Kaliningrad,une forteresse russe au coeur de l'europe

  • il y a 8 mois
Kaliningrad, une forteresse russe au cœur de l'Europe.
Situé sur les rives de la mer Baltique, enclavé entre la Pologne et la Lituanie, Kaliningrad est un bout de Russie au cœur de l'Europe. Un curieux territoire, à peine grand comme l'Île-de-France, isolé de Moscou après la chute de l'URSS, aujourd'hui transformé en forteresse militaire face à l'Otan.

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00:00 À Cajciadoris, une petite ville du centre de la Lituanie,
00:05 des troupes sont déployées en urgence.
00:08 Une poignée d'activistes pro-russes menacent de prendre d'assaut la mairie.
00:14 - Est-ce que vous aussi, vous trouvez que notre quotidien devient de plus en plus difficile ?
00:19 Vous vous rendez compte ?
00:20 Les citoyens qui se rassemblent pacifiquement sont chassés de la place.
00:24 - Le maire, espèce de lâche ! Espèce de lâche !
00:28 Déterminés, les manifestants s'attaquent aux véhicules des employés municipaux.
00:33 Soudain, les activistes pro-russes tentent d'entrer de force.
00:42 - À l'intérieur ! Tout le monde à l'intérieur ! Par ici !
00:50 Ces hommes en uniforme kaki sont le dernier rempart pour protéger la mairie.
00:55 - A l'intérieur ! A l'intérieur !
01:03 Quelques émeutiers parviennent à pénétrer à l'intérieur,
01:06 avant d'être rapidement maîtrisés.
01:07 - Reculez ! Reculez tous !
01:11 En réalité, cette manifestation est un exercice.
01:17 Les émeutiers sont des figurants et ces soldats sont des volontaires.
01:22 - Le bouclier doit s'appuyer sur le genou, sur le bras et sur le casque.
01:25 Ils appartiennent à l'Union des tireurs lituaniens,
01:28 une organisation paramilitaire.
01:31 - Vous devez toujours avoir des protections.
01:34 Ceux qui sont à l'arrière, vous devez repousser les assaillants avec vos matraques.
01:38 Ils sont étudiants, hommes d'affaires ou encore fonctionnaires.
01:44 Leur mission, soutenir les forces armées lituaniennes,
01:47 au cas où des pro-russes tenteraient de déstabiliser le pays.
01:51 - Il ne faut pas vous séparer,
01:53 sinon vous risquez d'être blessé par un couteau ou un objet tranchant.
01:56 Roland Das est une nouvelle recrue.
02:02 À 54 ans, ce cadre supérieur se sert pour la première fois
02:06 d'un bouclier anti-émeute.
02:08 - Je pensais que ce serait plus facile, mais en fait, c'était vraiment dur.
02:18 On veut être préparé et être capable de réagir en cas d'agression étrangère.
02:21 - Vous avez peur d'une invasion ?
02:26 - Oui, clairement, tout peut arriver.
02:29 Mais si on est bien préparé, je pense que ça peut réduire les risques d'agression.
02:33 Si les Lituaniens se préparent au pire,
02:37 c'est parce qu'ils craignent leur puissant voisin,
02:40 un territoire russe qui s'arme chaque jour un peu plus.
02:47 Kaliningrad, c'est un petit bout de Russie,
02:50 coincé au nord de la Pologne et au sud des Pays-Baltes.
02:53 Des kilomètres de plage et des maisons à colombage
02:58 héritées de son passé allemand,
02:59 bien loin de l'image traditionnelle de la Russie.
03:02 Et pour cause, ce territoire a été isolé du reste du pays
03:08 après la chute de l'Union soviétique.
03:16 Aujourd'hui, c'est une enclave stratégique pour Moscou.
03:18 Elle lui sert de forteresse face à l'OTAN.
03:21 - Kaliningrad est une des régions les plus importantes de Russie.
03:25 C'est notre avant poste à l'ouest.
03:27 Ce territoire abrite le quartier général de la flotte russe en mer Baltique.
03:34 30 000 soldats y sont stationnés.
03:38 Mais surtout, Vladimir Poutine y a déployé des missiles à capacité nucléaire.
03:46 Il pourrait frapper Paris, Londres ou Berlin en quelques minutes à peine.
03:51 - La question, c'est, est-ce qu'ils peuvent arrêter les missiles Sarmat ?
03:55 Non, ce missile ne peut pas être intercepté.
03:58 Nos équipes ont réussi à pénétrer sur ce territoire quasiment inaccessible
04:02 depuis la guerre en Ukraine.
04:04 Une enclave où les journalistes sont étroitement surveillés.
04:08 - Je peux voir votre pièce d'identité ?
04:10 Bien sûr.
04:12 - Bonjour.
04:13 - Et votre carte de presse ?
04:15 Depuis le début du conflit, Kaliningrad fait planer la menace d'un second front
04:20 entre la Russie et l'Ouest.
04:22 Une situation qui inquiète tout, particulièrement ses voisins,
04:25 les pays baltes.
04:27 - Avec l'agression en Ukraine, nous comprenons que les États baltes
04:31 sont les prochains sur la liste.
04:32 Les anciennes républiques soviétiques de Lituanie, de Lettonie et d'Estonie
04:39 font partie de l'OTAN et de l'Union européenne depuis 2004.
04:44 Aujourd'hui, elles sont prêtes à tout pour se défendre face à Moscou.
04:47 - Il faut tout le temps être dans l'action.
04:51 C'est seulement après que vous appliquez les principes tactiques.
04:54 En Lituanie,
04:56 - Bataillon, garde à vous !
04:58 de simples citoyens prennent les armes et s'entraînent à devenir soldats.
05:02 - Les Ukrainiens n'ont pas eu le temps de s'organiser.
05:05 Nous, on a le temps, alors on doit se préparer dès maintenant.
05:07 En Lettonie, le gouvernement veut faire table rase de son passé soviétique.
05:13 Il a ordonné le démantèlement des édifices glorifiant l'époque de l'URSS.
05:17 Une décision qui soulève la colère de la minorité russophone,
05:23 près d'un tiers de la population.
05:25 - Le fascisme ne passera pas !
05:27 - Le gouvernement utilise les événements en Ukraine
05:30 comme prétexte pour éradiquer la culture russe.
05:33 Pour échapper à l'influence du Kremlin,
05:40 la Lettonie est même allée jusqu'à restreindre l'usage du russe
05:43 dans l'espace public.
05:44 - Je ne comprends pas tout ce qui est écrit parce que moi,
05:48 je suis russophone.
05:49 Mais là, si un Letton m'entend, il va se plaindre
05:54 et je pourrai avoir une amende.
05:55 Entre guerre des mémoires et territoire hautement militarisé,
06:00 plongée au coeur des tensions entre Kaliningrad et les Pays-Baslt.
06:05 Au sud-est de la Lituanie, dans la ville de Kena,
06:16 un train entre en gare.
06:18 Dans un froid glacial, une quinzaine de gares de frontières
06:25 se déploient sur le quai.
06:26 - En voiture 9, deux passagers.
06:32 Si ce train est placé sous haute surveillance,
06:38 c'est parce qu'il arrive de Moscou.
06:40 La ligne ferroviaire qui relie la Russie continentale
06:44 à Kaliningrad n'a pas été arrêtée avec la guerre.
06:47 Elle part de Moscou, traverse la Biélorussie
06:51 avant de pénétrer en Lituanie.
06:53 À bord du train, 120 passagers russes à destination de Kaliningrad.
07:02 Les douaniers montent dans chaque wagon
07:07 et procèdent à un contrôle d'identité minutieux des passagers.
07:11 - Merci.
07:15 Depuis la guerre en Ukraine, les passagers russes
07:18 ne sont plus autorisés à descendre.
07:20 Pourtant, au bout d'une dizaine de minutes,
07:23 à notre grande surprise, certains passagers sont sur le quai.
07:27 - Vous venez de Moscou ?
07:30 - Oui, j'arrive de Moscou.
07:32 Ils nous ont laissé sortir après avoir vérifié nos papiers.
07:34 Ils ont contrôlé tous les documents et toutes les autorisations nécessaires.
07:38 Moi, mes enfants sont des nationalités lituaniennes.
07:41 C'est donc un motif valable pour avoir un permis.
07:43 Si Natacha a pu sortir du train, c'est parce qu'elle a la double nationalité,
07:48 russe et lituanienne.
07:50 Et elle n'est pas la seule à descendre.
07:52 Eugène a lui aussi pu s'échapper, visiblement éprouvé par ce voyage
07:58 et ses derniers mois passés en Russie.
08:01 - J'ai la double nationalité, russe et israélienne.
08:04 - Vous avez fui la Russie ?
08:05 - Oui, j'étais en Russie et là, je pars en Israël.
08:10 - Pourquoi ?
08:10 - Vous savez pourquoi ? Parce que je ne veux plus rester là-bas.
08:14 C'est une dictature.
08:16 Je ne sais pas comment expliquer. Je ne parle pas bien anglais.
08:21 Et je ne veux pas parler russe ici.
08:24 Ce voyageur a beau se trouver hors de Russie,
08:29 il craint encore de s'exprimer librement.
08:31 Il sera le dernier passager à descendre.
08:33 Avant le départ du train,
08:36 l'un des douaniers va poser un petit boîtier sur la rame.
08:40 - Qu'est-ce que vous faites ?
08:44 L'agent n'est pas autorisé à nous répondre.
08:50 - Le boîtier est posé sur la voiture 4.
08:53 - La voiture 4 ?
08:55 - Oui.
08:57 - Allez.
08:57 En réalité, c'est une balise GPS qui vient d'être installée.
09:02 Elle permet de s'assurer que le train ne fera aucun arrêt imprévu
09:06 sur le sol lituanien pour débarquer du matériel
09:09 ou des hommes en toute illégalité.
09:11 La Lituanie s'inquiète de voir des agents russes
09:15 fomenter des troubles sur son territoire.
09:17 Une demi-heure plus tard, le train poursuit sa route.
09:24 Avant d'atteindre Kaliningrad,
09:32 il fait une dernière halte en gare de Vilnius,
09:36 la capitale lituanienne.
09:38 Là encore, les passagers n'ont pas le droit de descendre sur le quai.
09:46 Mais un arrêt de 10 minutes est imposé par les autorités lituaniennes
09:51 pour faire passer un message aux voyageurs russes.
09:54 - Chers passagers du train Moscou-Kaliningrad,
10:00 l'Ukraine vous a préparé une exposition de photos.
10:03 Vous pouvez les voir par la fenêtre de votre wagon.
10:06 Aujourd'hui, Poutine tue des civils ukrainiens.
10:10 Êtes-vous d'accord avec ça ?
10:11 Une dizaine de photos montrant le conflit en Ukraine
10:18 ont été exposées sur le quai.
10:20 Avec un seul objectif, contraindre les Russes
10:24 à regarder l'horreur de la guerre.
10:26 Malgré ces images difficiles,
10:31 les passagers sont peu nombreux à tourner la tête.
10:34 Dans trois heures, ils arriveront en gare de Kaliningrad.
10:41 Situé au bord de la mer Baltique,
10:49 Kaliningrad est un petit bout de terre de 15 000 km2,
10:53 soit à peine plus grand que la région Ile-de-France.
10:56 Avant d'être russe,
10:59 l'enclave a été prussienne puis allemande durant plus de 700 ans.
11:03 Sa capitale, l'ancienne Konigsberg,
11:08 a gardé quelques vestiges de ce passé,
11:11 comme cette cathédrale gothique
11:14 qui abrite le tombeau du philosophe Emmanuel Kant.
11:17 En 1945, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale,
11:23 le Troisième Reich est démantelé.
11:25 La conférence de Potsdam signe le rattachement de Kaliningrad
11:28 à l'Union soviétique.
11:30 Aujourd'hui, près d'un million d'habitants
11:33 vivent sur ce territoire russe au cœur de l'Europe.
11:36 - Allez, on y va ?
11:41 Tous les matins, Helena, une psychologue de 38 ans,
11:46 emmène ses deux enfants à l'école.
11:48 - Ma fille, Rina, a une excellente professeure.
11:55 Elle a de très bonnes méthodes pédagogiques
11:58 et elle leur enseigne aussi les valeurs morales.
12:00 Cette année, la rentrée scolaire est placée sous le signe de la fierté nationale.
12:08 - Allez, passez une bonne journée.
12:10 Dans la cour de récréation, une cérémonie se prépare.
12:16 La directrice inspecte le style vestimentaire de chaque collégien.
12:19 - Il faudrait une jupe classique.
12:21 Ici, tenue correcte exigée.
12:24 - Toi, tu as un pull bizarre.
12:26 Qu'est-ce que ça veut dire ?
12:28 Toi, des baskets.
12:29 Mais qu'est-ce que c'est que ça ?
12:31 Les meilleurs élèves sont retenus pour assister à la levée du drapeau.
12:34 Les autres sont renvoyés en classe.
12:37 * Extrait de la chanson "La vie est une chanson" de la Russie *
12:52 Un moment solennel qui fait la fierté de ces jeunes Russes.
12:56 Depuis la dernière rentrée scolaire,
13:00 chaque semaine commence avec l'hymne national.
13:05 Un patriotisme inculqué dès le plus jeune âge qu'approuve Elena, la mère de famille.
13:10 - Ça n'a rien d'étrange pour moi, au contraire.
13:13 Je ne comprends pas pourquoi ça n'a pas été enseigné plus tôt.
13:16 Nous habitons en Russie, donc il faut connaître l'hymne.
13:20 Je suis très satisfaite des programmes scolaires.
13:23 Les cours abordent le terrorisme, la sécurité, l'entraide, l'amour ou encore la famille.
13:28 Pour moi, ce sont des sujets vraiment importants.
13:33 En plus de la levée du drapeau, Vladimir Poutine impose désormais à l'école
13:38 des cours d'histoire et d'actualité revisités par le Kremlin.
13:42 Le président russe va profiter de cette grande réforme scolaire
13:46 pour s'offrir à un coup médiatique.
13:49 Le 1er septembre 2022, en pleine guerre avec l'Ukraine,
13:53 il se rend à Kaliningrad, contournant les Pays-Baltes,
13:57 que les avions russes n'ont plus le droit de survoler.
14:02 Le chef du Kremlin vient y dispenser la première leçon de patriotisme en direct,
14:06 à la télévision.
14:07 Un déplacement mûrement réfléchi dans un territoire stratégique,
14:12 à deux pas des plus grandes capitales européennes.
14:14 En ce jour de rentrée scolaire, je tiens tous à vous féliciter.
14:19 Devant ces écoliers triés sur le volet, Vladimir Poutine raconte sa version du conflit.
14:28 Aujourd'hui, en Ukraine, on a créé une enclave anti-russe qui menace notre pays.
14:33 Nos hommes se battent là-bas pour protéger les habitants du Donbass,
14:38 mais aussi de la Russie.
14:40 Et bien sûr, ce combat mérite tout le soutien de la société.
14:44 C'est très important.
14:46 À Kaliningrad, il n'y a pas qu'à la télévision
14:52 que la communication de guerre bat son plein.
14:56 Dans les rues, des affiches à la gloire des soldats russes.
14:59 Et sur les quais du centre-ville, la puissance de la marine s'exhibe aux yeux de tous.
15:06 - Je veux aller au musée !
15:10 Après l'école, Elena et ses deux enfants, Vadik et Irina,
15:15 décident d'aller visiter le musée de la marine,
15:17 l'un des lieux les plus touristiques de la ville.
15:20 Ici, pas d'aquarium, mais des navires de guerre.
15:24 - J'aime tous les bateaux militaires, mais celui-là, il est vraiment bien.
15:41 Et en plus, il y a une belle vue.
15:43 Des navires comme ce croiseur militaire,
15:48 qui, 30 ans après la chute de l'Union soviétique,
15:51 arbore encore le symbole du communisme.
15:54 Ou encore le B-413, un sous-marin d'attaque conventionnelle,
15:58 datant de plus de 50 ans.
16:00 - Fais attention en descendant.
16:03 - À côté, vous trouverez le sous-marin nucléaire de 3e génération de la classe Akula.
16:09 Il s'agit d'un sous-marin furtif, d'une hauteur de 8 étages
16:12 et long comme deux terrains de football.
16:14 Il peut emporter des missiles nucléaires stratégiques.
16:17 Vadik et Irina découvrent les conditions de vie à bord d'un sous-marin.
16:21 - Regarde, il y a des boîtes de conserve.
16:23 - C'est la cuisine ?
16:24 Pas certain que cette visite les pousse à s'engager dans la marine.
16:29 - Je ne pourrais pas vivre à bord d'un sous-marin.
16:34 C'est vraiment trop étroit.
16:35 - Pourquoi ?
16:37 - Maman, elle est trop grosse.
16:39 Dans le carré des officiers, un portrait attire l'attention des visiteurs.
16:44 Tout le monde veut se prendre en photo, aux côtés de Vladimir Poutine.
16:48 - On le voit bien sur la photo ?
16:51 L'ère martiale, le chef du Kremlin s'affiche en protecteur de son pays.
16:55 En quelques années, il a transformé Kaliningrad
17:03 en un avant-poste militaire qui menace toute l'Europe.
17:05 Grâce à un port qui n'est jamais pris par les glaces,
17:10 l'enclave abrite le siège de la flotte russe en mer Baltique.
17:13 130 navires de guerre y sont stationnés,
17:16 soit plus que l'intégralité de la marine française.
17:21 Mais Kaliningrad abrite surtout depuis 2018
17:23 des missiles balistiques iskanders.
17:26 Capables de transporter des charges nucléaires,
17:30 ils sont pointés vers l'Europe, à 500 kilomètres à peine de Berlin.
17:34 Et depuis la guerre en Ukraine,
17:37 Moscou menace d'installer à Kaliningrad
17:40 une arme encore plus redoutable, des missiles Sarmat.
17:44 De très longue portée,
17:47 capables de voler à plus de 7000 kilomètres heure,
17:51 et d'échapper aux défenses antiaériennes,
17:53 le Sarmat est le plus gros missile nucléaire jamais conçu.
17:56 L'information a été annoncée à la télévision publique russe
18:01 lors d'une scène surréaliste.
18:03 - La question, c'est, est-ce qu'ils peuvent arrêter les missiles Sarmat ?
18:08 Non, ce missile ne peut pas être intercepté.
18:11 Dans cette émission,
18:12 les journalistes imaginent le scénario d'une troisième guerre mondiale
18:16 et s'émerveillent de la force de frappe
18:18 des nouveaux missiles hypersoniques russes.
18:21 - Depuis Kaliningrad, un Sarmat mettrait 106 secondes
18:24 pour atteindre Berlin, 200 pour Paris et 202 pour Londres.
18:27 - C'est exactement de ça dont je parle.
18:30 Il faut leur montrer cette infographie.
18:32 Eh les gars, regardez cette image.
18:34 Comptez les secondes.
18:35 Vous pouvez y arriver ?
18:37 Hello, le missile est déjà là.
18:38 Laissez-les réfléchir un peu.
18:41 Qu'ils prennent un chronomètre et qu'ils comptent 200 secondes.
18:44 C'est comme ça qu'il faut leur parler.
18:46 Il n'y a que ça qu'ils comprennent.
18:47 - Dans cette rhétorique guerrière,
18:49 le chef du Kremlin peut compter sur le soutien sans faille
18:52 du gouverneur de Kaliningrad, Anton Alikhanov.
18:55 Considéré comme l'un des poulains de Vladimir Poutine,
18:59 l'homme de 36 ans dirige l'enclave russe depuis 2017.
19:03 Au moment de notre tournage,
19:05 Anton Alikhanov brigue un deuxième mandat.
19:08 Grand favori du scrutin,
19:10 il n'a même pas jugé utile de faire campagne.
19:13 - Il est un homme de 36 ans.
19:16 - Il n'a même pas jugé utile de faire campagne.
19:17 Elena, la mère de Fanny, se rend aux urnes.
19:24 Et son vote ne fait aucun mystère.
19:27 - Nous allons voter pour notre gouverneur de la région de Kaliningrad.
19:31 - Vous savez s'il y a d'autres candidats ?
19:36 - À vrai dire, je ne sais pas.
19:41 Aujourd'hui, nous élisons Alikhanov.
19:43 C'est comme d'habitude.
19:46 Si Elena ne connaît aucun adversaire au gouverneur sortant,
19:49 six autres candidats ont pourtant osé se lancer dans la course.
19:52 Parmi eux, Maxime Boulanoff, le leader communiste.
20:01 - Alors, comment ça se passe dans les bureaux de vote ?
20:04 Dans son bureau trônent les portraits de ses héros.
20:09 Lénine, l'homme de la révolution bolchevique d'octobre 1917
20:14 et son successeur, Staline,
20:16 responsable de la mort de 15 à 20 millions de personnes.
20:19 Mais cela ne semble pas troubler l'admiration du candidat.
20:23 - Vous savez, Vladimir Ilich est le fondateur de notre parti.
20:27 Joseph Vissarionovitch est son successeur, notre généralissime,
20:32 grâce auquel nous avons remporté la Grande Guerre patriotique,
20:34 qui a permis de libérer les peuples européens.
20:37 Maxime Boulanoff se présente comme un opposant au gouverneur sortant.
20:45 Mais pour un adversaire politique,
20:46 ses propos ne sont pas très éloignés du discours officiel.
20:49 - Nous soutenons totalement la politique du président.
20:53 C'est notre commandant en chef.
20:54 Ce qu'il a fait était vraiment nécessaire.
20:57 Et j'espère vraiment que nous irons jusqu'au bout.
20:59 D'ailleurs, à mon avis, il faudrait agir avec encore plus de fermeté.
21:03 Pour se démarquer du parti au pouvoir,
21:06 le candidat communiste a fait campagne sur le thème de la fraude électorale.
21:12 - Denis, on va voir les commissions électorales ?
21:14 Après plusieurs heures de tournage,
21:18 Maxime Boulanoff finit par émettre une critique envers le régime.
21:22 Lors des dernières élections législatives de 2021,
21:26 le parti de Vladimir Poutine a été accusé de fraude massive par ses opposants.
21:30 - Vous savez, il existe des commissions qui sont malhonnêtes.
21:34 Je ne dis pas qu'elles le sont toutes.
21:36 Mais certaines d'entre elles, sur instruction de leurs responsables,
21:41 ont pris l'habitude de truquer les résultats
21:43 et de ne pas respecter la volonté du peuple.
21:45 - Et en faveur de qui ?
21:47 - Évidemment, c'est toujours en faveur du parti au pouvoir.
21:49 Mais derrière cette apparente intégrité,
21:53 le candidat nous réserve une mise en scène
21:55 digne des plus belles heures de l'Union soviétique.
21:58 - Bonjour, Oleg Mikhailovich.
22:01 Vous pourriez peut-être faire un petit commentaire aux journalistes, non ?
22:04 - La présidente de la commission est là.
22:05 - Ah, très bien.
22:07 Est-ce que la présidente peut le faire, dans ce cas ?
22:08 Est-ce qu'elle pourrait donner le taux de participation
22:10 et dire qu'il n'y a pas eu de fraude dans ce bureau ?
22:12 - Oui, si vous voulez.
22:13 Alors, quand on interroge la responsable du bureau sur le déroulement du vote,
22:17 la réponse est sans surprise.
22:19 - Est-ce que vous avez observé des irrégularités dans votre bureau de vote ?
22:24 - Non, je touche du bois, comme on dit.
22:26 Tout se passe très bien.
22:28 Nous respectons toutes les instructions.
22:29 Nous suivons le règlement concernant l'ouverture
22:31 et la fermeture des bureaux de vote.
22:33 Une mise en scène qui met à mal le discours officiel de Maxime Boulanoff.
22:40 En réalité, à Kaliningrad, comme dans le reste de la Russie,
22:43 aucune opposition n'est tolérée.
22:45 - Merci, Elena Vassilievna.
22:49 Vous avez une équipe très efficace.
22:51 Les partis dissidents ne sont autorisés par le Kremlin
22:56 que pour feindre un pluralisme politique.
22:58 Et ils sont étroitement surveillés, tout comme les journalistes.
23:04 À la sortie du bureau de vote,
23:07 alors que nous sommes à bord de la voiture du candidat communiste,
23:10 notre équipe de tournage est arrêtée par la police.
23:13 - Notre chef arrive dans deux minutes, OK ?
23:18 - On part ?
23:20 - Non, ce n'est pas le moment de faire des mouvements brusques.
23:22 Le candidat, Maxime Boulanoff, est sommé de descendre du véhicule.
23:27 - Bonjour, est-ce que je peux voir vos papiers ?
23:30 Vous êtes candidat pour être député ?
23:32 - Non, je suis candidat au poste de gouverneur.
23:34 - On ne s'intéresse pas à vous.
23:36 - Non, je ne suis pas candidat.
23:37 À son tour, notre équipe est interrogée par la police.
23:44 - Excusez-moi, je dois parler avec eux.
23:46 Je peux voir votre pièce d'identité ?
23:49 - Bien sûr.
23:51 - Et votre carte de presse ?
23:52 En Russie, les journalistes risquent jusqu'à 15 ans de prison
23:58 pour diffusion de fausses informations.
24:00 - Vous n'êtes pas journaliste ?
24:02 - Non, je ne suis pas vraiment journaliste.
24:04 Si notre équipe sera finalement relâchée par la police,
24:09 c'est uniquement parce qu'elle était accompagnée du candidat communiste.
24:13 Après cet incident, Maxime Boulanoff refusera de poursuivre le tournage.
24:19 Depuis le début du conflit en Ukraine,
24:26 les rares médias indépendants russes ont été fermés
24:30 ou obligés de quitter le pays.
24:33 La population n'a accès qu'aux discours officiels.
24:35 - Les pertes de l'ennemi s'élèvent à 150 soldats ukrainiens,
24:41 ainsi qu'une dizaine de véhicules militaires.
24:43 En pleine campagne, à quelques kilomètres de la capitale Kaliningrad,
24:49 Ludmila, une retraitée de 65 ans,
24:52 ne s'informe qu'à travers la télévision d'Etat.
24:55 - La 130e brigade de défense territoriale,
24:58 le régiment nationaliste Kraken, dans les localités de Zaryany, Nikolaevka.
25:03 Russia Today, Russia 1 ou encore Russia 24,
25:07 des chaînes interdites en Europe depuis le début de la guerre.
25:10 Elles sont accusées d'être des instruments de propagande du Kremlin.
25:14 - Quand je suis chez moi, je regarde la télévision tous les jours,
25:19 notamment la chaîne du ministère de la Défense.
25:22 Je regarde aussi Soloviev, le journaliste du gouvernement,
25:26 pour être au courant de ce qu'il se passe.
25:28 La télévision est allumée toute la journée,
25:32 même quand je suis dans la cuisine.
25:33 Pour cette ancienne ouvrière qui ne quitte jamais l'enclave,
25:39 la télévision est sa seule ouverture sur le monde.
25:42 - Elle, c'est la présidente de la Commission européenne.
25:48 La voilà, Ursula.
25:52 Elle mérite la cour martiale.
25:54 C'est elle, là.
25:55 Regardez sa tenue.
25:56 En bleu et jaune, ce sont les couleurs de l'Ukraine.
26:02 Elle devrait être envoyée en cour martiale.
26:04 Elle le mérite vraiment.
26:06 Ludmila en veut à l'Union européenne.
26:11 Qu'elle juge responsable de la crise économique qui frappe son pays.
26:15 Depuis quelques mois, la retraitée a du mal à joindre les deux bouts.
26:21 - Les prix augmentent progressivement.
26:26 Ils n'arrêtent pas d'augmenter.
26:27 - Dans quelle proportion ?
26:31 - Je ne pourrais pas vous le dire, mais si je devais comparer...
26:36 Par exemple, la dernière fois que j'ai été au supermarché, c'était dingue.
26:40 J'ai payé 258 roubles pour un paquet de lessive.
26:43 Juste un seul paquet.
26:44 Avant, on payait 52 roubles le paquet.
26:48 C'est fou !
26:49 258 roubles, c'est environ 4 euros le paquet de lessive.
26:57 5 fois plus qu'avant la guerre.
27:00 En moyenne, le prix des produits alimentaires a augmenté de 30%.
27:04 Alors, pour remplir son frigo, Ludmila cultive elle-même son potager.
27:10 - Ce sont les derniers épis de la saison.
27:13 Ça, c'est un noyer.
27:16 J'en ai un autre là-bas.
27:17 En tout, j'en ai 5.
27:19 Mais son vrai trésor se trouve au fond du jardin.
27:26 - Ce sont ces 3 tonnes de charbon,
27:28 indispensables pour passer l'hiver à Kaliningrad.
27:31 Une denrée de plus en plus rare,
27:34 que la retraitée redoute de ne plus pouvoir se payer.
27:37 - Avant, le charbon était à 4 000 ou 6 000 roubles la tonne.
27:42 Mais cette année, ça nous a coûté 12 000 roubles la tonne.
27:45 12 000 roubles, soit 200 euros,
27:50 pour une petite bouteille de charbon.
27:53 12 000 roubles, soit 200 euros,
27:55 c'est environ les 2/3 de la pension mensuelle de cette retraitée.
27:58 - Il faut rajouter un peu de charbon pour que le poêle ne s'éteigne pas.
28:03 Si le charbon est aussi cher, c'est parce qu'à Kaliningrad,
28:11 il se fait de plus en plus rare.
28:13 Depuis avril dernier, il est sous embargo européen,
28:18 tout comme le fer et plusieurs matériaux de construction.
28:23 L'enclave russe souffre particulièrement de ces sanctions
28:28 qui affectent toute l'économie locale,
28:31 et notamment le secteur du tourisme.
28:33 Avant la guerre, Kaliningrad était l'une des destinations
28:40 les plus prisées des Moscovites.
28:41 Car ce territoire abrite l'un des joyaux méconnus de la Russie,
28:47 l'isme de Courlande.
28:52 Une bande de sable d'une centaine de kilomètres
28:54 sur les bords de la mer Baltique,
28:56 classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.
28:58 Tous les ans, Lyonna et Katia viennent passer quelques jours
29:09 dans cette station balnéaire.
29:10 - Ah, elles sont juste là !
29:14 - T'es si proche !
29:16 - Salut toi !
29:20 Mais cette année, la jeune femme de 36 ans
29:22 a beaucoup hésité avant de venir.
29:24 Si Katia est aussi anxieuse,
29:42 c'est parce que depuis le conflit en Ukraine,
29:45 les avions russes ne sont plus autorisés à survoler l'Europe,
29:49 isolant encore un peu plus Kaliningrad.
29:51 - Les itinéraires de vol ont été modifiés.
29:57 Désormais, on doit survoler uniquement les zones neutres.
29:59 Mais le couloir aérien est vraiment très étroit.
30:02 Alors, parfois, les avions de l'OTAN nous escortent.
30:04 Depuis le début de la guerre, les plages sont désertes,
30:09 tout comme l'hôtel où le couple moscovite a ses habitudes.
30:13 - Salut ! - Salut !
30:18 - Bon anniversaire, Katia !
30:19 Nikolai, le directeur, vient les accueillir.
30:24 - On est allés se baigner. - C'est vrai ?
30:29 Ce jeune entrepreneur a investi près d'un demi-million d'euros
30:33 dans ce camping de luxe ouvert en 2019.
30:36 - Kirill, vous pourrez passer le chiffon à l'intérieur, s'il vous plaît ?
30:40 Nous avons 25 tentes comme celle-là.
30:47 - Vous voyez, il y a un grand lit avec des radiateurs de chaque côté.
30:52 Comme ça, chacun a le sien.
30:54 Et bien sûr, il y a tout le confort.
30:58 Comme le Wi-Fi, par exemple, il y a aussi l'électricité.
31:02 Avant l'invasion russe en Ukraine, le camping de Nikolai affichait complet.
31:09 Désormais, les tentes sont vides.
31:11 Les touristes ont peur de venir à Kaliningrad.
31:16 - On a plein de clients qui nous appellent pour nous dire
31:18 "On a réservé, mais vu les infos, on se demande
31:22 si on peut vraiment voyager jusqu'à chez vous
31:23 et si on ne va pas rester bloqués ici."
31:25 Donc maintenant, les gens réservent plutôt au dernier moment.
31:28 S'il y a un long week-end qui approche et que la situation est calme,
31:31 alors ils achètent un billet pour Kaliningrad.
31:33 Ils le font parce qu'ils savent qu'ils pourront repartir.
31:36 Ils voient bien que les missiles ne visent pas Kaliningrad.
31:38 Si les touristes russes ne viennent plus à Kaliningrad,
31:41 ceux de Kaliningrad ne peuvent plus aller dans les États voisins.
31:46 Depuis septembre dernier, les Pays-Baltes et la Pologne
31:50 ont fermé leurs frontières aux touristes russes,
31:52 en contradiction avec les règles européennes de libre circulation.
31:57 Une situation qui affecte tout particulièrement les jeunes,
32:01 habitués à se déplacer dans les pays voisins.
32:04 En centre-ville, c'est dans ce bar, le Eltsin,
32:08 du nom du premier président de l'ère post-soviétique,
32:11 que se retrouve la jeunesse branchée de Kaliningrad.
32:15 Ce soir, Anastasia, une guide locale,
32:18 a donné rendez-vous à ses amis pour y boire un verre.
32:21 Tous sont inquiets pour leur avenir.
32:24 - Quand on voit aux informations que la Pologne a adopté
32:28 de nouvelles mesures contre la Russie,
32:29 on sait que ça va être encore plus difficile pour nous
32:32 parce que nos frontières sont fermées.
32:34 Si dans la Grande-Russie, les sanctions paraissent bien loin,
32:39 ici, nous en souffrons vraiment.
32:44 Anastasia et ses amis ont grandi au cœur de l'Europe.
32:46 Alors ils se sentent à la fois russes et européens.
32:49 Comme 80% des jeunes de Kaliningrad,
32:52 ils n'ont jamais mis les pieds en Russie continentale.
32:55 - Avant, pour nous, c'était normal de partir en week-end dans Pologne.
33:01 Maintenant, avec ce qu'il se passe, c'est impossible.
33:05 - On ne peut plus sortir de l'enclave.
33:10 On ne peut même plus importer certains produits, comme la bière.
33:13 Même ça, c'est fini.
33:14 Alors maintenant, on ne boit plus que de la bière russe.
33:17 Tout ça, c'est à cause de l'opération spéciale militaire,
33:22 du comportement des Russes et de notre président, bien sûr.
33:26 Nous, on voudrait tous vivre en paix.
33:30 Mais bon, on est aussi indignés par le comportement de l'Union européenne
33:34 et de la Lituanie envers notre pays.
33:36 Depuis le début de la guerre,
33:38 la Lituanie a pris la tête de l'opposition face à la Russie.
33:43 Le conflit a ravivé le souvenir douloureux de l'occupation soviétique.
33:47 Occupée par l'URSS à partir de la Seconde Guerre mondiale,
33:56 la Lituanie a vécu sous la coupe du Kremlin pendant près d'un demi-siècle.
34:01 Alors, la menace d'une nouvelle invasion russe
34:06 inquiète tout particulièrement ses citoyens.
34:09 A Konas, la deuxième ville du pays.
34:16 - Léo, tu me donnes la main ?
34:18 Viens de ce côté.
34:20 La famille de Smilte se rend à la messe tous les dimanches,
34:24 dans cette église catholique.
34:26 - Nous vous saluons.
34:28 Nous sommes tous réunis ici pour célébrer le 26e dimanche.
34:32 Si la pratique de la religion leur était interdite pendant leur enfance,
34:37 Smilte et son mari Roland Das sont aujourd'hui de fervents pratiquants.
34:41 - La foi religieuse, pour moi, c'est une force.
34:44 Une personne sans foi, c'est comme une maison construite
34:48 dans le désert, sans aucune fondation.
34:50 Elle ne tiendra pas longtemps.
34:52 Au cœur de leurs prières, la fin de la guerre en Ukraine.
34:57 Le conflit a ravivé chez eux la peur du voisin russe, expansionniste.
35:01 - Tu peux prendre cinq cierges, si tu veux.
35:07 - Oui.
35:07 Quand ils étaient enfants, Smilte et Roland Das ont vu
35:12 une partie de leur famille envoyée en Sibérie.
35:14 Pendant l'occupation soviétique, la Lituanie a été marquée
35:19 par la déportation de centaines de milliers de ses citoyens.
35:22 Un traumatisme encore bien présent au sein de la population.
35:26 - Je me souviens de cette période, on ne pouvait pas s'exprimer librement,
35:33 sinon on risquait d'être punis.
35:35 Aujourd'hui, c'est différent. Tu peux parler librement,
35:37 tu peux t'exprimer dans ta langue maternelle, tu peux prier
35:40 et venir à l'église sans te cacher.
35:42 Quand on sait ce qui se passe en Ukraine, non loin de nos frontières,
35:47 on réalise que notre situation est fragile et que ce qu'on a vécu
35:50 dans le passé peut se répéter.
35:52 - Nous ne voulons pas que nos enfants vivent la même chose.
35:57 C'est pour ça qu'on doit être prêts.
35:59 Pendant la semaine, Smilte est directrice de la communication
36:05 dans une université.
36:06 Le week-end, elle enfile son tréhic à mouflet.
36:09 - Attention, c'est très lourd.
36:12 Il y a environ un an, elle a rejoint l'Union des tireurs,
36:17 une milice paramilitaire lituanienne.
36:19 - Tous les commandants se réunissent aujourd'hui.
36:23 Certains sont là depuis ce matin.
36:25 Je devrais arriver vers midi.
36:28 À 43 ans, cette mère de famille n'aurait jamais imaginé
36:33 devenir un jour combattante volontaire.
36:36 - Je suis patriote, j'aime mon pays.
36:41 Nous n'oublions pas que nos voisins peuvent devenir des prédateurs.
36:45 On ne s'attend pas à ce que quelqu'un nous défende.
36:50 Alors, je dois tout faire pour que mes enfants puissent
36:55 grandir dans un pays en toute sécurité.
36:57 C'est mon devoir.
37:04 Ce jour-là, Smilte se rend dans la ville de Caixiadoris,
37:07 à l'ouest du pays.
37:09 - Bataillon, garde à vous.
37:10 Elle va participer à une cérémonie d'incorporation.
37:14 - En votre présence, je jure...
37:17 Une centaine de nouvelles recrues prêtent serment.
37:23 Parmi elles, des hommes, des femmes, mais aussi des jeunes.
37:34 Agis de 11 à 18 ans, les tireurs lituaniens comptent
37:38 plus de 13 000 membres, soit un peu plus que l'armée régulière.
37:42 - L'intérêt pour notre milice s'est accru depuis le début de la guerre en Ukraine.
37:50 Rien que dans notre bataillon, nos effectifs ont augmenté d'un tiers.
37:58 Nous comptons plus de 500 nouveaux membres depuis le mois de février.
38:02 Un chiffre en constante augmentation qui n'a rien d'étonnant.
38:07 Pour le commandant en chef, Albertas Dapkius,
38:11 l'ennemi est aux portes de la Lituanie, alors il faut se tenir prêt.
38:15 - Par les informations à la radio, à la télévision et dans la presse écrite,
38:22 vous savez déjà ce qui se passe en Ukraine.
38:24 Les Ukrainiens n'ont pas eu le temps de s'organiser.
38:28 Ils se forment et coordonnent leur force seulement maintenant.
38:31 Nous, on a le temps, donc on doit se préparer dès maintenant.
38:35 En Ukraine, la défense territoriale a permis de stopper l'avancée des troupes russes.
38:43 Alors, pour tirer les leçons de cette guerre,
38:45 l'Union des tireurs lituaniens a créé un programme bien spécifique,
38:50 le combat en milieu urbain.
38:52 Dès le lendemain, une centaine d'hommes sont mobilisés
38:58 pour un exercice de grande ampleur qui va les mettre à rude épreuve.
39:01 Ce n'est pas si facile de transformer des civils en combattants d'élite.
39:07 À quelques minutes du début de l'exercice,
39:11 le capitaine Savickas donne ses derniers conseils.
39:14 - Que vous soyez en attaque ou en défense,
39:17 de toute façon, vous allez toujours rater quelque chose.
39:20 L'important, c'est de prendre une décision le plus rapidement possible.
39:23 Vous ne pouvez pas hésiter.
39:25 Il faut tout le temps être dans l'action.
39:26 C'est seulement après que vous appliquez les principes tactiques.
39:30 Les tireurs lituaniens sont séparés en deux équipes.
39:35 La première joue le rôle de soldats ennemis,
39:38 retranchés dans ce bâtiment.
39:41 - Chacun repère son secteur et l'occupe.
39:44 Martinez, va à droite.
39:50 La seconde équipe a pour mission de les neutraliser.
39:53 - On contourne par un autre angle.
39:57 Allons sur la route. Venez avec moi.
40:07 C'est la première fois que ces hommes utilisent des armes de guerre.
40:10 Des fusils mitrailleurs suédois chargés à blanc.
40:13 Mais l'assaut ne se passe pas comme prévu.
40:18 Le groupe en première ligne est déjà à terre.
40:22 - On est mort. Si vous êtes allongé, ça signifie que vous êtes mort.
40:29 Si vous êtes assis, c'est que vous êtes blessé.
40:37 Malgré toute leur bonne volonté, les apprentis soldats semblent dépassés.
40:41 Ils ne savent pas où tirer.
40:43 - Tu peux nous couvrir ?
40:47 - Ne tire pas trop, on n'a plus de cartouches.
40:49 Et alors qu'ils n'ont pas encore pénétré dans le bâtiment,
40:53 ils sont déjà à court de munitions.
40:56 - Tu veux des balles ?
40:59 - Oui, je suis à sec. T'en as, toi ?
41:01 - Ouais, mais plus beaucoup.
41:04 Un manque de préparation qui leur coûtera cher,
41:07 car en combat urbain, rationner les munitions est l'une des clés de la victoire.
41:12 - Cessez le feu !
41:14 Au bout d'une heure, l'ennemi est finalement neutralisé,
41:19 mais au prix de nombreuses pertes.
41:21 - Ici, vous êtes tous morts.
41:23 Tous ceux qui sont morts à genoux.
41:28 S'il s'agissait d'un vrai champ de bataille,
41:32 près d'un tiers des miliciens auraient été tués.
41:35 Pour le capitaine Savickas, devenir combattant ne s'improvise pas.
41:39 - Je ne les enverrai pas au combat.
41:42 Ils ont encore besoin d'entraînement.
41:44 Là, ils n'ont eu qu'un petit aperçu,
41:47 mais la vraie guerre, c'est d'une tout autre ampleur.
41:49 Ils ont encore besoin de temps pour s'aguerrer.
41:52 La Lituanie n'est pas le seul pays balte à redouter une invasion russe.
42:02 Au nord, une autre ancienne république soviétique, la Lettonie,
42:06 voue une telle haine à la Russie qu'elle veut faire table rase
42:09 de leur histoire commune.
42:10 En juin dernier, le Parlement letton a voté une loi
42:15 qui ordonne le démantèlement de 69 monuments à la gloire de l'armée rouge.
42:20 Le plus emblématique est cet obélisque,
42:26 situé en plein coeur de Riga, la capitale.
42:30 Le 25 août dernier, il finit par tomber.
42:36 Cette démolition soulève la colère d'une partie des habitants,
42:43 la communauté russophone, qui représente un tiers
42:47 de la population de la Lettonie.
42:48 - Le fascisme ne passera pas !
42:50 A Dogavpils, bastion de la communauté russophone,
42:57 on tente par tous les moyens de s'opposer à la destruction
43:01 de ces édifices soviétiques.
43:02 Sur la place de la victoire, Alexei Vassilievs et ses amis
43:09 viennent chaque semaine se recueillir devant ce mémorial.
43:12 - Baissez la tête !
43:16 Dédié aux soldats soviétiques de la Seconde Guerre mondiale,
43:21 ce monument est lui aussi menacé.
43:27 - On n'y voit que des visages.
43:28 Il n'y a aucune mention de quoi que ce soit, de soviétique.
43:32 Nulle part.
43:33 - Il n'y a pas d'étoile, pas de médaille, rien.
43:37 Alexei est adjoint au maire.
43:41 Il redoute de voir l'héritage culturel de sa ville disparaître.
43:45 A Dogavpils, 80% des habitants parlent russe.
43:49 - Ce monument représente la diversité ethnique de notre ville,
43:56 pas seulement d'un point de vue architectural,
43:58 mais aussi d'un point de vue spirituel, historique.
44:02 S'il tombe, ça me fera vraiment mal.
44:05 Pour son ami Valéry, cette destruction serait douloureuse.
44:10 Ses ancêtres ont combattu dans les rangs de l'armée rouge
44:13 pour chasser les nazis de Lettonie.
44:15 - Mon oncle, mais aussi mon père, se sont battus contre le nazisme.
44:21 Beaucoup de nos ancêtres ont été fusillés par les nazis.
44:26 - Nous sommes pratiquement tous des proches des nazis.
44:29 - De toute façon, tout ça, ça a commencé avec les événements en Ukraine.
44:33 Mais qu'est-ce que nos ancêtres qui ont combattu le nazisme
44:37 ont à voir avec l'Ukraine ?
44:38 Ça n'a rien à voir.
44:40 Le gouvernement utilise les événements en Ukraine
44:44 comme prétexte pour éradiquer la culture russe.
44:47 La mairie de Dogavpils, opposée à la destruction du monument,
44:55 a épuisé tous les recours contre cette loi.
44:57 En désespoir de cause, Alexei s'est tourné vers la cour constitutionnelle lettonne
45:03 et la Cour européenne des droits de l'homme.
45:05 L'adjoint Omer espère encore un miracle.
45:08 Mais il y a peu d'espoir, car la Lettonie s'est lancée
45:13 dans une véritable guerre culturelle contre sa minorité russophone.
45:16 Il est désormais interdit de parler russe dans certains secteurs,
45:21 comme l'administration, les banques et l'enseignement.
45:26 De nouvelles mesures qui poussent certains russophones
45:29 à vivre en marge de la société, comme dans ce quartier populaire,
45:33 situé à une vingtaine de kilomètres de Riga.
45:35 Elena, 54 ans, habite dans cet appartement avec sa fille Valeria.
45:53 Ancienne professeure de danse, cette mère de famille
45:56 possède un statut quasi unique en Europe.
45:58 - Ça, c'est le passeport de ma fille Valeria.
46:06 Elle a la nationalité lettonne, d'accord ?
46:08 Elle est citoyenne de Lettonie.
46:10 Et ça, c'est mon passeport, où c'est écrit "étranger".
46:13 Donc, je ne suis pas citoyenne.
46:15 J'ai eu trois enfants dans ce pays et ils ne m'ont pas donné la nationalité.
46:19 Vous vous rendez compte ?
46:20 - Vous vous rétablissez ?
46:21 Elena fait partie des 200 000 non-citoyens que compte la Lettonie.
46:26 Des russophones, arrivés ou nés dans le pays
46:30 à partir de l'occupation soviétique en 1940.
46:33 À la disparition de l'URSS, ils se sont vus refuser la nationalité lettonne.
46:38 - Je suis discriminée.
46:41 Mes enfants sont citoyens et pas moi.
46:43 Je me sens comme une citoyenne de seconde zone.
46:46 - Est-ce que vous avez demandé votre nationalité lettonne ?
46:50 - Non.
46:51 Pour avoir le passeport letton, il faut passer un examen en langue lettonne.
46:55 Donc, si vous ne parlez pas letton, on ne vous le donne pas.
46:59 En tant que non-citoyenne, Elena n'a pas le droit de voter
47:05 ni de travailler dans la fonction publique.
47:07 Sa fille Valeria, elle, a obtenu la nationalité lettonne à la naissance,
47:12 comme tous ceux nés après la chute de l'URSS.
47:15 - Moi, je suis citoyenne.
47:19 Je peux travailler dans les établissements publics.
47:21 Je peux devenir policière, médecin ou encore pompier.
47:24 Je peux travailler dans les services de sécurité
47:30 et occuper des postes à responsabilité.
47:31 Entre les deux générations, les visions s'opposent.
47:40 - Je suis fière de mes origines russes.
47:44 Tu te sens lettonne ?
47:46 Pourquoi tu me demandes ça ?
47:49 Oh, mon Dieu ! Dieu nous en préserve.
47:51 Tu te sens lettonne ?
47:53 Tu n'as pas l'esprit russe ?
47:54 Alors, je suis désolée, mais tu n'es pas mon enfant.
47:57 Je ne t'ai pas élevée comme il faut.
48:00 Tu es lettonne ?
48:01 Est-ce que tu veux être lettonne ?
48:02 Alors, fais tes bagages et va-t'en d'ici.
48:05 C'est tout.
48:06 Contrairement à sa fille, Elena refuse d'abandonner sa culture russe.
48:13 Un sujet de discussion houleux et récurrent,
48:17 qui, heureusement, finit toujours par s'apaiser.
48:19 Dans la ville de Dogavpils,
48:25 Alexei Vassiljevs est lui aussi pleinement attaché à cet héritage.
48:30 L'adjoint au maire est chargé de l'éducation et de la culture.
48:34 Ce jour-là, il est l'invité d'honneur d'un concert organisé à la salle des fêtes.
48:39 Près de 400 personnes sont réunies.
48:46 Pour ce spectacle folklorique qui célèbre la culture slave.
48:50 Qu'est-ce qu'ils chantent bien !
48:53 Non, non, restez assis.
48:55 C'est un honneur.
49:12 Merci à tous d'être venus.
49:15 Merci beaucoup d'être venus.
49:17 Nous célébrons aujourd'hui notre histoire commune.
49:22 Et c'est précisément pour la préserver que nous tous, citoyens,
49:27 avec la municipalité de Dogavpils, nous nous battons.
49:32 Je me sens comme un habitant russe de Lettonie.
49:40 Ça m'a été transmis par mes parents.
49:44 La manière dont j'ai été élevé, dont j'ai grandi.
49:46 C'est un héritage qui reste avec nous jusqu'à la fin de notre vie.
49:50 Mais derrière son sourire et son discours rassurant,
49:54 Alexei est inquiet.
49:55 Oui, on va vivre tous ensemble.
49:58 Tous ensemble.
49:59 C'est bien dit. Les Slaves, ils doivent être ensemble.
50:03 Il sait que son combat pour défendre les droits de la minorité russe
50:06 eau faune est perdu d'avance.
50:08 Merci d'être venu.
50:09 À la prochaine. Au revoir.
50:13 Ces recours pour empêcher la démolition du monument soviétique
50:16 n'auront finalement rien donné.
50:18 Deux semaines plus tard, les bulldozers envahissent le centre-ville.
50:22 L'édifice est démantelé en pleine nuit.
50:25 Il était l'un des derniers vestiges soviétiques.
50:29 Depuis le début de la guerre en Ukraine,
50:36 les russophones de Lettonie s'inquiètent de la montée en puissance
50:40 du sentiment anti-russe.
50:43 Alors, certains habitants comme Elena
50:44 se replient davantage sur leur communauté.
50:47 - Russes, russes, russes.
50:51 Il y a des russes partout ici.
50:53 Elena habite dans l'une des banlieues les plus pauvres de Riga.
50:59 En Lettonie, près d'un quart de la population vit sous le seuil
51:03 de pauvreté, dont une grande partie de russophones.
51:06 - Bonjour.
51:09 Vous savez, moi, je reçois une pension de 400 euros.
51:12 C'est à peine suffisant pour payer mes charges.
51:14 Le chauffage me coûte 250 euros par mois,
51:17 sans compter l'électricité et le gaz.
51:19 - Au revoir, merci.
51:21 Bonne journée.
51:22 - Prétisnant, ça se sent.
51:25 On nous opprime.
51:26 Et en plus, ils veulent éradiquer la langue russe.
51:30 Ils veulent faire de nous des illettrés.
51:37 Dans sa volonté de rompre avec son passé soviétique,
51:40 l'Etat restreint l'usage du russe dans l'espace public.
51:43 Désormais, on ne trouve plus aucune enseigne en cyrillique.
51:47 Pour avoir le droit d'utiliser cet alphabet,
51:50 il faut payer une contribution à l'Etat.
51:52 A l'heure, beaucoup de commerces s'en passent.
51:55 - Tout est écrit en langue lettonne.
51:57 Voilà, ça, c'est du letton.
51:59 Ça aussi. Il n'y a plus d'alphabet cyrillique.
52:02 C'est fini. Plus rien n'est écrit en russe.
52:04 Alors qu'autrefois, c'était le cas.
52:07 C'était écrit en russe et en letton.
52:08 Ici aussi, c'est écrit en letton.
52:10 Je ne comprends pas tout ce qui est écrit, parce que moi, je suis russophone.
52:15 Avant, tout était écrit en letton et en russe.
52:18 Mais là, si un letton m'entend, il va se plaindre
52:25 et je pourrai avoir une amende.
52:26 Par peur des représailles, la plupart des russophones
52:34 n'osent pas dénoncer publiquement une réforme qu'ils jugent stigmatisante.
52:37 Elena, elle, ne veut pas se taire.
52:41 Tout comme sa fille Valeria, qui accuse son ancien lycée de discrimination.
52:45 Les faits se sont déroulés il y a un an dans cet établissement scolaire.
52:50 À l'époque, la jeune lycéenne est en classe de seconde.
52:53 - J'étais à l'école en train d'étudier avec une amie.
52:56 Je lui parlais en russe.
52:58 Alors, le chef d'établissement est venu me voir et il m'a dit
53:02 si tu parles encore une fois en russe, tu seras exclue de l'école.
53:04 Et il m'a dit tout cela en letton.
53:07 Et voici ce que m'a écrit un camarade de classe par message.
53:12 S'il y a quelque chose qui ne te plaît pas, tu n'as qu'à quitter l'école.
53:16 - Quand tu es boycotté par toute la classe, quand on t'ignore,
53:21 c'est clairement une attitude radicale, nationaliste.
53:25 Tu es rejeté tout simplement parce que tu es russe.
53:30 À la rentrée prochaine, le letton sera la seule langue autorisée
53:34 à l'école, officiellement pour une meilleure intégration
53:37 de la minorité russophone.
53:38 Mais à vouloir se défaire de l'influence russe,
53:41 la Lettonie finit par ostraciser une partie de sa population.
53:45 Une situation jugée préoccupante par l'Union européenne,
53:49 qui presse le gouvernement letton de trouver une solution
53:53 au statut de non citoyen.
53:54 À Kaliningrad, pour les élections au poste de gouverneur,
54:00 le candidat communiste n'aura obtenu que 5% des voix.
54:03 Anton Alikhanov, lui, a été largement réélu,
54:07 avec un peu plus de 80% des suffrages.
54:10 De quoi conforter la mainmise du Kremlin sur cet avant-poste russe
54:14 au cœur de l'Europe.
54:16 Sous-titrage ST' 501
54:19 Sous-titrage Société Radio-Canada

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