• il y a 11 mois
À presque soixante ans, Eric Fottorino apprend par sa mère qu'il a une sœur aînée, qui lui a été arrachée par les membres d'une institution catholique. Il partira ensuite à sa recherche. Dans "C'est la vie", il raconte.

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Transcription
00:00 Il y avait cette souffrance, moi, ce qui m'a vraiment frappé quand elle nous a appris l'existence de cet enfant
00:05 et qu'elle nous a dit en effet qu'elle ne l'avait pas touché, elle n'avait même pas croisé son regard, elle ne l'a pas vu.
00:12 Elle nous a raconté ça, une femme de 75 ans, elle pleure comme si c'était arrivé la veille.
00:19 Et donc, c'est là que j'ai mesuré à quel point la cruauté de ce qu'on pouvait faire à une femme,
00:26 je pense qu'on peut difficilement faire plus que ça.
00:31 Et encore une fois, au nom du bien de l'église, du bien de l'enfant,
00:35 d'une mère qui était quasiment une prostituée aux yeux des autorités, etc.
00:40 Donc probablement que oui, j'avais envie d'une manière ou d'une autre,
00:44 mais vous savez, ce que j'ai ressenti d'abord, c'était un immense sentiment d'impuissance.
00:49 On vous apprend une chose aussi terrible, 60 ans après, vous vous dites "mais qu'est-ce que je peux y faire ?"
00:54 On ne sait pas bien quoi en faire de ce secret.
00:56 Si c'est arrivé la veille, mais même pas, l'année d'avant ou quelques mois avant,
00:59 vous dites "bon, on va pouvoir..." mais là, qu'est-ce que vous pouvez faire ?
01:02 Et est-ce que vous comprenez les gens qui préfèrent ne rien savoir ?
01:07 Oui, moi je ne juge pas chacun, alors là pour le coup, dans sa conscience, dans ce qu'il est capable de...
01:13 Mais quand vous, vous êtes témoin, c'est par ricochet,
01:18 qu'il y ait une impossibilité chez ceux qui ont eu,
01:21 ces femmes qui ont eu des enfants et qu'on leur a enlevé,
01:25 il y a plein de raisons qui font qu'elles ne peuvent pas agir.
01:27 Mais si vous êtes, vous, témoin de ça, vous savez que ça existe,
01:31 c'est vrai qu'à un moment donné, vous avez envie de soulager cette peine.
01:35 Alors il y a vous, mais il y a aussi votre sœur, on se dit, quand vous la recontactez,
01:39 vous pouvez aussi peut-être la mettre face à quelque chose dont elle ne veut pas retrouver.
01:44 Cette mère, comment elle a réagi la première fois ?
01:46 Si vous voulez, bon là, on entre non plus dans la quête, mais dans l'enquête que je commence à faire à Bordeaux en 2021.
01:54 Et je rentre dans des institutions, j'essaie de trouver.
01:57 Ma mère avait juste, m'avait donné un indice.
01:59 Elle, elle avait voulu appeler cet enfant Marie et elle pensait que la famille adoptive l'avait appelé Elisabeth.
02:05 Donc j'avais ce nom, ces prénoms, Marie, Elisabeth, c'est tout ce que j'avais.
02:10 Et le lieu, 49 places des Martyrs de la Résistance, qui est quand même déjà une adresse,
02:14 c'est un programme cette adresse, les Martyrs, la Résistance, voyez, c'est des mots.
02:18 Moi, je crois beaucoup à l'énergie des mots.
02:20 Et est-ce qu'il y avait plus de Martyrs, plus de Résistance ?
02:23 Et à partir de là, je commence à tirer des fils.
02:28 Et c'est vrai que ça me fait remonter dans cette institution qui a plus tard été fermée pour pratique illégale de l'adoption.
02:39 Mais là où je vais, il y a des courriers et je comprends que si c'est elle, dont on me montre un courrier,
02:49 elle-même a su qu'elle avait été adoptée. Et ça, ça change tout.
02:53 Parce que si elle ne savait pas, évidemment, c'est très problématique et peut-être ne l'aurait jamais fait,
02:58 de se dire, je vais lui apprendre qu'elle a été adoptée.
03:02 Là, je pense que ça aurait été trop lourd.
03:03 En revanche, de voir que si c'est elle, en tout cas, j'ai les coordonnées d'une femme qui un jour,
03:08 20 ans plus tôt, 25 ans plus tôt, a voulu savoir qui était sa mère et qui s'appelle Marie-Élisabeth
03:14 et dont les dates de naissance confirment plus ou moins ce que m'a dit ma mère sur cette naissance.
03:21 Là, je peux avancer.

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