• il y a 11 mois
Un mois et demi après des crues historiques, le Pas-de-Calais est à nouveau sous les eaux. Dans plusieurs communes, les habitants, impuissants, voient leurs maisons inondées. Certains écopent pour la troisième fois en quelques semaines. Comment expliquer ces crues qui s'enchaînent ? Tout a-t-il vraiment été mis en œuvre pour protéger les habitations ? Faut-il partir définitivement ? Reportage de nos envoyés spéciaux Fabrice Babin, Clément Granon avec Yves Couant, Stéphanie Zenati, Bertrand Séguier et Sophie Herbé.

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Transcription
00:00 -Il y a beaucoup de courant ? Marchez bien au milieu de la route.
00:04 Les plaques d'égout peuvent se lever.
00:06 Marchez au milieu de la route, il y a moins de danger.
00:10 Pas à pas, à contre-courant, Mathieu Picavé progresse péniblement dans sa rue, transformée en rivière.
00:17 Âgé de 34 ans, ce couvreur a dû quitter en urgence sa maison avec sa femme et ses 2 filles mardi soir, quand l'eau est montée.
00:27 Et ce mercredi, il retourne chez lui pour récupérer sa chienne.
00:34 -Viens, mon bébé. Attends, on va te porter. Viens. Viens, n'aies pas peur. Viens, mon gros. Viens, Tina. Tina !
00:45 À l'intérieur, Mathieu Picavé ne peut que constater les dégâts.
00:49 -C'est... C'est malheureux. J'avais mis des sacs de somme, mais ça n'a pas servi à grand-chose.
01:00 Toute nouvelle chaussière. -Qui a été posée quand ?
01:02 -Qui a été posée il y a 3 semaines, parce que l'assurance avait débloqué l'argent pour qu'on puisse avoir du chauffage. Toute nouvelle.
01:11 Un courant qui est ici.
01:15 Musique douce
01:17 Le lit du fleuve n'est qu'à quelques dizaines de mètres de sa maison.
01:23 -Il y a le grillage. La rivière, elle est derrière, en fait.
01:27 Il a acheté ici il y a 15 ans et continue de rembourser sa maison payée 110 000 €. Devant le fleuve en cru, il se montre fataliste.
01:36 -S'en prendre à qui ? Ça sert à quoi ? -À rien. -À rien ? C'est la nature, c'est tout. C'est comme ça.
01:40 -Partir, parler ou... Je sais pas. Après, maintenant qu'elle a été inondée 3 fois de suite, la maison, elle n'a plus de valeur, parce que les gens le savent.
01:51 Donc la revendre, elle vaut plus rien.
01:56 Musique douce
01:58 Comme lui, près de 300 personnes ont dû être évacuées. Ici, tous les habitants ont dû fuir le quartier.
02:08 -Sans courant, sans rien. Qu'est-ce que vous voulez faire ? Sans chauffage, avec des enfants, c'est pas possible.
02:14 Sa chienne Tina a juché sur son dos. Mathieu avance vers sa camionnette, où il a pu mettre à l'abri de l'électroménager.
02:21 Musique douce
02:25 -Allez, monte, en camion. Allez, monte. Allez.
02:31 Sèche-linge, la vaisselle, congélateur, frigo, et là-bas, bon... La vaisselle.
02:43 -C'est tout neuf ? -C'est tout neuf, ouais. C'est tout neuf.
02:48 Essoufflé par sa marche dans l'eau, Mathieu se sent surtout épuisé, moralement.
02:53 -Très, très fatigué, très épuisé. On sait jamais quand est-ce qu'on va pouvoir rentrer. Tu rentres à peine pour faire Noël et tu recommences derrière.
03:05 Mentalement, c'est dur, quand même. Très dur. Mais bon. Le principal, c'est qu'il y a pas de blessés. Le principal, après, ça reste du matériel.
03:16 Sifflement
03:19 Musique douce
03:22 Dévasté. A l'image de toute une population, après ces crues à répétition.
03:30 Comme celle de ses voisins, la maison d'Alexandre Paget est remplie d'eau. Et les murs portent encore les marques de la dernière crue.
03:42 -Vous pouvez voir l'ampleur des dégâts. Rien n'a bougé, à part les meubles, depuis le 11 novembre. Il y a des champignons sur les murs.
03:51 -Ça, c'est tous les champignons.
03:54 Il a acheté cette maison il y a un an pour 185 000 euros. L'assurance a proposé 85 000 suite à la première inondation. Mais Alexandre estime que vivre ici est désormais impossible.
04:06 -Le traumatisme, c'est tous les jours. Depuis 3 mois, c'est tous les jours. On est résignés. Non, c'est fait, c'est fait. Moi, j'ai plus rien à perdre. Tout est déjà perdu.
04:16 -Donc voilà. Maintenant, faut reconstruire, mais plus ici, quoi. Je revends ça à quelqu'un... Je serais même peut-être pas capable de lui revendre, tellement j'aurais honte de vendre quelque chose comme ça.
04:30 Alexandre s'est installé avec sa femme Céline et ses 2 filles chez sa belle-mère, qui habite à Longnes, à 5 km d'ici, au sec. Ils vivent là depuis 2 mois.
04:42 La famille a juste eu le temps d'emporter avec elle quelques affaires et des vêtements.
04:47 -Ici, vous avez la chambre des filles, qui dorment toutes les 2, et où on a pu stocker un petit peu des vêtements, un peu partout, comme on a pu.
04:57 -Et puis après, vous allez avoir de l'autre côté la chambre... Nous, les parents, où on dort à 2 ici, et pareil, où on stocke un peu les vêtements qu'on a récupérés, comme on peut aussi.
05:12 Malgré des repères chamboulés, la cohabitation se passe au mieux.
05:16 -On essaye de s'organiser. Moi, j'essaye de leur laisser leur week-end. Et puis j'ai des amis, et eux, qui m'hébergent.
05:24 -Attends, vous partez le week-end ? -Oui, je pars le week-end pour les laisser, oui, oui, en famille, et puis en couple aussi, surtout, ouais.
05:30 Avec le stress des dernières semaines, Alexandre et Céline se posent de nombreuses questions. Ont-ils fait une erreur en achetant cette maison ?
05:39 -Dans la signature du notaire, donc j'ai revu après, c'était bien marqué "risque faible à modérer". Donc on m'a expliqué qu'il y avait eu une inondation en 2002, etc.,
05:49 mais qu'il y avait des travaux qui avaient été faits pour justement pallier à ça et qu'il n'y avait plus de risque. Donc on y va, quoi.
05:57 Autre interrogation qu'il ne cesse de ressasser. Que vont-ils devenir, maintenant ?

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