Paul Magnette : "Le nationalisme, c'est le fléau que subit l'Union européenne aujourd'hui"

  • il y a 9 mois
Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi et président du Parti Socialiste belge, est l'invité du Grand Entretien, à l'occasion de la sortie de "L'autre moitié du monde" (Edition La Découverte)

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00 L'invité du grand entretien de la matinale ce matin est Belge, président depuis 2019
00:04 du parti socialiste wallon-bourgmestre, c'est-à-dire maire de la ville de Charleroi, ancien ministre
00:10 président de la Wallonie et il publie aux éditions de La Découverte un très intéressant
00:15 essai sur la valeur travail, confisqué selon lui par la droite, vidé de son sens et qu'il
00:20 faudrait reconquérir.
00:21 Bonjour Paul Magnette.
00:22 Bonjour.
00:23 Chers auditeurs, intervenez au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:28 On va parler de votre livre sur le travail, dans un instant un livre à la fois synthétique,
00:33 instructif, documenté.
00:34 Mais d'abord un hommage est rendu aujourd'hui à Jacques Delors aux Invalides.
00:38 Le président Emmanuel Macron va prononcer l'éloge funèbre de l'ancien président
00:41 de la commission européenne, ancien syndicaliste et figure du parti socialiste.
00:46 Jacques Delors, pour vous c'était véritablement une grande personnalité de gauche ?
00:49 C'est une immense personnalité politique française et européenne.
00:53 J'ai eu la grande chance de le rencontrer à plusieurs reprises.
00:56 C'est un homme d'une très grande humilité, d'une très grande curiosité, un homme de
01:00 dialogue et au parcours assez remarquable devenu très rare aujourd'hui puisque c'est
01:04 un autodidacte.
01:05 C'est quelqu'un qui s'est construit dans le cadre du mouvement syndical et donc pour
01:09 qui la solidarité, le travail justement, on en parlait, c'était des sujets extrêmement
01:14 importants, extrêmement structurants.
01:16 Et donc je rends évidemment hommage à ce combat.
01:19 J'aimerais qu'il y ait plus d'hommes politiques à la Delors, c'est-à-dire d'hommes politiques
01:23 qui soient mûs par des convictions, par des idéaux et qui fassent se rejoindre d'une
01:28 certaine manière tous les combats qui sont menés par les organisations syndicales pour
01:31 défendre les salariés et les travailleurs au quotidien et l'action politique à tous
01:35 les niveaux.
01:36 Quels échanges vous aviez eu lors de ces rencontres ?
01:37 C'était des débats.
01:39 Je m'en souviens, c'était il y a quelques années, on avait publié un bouquin sur l'évolution
01:43 du modèle européen.
01:44 Après, ça remonte déjà à quelques années, après tous les chocs géopolitiques et après
01:49 les traités de la Tunique, de Maastricht, etc.
01:51 La question c'était, on avait reçu un prix pour ce bouquin et donc Jacques Delors très
01:54 gentiment nous avait reçus avec mes co-auteurs, et la question c'était finalement vers quoi
01:59 va l'Europe ?
02:00 Comment peut-elle se refonder ?
02:01 Quel sens peut-elle retrouver ?
02:03 Parce que je pense que Jacques Delors, tout en ayant été vraiment l'architecte de l'acte
02:07 unique européen du traité de Maastricht, avait conscience que c'était une Europe
02:11 qui ne marchait que sur une jambe et que la concurrence sociale, la concurrence fiscale
02:15 tuait très profondément le soutien à l'Union européenne dans des larges pans des opinions
02:21 publiques et de la population, parce que l'Europe apparaissait, apparaît toujours encore très
02:24 largement aujourd'hui, comme une machine à déréguler, une machine à créer de la
02:28 concurrence, là où il faudrait qu'elle protège davantage.
02:30 Et donc tout le débat était celui-là.
02:32 Ça reste malheureusement des années après encore ce débat-là, comment faire que l'Europe
02:35 soit vraiment une force de protection des citoyens ?
02:38 J'allais le dire Paul Magnette, la question vers quoi va l'Europe ?
02:41 On est loin d'y avoir répondu puisque Jacques Delors c'était aussi le père de l'Europe
02:45 sociale.
02:46 Donc d'après vous, elle n'existe pas encore aujourd'hui cette Europe qui associerait,
02:49 je cite Jacques Delors, la compétition qui stimule, la coopération qui renforce, la
02:53 solidarité qui unit.
02:55 Qu'est-ce qui manque pour y arriver ?
02:56 La solidarité manque clairement.
02:57 Je pense que les critiques qui sont adressées à l'Union européenne, elles sont légitimes.
03:01 Il y a eu un grand plan d'aide avec la pandémie.
03:02 Il s'est passé quelque chose ?
03:03 Oui, on peut dire qu'il s'est passé quand même quelque chose ces dernières années,
03:06 dans le sens où il y a des brèches qui ont été créées dans cette espèce de bloc de
03:10 granit qu'était le traité de Maastricht et les traités qui ont succédé, qui sont
03:13 quand même des traités obsédés par la question de contenir l'inflation, de réduire la dette,
03:18 de réduire les déficits et donc d'empêcher d'une certaine manière aussi les États et
03:23 l'Union européenne elle-même de mener de vastes politiques d'investissement, de vastes
03:26 politiques de soutien aux travailleurs et à la solidarité.
03:29 C'est une Europe qui est quand même encore fondée essentiellement malheureusement sur
03:32 la compétition et même plus sur la concurrence.
03:35 On le voit, les détachements de travailleurs, que je défends évidemment, mais pas de manière
03:39 dérégulée comme c'est le cas aujourd'hui, eh bien ça conduit à ce que des travailleurs
03:42 qui viennent de pays dans lesquels les systèmes de protection sociale sont beaucoup moins
03:45 développés viennent faire concurrence à nos systèmes de protection sociale ici en
03:50 France, en Belgique ou ailleurs.
03:51 La concurrence fiscale qui est absolument désastreuse dans l'Union européenne où
03:55 nous sommes nous, la Belgique, un paradis fiscal pour Bernard Arnault qui s'est installé
03:59 en Belgique parce qu'on ne paye pas de taxes sur les plus-values et en revanche la France,
04:07 il y a une concurrence sur l'ensemble des bases fiscales, chacun un peu sa niche fiscale
04:11 pour les entreprises, pour la fortune, pour autres, et tout ça détruit la capacité
04:16 budgétaire indispensable et donc finalement détruit les services publics et détruit
04:19 l'action même de l'État.
04:20 Je reviens rapidement encore à quelques instants à cet hommage à Jacques Delors.
04:23 A gauche, des membres de l'opposition dénoncent une récupération par Emmanuel Macron, par
04:28 le chef de l'État.
04:29 Qu'est-ce que vous en pensez ?
04:30 Je pense que quand une grande personnalité politique comme celle de Jacques Delors qui
04:34 a eu un très très très long parcours disparaît, on se met un peu l'espace d'un instant
04:39 au-dessus des clivages.
04:40 Il y aura évidemment des dirigeants divers de l'Union Européenne ce matin qui seront
04:45 présents, des dirigeants des différents pays.
04:47 Et le Premier ministre nationaliste, Victor Orban, qu'est-ce que ça vous inspire cette
04:51 présence ?
04:52 Je ne sais pas ce qu'en aurait pensé Jacques Delors mais le nationalisme c'est vraiment
04:56 le fléau que subit l'Union Européenne aujourd'hui.
04:59 C'est vraiment l'extrême droite qui prospère sur toutes les terres dans lesquelles on a
05:03 vu les emplois disparaître, sur toutes les terres dans lesquelles les services publics
05:07 ont été affaiblis.
05:08 C'est vraiment, je pense, le cancer de l'Europe aujourd'hui.
05:10 C'est extrêmement dangereux, extrêmement préoccupant.
05:13 Parce que ces entrepreneurs d'extrême droite, parce que ce sont des entrepreneurs politiques,
05:18 ils ont compris qu'il y avait un désarroi profond dans la population.
05:20 Ils ont compris que les hommes et les femmes qui vivent dans des territoires qui étaient
05:24 autrefois des territoires prospères.
05:26 Moi je viens de la Wallonie qui a été une des régions les plus riches du monde.
05:28 Une des régions dans laquelle les hommes et les femmes ont extrait le charbon, ont
05:32 fondu l'acier, la fonte, le verre, ont construit les grandes industries chimiques,
05:37 qui ont fait toute la richesse, la prospérité de l'Europe.
05:39 Et qui ont été, les citoyens de ces zones restent extrêmement attachés à cette histoire
05:45 industrielle et à cette histoire de l'activité économique, du travail et de l'emploi.
05:50 Mais quand la concurrence intra-européenne, quand la concurrence chinoise, quand on ouvre
05:55 au grand vent du commerce international toutes les frontières, eh bien on détruit ces emplois.
05:59 On provoque la délocalisation et on provoque aussi le désespoir et le désarroi des populations.
06:04 Et des leaders comme Victor Orban, mais évidemment comme Marine Le Pen ici en France ou beaucoup
06:08 d'autres, on a aussi une extrême droite très forte malheureusement en Flandre, au
06:12 nord du pays, en Belgique, eh bien ils exploitent ce désarroi.
06:15 Et toute la responsabilité de la gauche aujourd'hui c'est évidemment d'apporter une autre réponse.
06:19 C'est de dire "oui vous avez raison de protester contre le dumping social, vous avez raison
06:23 de regretter la concurrence fiscale, mais c'est pas en rejetant l'Europe qu'on va s'en sortir.
06:27 C'est au contraire en changeant l'Europe, c'est en faisant en sorte que cette Europe
06:30 devienne une vraie Europe qui nous protège contre la concurrence internationale complètement
06:36 débridée, contre la fraude fiscale, contre l'évasion et la spéculation financière
06:41 et qui réindustrialise, qui recrée de l'emploi et qui recrée aussi de la solidarité dans
06:45 les territoires.
06:46 Paul Magnette, je vous entends citer Marine Le Pen à l'instant.
06:49 Récupérer l'héritage de Delors et celui de Marine Le Pen, Macron risque une sacrée
06:53 élongation, ça c'est un cadre socialiste qui est cité anonymement dans le journal
06:57 Le Parisien.
06:58 Qu'est-ce que vous en pensez de cette réflexion ?
07:00 C'est vrai que le parcours qui est celui d'Emmanuel Macron est pour beaucoup de gens
07:05 extrêmement difficile à suivre d'abord parce qu'on ne sait pas très bien à quelle vitesse
07:09 il suit le sens du vent.
07:11 Mais en plus c'est aussi très désarçonnant dans la manière dont il semble sur la loi
07:16 immigration s'aligner totalement sur les positions d'extrême droite et donner finalement
07:20 une victoire non seulement idéologique à l'extrême droite mais une victoire politique
07:23 et morale extrêmement grave et où quelques jours plus tard il se revendique de l'héritage
07:29 de Jacques Delors, du dialogue social et du socialisme.
07:31 C'est quand même soit une forme de cynisme, soit une forme de désinvolture qui est profondément
07:36 blessante et pour toutes celles et ceux qui sont des citoyens français, j'ai beaucoup
07:39 d'amis français de gauche qui sont allés voter au deuxième tour pour faire barrage
07:43 à l'extrême droite, s'apercevoir qu'Emmanuel Macron trahit complètement et totalement
07:48 la confiance qui lui a été donnée par des gens qui ne voulaient pas voter pour lui et
07:52 qui l'ont fait uniquement pour faire barrage à l'extrême droite, c'est extrêmement
07:54 cruel.
07:55 Vous-même vous écrivez dans votre livre qu'il faut octroyer des titres de séjour
07:59 et des permis de travail aux salariés sans papier pour leur faire bénéficier des règles
08:03 communes aux travailleurs mais aussi pour qu'ils soient à égalité avec les autres
08:06 salariés, les salariés qui jouent avec les règles habituelles justement, avec ces règles
08:11 communes pour qu'il n'y ait pas un marché du travail à deux vitesses en quelque sorte.
08:13 Oui, c'est une des plus grandes hypocrisies de nos sociétés européennes aujourd'hui.
08:18 On sait qu'il y a en France à peu près 650 000 personnes, en Belgique 110 000 donc
08:22 proportionnellement à peu près la même taille, qui vivent sur leur territoire et
08:26 qui n'ont pas de titre de séjour, qui n'ont donc pas de titre de travail mais qui travaillent
08:30 puisqu'ils et elles n'ont droit à absolument rien, ils n'ont droit à absolument aucune
08:33 aide sociale.
08:34 Donc ils sont obligés de travailler, ils travaillent donc dans la plus grande clandestinité.
08:37 On sait qu'il y a des secteurs entiers, que ce soit la restauration, que ce soit dans
08:41 les services de nettoyage, dans le traitement des déchets, dans le transport, la logistique,
08:45 il y a énormément de ces travailleurs qui sont en situation illégale et qui sont les
08:49 derniers d'années de la terre d'une certaine manière.
08:51 Ils n'ont absolument aucun droit, ils reprennent un boulot le matin, ce qu'on leur donne,
08:57 ils acceptent le salaire qu'on leur donne, s'ils tombent malades ou s'ils ont un accident
08:59 ils n'ont absolument aucune couverture.
09:01 C'est une situation qui est absolument intenable au XXIe siècle et une profonde hypocrisie
09:05 parce que tout le monde sait que ça existe, tout le monde sait que ça joue un rôle extrêmement
09:09 important dans notre économie et personne ne veut l'affronter sérieusement.
09:11 Je ne sais pas si vous avez le même discours en Belgique, en tout cas vous avez la même
09:16 problématique parce que la réponse, une des réponses du gouvernement c'est de dire
09:20 aujourd'hui l'opinion et effectivement la plupart des sondages le montrent, elle réclame
09:24 cette loi immigration qui durcit les conditions de vie.
09:26 Mais ce qu'on attend des politiques, ce n'est pas qu'ils s'alignent sur les émotions de
09:29 l'opinion.
09:30 Ce qu'on attend des politiques, c'est qu'ils prennent de la hauteur, c'est qu'ils affirment
09:33 des responsabilités, c'est qu'ils disent les choses et qu'ils les expliquent.
09:36 Aujourd'hui en France comme en Belgique comme en Europe, il y a des centaines de milliers
09:41 de personnes qui sont dans des situations extrêmement difficiles, qui jouent un rôle
09:44 dans notre économie et il faut pouvoir simplement leur donner une reconnaissance, un titre
09:48 de séjour, un titre de travail pour qu'ils puissent être protégés et continuer à
09:52 travailler, continuer à contribuer à la prospérité collective mais sans les risques
09:57 qu'ils prennent au quotidien.
09:58 Dominique, appelez le standard de France Inter, Dominique qui nous appelle de Haute-Corse.
10:03 Bonjour Dominique.
10:04 Bonjour France Inter, bonjour à votre invité.
10:06 En préambule je voudrais faire une remarque à savoir…
10:11 Vous êtes belge vous aussi Dominique non ? D'origine belge peut-être ?
10:15 Pardon ?
10:16 Vous avez un petit accent qui me fait penser que vous êtes d'origine belge mais…
10:19 Non écoutez, un accent corse mais…
10:21 Un accent corse, rien à voir.
10:23 Je vous confie que ce n'est pas un accent tellement belge, plutôt un accent hors-belge.
10:27 J'ai beaucoup de sympathie pour la Belgique et les Belges mais en préambule donc je voulais
10:32 vous dire que je rejoins totalement, j'adhère totalement à ce que dit votre invité sur
10:36 la disparition des services publics qui a été un coup dur pour l'Europe et notamment
10:44 pour les 27 pays européens qui la composent.
10:47 Premier point.
10:48 Deuxième point, est-ce que M.
10:51 Jacques Delors disait que vous faisiez allusion à la souveraineté de l'Europe ? Mais il
10:57 faut savoir que l'Europe ne possède pas de défense alors, ce n'est pas une nécessité
11:04 d'avoir une défense pour assurer la souveraineté de l'Europe ?
11:08 Merci pour votre question Dominique.
11:10 Alors Dominique qui effectivement adhère à votre discours sur la disparition des services
11:14 publics mais sur la souveraineté de l'Europe, effectivement on peut être souverain sans
11:17 avoir une défense ?
11:18 Je pense qu'il ne faut pas jouer avec des grands mots comme la souveraineté, un Etat
11:21 européen, le fédéralisme, ce n'est pas ça la question.
11:23 Il faut rappeler qu'aujourd'hui l'Europe crée de la concurrence, elle affaiblit les
11:26 services publics, elle met les travailleurs en concurrence les uns avec les autres et
11:29 donc elle fait pression sur les salaires et on a besoin exactement de l'inverse.
11:33 J'ai avec d'autres d'ailleurs déposé une initiative, ce qu'on appelle une initiative
11:36 citoyenne européenne, c'est un espèce de référendum d'initiative populaire à
11:40 l'échelle européenne pour que l'on taxe la fortune, que l'on taxe les grandes fortunes
11:44 européennes qui aujourd'hui échappent totalement à l'impôt, très très largement qui accumulent
11:49 des sommes absolument hallucinantes, qu'on puisse taxer ces montants, rapporter à peu
11:52 près 200 milliards par an et financer avec ça la transition climatique et sociale dont
11:57 on a absolument besoin.
11:58 Aujourd'hui il faut investir massivement dans l'isolation des bâtiments, dans les
12:01 transports en commun, dans une alimentation de qualité, ça va coûter très cher et il
12:06 faut faire payer ceux qui sont responsables de la situation.
12:08 Si l'Europe faisait ça, alors on peut dire que l'Europe servirait vraiment à quelque
12:12 chose et que l'Europe retrouverait fondamentalement sa vocation.
12:16 Donc j'invite les auditeurs de France Inter à signer la pétition taxedrich.eu pour faire
12:21 en sorte que si l'on recueille un million de signatures, la Commission européenne sera
12:25 obligée de proposer une proposition de taxation de la fortune pour financer la transition
12:29 climatique et sociale.
12:30 Ça c'est l'Europe dont nous avons besoin, c'est l'Europe que la gauche doit porter.
12:34 Paul Magnet, on l'entend, vous avez des projets, des propositions pour l'Europe.
12:37 Dans votre livre, d'ailleurs "L'autre moitié du monde", il parle de la valeur
12:40 travail mais c'est aussi un peu un guide pour la gauche de gouvernement et pour une
12:44 gauche qui pourrait être au pouvoir y compris en Europe.
12:47 Quel regard vous portez sur l'émiettement des gauches européennes dans le cadre notamment
12:51 des élections européennes à venir en juin prochain ?
12:54 Nous vivons un cycle très difficile un peu partout en Europe.
12:57 On voit que l'extrême droite donne le ton.
13:00 C'est catastrophique mais malheureusement c'est comme ça.
13:02 Que ce soit en France, on le voit, en Belgique en tout cas dans le nord du pays, en Italie,
13:07 en Suède, en Finlande, etc.
13:09 Je crois que ce que les gens de gauche doivent essayer de faire c'est d'abord de comprendre
13:13 ce désarroi, ne pas juger et comprendre.
13:16 Pour moi l'explication est assez simple et je crois qu'elle l'est pour beaucoup
13:19 d'hommes et de femmes de gauche.
13:20 On a favorisé une ouverture massive du commerce international.
13:24 On a mis en concurrence les pays les uns avec les autres.
13:27 On met la pression sur les salaires.
13:29 On détruit des milliers et des dizaines de milliers d'emplois.
13:32 Il n'y a plus d'argent dans les caisses de l'État et donc on réduit aussi les
13:35 services publics.
13:36 C'est normal que les citoyens qui vivent dans des régions qui étaient autrefois prospères,
13:41 dans lesquelles autrefois il y avait le plein emploi, dans lesquelles autrefois quand on
13:44 avait un bon salaire on pouvait faire vivre sa famille, on pouvait regarder ses enfants
13:48 dans le blanc des yeux et leur dire "ta vie sera meilleure que la mienne parce que
13:51 tu vas pouvoir faire des études, tu vas pouvoir t'épanouir et développer tout ce qu'il
13:54 y a en toi".
13:55 Tous ces rêves-là aujourd'hui se fracassent sur la réalité d'une Europe libérale qui
14:00 est une Europe de la concurrence.
14:01 Et l'extrême droite n'a pratiquement plus qu'à se pencher pour ramasser les morceaux.
14:04 Pourquoi est-ce que face à ça la gauche ne peut pas avoir un discours uni ?
14:08 La gauche peut avoir un discours uni et je pense que sur l'essentiel, en ce compris
14:12 en France, elle l'a.
14:13 Si l'on peut dire aux hommes et aux femmes qui vivent aujourd'hui dans un désarroi
14:17 profond à cause de la perte de l'emploi, à cause du fait qu'elles ont un travail
14:20 qui est difficile, à cause du fait qu'elles ont un salaire qui ne leur permet pas de boucler
14:23 les fins de mois, leur dire "écoutez, votre ennemi ce n'est pas le chômeur, votre
14:26 ennemi ce n'est pas l'étranger qui soi-disant vous prend votre travail, votre véritable
14:31 adversaire c'est les multinationales qui ne payent pas leurs impôts, votre véritable
14:35 adversaire ce sont les grandes fortunes qui accumulent des montants colossaux qu'il
14:39 faudrait taxer".
14:40 Et avec de la justice fiscale, avec une revalorisation des salaires, on peut faire en sorte d'améliorer
14:45 la situation des classes moyennes et de les convaincre que ce n'est pas avec l'extrême
14:49 droite et la haine de l'autre que leur situation va s'améliorer.
14:52 Mais tout le monde, malgré tout, part en ordre dispersé, en tout cas en France, place
14:56 publique d'un côté, la France insoumise de l'autre, les écologistes de l'autre,
15:01 le PCF encore…
15:02 D'abord il y a eu une tentative qui je pense a été utile d'unifier l'ensemble des
15:07 gauches avec la NUPES.
15:08 Bon, elle a duré ce que durent les roses, c'est-à-dire l'espace d'un instant,
15:11 mais elle a quand même permis de construire une opposition forte au sein de l'Assemblée
15:15 Nationale.
15:16 Aujourd'hui les européennes, moi ça ne me heurte pas du tout, on a un mode de scrutin
15:19 qui est proportionnel, tous les élus français au Parlement européen siégeront chacun
15:24 dans leur propre groupe, donc dans des groupes différents, donc ce n'est pas en soi problématique
15:28 que chacun y aille avec sa propre étiquette et avec son propre projet.
15:33 D'autant qu'il ne faut pas dissimuler qu'il y a quand même des divergences de
15:35 fond sur la question de la guerre en Ukraine, sur la reconnaissance du caractère terroriste
15:40 du Hamas, sur la protection des minorités ouïgours en Chine, sur des sujets de politique
15:45 internationale extrêmement importants comme ceux-là, il y a de vraies divergences entre
15:48 les gauches et en particulier avec Jean-Luc Mélenchon.
15:50 Et donc là, ça doit pouvoir aussi se marquer.
15:53 Je comprends que mes amis socialistes aient envie de dire "oui, on ne peut pas s'aligner
15:58 sur la France Insoumise ou en tout cas sur Jean-Luc Mélenchon sur ces questions-là".
16:01 Maintenant, ce qu'il faut évidemment espérer, c'est qu'au lendemain des élections européennes,
16:05 ces gauches puissent se parler, puissent essayer de construire une plateforme commune.
16:09 Moi j'ai débattu ces derniers temps avec Clémentine Autain, avec François Ruffin
16:13 par exemple, sur les questions d'éco-socialisme, sur les questions de la transition climatique
16:17 et des politiques sociales et très sincèrement, il y a infiniment plus de convergence sur
16:22 ces questions-là que de divergence.
16:23 Je pense que quelqu'un comme François Ruffin, en tout cas au Parti Socialiste Belge, aurait
16:27 tout à fait sa place et je pense pourquoi pas aussi dans une union vaste des gauches
16:32 ici en France.
16:33 Il porte notamment sur la question du travail un discours qui je crois est tout à fait
16:37 convergent avec celui que portent les socialistes.
16:39 Vous parliez des Ouïghours, c'est un des combats de Raphaël Glucksmann qui pourrait
16:42 être désigné, qui va sans doute être désigné tête de liste par le Parti Socialiste en
16:47 France.
16:48 Vous avez confiance dans le pouvoir de ralliement de Raphaël Glucksmann qui est déjà député
16:52 ou ouïghourien ?
16:53 Raphaël a déjà été tête de liste lors des dernières élections, il le sera sans
16:56 doute mais je ne suis pas devin et ce n'est pas moi qui décide aux prochaines élections
16:59 européennes pour la liste PS.
17:01 Ce qui est intéressant c'est que c'est une liste socialiste mais avec effectivement
17:05 tout ce que Raphaël a pu amener de combats nouveaux sur les questions des droits fondamentaux
17:10 à l'échelle internationale, sur la question de la surveillance des multinationales, de
17:14 la protection des droits des travailleurs dans des territoires très éloignés au
17:17 fin fond de la Chine.
17:18 Il a vraiment réouvert une série de sujets dont on ne parlait pas beaucoup et qui sont
17:23 des sujets extrêmement importants.
17:24 Moi j'ai des enfants d'une vingtaine d'années.
17:26 Les combats que porte Raphaël sont des combats qui parlent énormément à cette jeunesse
17:30 et dont je crois qu'il apporte un sang neuf qui vient compléter ce que le Parti Socialiste
17:35 représente c'est-à-dire un grand parti qui a cette longue histoire de Jaurès, de
17:39 Blum, de Mitterrand, de Jacques Delors et qui a cette longue histoire de grande conquête
17:44 sociale qui est aussi un parti qui conserve une implantation dans les communes, les villes,
17:48 les territoires extrêmement fortes et que la synthèse des deux peut, je crois, placer
17:53 mes amis socialistes au centre de la prochaine élection européenne.
17:56 Paul Magnette, c'est vrai qu'on vous a proposé la tête de liste ?
17:58 On m'avait proposé la tête de liste en 2019 mais j'avais encore quelques petites
18:02 choses à faire en Belgique.
18:03 Pas cette fois-ci ?
18:04 Pas cette fois-ci, non.
18:05 Votre livre "L'autre moitié du monde" est très nourri d'études, de philosophes
18:09 aussi, Anna Arendt, Simone Weil, c'est une personnalité que vous citez beaucoup dans
18:13 ce livre.
18:14 Ça apparaît un peu, je le disais, comme un mode d'emploi pour la gauche de gouvernement.
18:17 D'après vous, c'est en récupérant cette valeur travail, en lui redonnant du sens,
18:21 que la gauche peut retrouver sa place ?
18:22 Je l'ai intitulé "L'autre moitié du monde", c'est une phrase de Rabelais.
18:27 Rabelais dit dans Gargantua "il est bien vrai ce que l'on dit, que la moitié du
18:31 monde ne sait pas comment l'autre moitié vit".
18:33 Et cette phrase, j'y ai souvent pensé en écoutant les hommes et femmes de droite parler
18:37 de la grande démission, de l'épidémie de flemmes, des gens qui ne veulent plus travailler,
18:42 etc.
18:43 C'est facile quand on est né dans un milieu plutôt privilégié, qu'on a fait des
18:46 belles études, qu'on a un beau contrat avec un beau salaire, c'est facile de parler
18:51 du travail comme ça, en faisant de grands éloges.
18:53 Mais en réalité, ces hommes et ces femmes ne connaissent pas la réalité du monde du
18:57 travail.
18:58 Aujourd'hui, en France comme en Belgique, les citoyens sont très attachés au travail.
19:02 Le travail reste une valeur absolument centrale dans la société.
19:05 Si j'ai cité notamment Simone Weil, une philosophe française que j'aime beaucoup,
19:09 elle me sert un peu de compagnon de route tout au long du livre.
19:12 C'est parce qu'elle a, dans les années 30, un moment très difficile de l'histoire
19:16 industrielle et sociale française.
19:17 Elle a choisi d'aller travailler en usine pour se rendre compte de ce qu'était la
19:21 réalité du monde du travail.
19:22 Elle a travaillé à la chaîne, dans des usines de construction automobile, etc.
19:27 Et elle a à la fois décrit la dureté du travail, la pénibilité du travail, mais
19:31 aussi sa grandeur, aussi ce que ça nous permet d'épanouir en nous.
19:36 Le travail, c'est ce qui permet de tirer le meilleur de nous-mêmes, de faire que nos
19:39 facultés soient pleinement développées.
19:42 Le travail nous procure beaucoup de fierté.
19:44 Quand on regarde le travail qu'on a accompli, on est fier de ce qu'on a fait.
19:47 Ça produit de la reconnaissance, ça crée du lien social, ça nous donne un sentiment
19:50 d'utilité.
19:51 Donc, le travail, je pense, est absolument indispensable.
19:54 On l'a vu d'ailleurs à nouveau pendant la période du Covid.
19:57 Heureusement qu'il y a eu ces hommes et ces femmes qui ont continué à produire notre
20:01 alimentation, à la distribuer, à nous soigner, à assurer la sécurité, sans quoi la société
20:05 se serait complètement effondrée.
20:07 Donc, le travail est absolument central.
20:09 La moitié des hommes et des femmes sont satisfaits de leur travail, mais l'autre moitié du
20:14 monde souffre dans son travail.
20:16 Soit parce qu'elle en est privée, qu'elle n'a pas ou peu de travail, soit parce qu'elle
20:19 a un travail, mais avec de mauvais contrats, avec des horaires difficiles, avec des prestations
20:23 qui sont physiquement ou psychiquement lourdes, avec des salaires qui ne permettent pas de
20:27 boucler les fins de mois.
20:28 Et ça, c'est le combat, je pense, que la gauche devrait mener.
20:31 Se dire, nous voulons que la moitié du monde qui n'a pas la chance d'avoir un travail
20:35 épanouissant puisse avoir aussi cette chance.
20:37 Jean-Pierre nous appelle, Dancy, bonjour Jean-Pierre.
20:40 Bonjour.
20:41 Bienvenue sur France Inter.
20:42 Merci, j'aurais posé une question à votre invitée qui est très éloquente.
20:47 À Paul Magnette.
20:48 Voilà, qui a des arguments très éloquents, mais malheureusement, on a quand même vraiment
20:53 l'impression que c'est du réchauffé et un petit peu hors sol.
20:56 Je vous explique pourquoi.
20:57 Si on apprenait aux gens l'économie, je pense qu'ils comprendraient combien coûte
21:03 le travail réellement.
21:04 Quand vous payez quelqu'un au SMIC, que pour quelqu'un, touche 1300 euros par mois
21:10 net, un employeur doit donner à peu près 3000 euros.
21:14 Je pense qu'il faut se poser une question non pas des salaires, puisqu'on sait, on
21:21 connaît le vrai coût du travail, mais l'employé ne le connaît jamais.
21:24 Je ne connais aucun jeune aujourd'hui qui est capable de comprendre la part employeur
21:30 des charges sociales.
21:31 Si on lui disait que son patron doit payer 3000 euros pour que lui touche 1300 euros,
21:38 je pense que les gens se poseraient les vraies questions.
21:39 Et une petite remarque aussi vis-à-vis de ça.
21:42 Tout le discours au M. Magnette est un discours qu'on a entendu depuis 40 ans, qui nous
21:47 a justement coupé du travail.
21:50 Ce n'est pas la valeur travail qui est à remettre au bout du jour et en avant par rapport
21:58 à toutes les mesures auxquelles j'adhère pour la plupart.
22:02 Le vrai problème, c'est que justement la réalité du travail et le fruit du travail
22:08 ont coupé les gens de cette valeur-là et font que nous avons perdu un million d'emplois
22:13 après le Covid.
22:14 Merci pour votre appel, pour vos remarques.
22:17 Jean-Pierre, la réponse de Paul Magnette.
22:19 Je pense que je comprends la question du coût du travail, mais je pense qu'on doit surtout
22:23 évoquer la question de la valeur du travail.
22:25 Qui crée la richesse ?
22:26 Ce sont les travailleurs et uniquement les travailleurs.
22:28 Et donc, ils doivent être correctement rémunérés.
22:31 Or, aujourd'hui, il y a, vous savez, dans l'Union européenne, pratiquement un travailleur
22:34 sur dix qui vit sous le seuil de pauvreté.
22:37 Des hommes et des femmes qui travaillent, qui travaillent à temps plein et qui, malgré
22:40 ça, n'arrivent pas au seuil de pauvreté.
22:42 Je discutais encore la semaine dernière avec une éducatrice qui me disait « Mon mari
22:46 et moi, on travaille tous les deux à temps plein.
22:48 Quand on a payé le loyer, quand on a payé les factures d'énergie, les assurances,
22:52 chacun les frais de nos deux voitures parce qu'on en a absolument besoin, tous les
22:55 frais absolument incompressibles et indispensables, il nous reste 30 à 40 euros par jour.
22:59 30 à 40 euros par jour pour se nourrir, pour se vêtir, sans avoir même l'espoir de
23:04 pouvoir mettre un petit peu d'argent de côté, de constituer une épargne, d'avoir
23:07 le projet d'aller au restaurant ou de partir en vacances.
23:10 Eh bien, ça ne va pas.
23:11 Quand on est dans une société où les hommes et les femmes qui travaillent ont du mal à
23:15 boucler les fins de mois et ne peuvent se faire aucun projet, c'est toute la société
23:19 qui se démoralise.
23:20 Et donc, oui, il faut continuer à hausser les salaires.
23:22 Et je pense que mes amis socialistes français feraient bien de mener le combat pour l'indexation
23:27 automatique des salaires.
23:28 Nous, en Belgique, nous avons une indexation automatique des salaires.
23:31 Ça veut dire que depuis le début de l'inflation, les salaires belges ont été augmentés de
23:34 12 % automatiquement, sans que les syndicats, sans que les travailleurs doivent se mobiliser.
23:39 Mais il y a la question de la compétitivité.
23:40 On va vous dire qu'on n'est plus compétitif.
23:41 Non, absolument pas.
23:42 Regardez les chiffres, je vous y invite.
23:43 C'est vrai qu'il y avait une inflation un peu plus élevée en Belgique l'année
23:47 dernière.
23:48 Mais aujourd'hui, en 2023, l'inflation belge est beaucoup plus basse que l'inflation
23:50 française.
23:51 Et ce mythe selon lequel l'augmentation des salaires va entraîner une spirale inflationniste,
23:56 il n'est pas du tout confirmé.
23:57 Au contraire, quand vous payez de bons salaires aux travailleurs, un, vous alimentez les caisses
24:02 de l'État et de la Sécurité sociale, et deux, vous donnez à ces travailleurs la
24:05 possibilité de dépenser et donc de nourrir la demande intérieure.
24:08 Et donc, il faut voir le salaire vraiment comme un investissement et non pas comme un
24:12 coût ou une charge.
24:13 Paul Magnette, très rapidement, parce qu'on arrive à la fin de cet entretien.
24:15 Il y a le travail et puis il y a l'emploi.
24:16 Une des dernières mesures sur l'assurance chômage.
24:19 Fin décembre, le gouvernement français a proposé, même a décrété, la fin des allocations
24:25 pour les personnes qui sont en CDD ou en intérim et qui refuseraient deux propositions de CDI
24:30 sur un an.
24:31 Donc, elles seraient privées d'allocations.
24:32 Il y a aussi ce projet gouvernemental qui est en négociation d'augmenter à 57 ans
24:36 l'âge à partir duquel on peut être indemnisé plus longtemps par l'assurance chômage.
24:40 Tout ça, c'est une bonne façon d'aller vers le plein emploi qui est quand même peut-être
24:43 la condition aussi des bons salaires.
24:45 Le plein emploi, ça doit être l'objectif.
24:46 Mais des mesures comme celle-là, ça ne marche pas.
24:48 Il y a des bibliothèques entières d'analyse économique qui l'ont démontré.
24:51 Les sanctions telles que celles que vous évoquez là, ça a juste un effet.
24:55 Ça met encore un peu plus de pression sur le travailleur qui est privé d'emploi et
24:58 qui en cherche et qui est tellement mis sous pression qu'à un moment donné, il sombre
25:03 dans la dépression, dans le désespoir, dans des addictions et ça ne fait qu'aggraver
25:07 sa situation.
25:08 Et donc non, il faut au contraire créer des postes de travail.
25:11 On manque de postes de travail.
25:12 Il y a des initiatives qui fonctionnent, en ce compris en France, l'initiative Territoire
25:16 Zéro Chômeur de longue durée par exemple, qui avait été lancée par la gauche mais
25:19 qui a été reprise par la droite.
25:20 Et bien ça permet de faire en sorte que des personnes qui sont au chômage depuis très
25:24 longtemps puissent jouer un rôle utile, puissent retrouver une fierté, une dignité et contribuer
25:28 à la cohésion de la société.
25:30 Ça, je pense que c'est la bonne voie.
25:31 Merci Paul Magnette, président du Parti Socialiste Wallon de nous avoir répondu sur France Inter.
25:35 Je rappelle votre essai qui sort jeudi prochain aux éditions de La Découverte, l'autre
25:39 moitié du monde.
25:40 Et c'est sur le sens et la valeur travail.

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