Accordant son premier entretien à un média international, le Premier ministre de la transition au Tchad, Succès Masra, a répondu aux questions de France 24. Depuis N'Djamena, il assure "faire totalement confiance" au président Mahamat Idriss Déby Itno, dont il était un farouche opposant. Mais, évoquant l’instabilité de pays voisins, le nouveau Premier ministre estime désormais que la situation tchadienne "vaut bien une réconciliation".
Succès Masra, le plus farouche opposant du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, est devenu à la surprise générale, le 1er janvier, son Premier ministre (de la transition)."Je crois dans la réconciliation nationale (...) Que celui qui est contre la réconciliation me jette la première pierre", s'explique le chef du parti les transformateurs sur France 24.À voir aussiNouveau Premier ministre au Tchad : l'ancien opposant Succès Masra nommé à la tête du gouvernementPerspective présidentielle ? Le Tchad vient de se doter, fin décembre, d'une nouvelle Constitution, adoptée par référendum.Celle-ci est censée paver la voie à des élections et un retour des civils au pouvoir, promis il y a deux ans et demi par la junte militaire, mais repoussés à fin 2024."C'est notre objectif" et "il n'y pas d'éléments aujourd'hui qui puissent montrer qu'il n'y aurait pas d'élections en 2024", assure le Premier ministre de la transition.Interrogé sur sa potentielle candidature à cette élection, Succès Masra a dit vouloir, aujourd'hui, "servir la République", "en tant que Premier ministre&... Lire la suite sur notre site web.
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Succès Masra, le plus farouche opposant du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, est devenu à la surprise générale, le 1er janvier, son Premier ministre (de la transition)."Je crois dans la réconciliation nationale (...) Que celui qui est contre la réconciliation me jette la première pierre", s'explique le chef du parti les transformateurs sur France 24.À voir aussiNouveau Premier ministre au Tchad : l'ancien opposant Succès Masra nommé à la tête du gouvernementPerspective présidentielle ? Le Tchad vient de se doter, fin décembre, d'une nouvelle Constitution, adoptée par référendum.Celle-ci est censée paver la voie à des élections et un retour des civils au pouvoir, promis il y a deux ans et demi par la junte militaire, mais repoussés à fin 2024."C'est notre objectif" et "il n'y pas d'éléments aujourd'hui qui puissent montrer qu'il n'y aurait pas d'élections en 2024", assure le Premier ministre de la transition.Interrogé sur sa potentielle candidature à cette élection, Succès Masra a dit vouloir, aujourd'hui, "servir la République", "en tant que Premier ministre&... Lire la suite sur notre site web.
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NewsTranscription
00:00 Bonjour et bienvenue dans Tête à tête, l'émission de Grandes Interviews de France 24.
00:09 Notre invité aujourd'hui est Success Masra.
00:11 Il a été pendant des années le plus farouche opposant du président tchadien Mahamad Idris Déby.
00:16 Mais depuis le 1er janvier, il est devenu, à la surprise générale, son Premier ministre.
00:22 Une semaine après l'approbation d'une nouvelle constitution par référendum,
00:25 le chef du parti Les Transformateurs a en effet accepté de faire équipe
00:29 avec un homme qu'il a accusé de vouloir perpétrer la dynastie Déby
00:33 et d'avoir orchestré la répression sanglante lors des manifestations d'octobre 2022.
00:38 Il est avec nous depuis N'Djaména pour sa première interview avec un média international.
00:42 Success Masra, merci.
00:45 Merci à vous.
00:47 Pourquoi est-ce que vous avez accepté ce poste ?
00:53 Ce n'est pas le poste qui est la chose la plus importante.
00:56 C'est le moment dans lequel notre pays se trouve aujourd'hui,
01:00 dans un contexte international, avec une nouvelle république,
01:04 parce que nous sommes passés de la 4e à la 5e république, avec une nouvelle constitution,
01:09 avec une nécessité de responsabilité collective pour l'ensemble des Tchadiens et des Tchadiennes
01:16 de se retrouver autour d'un pays, le nôtre, malade, que nous devons guérir ensemble.
01:23 Et je me vois donc dans une sorte un peu d'appel de responsabilité pour servir mes compatriotes
01:32 en apportant à la tête d'une équipe qui travaillera en synergie avec le président de la transition,
01:40 qui depuis l'adoption de la nouvelle constitution, nous faisant passer à la 5e république,
01:44 est devenu aussi pleinement président de la république,
01:48 afin que tous ensemble, nous puissions servir les Tchadiens et Tchadiennes.
01:52 Il est un peu comme un pilote, pilote principal, un commandant de bord,
01:57 qui a bien voulu m'appeler à ses côtés comme un copilote,
02:01 afin qu'avec tout l'équipage et tous les passagers tchadiens,
02:05 nous atterrissions à l'aéroport de la démocratie,
02:09 pour que les Tchadiens et les Tchadiennes, à la fin de cette transition finissante,
02:14 choisissent librement leurs dirigeants.
02:16 Et donc, nous aurions une mission centrale,
02:20 c'est d'être capable d'organiser les meilleures élections possibles,
02:24 et en même temps, d'être ce gouvernement de transition,
02:27 mais aussi d'action pour servir les Tchadiens pendant cette période,
02:30 parce qu'il y a des choses qui ne peuvent pas attendre.
02:32 Donc, je me sens en mission, mission d'un patriote au service de son pays simple.
02:37 Pour certains opposants, et pour filer la métaphore aéronautique,
02:43 monter dans le même avion que Mahamat Idris Déby,
02:45 c'est tout simplement une trahison.
02:48 Que leur répondez-vous ?
02:50 Ça me fait penser à certains, lorsque Nelson Mandela a eu le courage
02:55 de tracer le chemin de la réconciliation nationale,
02:58 je suis un Mandela Phil, donc je crois dans la réconciliation nationale.
03:02 Pour se réconcilier, il ne faut pas être à 100% d'accord,
03:05 sinon il n'y aurait plus le mot réconciliation.
03:07 Ça s'appelle la capitulation, ça s'appelle la soumission.
03:11 Je suis là dans le cadre d'une véritable réconciliation nationale,
03:16 et à l'accord de réconciliation que nous avons signé à Kinshasa,
03:19 sous l'égide du président Félix Sesekedi,
03:23 je sens en qualité du facilitateur désigné,
03:26 de tous les chefs d'État de l'Afrique centrale,
03:28 c'est une première, peut-être africaine aussi,
03:31 où des Tchadiens se retrouvent sur le sol africain
03:34 pour signer un accord de réconciliation sans arme,
03:37 par le dialogue, par l'intelligence collective.
03:40 Et donc oui, il faut être deux pour faire la réconciliation.
03:43 Et donc, celui qui est contre la réconciliation me jette la première pierre,
03:46 mais j'ai l'impression que les Tchadiens ont plutôt massivement approuvé cela.
03:51 Vous avez vu la tournée, la caravane nationale de réconciliation
03:55 que j'ai organisée à l'échelle du pays,
03:57 et je crois que vous avez les images,
03:59 ce n'est jamais arrivé dans l'histoire de ce pays.
04:01 Donc, ce peuple l'a fait confiance totalement,
04:03 et c'est que nous sommes des serviteurs.
04:05 Nous croyons dans la réconciliation qui ne doit pas être un mot,
04:08 mais un acte, une attitude, des actions.
04:11 C'est sur cela que je suis pleinement engagé
04:13 pour aller réconcilier dans une très large mesure,
04:17 et aujourd'hui pour être au service de tous les Tchadiens.
04:19 Est-ce que vous avez totale confiance en Mahamat Idriss Déby ?
04:25 Vous savez, il n'y a pas une unité de mesure de la confiance
04:31 ou une unité de mesure de la sincérité.
04:33 Si vous avez ça, bon, je suis preneur, mais moi je n'en ai pas trouvé.
04:37 Ce que je peux vous dire, je suis totalement sincère dans ma démarche,
04:41 qui est une démarche de service.
04:42 Je peux aussi vous dire une deuxième chose.
04:44 Si le président Mahamat Idriss Déby, il ne nous était pas d'accord,
04:49 pour que nous soyons même d'accord,
04:51 eh bien, nous n'aurions pas eu l'accord.
04:53 S'il n'était pas d'accord que je sois à ses côtés
04:57 pour qu'ensemble, nous puissions travailler à réconcilier les Tchadiens
05:02 et apporter des solutions concrètes à leur vie,
05:04 je ne serais pas à ses côtés.
05:05 Donc, il a été un acteur majeur et déclencheur de ce processus,
05:10 et il a fallu aussi que moi-même, je fasse aussi un pas.
05:13 Il a fallu avoir des regards bienveillants de nos compatriotes africains,
05:18 et puis sans doute, tout cela a permis que nous arrivions là où nous sommes.
05:22 Donc, je crois qu'il est responsable, il est garant de l'unité du pays,
05:27 et donc, il est totalement engagé pour la réconciliation,
05:29 et c'est sur cela que je suis totalement engagé.
05:32 Donc oui, aujourd'hui, je lui fais totalement confiance
05:35 pour être responsable et pour que nous soyons ensemble
05:39 loyaux devant le peuple tchadien, patriotes engagés,
05:43 pour servir ce Tchad là, nouveau, dans un environnement où,
05:47 vous le savez, regardez le Soudan voisin,
05:50 regardez la Libye, regardez l'espace Sahel,
05:53 il y a des moments où les enjeux sont tels que,
05:57 comment vous dire, la situation du Tchad vaut bien une réconciliation,
06:01 et vaut bien que nous nous élévions tous à la hauteur des enjeux.
06:06 Et je crois que c'est à l'aune de cela que nos convictions réciproques se sont retrouvées,
06:11 et aujourd'hui, nous allons travailler avec toutes les intelligences tchadiennes
06:14 pour avancer, et avec tous les amis du Tchad pour avancer ensemble.
06:17 Donc oui, il y a eu une confiance qui est là et qui est le sous-basement,
06:21 sans lequel je ne serais pas là où je suis aujourd'hui.
06:24 On se souvient que vous aviez fui le Tchad suite aux manifestations
06:28 et à la répression sanglante en octobre 2022.
06:32 Il y a une amnistie qui a été déclarée pour les civils,
06:34 mais aussi pour les policiers et les militaires.
06:36 Vous avez longtemps réclamé que justice soit faite.
06:39 Là, vous acceptez que justice ne sera pas faite.
06:44 Non, ça c'est votre interprétation.
06:47 Est-ce que la signature d'un accord de Masra, seul, suffit à arrêter la justice ?
06:55 Vous me donnerez plus de pouvoir que même un président de la République
06:58 dans une République normale.
07:00 Même un roi n'arrêterait pas la justice par une simple signature.
07:06 Si on considère que se réconcilier n'est pas important, ça c'est autre chose.
07:13 Mais je crois que l'essentiel des Tchadiens croient dans la nécessité
07:16 de la réconciliation nationale.
07:18 Et donc je crois dans une justice qui n'est pas une revanche.
07:24 La justice, ce n'est pas la vengeance.
07:26 Certains, peut-être auxquels vous faites allusion,
07:29 confondent la justice et la vengeance.
07:31 Dans mon esprit, la justice, c'est quelque chose qui doit élever une nation,
07:35 mais pas quelque chose qui doit décimer une nation.
07:37 Est-ce qu'il y a eu des douleurs ?
07:38 Oui, il y a eu des douleurs.
07:40 Est-ce qu'il y a eu des morts inutiles ?
07:42 Oui, il y a eu des morts inutiles.
07:44 Dans toute l'histoire de notre pays,
07:46 l'occasion est devant nous d'être non pas des analystes de l'histoire,
07:52 mais de faire partie de cette histoire et de dessiner un avenir meilleur.
07:55 Donc je suis tourné vers l'avenir.
07:56 Nous passons à la Ve République,
07:58 mais avec l'obligation de penser les plaies,
08:03 de réconcilier les cœurs,
08:05 de guérir les blessures
08:07 et de nous inscrire dans une dynamique pour que le passé ne revienne plus.
08:11 Voilà la responsabilité collective qui est la nôtre.
08:14 C'est dans ce chemin-là que je m'inscris.
08:16 Je suis quelqu'un qui croit dans la justice et dans l'égalité,
08:19 dans la diversité et dans la dignité.
08:21 Et c'est ce corpus de valeurs-là que je viens de défendre aujourd'hui
08:25 en tant que chef du gouvernement,
08:27 à côté du président de l'exécutif,
08:29 qui est le président de la transition.
08:30 Il faut deux frères pour s'asseoir à la table.
08:33 Et donc oui, nous avons fait le pas,
08:36 il a fait le pas et d'autres, Tchadia, vont faire le pas.
08:38 Et ensemble, je suis convaincu que nous allons dessiner un avenir meilleur
08:42 que ce que nous a réservé l'histoire.
08:44 Voilà notre responsabilité aujourd'hui pour demain.
08:46 - Success Massara avec l'adoption de la nouvelle constitution,
08:49 votre nomination, est-ce que vous avez obtenu de la part du président de la transition
08:54 une garantie que des élections auront bel et bien lieu cette année, en 2024 ?
09:01 - Nous travaillons ardemment pour que ça le soit.
09:03 Et il n'y a pas d'élément aujourd'hui qui puisse, en tout cas,
09:08 montrer qu'il n'y aurait pas d'élection en 2024.
09:10 C'est ça notre mission, c'est ça notre objectif.
09:14 Et nous allons avoir l'occasion de dérouler cela
09:16 dans une sorte aussi de consultation globale des Tchadiens et des Tchadiennes,
09:20 qui sont suffisamment matures pour dessiner ensemble la chronologie,
09:25 les actions nécessaires afin de nous permettre de terminer la transition,
09:30 parce que les Tchadiens veulent que nous revenions
09:32 de façon ordonnée à l'ordre constitutionnel.
09:36 - Alors évidemment, on se pose la question,
09:37 est-ce que vous serez candidat à cette élection ?
09:40 Parmi les nouveautés du texte de la constitution,
09:44 l'âge minimum a été fixé à 35 ans, ce qui vous permet à vous d'être candidat,
09:47 mais aussi au président Déby, qui avait évidemment promis
09:51 il y a quelques années qu'il ne serait pas candidat.
09:53 Donc est-ce que, évidemment, vous ne pouvez pas parler pour lui,
09:56 mais vous pouvez parler pour vous, est-ce qu'aujourd'hui,
09:58 succès Massra, vous êtes candidat à cette présidentielle
10:01 qui devrait se tenir cette année ?
10:04 - Le président Mahmoud Idriss Déby, nous, lui-même,
10:09 et moi-même, nous sommes d'abord et avant tout des citoyens tchadiens.
10:12 Dans une république, les citoyens, civils ou militaires,
10:16 il est militaire, je suis civil,
10:18 mais les autres sont dans la même catégorie,
10:20 et bien ils sont régi par une seule chose,
10:22 la loi fondamentale, c'est la constitution.
10:24 Vous savez, en France, lorsque le général de Gaulle
10:27 a fait passer la France à la Ve République,
10:29 il était général, il a fait passer à la Ve République,
10:32 il s'était soumis à la constitution,
10:34 il a contribué à la mettre en place.
10:36 Je crois que le général Mahmoud Idriss Déby,
10:39 il, nous, et moi-même, en tant que citoyens tchadiens,
10:41 nous serons régi par ces droits et ces devoirs constitutionnels.
10:46 Après, les rendez-vous entre un homme politique
10:49 ou un homme d'État avec un peuple,
10:51 c'est un choix à la fois personnel
10:53 et un choix qui appartient à chacun.
10:56 Aujourd'hui, je suis candidat à une seule chose,
10:58 candidat à servir les tchadiens et les tchadiennes
11:01 dans la dignité, dans la diversité,
11:03 dans la justice, dans l'égalité,
11:06 avec un Tchad qui doit devenir une terre d'opportunités,
11:10 de protection, de solidarité.
11:12 Vous voyez, je suis concentré là-dessus.
11:15 Moi, je ne suis candidat qu'à servir les tchadiens et les tchadiennes.
11:18 Et là où je suis aujourd'hui, je suis très très heureux
11:20 de pouvoir agir concrètement sur l'ensemble des sujets.
11:24 Demander à tous les tchadiens qui avaient leurs enfants
11:26 à la maison pendant deux mois
11:28 et que la première action de ce premier gouvernement
11:31 de la Ve République du Tchad
11:33 soit de rouvrir les portes de l'école.
11:35 Eh bien, ils sont tous d'accord avec cela.
11:37 Et peu importe la casquette de qui a fait quoi,
11:39 l'important, c'est que les enfants repartent à l'école.
11:41 Voilà les questions concrètes que moi je me pose.
11:43 Je suis à fond en tant que Premier ministre aujourd'hui
11:46 pour servir la République à côté d'un président.
11:49 Et puis, les moments viendront où les gens vont faire leur choix.
11:52 Mais je suis régi, lui comme moi,
11:54 par la seule constitution qui existe dans la République aujourd'hui.
11:56 Succès Massara.
11:57 Merci beaucoup d'avoir répondu aux questions de France 24
12:00 depuis N'Djamena, la capitale du Tchad.
12:02 Et merci à vous d'avoir regardé cette émission sur notre antenne.
12:07 (Générique)