonctionner des logiciels de traduction automatique ».
01:49 La dernière illustration de cette tendance à l'exploitation des travailleurs via les
01:54 technologies numériques vient d'être donnée par le célèbre ChatGPT, où des
01:59 kényans payés une misère et travaillant dans des conditions inhumaines ont été employés
02:04 pour repérer les contenus toxiques sur le web.
02:06 Car contrairement à l'idée commune d'une intelligence artificielle autonome, celle-ci
02:12 ne peut fonctionner qu'avec ces travailleurs de l'ombre qui servent autant à entraîner
02:16 les machines qu'à valider leurs résultats.
02:18 Loin d'avoir disparu, le travail est invisibilisé et fourni par ce sous-prolétariat payé à
02:25 la tâche.
02:26 Les technologies numériques servent davantage à intensifier le travail de populations
02:31 invisibles qu'à le faire disparaître.
02:33 Et il faut aussi noter l'exploitation brutale de centaines de milliers de travailleurs
02:39 esclaves par l'industrie minière, dont un bon nombre d'enfants, pour extraire les
02:44 ressources nécessaires à ces technologies.
02:45 La seconde conséquence du développement des technologies numériques dans la société
02:52 est due à leur utilisation pour des fins de surveillance des individus.
02:56 Si les raisons données pour exercer cette surveillance sont acceptables, lutte contre
03:00 la pédophilie, le terrorisme ou l'hameçonnage, ces pratiques s'étendent de plus en plus
03:06 pour surveiller les déplacements ou les conversations de tout un chacun.
03:09 Cette surveillance s'est d'abord développée dans les pays aux pouvoirs autoritaires,
03:15 comme l'Egypte ou la Chine, qui va très loin dans la surveillance de ses habitants,
03:20 avec la mise en place dès 2014 d'un « crédit social » qui fait passer les devoirs avant
03:25 les droits.
03:26 Mais elle est de plus en plus présente dans les pays occidentaux.
03:29 En Italie, Bologna a adopté au printemps 2022 un « smart citizen wallet » présenté
03:36 comme un « portefeuille du citoyen vertueux » qui fait des personnes, des parties d'un
03:41 réseau numérique, un projet défendu par IBM depuis 2008.
03:45 Et la Commission européenne prépare un « portefeuille européen d'identité numérique ».
03:50 Quant à la France, Gabriel Attal, alors porte-parole du gouvernement, explicitait le projet du
03:57 second manta d'Emmanuel Macron en indiquant sa volonté de « redéfinir notre contrat
04:02 social avec des devoirs qui passent avant les droits ». Et si le contrôle social des
04:08 personnes n'a pas encore atteint dans les pays capitalistes occidentaux le degré qu'il
04:13 a en Chine, ce type de déclaration montre qu'il ne s'agit pas d'une différence
04:18 de conception.
04:19 [Musique]