Il faut interdire la formule "Fabriquée en Normandie" sur les camemberts. C’est le sentiment de David Aubrée, président de l’association des fromages AOP de Normandie, irrité par la confusion créée par cette mention utilisée par de grands groupes industriels.
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00:00 Il est 8h16 sur France Bleu, notre studio s'est transformé en chambre d'affinage avec notre invité ce matin,
00:07 qui est David Aubret, président de l'association des fromages AOP de Normandie.
00:11 Et directeur général de la fromagerie Réo, basée à l'essai dans la Manche. Bonjour !
00:15 Bonjour !
00:16 On va parler de cette fameuse guerre du camembert avec le Conseil d'État qui vient de rendre de nouvelles décisions.
00:22 Je vais essayer de résumer les choses, vous allez me corriger, surtout n'hésitez pas à me dire si je me trompe,
00:25 parce que pour beaucoup on est perdu. Quand il est écrit "camembert de Normandie", ça répond aux règles de l'AOP.
00:32 Et le problème, des industriels mettent "fabriqué en Normandie".
00:36 Voilà, oui, donc c'est un terme utilisé depuis de nombreuses années par les industriels,
00:40 pour bien expliquer que le fromage est fabriqué en Normandie.
00:44 Mais ça crée la confusion chez le consommateur.
00:47 Voilà, c'est pour ça que nous on a demandé que ce terme soit enlevé de leur boîte,
00:51 puisqu'ils n'ont pas de cahier des charges comme l'AOP.
00:54 Et la réponse, il me semblait d'ailleurs, depuis le 1er janvier 2021,
00:58 c'était interdit d'écrire "fabriqué en Normandie".
01:00 Oui, alors c'était une demande de la DGCCRF, les fraudes,
01:06 et ça a été respecté par quelques fabricants, mais pas tous.
01:10 L'Actalis a été le plus têtu et a gardé sur la marque président le terme "fabriqué en Normandie".
01:16 Probablement pour garder ses parts de marché également sur ces produits-là.
01:19 Tout à fait, oui.
01:20 Qu'a dit le Conseil d'État ? Est-ce que vous êtes satisfait aujourd'hui ?
01:22 Écoutez, pour l'instant, toutes les décisions au final ne sont pas faites.
01:27 Il y a eu quelques décisions faites, donc il faut être encore patient.
01:32 Mais ils ont dans le bon sens ces premières décisions ?
01:34 Pas forcément, parce qu'en fait, dans un premier temps,
01:38 ils parlent de la date du dépôt de la marque.
01:42 Donc certaines marques qui, historiquement, fabriquaient du camembert de Normandie,
01:47 des marques bien connues...
01:50 Qui répondaient au cahier des charges, qui ont changé leur méthode.
01:54 Ils ont changé leur méthode, ils ont gardé la marque.
01:56 Comme ça, le consommateur, lui, il pense toujours acheter le camembert fabriqué traditionnellement,
02:02 sauf qu'il n'est plus du tout fabriqué traditionnellement.
02:04 On va en parler du consommateur. Est-ce qu'il est perdu ?
02:06 Oui, tout à fait, il est perdu.
02:08 Et puis, avec le pouvoir d'achat qui a fortement baissé,
02:11 le consommateur se rend sur des camemberts un peu moins chers.
02:15 Et forcément, s'il n'y a pas l'appellation d'origine protégée,
02:19 il est perdu. Il pense acheter un AOP,
02:23 mais comme ce sont des boîtes historiques, il n'achète plus de l'AOP.
02:28 Alors, quel serait le message simple et efficace à poser sur les boîtes,
02:32 pour qu'enfin, on sache ce qu'on achète ?
02:34 Que le mot "Normandie" ne soit écrit que sur les camemberts AOP.
02:39 Le mot "Normandie" exclusivement réservé aux AOP, c'est ce que vous demandez ?
02:43 C'est ce qu'on demande depuis de nombreuses années, oui.
02:45 D'ailleurs, on a fait, avec les industriels,
02:50 on a essayé de faire un cahier des charges de 2018 à 2020,
02:54 et leurs techniques sont tellement poussées,
02:57 que le cahier des charges est tombé à l'eau,
02:59 puisque dans l'appellation d'origine protégée,
03:02 on ne pouvait pas autoriser des techniques comme ça.
03:05 D'un point de vue commercial, vous êtes capable de quantifier
03:08 quelles seraient vos pertes en termes de vente,
03:10 parce que le consommateur qui pense acheter de l'AOP, non, n'achète pas ?
03:14 Le camembert industriel normand,
03:17 il représente à peu près 55 000 tonnes,
03:22 et nous on est à un petit 6 000 tonnes.
03:24 Donc si vraiment le consommateur faisait la différence,
03:27 peut-être qu'on pourrait gagner quelques milliers de tonnes dans l'AOP, oui.
03:30 Et donc vous espérez pour quand une décision finale définitive
03:34 et limpide, claire, du Conseil d'État ?
03:37 Je ne donne pas de date, parce que c'est juridique, c'est très long.
03:41 Le message que vous passez en tout cas aux consommateurs ce matin,
03:44 c'est de faire attention, s'il est bien écrit "Camembert de Normandie".
03:48 Camembert de Normandie, et le sigle qui est facile à repérer, jaune et rouge,
03:52 avec l'appellation d'origine protégée.
03:55 Toute dernière question, le cycle annuel des négociations
03:58 s'achève en ce qui vous concerne entre producteur et distributeur.
04:01 Grosso modo, on détermine les prix pour l'année.
04:03 Est-ce que vous avez demandé des augmentations aux industriels,
04:08 à ceux qui commercialisent vos produits ?
04:10 - Alors Zine, comment vous ?
04:11 - Nous, chez Réo, pas dans l'AOP, parce que chacun fait comme il souhaite,
04:17 nous chez Réo, on est restés sur des prix identiques.
04:20 En 2024, on a les énergies qui vont baisser légèrement,
04:24 parce que la guerre en Ukraine est toujours là.
04:26 Et par contre, on a le prix du lait qui va augmenter,
04:30 on augmente encore les primes pour nos producteurs de lait AOP,
04:34 puisqu'on va passer, sur les prochaines années,
04:38 on va passer en 100% Rast-Normande.
04:39 - Donc stabilité, à contrario, est-ce que vous avez eu des interlocuteurs
04:43 qui vous ont demandé de baisser vos prix ?
04:45 - Forcément, les acheteurs, leur job c'est de négocier,
04:48 donc ils ont tous demandé des prix.
04:50 Ça a été virulent, on va dire début décembre,
04:54 lorsque l'État a accéléré les négociations,
04:57 mais en fait, Bruno Le Maire s'est un peu trompé,
05:00 parce que les énergies sont toujours là.
05:03 - Quand il dit Bruno Le Maire, les prix vont baisser ?
05:05 - Pour moi, il s'est trompé, il a voulu faire plaisir aux Français,
05:08 mais d'ailleurs, le Français va le subir,
05:11 l'exercité va encore augmenter,
05:14 donc c'est pareil pour les entreprises.
05:16 - Et pour ça, d'un point de vue plus large,
05:17 on sera fixé le 31 janvier, à la fin de ces négociations annuelles
05:20 qui vont concerner cette année, les grands groupes.
05:22 - Voilà.
05:23 - Merci beaucoup, David Aubray,
05:25 président de l'association des fromages AOP de Normandie,
05:28 invité ce matin, France Bleu, France 3.
05:30 Bonne journée.
05:31 - Merci, à retrouver bien sûr en podcast sur votre application, ici.