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00:00 [Musique]
00:06 Merci de nous rejoindre pour ce nouveau numéro de C'est à dire.
00:09 Aujourd'hui nous abordons un sujet assez important,
00:13 il s'agit de l'impact des nouvelles technologies sur le développement des enfants.
00:18 Les enfants les adorent, les parents aiment moins les voir devant,
00:21 pourtant les écrans sont omniprésents dans notre quotidien.
00:25 Alors, les enfants devraient-ils être exposés à ces écrans très tôt
00:29 ou devrions-nous essayer de réduire au minimum l'utilisation de ces dispositifs ?
00:35 Et pour en parler, nous recevons notre invitée du jour
00:37 qui n'est autre que Yasmine Mouen, elle est psychologue spécialisée en neuropsychologie.
00:42 Bienvenue sur notre plateau.
00:44 Merci Estelle.
00:45 Alors, je le rappelle, vous êtes spécialisée en neuropsychologie,
00:49 mais moi j'aimerais bien savoir, c'est quoi la neuropsychologie ?
00:52 Alors, avant d'être neuropsychologue, on est d'abord psychologue.
00:56 Donc l'appellation un petit peu plus précise, c'est psychologue spécialisée en neuropsychologie.
01:02 J'anticipe la question, en quoi consiste la neuropsychologie ?
01:05 C'est en fait l'étude des émotions, de la cognition, donc les pensées,
01:11 et du comportement en lien avec les différentes zones du cerveau.
01:16 D'accord, vous étudiez le comportement des adultes et des enfants.
01:19 Exactement, la neuropsychologie de l'adulte, de l'enfant, sans oublier également la personne âgée.
01:24 Quels sont les types d'enfants que vous recevez justement ?
01:27 Alors, on a des enfants qui sont parfaitement sains,
01:30 dont les parents souhaitent comprendre la disparité, par exemple, des résultats à l'école.
01:34 Donc on a, par exemple, des enfants qui sont très à l'aise dans les matières littéraires,
01:39 à l'aise en SVT, par exemple, et dans les matières scientifiques hormis l'SVT,
01:44 mathématiques, physique, chibi, avec plus de difficultés,
01:47 ou l'inverse, des profils scientifiques qui excluent les aptitudes littéraires,
01:52 en excluant également la SVT.
01:54 Donc généralement, quand on réalise un bilan,
01:56 ça nous permet d'un petit peu mieux comprendre
01:58 quelles sont les facilités du traitement cognitif,
02:01 donc du traitement des aptitudes intellectuelles.
02:03 Pourquoi est-ce que, par exemple, pour la SVT, ça va avec les matières littéraires ?
02:07 Parce qu'il s'agit du raisonnement verbal,
02:09 et que dans les matières littéraires,
02:11 on utilise la sphère du traitement cognitif, de l'information verbale.
02:15 À l'inverse, quand on est dans la sphère du raisonnement numérique,
02:20 ça regroupe tout ce qui va être physique, chimie, mathématiques.
02:24 D'accord.
02:25 Alors, avec les nouvelles possibilités,
02:27 toutes ces possibilités qu'offrent les nouvelles technologies,
02:30 on remarque que le téléviseur, c'est vrai, accroche les enfants,
02:33 mais pas qu'eux !
02:34 Ils sont entourés de smartphones, d'ordinateurs portables, etc.
02:38 Alors, en tant que psychologue,
02:40 quels sont les principaux changements que vous avez observés chez les enfants,
02:44 côté comportemental ?
02:45 Alors, précisément, à l'échelle comportementale, on a trois volets.
02:49 Le premier, ça va être l'hyperactivité.
02:51 Donc, les enfants qui ont du mal à tenir en place,
02:53 qui ont tout le temps besoin de nouveautés,
02:55 qui s'ennuient facilement, qui se désengagent beaucoup trop rapidement.
02:59 On a également les comportements d'opposition.
03:02 L'opposition qui est plutôt, entre guillemets, pathologique,
03:05 dans le sens où, dans une certaine période du développement,
03:08 pour l'affirmation de soi,
03:10 les enfants ont besoin d'apprendre à dire non à s'opposer.
03:13 Mais quand il est exagéré, on parle du trouble de l'opposition.
03:16 Et enfin, à l'échelle des émotions,
03:19 on a la colère qui est très mal gérée
03:22 et qui laisse place à une récurrence, à une redondance des crises de colère.
03:27 Est-ce que c'est la sédentarité qui occasionne tout cela ?
03:30 Parce que lorsque les enfants ont tous ces gadgets là, entre les mains,
03:33 ils sont très statiques.
03:34 Est-ce que c'est cela la cause réelle ?
03:36 Alors, en termes de staticité,
03:38 il y a la sédentarité qui va avoir un lien aussi
03:40 avec l'augmentation de la prédisposition à l'obésité,
03:44 les troubles de l'appétit.
03:45 Mais aussi, surtout, parce qu'ils n'ont plus
03:48 cette nourriture indispensable qui est l'interaction sociale.
03:52 Les interactions sociales, ça va être la nourriture privilégiée
03:56 pour le développement épsychologique, épsychomoteur et développemental.
04:01 Donc, le langage, la capacité à se mouvoir,
04:04 la motricité, commencer à avoir de la motricité plus fine,
04:07 réaliser des gestes plus précis,
04:10 se développer physiquement, se développer cognitivement,
04:13 avoir de plus en plus de capacités de mémoire, de raisonnement, etc.
04:16 Alors, on comprend aisément que les écrans
04:19 peuvent être très dangereux pour les enfants.
04:21 Ma question, quelle est donc la durée d'exposition
04:24 recommandée pour les enfants aux écrans ?
04:27 Alors, on a un communiqué de Santé publique France
04:30 qui date de 2020 à peu près,
04:33 qui a été réalisé à l'aide d'un psychiatre.
04:36 Et on a aujourd'hui la règle qui nous permet de nous repérer,
04:40 c'est la règle des 3, 6, 9, 12.
04:42 Avant 3 ans, zéro temps d'exposition d'écran,
04:45 parce que pendant les 3 premières années de vie,
04:48 c'est là où on a toutes les aptitudes de base,
04:50 notamment la marche et le langage qui se développent.
04:54 Les écrans, ça a un effet hypnotique,
04:57 et du coup, ça laisse l'enfant figé,
04:59 il ne se nourrit plus de son environnement pour se développer.
05:02 À partir de 3 ans, on peut introduire les écrans,
05:06 à condition qu'ils aient une vertu pédagogique
05:09 et aussi qu'ils soient source d'interaction avec le parent.
05:12 Donc, on se limite à 30 minutes par jour,
05:15 dans l'idéal réparti dans la journée.
05:18 À partir de 6 ans, on peut proposer une heure d'écran par jour.
05:23 À partir de 9 ans, on peut introduire et initier à Internet
05:28 sans oublier de renseigner sur les 3 volets les plus très importants.
05:32 Ce qui est publié sur Internet n'est pas toujours soumis aux droits et l'image.
05:37 Ce qui est publié sur Internet n'est pas toujours juste,
05:39 donc il faut vérifier ses sources d'informations.
05:41 Et ce qui est publié sur Internet est peu réversible,
05:46 donc plus irréversible que réversible.
05:48 Le plus important aussi, c'est d'avoir toujours cet environnement bienveillant
05:52 et d'expliquer aux enfants qu'au-delà que ce soit une contrainte,
05:56 une règle à suivre, qu'il y a un bénéfice.
05:59 Et enfin, à partir de 12 ans, comme on arrive à la préadolescence,
06:02 il faut pouvoir aussi respecter ce besoin du préado,
06:05 de cette autonomie, de cette intimité,
06:08 et donc de modifier l'approche qu'on a, plus autoritaire, plus jeune,
06:12 avec beaucoup plus de collaboration avec le jeune ado
06:17 qui tend à devenir adulte progressivement.
06:20 Alors moi, je reviens un tout petit peu sur la première tranche d'âge,
06:23 de 0 à 3 ans, pas d'écran.
06:25 On l'a bien compris, mais c'est aussi l'âge où les enfants pleurent beaucoup
06:29 et c'est pas facile pour les parents.
06:31 Justement, il y a des parents qui utilisent comme prétexte les écrans,
06:35 justement pour calmer les enfants.
06:37 Bébé pleure, on lui passe un téléphone, il suit un peu les dessins animés.
06:42 Est-ce que c'est la bonne manière de faire ?
06:45 Malheureusement, non, mais aussi il faut se référer à la réalité du terrain.
06:50 Par exemple, c'était le cas avec une maman qui venait consulter au cabinet
06:54 et qui m'expliquait qu'elle était mère célibataire
06:56 et n'avait pas les moyens d'avoir une nounou, par exemple.
06:59 Et que là, le seul moyen de pouvoir prendre 5-10 minutes pour pouvoir se doucher,
07:04 c'était d'exposer son enfant à un écran.
07:07 Donc là, on est dans les cas extrêmes.
07:10 Si par contre, on a la possibilité de faire autrement,
07:15 il faut, quand je dis zéro écran,
07:18 5 minutes, je pense que ça peut passer occasionnellement de temps en temps.
07:22 Mais l'idée en tout cas, c'est de favoriser l'exposition aux écrans
07:25 avec un but pédagogique et de le réduire le maximum possible avant 3 ans.
07:31 Et puis surtout, on a des moments clés auxquels il faut absolument éviter les écrans
07:36 le matin avant d'aller à l'école,
07:38 ou même un enfant qui n'est pas d'âge ni scolaire ni préscolaire.
07:41 Parce que pendant le sommeil, grâce au sommeil,
07:44 on a la concentration qui se régénère.
07:46 Si on expose les enfants le matin,
07:49 toute la concentration qui a été régénérée pendant le sommeil, elle est absorbée.
07:53 Donc les enfants, ils deviennent agités, ils ne suivent pas l'école,
07:56 ils sont beaucoup plus opposants, désobéissants.
08:00 Le midi, pareil, on veut qu'un enfant mange.
08:03 Il ne faut surtout pas exposer à un enfant qui mange,
08:06 parce que ça ressemble plus à le gaver que réellement le nourrir.
08:10 Il n'apprend pas à développer ses goûts,
08:12 il n'apprend pas à reconnaître la sensation de satiété,
08:14 ça y est, j'ai fini, c'est la dose dont mon estomac avait besoin.
08:18 Enfin voilà, ça vient perturber beaucoup de choses.
08:20 Pareil, avant de dormir, les écrans, ça libère de la lumière bleue
08:25 qui vient interférer avec la mélatonine,
08:27 qui est une hormone qui est impliquée dans l'endormissement, la qualité du sommeil.
08:32 Pour le reste, selon la règle des 3, 6, 9, 12,
08:35 on répartit le temps d'écran en dehors de ces trois moments clés.
08:38 C'est bien noté.
08:39 On va quitter un tout petit peu le cadre familial pour en arriver justement à l'école.
08:43 On remarque que l'école se tourne de plus en plus vers les outils numériques
08:47 pour réaliser sa mission.
08:49 On a des devoirs qui sont de plus en plus numérisés,
08:52 donc les enfants sont obligés d'utiliser ces dispositifs numériques.
08:56 Alors quel est votre regard là-dessus justement ?
08:59 Je pense que, comme dans beaucoup de domaines,
09:02 c'est toujours question de balance.
09:04 La numérisation, ça a beaucoup d'avantages, par exemple pour les adultes,
09:09 pour stocker les données, pour communiquer avec les parents.
09:14 Aujourd'hui, on a de plus en plus de travail, nous tous les adultes,
09:17 donc il est difficile d'aller communiquer avec la maîtresse.
09:19 Donc pour assurer le bon suivi des élèves,
09:22 on peut mettre une note sur les extra nets.
09:24 Les parents sont au courant directement,
09:26 on peut mieux faciliter la communication.
09:29 Maintenant, pour les enfants, ça peut être un moyen plus attrayant,
09:33 plus "varié", mais il faut absolument que ça ne remplace pas
09:38 les livres et les supports pédagogiques.
09:41 La méthode traditionnelle, on va dire.
09:42 Exactement. On peut innover, mais ne pas remplacer.
09:45 C'est comme l'intelligence artificielle.
09:47 Ça aide beaucoup, mais il ne faudrait pas que ça remplace les êtres humains.
09:51 Il est vrai que plusieurs études relatent les méfaits des écrans
09:56 sur le développement des enfants, retard du langage, difficultés sociales.
10:00 Mais est-ce que c'est vraiment la faute aux écrans ?
10:03 Est-ce qu'il ne faut pas pousser un peu plus loin le bouchon
10:06 pour savoir s'il y a d'autres causes ?
10:08 Alors bien évidemment que l'écran n'est pas le seul responsable,
10:12 mais aujourd'hui, en tout cas avec la numérisation en force,
10:17 ça a une grande responsabilité.
10:20 Mais ce dont on parle un petit peu moins, ça va être l'industrialisation,
10:24 la qualité de la nourriture aujourd'hui.
10:27 Est-ce que le rôle des pesticides,
10:31 le rôle de comment est-ce que l'agriculture en sert, non naturelle,
10:35 toutes ces choses-là, bien évidemment, ça peut avoir un impact.
10:38 Et on a bien sûr la sphère familiale.
10:40 Est-ce qu'il y a des conflits ? Pas des conflits dans la famille
10:43 qui peut bien évidemment expliquer les difficultés au quotidien
10:47 dans la vie personnelle et scolaire d'un enfant.
10:50 D'accord, alors vous avez déjà abordé un petit pan de ma prochaine question,
10:54 mais je reviens là-dessus pour permettre à tous ces parents de comprendre un peu.
10:57 Alors, quelle recommandation est-ce que vous pourriez donner justement aux parents
11:01 pour aider à mieux gérer l'utilisation de ces nouvelles technologies ?
11:05 Je pense que l'ingrédient se crée vraiment, surtout qu'aujourd'hui,
11:09 la maturité des enfants n'est plus la même que celle d'avant,
11:12 au vu de l'éveil et justement de l'omniprésence des écrans aujourd'hui.
11:16 C'est vraiment le cadre bienveillant et d'expliquer aux enfants,
11:20 enfin faire ce qu'ont fait nous les psychologues, la psychoéducation,
11:23 c'est-à-dire leur expliquer pourquoi est-ce qu'on leur interdit,
11:27 qu'ils comprennent eux-mêmes le bénéfice qu'il y a derrière,
11:31 leur proposer les alternatives, comme par exemple on peut innover
11:35 les visites chez ses amis, parce que maintenant les amis se retrouvent
11:39 à la maison, mais ils sont chacun sur leur téléphone.
11:41 Donc par exemple, on pourrait leur proposer, je ne sais pas,
11:44 dépendamment de leur centre d'intérêt, des activités cuisine,
11:47 d'aller au karting, enfin voilà, dépendamment aussi de ce qu'il y a.
11:50 - Il y a beaucoup plus d'activités pour occuper les enfants.
11:52 - Exactement, en tout cas, vraiment le cœur du développement psychologique,
11:56 ce sont les interactions sociales, et pour le développement psychologique
12:00 et pour le bon développement aussi de la sphère cognitive,
12:03 la concentration, la mémoire, le langage, le raisonnement,
12:06 toutes les aptitudes qu'on utilise à l'école, à la maison et au quotidien.
12:09 - Et comment occuper justement aussi les bébés de 0 à 3 ans ?
12:12 On en parlait tout à l'heure, pour éviter justement que les parents
12:15 passent chaque fois les écrans, le téléphone, les tablettes,
12:19 justement, qu'est-ce qu'il faut faire ?
12:20 - Comme on faisait au bon vieux temps, comme nous,
12:23 de la même manière qu'on a été divertis, et surtout aujourd'hui,
12:28 on a aussi l'avènement des écrans, mais on a aussi l'innovation,
12:33 il y a plein de jeux de société aujourd'hui qui sont accessibles
12:37 et qui étayent le bon développement de l'enfant.
12:42 - Yasmine Mouen, merci d'avoir répondu à toutes ces questions,
12:46 c'est la fin de cet entretien, je rappelle que vous êtes psychologue
12:51 spécialisée en neuropsychologie, et c'est avec grand plaisir
12:54 que nous vous avons reçue sur ce plateau pour parler de l'impact
12:57 des nouvelles technologies sur le développement des enfants.
13:00 Merci à tous de nous avoir suivis, l'actualité continue
13:03 sur cette info et sur cetteinfo.ci.
13:06 (Générique)