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Les chefs français sont les stars de cette fin d'année. Le chef étoilé Jean-François Piège en parle au micro de RTL.
Regardez L'invité de RTL du 28 décembre 2023 avec Jérôme Florin.

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00:02 RTL Matin
00:06 - Soyez les bienvenus si vous nous rejoignez à l'instant sur RTL, il est 7h43, nous accueillons Ségolène Royal. Bonjour !
00:12 - Bonjour ! - Et merci d'avoir accepté notre invitation ce matin sur RTL, au lendemain donc
00:17 de la disparition à 98 ans de Jacques Delors que vous aviez soutenu et poussé pour l'Elysée, vous l'avez bien connu, on va y revenir.
00:25 Que diriez-vous d'abord ce matin qu'avec lui disparaît une gauche qui n'existera plus ?
00:30 - Il faudrait justement qu'elle renaisse cette gauche qui l'incarnait. Pourquoi ? Parce que c'est une gauche qui
00:37 se préoccupait toujours de savoir comment
00:39 bien utiliser le pouvoir pour que l'humain soit toujours en progression. Voyez comment
00:45 l'utopie de Jacques Delors que nous portions avec lui c'était comment faire une société plus humaine
00:51 et comment résoudre des problèmes de façon pragmatique.
00:55 Et puis enfin comment faire pour que les réformes se fassent toujours par la négociation, par la discussion.
01:01 C'était un passionné de la négociation,
01:04 du compromis Jacques Delors. - C'était la modération aussi Jacques Delors, juste que dans les mots, il n'était pas dans les petites phrases et les jeux
01:11 politiques. Pourquoi ? - Je ne sais pas. - Vous savez pourquoi ? - Parce que je pense qu'il détestait le conflit.
01:17 Il détestait le conflit et pensait qu'une société ne progresse que justement en
01:21 en mettant en commun ce qu'elle avait de meilleur, ce que les uns et les autres ont de meilleur.
01:26 Donc c'était tout le contraire du sectarisme.
01:28 Et c'est ça qui parfois lui a valu d'ailleurs beaucoup d'attaques parce qu'il était considéré comme venant du centre, du centre gauche.
01:36 Il était considéré par les plus sectaires comme quelqu'un qui ne faisait pas partie de
01:42 la gauche la plus radicale. Et si, il savait être radical quand c'était nécessaire.
01:48 Par exemple, c'est lui qui avait proposé, c'est une proposition, un petit faux pour aujourd'hui,
01:53 que les salaires soient indexés sur les résultats économiques, sur la performance économique des entreprises.
01:59 Donc il aurait voulu aussi qu'en France on connaisse des systèmes de cogéssion. On n'aurait pas par exemple les problèmes aujourd'hui de
02:07 flambées d'inflation qui rognent le pouvoir d'achat.
02:11 - Justement, ce camp qu'il incarnait, celui du centre gauche pro-européen, a quasiment disparu aujourd'hui de
02:17 l'échiquier politique européen. Il existe encore en Espagne un peu. Mais pourquoi cette tendance politique a disparu ?
02:25 - Parce que les problèmes se sont radicalisés, je crois. Et donc les mouvements politiques se sont radicalisés. Et que l'intolérance
02:33 est montée. Et c'est ça qu'il faudrait retrouver. C'est le sens de
02:40 la négociation du compromis, tout en acceptant d'être très très audacieux. C'est quand même l'homme qui a créé,
02:45 qui a mis en mouvement la création de la monnaie européenne unique.
02:49 C'était quand même très révolutionnaire à l'époque. Il fallait bien savoir s'y prendre pour que les Allemands acceptent d'abandonner le marque.
02:57 Et que la réunification allemande aussi se fasse dans de bonnes conditions.
03:01 Il fallait être très audacieux. Donc l'audace, elle se faisait, l'esprit révolutionnaire, il était dans la façon de faire,
03:09 et dans le
03:11 souci d'obtenir des résultats de façon très pragmatique.
03:14 Plus que dans les grandes envolets lyriques, plus que dans les grandes lois qui chamboulent tout et qui finalement ne changent rien.
03:20 Donc il y avait un souci de la réalité, ce que j'appelle la morale de l'action en fait.
03:25 - Sigolène Royal, vous avez été aux premières loges de deux événements assez marquants.
03:28 D'abord, début des années 80, vous êtes conseillère à l'Elysée de François Mitterrand. Jacques Delors est ministre des finances. Et très vite, il appelle
03:35 à une pause dans les réformes. Ça va devenir le fameux tournant de la rigueur. Le programme du candidat Mitterrand
03:41 est alors sérieusement écorné. Comment vous vivez ça de l'intérieur ?
03:45 - C'est un peu une faute sémantique de parler de pause. Il faut bien le reconnaître.
03:51 C'est ce même mot qui avait fait d'ailleurs, qui avait d'ailleurs sonné la fin du Front Populaire.
03:56 Donc c'était pas... Je pense que comme il était
03:59 très soucieux de
04:02 la compétitivité française et qu'il voyait aussi les agressions économiques qui venaient d'autres pays,
04:08 par rapport au rejet de l'arrivée de la gauche au pouvoir en France, parce qu'il y avait aussi dans les autres pays une
04:14 volonté de détruire la gauche au pouvoir. Donc il était soucieux dans la recherche
04:19 au fond d'une accalmie qui aurait permis à la France de ne pas subir les assauts de l'agressivité des économies
04:27 financières en particulier,
04:29 de trouver un concept qui voulait
04:32 donner le signal que la France était gouvernée par des gens "raisonnables".
04:37 - Voilà, mais ça créait des tensions à l'intérieur ou pas ? Parce que les ministres
04:40 communistes s'étranglaient à l'époque.
04:42 - Ah bien sûr, ça créait de très fortes tensions. Je me souviens des réactions de Charles Sitterman en particulier.
04:47 Oui, bien sûr, c'était pas compris. Et c'est vrai, il faut reconnaître que le mot n'était pas maladroit
04:53 par rapport à ce que représentait à ce moment-là l'Union de la gauche et la difficulté déjà
04:58 qui avait consisté à l'arrivée aux responsabilités et à l'arrivée au pouvoir.
05:02 - Le mot était maladroit mais il sera suivi des faits quand même.
05:04 Deuxième grand moment, sa non-candidature à la présidentielle annoncée sur le plateau de 7 sur 7 en décembre
05:11 94. Vous, Ségolène Royal, vous vouliez qu'il soit candidat.
05:14 - Oui, bien sûr.
05:15 - Pourquoi ? Parce qu'il avait la faveur des sondages ? Parce que vous vouliez être ministre ?
05:19 - Parce que je pense qu'il aurait été eu, tout simplement. D'ailleurs ça s'est joué à peu, parce que ça s'est joué à 53-47.
05:26 Et Jacques Delors, lui, Lionel Jospin avait fait le plein des voix à gauche.
05:31 Jacques Delors aurait fait le plein des voix à gauche, parce que dans une élection présidentielle on fait le plein des voix
05:36 dans sa famille politique. Et en plus il aurait eu les voix du centre.
05:41 - Mais alors vous êtes où ce soir ?
05:43 - Il aurait eu les voix du centre, parce que Lionel Jospin n'en a pas eu.
05:45 Donc Jacques Delors, je pense, aurait été élu président de la République.
05:49 - Vous êtes où ce soir-là quand il annonce qu'il n'y va pas ?
05:52 Vous êtes devant votre télé, vous apprenez ça en direct ?
05:55 - On est avec quelques amis, on apprend ça en direct.
05:57 Et on est d'autant plus surpris qu'on l'avait accompagné pendant plusieurs années,
06:03 avec les clubs témoins particuliers et transcourants.
06:06 Et il avait écrit un livre auquel on avait un peu participé d'ailleurs,
06:11 en réfléchissant avec lui, en travaillant avec lui, qui s'appelait "L'unité d'un homme".
06:15 C'était un très beau titre. C'était le premier livre qu'il écrivait sur lui.
06:19 Lui qui était très pudique, qui faisait toujours la distinction entre ceux qui veulent être quelqu'un
06:25 et ceux qui veulent réaliser quelque chose.
06:27 - Et il se sentait trahi ?
06:29 - Il s'est tracé. On a été profondément déçus.
06:32 Trahi, le mot est peut-être un peu fort, mais on n'a pas compris.
06:36 Et je pense que lui ne supportait pas les attaques.
06:39 Oui, on subisse de très fortes attaques, j'en sais quelque chose, y compris dans son propre camp,
06:43 quand on est candidat à la fonction suprême.
06:45 Et il subissait des attaques assez violentes, c'est vrai en materne, à l'intérieur du parti socialiste.
06:51 Un peu de la même façon de ce que j'écoute.
06:54 - Voilà, c'est ça. Il avait peur d'une patte soutenue par son propre camp, comme vous, en 2007.
06:58 - Comme moi en 2007.
07:00 Et d'ailleurs, ça me permet de lui témoigner aujourd'hui par reconnaissance,
07:06 parce qu'il est un des rares exemplaires chevènements parmi ce qu'on appelait les "éléphants de l'hippie baisse"
07:11 à avoir été à mes côtés.
07:12 - Ce qui revient depuis la mort, l'annonce de son décès, c'est rigueur morale, droiture, bâtisseur,
07:17 autant de mots qui soulignent en creux ce que la gauche n'est plus aujourd'hui, Sébastien Noyal.
07:21 - C'est pas ce que la gauche n'est plus, c'est que la politique n'est plus.
07:24 Mais est-ce qu'elle peut revenir ? Elle peut redevenir morale, la politique.
07:29 Si elle résiste aussi à cette folie de l'économie financière, du profit à tout crin,
07:35 de la privatisation qui soit disant va tout résoudre.
07:38 Et d'ailleurs, si l'on veut être fidèle et prendre le flambeau de ce que nous a laissé Jacques Delors,
07:43 son grand regret aussi, c'est de n'avoir pas réussi à faire le traité de l'Europe sociale.
07:50 Il s'était avancé sur l'Europe du grand marché, sur la monnaie unique,
07:56 et il avait toujours dit "il va falloir maintenant faire l'Europe sociale".
08:01 Il avait donc mis en avant la Charte sociale européenne.
08:04 Les Anglais s'étaient alors opposés, donc ça, ça avait été un échec.
08:07 C'était son grand regret et le combat qu'il aurait voulu mener,
08:10 puisque même en 2004, il relance un appel pour la création du traité de l'Europe sociale.
08:16 Donc cette troisième jambe de l'Europe, l'Europe de l'économie, de la finance et l'Europe sociale,
08:24 elle manque encore aujourd'hui.
08:26 Ça a été le combat de sa vie en tout cas, l'Europe c'est certain.
08:29 Ségolène Royal, un mot quand même ce matin de l'affaire Depardieu.
08:32 On change de sujet, vous souscrivez à quelle tribune vous ?
08:35 Celle des féministes publiées hier dans Le Monde
08:38 et qui dénoncent le soutien du président Emmanuel Macron à l'acteur,
08:41 ou celle de mardi dans Le Figaro, des artistes appelant à ne pas effacer Gérard Depardieu ?
08:47 Moi je soutiens la parole des femmes qui disent qu'elles ont été victimes, je les crois.
08:52 Parce qu'elles n'ont rien à gagner.
08:54 Mais je pense que les femmes actrices qui défendent Gérard Depardieu
09:00 sont sincères dans leur défense.
09:03 Parce qu'elles ne peuvent pas imaginer, parce qu'elles n'ont pas subi cela.
09:06 Ce sont des femmes fortes qui ont la capacité de résister
09:09 et les prédateurs sexuels ne s'en prennent pas aux femmes fortes qui peuvent leur résister.
09:13 Ils s'en prennent aux femmes sur lesquelles ils peuvent exercer une emprise.
09:18 Donc aux femmes très jeunes, aux femmes qui commencent leur carrière, aux enfants même.
09:23 C'est ça les prédateurs sexuels.
09:25 Est-ce qu'Emmanuel Macron a eu tort de soutenir comme il l'a fait Gérard Depardieu ?
09:32 Je pense qu'on ne peut pas mettre en cause sa volonté de lutter contre les violences faites aux femmes.
09:38 Et de lutter pour le respect fait aux femmes.
09:40 Donc peut-être qu'il n'a pas eu toutes les informations.
09:43 Peut-être qu'il a pensé aussi que le reportage était une manipulation, comme on lui a dit.
09:49 Et je crois que c'est ça la vérité.
09:51 Moi je ne veux pas lui enlever la bonne foi de son combat.
09:56 Mais je crois qu'il faut maintenant que tout le monde comprenne ce que c'est que la prédation sexuelle.
10:03 Et ce que c'est que d'être sous emprise.
10:06 Et ce qui explique que parfois on parle beaucoup d'années après.
10:10 Merci beaucoup Ségolène Royal.
10:12 Merci d'avoir été notre invitée ce matin en direct sur RTL.
10:15 de la France.
10:16 [SILENCE]

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