Inondations dans le Pas-de-Calais : "Nous n'apprenons pas de nos erreurs", regrette Marine Tondelier

  • il y a 9 mois
Marine Tondelier, secrétaire nationale du parti Les Ecologistes et conseillère régionale des Hauts-de-France, était l'invitée ce mardi du 6-9 de France Bleu Nord. Elle dénonce l'urbanisation en zone inondable et l'artificialisation des sols, qui aggravent selon elle les inondations dans le Nord et le Pas-de-Calais.

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Transcription
00:00 - Bonjour Marine Tendelier. - Bonjour.
00:01 - Les inondations dans le Pas-de-Calais qui se télescopent avec l'actualité politique
00:05 puisque des ministres, Elisabeth Borne même, était pressentie pour venir aujourd'hui à Arras
00:10 pour participer à une réunion à ce sujet sur le remaniement.
00:13 Alors on n'a toujours pas de nom pour le prochain ou la prochaine première ministre.
00:16 - C'est pas vraiment un remaniement pour l'instant, c'est un démembrement.
00:19 On verra si à un moment il se passe quelque chose.
00:21 - Un pronostic ou une préférence éventuellement ?
00:23 - Alors moi je ne suis pas Madame Irma, je ne fais pas la boule de cristal,
00:25 mais ce que je sais c'est que les gens que j'ai rencontrés et à Saint-Omer
00:29 il y a quelques semaines et hier dans le Montreuil,
00:32 en fait ils attendaient la visite d'Elisabeth Borne,
00:34 ils attendaient que le gouvernement vienne à Arras aujourd'hui
00:36 leur faire les annonces sur comment ils vont être indemnisés.
00:39 Et je ne comprends pas qu'Emmanuel Macron se dise
00:41 "Bah tiens, hop, on va leur faire une petite surprise, personne ne va venir demain"
00:44 ou en tout cas on ne sait toujours pas qui, je ne sais pas si vous avez l'info,
00:46 moi je ne l'ai pas et toi non plus. - Pour l'instant on n'a rien du tout.
00:48 - C'est quand même assez dingue, on a des inondations majeures,
00:50 on a plein de gens qui attendent de savoir comment ils vont être indemnisés, etc.
00:55 des commerçants, des maraîchers, des citoyens.
00:58 Et bah là ils n'ont plus de Premier ministre
01:00 et ils ne savent pas qui vient et qui va faire des annonces
01:02 et s'il y aura des annonces ou pas, je trouve ça très peu respectueux
01:05 de ce qui se passe en ce moment dans notre région.
01:06 - Au-delà des inondations sur lesquelles on va revenir bien évidemment,
01:08 Elisabeth Borne est arrivée au poste de Premier ministre il y a un an et demi,
01:11 mai 2022, est-ce que vous retenez quand même quelque chose de positif
01:15 de son mandat à Matignon, vous avez travaillé un peu avec elle ?
01:18 - Je trouve qu'elle était à l'écoute,
01:20 après vous voyez bien que dans ce gouvernement,
01:22 le cap n'était pas du tout celui que nous aurions souhaité, nous écologistes,
01:25 donc c'est difficile de vous dire ça, j'ai trouvé ça super bien,
01:28 ni les retraites, ni la loi immigration, ni les 49.3 répétition,
01:32 après si vous voulez que je sois positive, je suis capable de l'être,
01:34 et je me disais que tant qu'on avait Elisabeth Borne à Matignon,
01:36 ça n'était pas Gérald Darmanin, ce que je trouverais dangereux à plein d'égards,
01:40 et donc du coup on avait l'impression que c'était parfois le dernier rempart
01:43 sur des sujets comme les libertés publiques,
01:45 quand le ministre de l'Intérieur avait qualifié les écologistes de terroristes,
01:49 quand il a tenté de dissoudre des assos écolo,
01:52 on se disait qu'à un moment, c'était peut-être le dernier rempart.
01:54 Les derniers épisodes sur la loi immigration nous ont montré que pas forcément.
01:58 Marine Tendelier, vous avez donc rencontré hier avec Karima Dehli,
02:01 également eurodéputée de la région des habitants,
02:03 victime des inondations dans le Pas-de-Calais,
02:05 il y a une petite musique qui monte ces derniers jours,
02:07 il faut s'affranchir de certaines règles environnementales
02:09 pour curer, pour nettoyer plus rapidement les cours d'eau,
02:12 on l'entend cette volonté chez certains élus,
02:15 chez des agriculteurs également, qui ont manifesté hier à Boulogne-sur-Mer,
02:18 qu'est-ce que vous en pensez de s'affranchir comme ça des règles pour aller plus vite ?
02:21 Il y a une petite musique dans ce pays qui est facile,
02:23 il y a un problème, c'est de la faute de qui ?
02:25 Des écolos.
02:26 Ça s'appelle un bouc émissaire, vous savez dans l'histoire,
02:28 depuis très longtemps, depuis l'Antiquité,
02:30 quand les politiques n'avaient pas de solution,
02:32 il fallait trouver un bouc émissaire,
02:33 il y a deux caractéristiques du bouc émissaire,
02:35 premièrement, c'est qu'on n'avait pas de solution,
02:37 et deuxièmement, le bouc émissaire est toujours innocent,
02:39 c'est la bonne nouvelle.
02:40 Et donc vous pouvez supprimer tous les écologistes de France,
02:42 et même d'Europe, et même du monde,
02:44 il y aurait quand même eu des inondations dans le Pas-de-Calais,
02:46 vous savez pourquoi ?
02:47 Parce que le Nord-Pas-de-Calais est la deuxième région
02:49 la plus industrialisée, la plus urbanisée,
02:52 la plus artificialisée de France,
02:55 et que quand vous bétonnez un sol,
02:57 au lieu d'être une éponge qui va aspirer
02:59 les précipitations ou une expansion de crues,
03:02 ça devient une toile cirée.
03:04 Et qu'il y a eu de grosses inondations en 2002,
03:06 qu'on n'apprend jamais de nos erreurs,
03:07 donc que le changement climatique a continué de s'intensifier,
03:10 donc toujours plus d'épisodes exceptionnels,
03:12 et que dans le même temps, la résilience de nos territoires
03:14 s'est, elle, dépréciée,
03:16 et qu'on a continué à construire,
03:17 y compris à des endroits où tout le monde savait
03:19 que c'était des zones d'expansion de crues,
03:21 des habitations, des sites, y compris ces vaisseaux,
03:24 et que ça, c'est irresponsable.
03:25 - Donc l'état aujourd'hui des cours d'eau,
03:28 encore une fois je reviens là-dessus,
03:29 parce que c'était le thème de la manifestation hier des agriculteurs,
03:32 le fait que les cours d'eau ne soient pas suffisamment nettoyés,
03:34 pas assez rapidement, encore une fois,
03:36 rien n'a été fait depuis les inondations du mois de novembre,
03:38 il faut laisser ça comme ça, il ne faut pas agir plus rapidement ?
03:40 - Bien sûr qu'il faut le faire,
03:41 mais je ne pense pas que les écolos soient allés faire une chaîne humaine
03:44 pour empêcher du curie en fossé.
03:46 - Il est 7h48, vous êtes sur France Bonne Heure,
03:48 notre invité ce matin est Marine Tendelier,
03:50 conseillère régionale et secrétaire nationale du parti des écologistes.
03:53 Pour revenir sur l'artificialisation des sols
03:56 dont vous parliez à l'instant Marine Tendelier,
03:58 dans le communiqué que vous avez publié hier avec Karim Adeli,
04:00 vous dénoncez justement la politique d'artificialisation des sols
04:03 irresponsable menée par Xavier Bertrand.
04:06 Est-ce que le président de la région et de France
04:07 est responsable de ce qui se passe aujourd'hui ?
04:09 - Écoutez, nous sommes, Karim Adeli et moi,
04:11 élus régional-écologistes.
04:13 Nous faisons, depuis que nous sommes dans ce conseil régional,
04:17 des propositions pour que le climat soit pris en compte
04:20 dans les politiques régionales,
04:21 pour que les risques aussi soient pris en compte
04:23 et nous ne sommes pas écoutés.
04:25 Le SRADET, pour que vos éditeurs comprennent bien,
04:27 c'est le schéma qui dit, dans une région,
04:29 ce qu'on a le droit de faire, de quel territoire,
04:31 comment on va aménager le territoire.
04:33 La région Hauts-de-France a commis l'exploit
04:35 de voir son SRADET annulé par la justice administrative.
04:38 Un juge administratif a dit "ce SRADET ne va pas".
04:40 Pas de prise en compte du climat,
04:42 ça n'allait pas sur ce qu'on va industrialiser ou pas,
04:44 ce qu'on va urbaniser ou pas.
04:46 Et donc, ça n'est pas moi qui le dis, c'est la justice.
04:48 Et donc, quand je vois aujourd'hui un défilé de politiques
04:50 venir expliquer que c'est de la faute de tous les autres,
04:52 en l'occurrence, Xavier Bertrand, c'est l'État,
04:54 l'État, c'est la région, tout le monde dit que c'est de la faute des autres,
04:56 j'appelle quand même chacun à prendre ses responsabilités.
05:00 - Mais le fait, également, ce que vous disiez aussi tout à l'heure,
05:02 que l'on ait construit le long de cours d'eau
05:04 où, effectivement, on savait qu'il pouvait y avoir des crues,
05:06 je pense à là, la Canche, la Liane,
05:08 tous ces cours d'eau qui ont débordé cette dernière semaine,
05:10 ça ne date pas non plus de Xavier Bertrand,
05:12 les villes d'Arc, de Saint-Omer, tout ça a été construit
05:14 il y a énormément de temps.
05:16 Est-ce que le président de la région Hauts-de-France, aujourd'hui,
05:18 est plus responsable que les autres selon vous ?
05:20 - Non mais, en fait, chacun est responsable de ses décisions.
05:22 Il se trouve que, vous avez raison, ça fait longtemps,
05:24 mais qu'il y a eu des inondations en 2002
05:26 et qu'on a continué à construire dans la zone d'expansion de crues,
05:28 je le dis quand même, dans des zones
05:30 dont on sait qu'elles sont inondables depuis 2002,
05:32 et que dans le stradède, le schéma qui nous engage pour l'avenir,
05:34 on continue à prôner une artificialisation à outrance.
05:38 Y compris, Xavier Bertrand s'est battu
05:40 contre les lois actuelles qui disent qu'il faut se calmer
05:42 sur l'urbanisation. Il se bat en disant
05:44 que c'est irresponsable, que ce n'est pas possible,
05:46 qu'on empêche le développement des territoires.
05:48 Il fait partie des politiques qui veulent toujours plus urbaniser,
05:50 partout, tout le temps.
05:52 C'est en 2023, en 2024, maintenant, irresponsable.
05:56 - Quelles sont les mesures à mettre en place selon vous
05:58 pour éviter, à l'avenir, de nouvelles inondations ?
06:00 - Je pense qu'on doit avoir une culture dans ce pays
06:02 de prévention des risques. Une vraie culture du risque.
06:04 Vous voyez, aux Pays-Bas, ils ont eu en 1953
06:06 une énorme submersion qui a emporté,
06:10 il y a plus de 1800 personnes qui ont été emportées
06:12 comme ça par les eaux. Et donc depuis,
06:14 il y a ce traumatisme qui fait qu'ils ont réagi.
06:16 Aujourd'hui, c'est à eux qu'on va chercher des pompes,
06:18 parce que les nôtres, elles ne sont même pas en état de pomper.
06:20 Elles sont trop vieilles. Il y a une pièce qui lâche,
06:22 on n'a pas la pièce d'urgence, parce que c'est trop vieux modèle.
06:24 C'est la honte, en fait. Dans des zones dont on sait
06:26 que tous les 20 à 30 ans, en moyenne, elles vont être inondées.
06:28 On n'est pas prêts.
06:30 - Une culture de la prévention, mais là, pour réparer
06:32 l'état actuel des choses, est-ce qu'il faut,
06:34 par exemple, exproprier, rendre inhabitables
06:36 toutes ces zones situées en zone inondable,
06:38 encore une fois, le long des cours d'eau du Nord
06:40 et du Pas-de-Calais, qui ont débordé, parce qu'il va y avoir
06:42 des milliers de maisons potentiellement évacuées ?
06:44 - Exproprier, ce n'est pas réparer.
06:46 C'est exproprier, ça a un coût social énorme.
06:50 Alors, moi, j'ai conscience qu'il y a des habitants
06:52 qui le demandent, parce qu'ils veulent partir,
06:54 ils ne veulent plus vivre ça,
06:56 et qu'il y a un traumatisme psychologique aussi à prendre en compte,
06:58 et que leur maison a perdu beaucoup de valeur.
07:00 Et donc, il faut permettre à ceux qui veulent partir
07:02 de le faire sans perdre
07:04 tout ce qu'ils avaient investi dans leur logement.
07:06 Par contre, il y a aussi des gens qui veulent rester.
07:08 Et moi, je veux dire aux habitants de cette région
07:10 qu'il n'y a pas de fatalité à déserter ces territoires.
07:12 Il y a des manières de vivre avec les risques.
07:14 Toutes ces villes sont habitables,
07:16 peut-être pas partout, peut-être pas de la même manière.
07:18 Il faut permettre à ceux qui veulent rester là
07:20 de le faire en sécurité, avec écoute
07:22 et avec respect.
07:24 - Donc, permettre, pourquoi pas, encore
07:26 de nous stopper les constructions ?
07:28 - Ça dépend où, encore une fois, mais il y a des zones d'expansion de crues
07:30 où on sait qu'il ne faut pas construire.
07:32 Arrêtons de construire, et surtout pas des sites CVZO,
07:34 des nouveaux parkings, des nouveaux centres commerciaux.
07:36 Il y a des endroits où il va falloir se détendre
07:38 sur l'urbanisation galopante.
07:40 Je pense que tout le monde en a bien conscience aujourd'hui.
07:42 Ce qu'il ne faut pas, et j'insisterai là-dessus,
07:44 c'est tourner la page dans 15 jours
07:46 en disant que c'est terminé, qu'on passe tout ça à autre chose,
07:48 et retourner dans le déni dans lequel on est.
07:50 Je sais que les personnes qui sont sinistrées
07:52 vont l'être encore pendant des mois, on le sait,
07:54 que l'hiver arrive, que les indemnisations
07:56 seront dans longtemps, les travaux aussi,
07:58 mais surtout, n'oublions pas ce qui s'est passé,
08:00 comme on a tous eu envie de le faire après 2002.
08:02 La nature finira toujours par se rappeler à nous,
08:04 et aujourd'hui, le sujet, c'est de garder
08:06 habitable notre planète
08:08 pour les générations à venir,
08:10 et donc c'est valable pour le monde,
08:12 évidemment, pour la planète, mais c'est valable pour nos territoires,
08:14 c'est possible, avec de la volonté politique,
08:16 et surtout, de la lucidité,
08:18 il faut dire la vérité aux gens, c'est ce que les écologistes
08:20 ont toujours fait, même quand ça faisait pas plaisir,
08:22 et on continuera à le faire, dans le bien-être
08:24 pour le collectif, parce que l'écologie,
08:26 c'est protéger les gens à la fin, ça, on y tient
08:28 énormément, on continuera à le faire.
08:30 - Et c'est le nom de votre parti, Marine Tendelier, secrétaire nationale
08:32 du parti Les écologistes, élue à Hénin-Beaumont,
08:34 conseillère régionale, merci beaucoup d'être passée
08:36 par le plateau de France Bleu Nord ce matin.

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