Avec Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI
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##LE_FAIT_DU_JOUR-2024-03-01##
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00:00 Sud Radio Bercov, dans tous ses états, le fait du jour.
00:04 *musique*
00:14 Et oui, et oui, c'était en 1974, vous voyez, je vous parle d'un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître.
00:23 Il y avait quoi ? Eh bien il y avait un budget français, tenez-vous bien, tenez-vous bien, à l'équilibre.
00:30 Oui, 1974, nous étions à l'équilibre. Ne dites pas que c'est une fake news, c'est pas vrai.
00:36 Bonjour Marc Twaty.
00:38 Bonjour Frérot André, bonjour à toutes et à tous et bonne année 2024.
00:42 Eh bien très bonne année à vous d'abord, vous la commencez en fanfare, puisque vous avez lancé votre chaîne YouTube Marc Twaty TV.
00:51 Vous avez déjà 113 000 abonnés, bravo, et ce n'est qu'un début.
00:55 - Il y a quelques années, bien sûr que ça... - C'est bien.
00:57 - C'est gentil, merci. - C'est très bien et vous continuez le combat nous aussi.
01:01 Alors dites-moi, c'est quand même extraordinaire. 74, c'était l'arrivée de Giscard d'Estaing,
01:06 et j'ai sous les yeux l'augmentation jusqu'à aujourd'hui.
01:12 On est passé de 112 milliards sous Giscard, à plus de 3 000 milliards aujourd'hui.
01:19 Donc en 50 ans de 112 milliards, et encore, c'était sous Giscard, avant c'était zéro.
01:25 Dites-moi Marc Twaty, on voudrait un peu comprendre d'abord, qu'est-ce que c'est que cette dette publique,
01:31 et comment ça a pu atteindre des sommets himalayesques tels qu'on les voit ?
01:37 Vous avez donné la réponse, c'est-à-dire qu'en fait la dette publique, c'est le cumul de tous les déficits publics qu'on a fait depuis 50 ans.
01:44 Parce que le dernier excédent remonte à 1974, depuis on n'a fait que des déficits.
01:48 Et ça évidemment, c'est dramatique. Quasiment aucun pays n'a fait ça dans le monde, et notamment dans les pays développés.
01:54 Même les Américains ont fait des excédents, les Allemands ont fait des excédents, beaucoup de pays européens, même les Italiens ont fait des excédents.
01:59 C'est incroyable, parce que c'est comme ça que fonctionne l'économie. L'économie c'est cyclique.
02:03 Donc quand ça va mal, effectivement c'est normal de faire du déficit public pour relancer la machine.
02:08 Et par contre quand ça va bien, là on doit avoir un équilibre ou un excédent budgétaire pour justement relancer lorsque ça ira plus mal.
02:16 Mais nous en France, pourtant il y a eu de la croissance. Je me souviens, rappelez-vous, en 2000, on avait une croissance très forte à l'époque liée à la révolution internet, etc.
02:24 On avait à peu près 3,5 à 4% de croissance par an. Et à l'époque, rappelez-vous, on avait Josmin qui nous a fait le coup de la cagnotte.
02:31 C'est-à-dire qu'il avait dit "Ah ben non, ça sert à rien d'avoir des excédents publics, puisque de toute façon l'argent est là, on va en faire plus de dépenses".
02:37 Et comme vous le savez, quand on fait plus de dépenses, on ne revient jamais sur les dépenses publiques.
02:41 Et elles aussi n'ont jamais arrêté d'augmenter depuis l'après-guerre. Il n'y a jamais eu une année de baisse de la dépense publique.
02:49 Et donc effectivement, le cumul de ces déficits, c'est ce qui fait cette dette publique que vous avez évoquée.
02:54 Les derniers chiffres montrent 3 088 milliards d'euros de déficit public. C'est tellement énorme qu'on n'en parle même plus.
03:03 Et c'est vrai que ça s'est aggravé sur les dernières années, puisque depuis 2020, la dette publique a augmenté, tenez-vous bien, de 713 milliards d'euros.
03:14 C'est énorme.
03:15 Vous voulez dire en 3 ans, Marc Twaty ? En 3 ans ?
03:17 Ouais, voilà, à peu près. 713 milliards. Mais le pire, c'est que si à l'arrière, sur la même période, on avait eu une croissance forte,
03:23 mais pas du tout, le PIP en valeur, ça veut dire augmenter de l'inflation, donc la richesse qu'on crée en France, sur la même période a augmenté de 325 milliards.
03:32 Ça veut dire qu'il manque 400 milliards.
03:34 On met au compte, l'augment de la dette publique de 700 milliards, j'ai 300 milliards de richesse créée.
03:40 C'est complètement fou. Et quand vous regardez sur longue période, c'est encore pire.
03:45 C'est-à-dire depuis 2012, depuis 2007, l'écart depuis 2007, c'est entre la variation de la dette publique et la variation de la richesse qu'on crée en France, 3,2 fois plus.
03:55 C'est-à-dire que notre dette publique a augmenté 3,2 fois plus que la richesse créée en France depuis 2007.
04:02 Il n'y a plus un pays dans le... On a le record ! Même les Américains ont fait...
04:07 Oui, mais alors, Marc Twaty, je voudrais... On voudrait comprendre la mécanique de la chose.
04:11 C'est-à-dire que quand, enfin, en bon père de famille, on détouche à ce cliché, vous savez, vous et moi, bon ben, on a un budget, on administre effectivement,
04:19 que ce soit la famille, la maison, etc., les dépenses, on essaye un certain équilibre.
04:24 Les presses qui nous ont gouvernés depuis 50 ans, c'est pas de gauche et de droite confondus, peu importe,
04:31 qu'est-ce qui fait que la production, la richesse produite s'est retrouvée totalement en maillot rouge et s'est retrouvée totalement derrière la dette ?
04:44 C'est-à-dire cette espèce d'écart, d'écart abyssal, quoi.
04:48 C'est ça le problème, c'est qu'on a cette dette publique qui explose, ces dépenses publiques qui explosent, et pourtant les services publics sont de moins en moins de bonne qualité.
04:56 Donc, c'est aussi dire qu'on a énormément de gaspillage, parce que ne l'oublions pas, on parlait tout à l'heure des déficits, mais on est numéro 1 du monde des impôts.
05:05 Dans notre histoire aujourd'hui, la pression, on se l'appelle les prélèvements obligatoires, c'est plus de 47% de notre richesse,
05:11 c'est du jamais vu numéro 1 au monde, c'est donc quelque chose de complètement fou, et donc on est numéro 1 des impôts, mais on a quand même des déficits.
05:17 C'est complètement fou. Alors pourquoi ? Parce qu'on fait encore plus d'augmentation des dépenses, et évidemment, il faut dire le mot, de gaspillage.
05:25 Parce que si on avait une dette publique ou une dépense publique efficace, on aurait une croissance forte, on aurait le fameux plein emploi qu'on attend toujours depuis 50 ans également, qu'on n'a toujours pas,
05:35 on aurait la paix sociale, on aurait...
05:38 - Excusez-moi, vous dites justement que jamais les prélèvements obligatoires n'ont été aussi importants, près de 50%, la dépense, etc.
05:47 Mais pardon, mais où va le pognon ? C'est une question qu'on me posait tout au long de l'année.
05:53 - Vous avez raison, c'est la bonne question. Regardez, l'année dernière, en 2023, on n'a pas encore complètement l'année, mais sur les 10 premiers mois de l'année,
06:00 on a battu un record du déficit de l'État français, c'est-à-dire pile que pendant le coronavirus.
06:06 Pourtant en 2023, il n'y a plus de coronavirus, on n'a pas été enfermés chez nous, heureusement d'ailleurs.
06:11 Mais tout ça pour dire qu'on dilapide l'argent public et ça c'est inadmissible.
06:15 Parce que si à la rigueur, c'est efficace, on a une croissance forte, on peut dire "au diable la varice, c'est pas grave", on peut accepter.
06:21 Mais ce n'est même pas le cas. Donc ça veut bien dire que cet argent malheureusement, il est mal utilisé, et donc c'est pas un problème de quantité de dépense publique.
06:29 Quand j'entends, on me dit "oui, la France est un pays ultra-libéral", alors que nous sommes numéro 1 du monde en termes de dépense publique par rapport au PIB,
06:35 on n'est pas ultra-libéral, bon, on s'en fout. Il n'y a pas un pays dans le monde qui fait plus de dépense publique par rapport à son PIB.
06:41 C'est quelque chose de fou.
06:42 - Et j'adore, on parle d'ultra-libéralisme alors que c'est de l'étatisme absolu, quelque part.
06:47 - Oui, c'est de l'étatisme absolu, c'est même pire que ça, c'est presque du socialisme, entre guillemets.
06:51 Je crois que même pendant l'URSS, quand il y avait l'économie et les parallèles, il n'y avait pas autant, si vous voulez.
06:54 Donc ce qui veut dire que, à la rigueur, encore une fois, je dis bien, si on a un modèle qui fonctionne, et que tout va bien, on a la paix sociale,
07:02 et je peux vous le dire, bon, sans trahir de secret, mais j'ai vu la plupart de nos dirigeants de la France, peut-être pas depuis 50 ans, mais depuis 25 ans,
07:09 et à chaque fois j'avais le même discours. Quand ils avaient la possibilité de moderniser l'économie française, de réduire le défi public,
07:16 ils vous disaient "ah ben non, moi je veux la paix sociale". Et donc c'est ça le piège, c'est qu'on croit qu'en augmentant la dépense publique, la dette publique,
07:23 on va avoir la paix sociale, on va acheter la paix sociale. En vrai, ce n'est pas le cas.
07:27 - Oui, ce qui veut dire qu'on marche tout petit. - On a des tensions incroyables.
07:30 C'est-à-dire que n'importe quel corps de métier, ou association, ou groupe, etc., qui dit "moi j'ai besoin d'argent",
07:36 et il dit "voilà, que ce soit la ville ou autre chose", s'il commence à protester, il dit "ouh là là là, allons-y, allons-y, allongeons les milliards, allongeons les milliards",
07:45 et comme ça, ça va se calmer. C'est ça la chose.
07:47 - En tout cas, depuis quelques années, c'est exactement ce qui est en train de se produire, et notamment en 2023, parce que là, encore une fois,
07:53 on verra, on n'a pas encore le détail des chiffres, mais comment est-ce possible que nous ayons un déficit public historiquement élevé en 2023,
08:00 alors qu'il y a eu un petit peu de croissance, qu'il y a eu un petit peu d'inflation, donc ça a fait monter, même beaucoup d'inflation,
08:05 donc ça a fait monter les recettes de TVA, que plus les prix ont augmenté, plus les recettes de TVA ont augmenté,
08:09 donc on aurait dû avoir une réduction de ce déficit. Pourtant, il augmente. De l'état, simplement.
08:13 Donc, c'est qu'il y a quand même un problème. Donc là aussi, ce n'est pas un problème de moyens, mais d'efficacité de ces moyens.
08:19 Il faut réallouer complètement ces moyens, mais pour ça, et c'est le cas depuis 50 ans, il faut une volonté politique.
08:26 Ce qui me fait vraiment, ce qui m'effraie, même qui me rend en colère, j'ai envie de dire, c'est qu'on n'a aucune volonté politique
08:33 de réduire cette dette, réduire ce déficit. Vous voyez, là, on en parle, mais la plupart des gens n'en parlent même pas,
08:39 quand on dit qu'on a plus de 3 milliards d'euros de dette, on dit "oh boy, alors, que ça fait ?"
08:43 Sauf que là, depuis l'année dernière, il s'est passé quelque chose, c'est que les taux d'intérêt de notre dette publique sont en train d'augmenter,
08:48 c'est-à-dire que ça coûte de plus en plus cher, et je pense qu'en 2024, il y a un autre danger énorme, c'est que la note de la France,
08:56 qui n'a toujours pas été dégradée, on ne sait pas pourquoi d'ailleurs, elle risque de l'être en 2024, et là, les taux d'intérêt vont encore plus augmenter
09:03 sur la dette publique, et d'ores et déjà, sachez que chaque année, à partir de l'année prochaine, il va falloir trouver 70 milliards d'euros
09:12 pour financer juste les intérêts de la dette publique.
09:15 - La charge de la dette sera de 70 milliards d'euros par an, c'est ça ?
09:20 - Tout à fait, à partir de 2024-2025, soit cette année, soit l'année prochaine, donc c'est évidemment complètement énorme,
09:27 mais on nous prête quand même, on trouve quand même de l'argent, donc on dit "bon ben, c'est la blague de Coluche, tant que je gagne, je joue".
09:32 Donc finalement, on se dit "ben, comme il y a encore aujourd'hui des investisseurs qui achètent cette dette, et d'ailleurs, sachez que
09:38 aujourd'hui, plus de 52% de notre dette publique est détenue par des non-résidents, par des étrangers".
09:45 Donc ça veut dire qu'un jour, ils pourront nous dire "ben attendez, vous ne faites pas, vous ne remplissez pas les règles,
09:49 donc on peut vous demander à la place de vous rembourser".
09:52 - C'est bien 50% de la dette est détenue par des étrangers, des investisseurs étrangers aujourd'hui ?
09:57 - Pas comme deux exactement, 52% au chiffre de la Banque de France.
10:00 Plus de 52% de notre dette publique est détenue par des non-résidents, comme on dit,
10:05 donc ça veut dire effectivement que des étrangers, il y a à peu près la moitié d'Européens,
10:08 et l'autre moitié, c'est des Américains, des Chinois, des Japonais, des Qataris, etc.
10:13 Donc attention, parce qu'on est en train de devenir dépendants aussi de nos créanciers.
10:17 Ça, il faut le savoir, on a eu le cas grec, alors même si la France, ce n'est pas la Grèce,
10:20 quand on a trop de créanciers extérieurs, alors là, ça peut devenir très dangereux.
10:25 - Bien sûr. Alors, Marc, tu as dit juste une chose, ce qui est tout à fait étonnant, justement, dans ce demi-siècle,
10:32 parce qu'encore une fois, je rappelle, c'est ça qui m'a frappé, vraiment, on doit en parler,
10:38 c'est que tout le monde se pose la question de "où va l'argent ?", "où va le pognon ?", "où s'est investi ?"
10:44 mais on a l'impression que vraiment, vous parlez de la paix sociale, est-ce qu'il y a aussi des motifs,
10:49 je ne sais pas, politiques, de conflits d'intérêts, etc., de dire "mais c'est très bien l'administration,
10:55 on augmente les conseils McKinsey et autres", c'est-à-dire, je me rappelle cette phrase extraordinaire,
11:00 on l'a souvent citée de François Hollande, "c'est pas cher, c'est l'État qui paye".
11:05 - Oui, mais ça c'est un véritable scandale, si vous voulez, c'est ce qu'on appelle le millefeuille administratif,
11:10 ça veut dire, vous prenez toutes les strates de la dépense publique depuis l'Élysée, Matignon, l'Assemblée, le Sénat,
11:17 les régions, les cantons, les communes, agglomérations de communes, etc., bref, c'est un millefeuille,
11:22 et à chaque niveau, il y a les mêmes dépenses. Donc, ça s'accumule, sinon, pour très peu d'efficacité,
11:27 c'est ça le problème, l'enjeu, encore une fois, c'est est-ce que ça génère de l'activité économique ?
11:33 Génère du bien-être économique ? Vous voyez, par exemple, on dit souvent que la France est, encore une fois,
11:37 un pays qui n'a pas assez de social. Le poids des dépenses sociales en France, c'est plus de 32% de notre richesse,
11:44 32%, ce qui est un niveau premier mondial, nous sommes numéro 1 du monde. La moyenne des pays de l'OCDE,
11:51 c'est-à-dire les pays riches, c'est 21%. On est à 32, c'est des niveaux énormes. Donc, c'est vrai qu'avec tout ça,
11:59 on serait en droit d'attendre, justement, la fameuse paix sociale, que la pauvreté baisse, les inégalités baissent,
12:06 et malheureusement, ce n'est pas le cas. Donc, encore une fois, c'est pas faire du French-Bashing que de dire ça.
12:11 On a un pays qui est formidable, mais maintenant, attention, on va le gâcher, et que tôt ou tard,
12:15 pour l'instant, on tire sur la corde. La corde, elle tient, mais elle tient sur un fil. Quand le fil va casser,
12:20 ça va faire extrêmement mal, et c'est le rôle, c'est notre rôle, des économistes, des journalistes, à dire la vérité.
12:25 Mais on ne veut pas le dire. On est en pleine omerta, malheureusement, à part sur Sud Radio, sur ma chaîne YouTube
12:30 et autres, c'est vrai, mais c'est vrai qu'on en parle très peu, et pourtant, c'est un danger énorme. Je pense que,
12:35 pour 2024, au-delà des risques géopolitiques, c'est l'un des plus grands dangers qui menacent, effectivement,
12:41 la France, c'est-à-dire que, le moment où cette dette va devenir tellement énorme, on va être dégradé,
12:45 les taux d'intérêt vont encore augmenter, et là, c'est bien sûr des conséquences pour nous. Pour nous,
12:49 les Français du quotidien, aussi bien que les taux d'intérêt augmentent, ça va casser l'activité économique,
12:52 ça va faire du chômage, ça va faire baisser les revenus, et ainsi de suite. Donc, les conséquences sont extrêmement dangereuses.
12:57 - Vous savez, Marc Douati, ça me rappelle la fable de quelqu'un qui disait "Eh bien, écoutez, on va soigner le crocodile,
13:03 et j'espère qu'on sera les derniers à être mangés". Et c'est un peu ça. Merci Marc Douati.
13:09 - C'est un peu ça, mais il faut l'espérer qu'on va éviter d'en arriver là, quand même.
13:12 - Mais j'espère, et j'espère surtout qu'on va fêter d'autres anniversaires, mais il fallait le fêter,
13:16 enfin le c'est fêter, en tout cas en parler de ce demi-siècle de Gabgi qui continue encore et encore.
13:23 Merci à vous, et bonne chance à Marc Douati TV. - Avec plaisir, merci.