L’UE face au chantage hongrois vis-à-vis de l'Ukraine
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00:07 Bienvenue dans les informer de l'Europe, votre rendez-vous chaque semaine pour décrypter l'actualité européenne en cette année électorale
00:12 à la radio sur France Info et sur le canal 27. On est en compagnie de François Bodonnet. Bonjour François.
00:18 Bonjour Jean-Rémi.
00:19 Rédacteur en chef de la rédaction européenne de France Télévisions, éditorialiste chaque matin sur France Info TV.
00:24 François, quels sont nos informés aujourd'hui ?
00:26 Nos informés aujourd'hui sont Marie-Christine Vallée, journaliste spécialiste de l'Europe et bien connue d'ailleurs des auditeurs de Radio France.
00:34 Et à ses côtés Alain Guillemolle, journaliste au journal La Croix en charge des questions européennes.
00:40 Beaucoup de questions cette semaine, notamment après ce sommet européen qui s'est tenu à Bruxelles
00:45 où un seul chef de gouvernement a été au centre en réalité de toutes les attentions, François.
00:49 Oui et ce dirigeant, c'est le Premier ministre hongrois, Victor Orban, qui était opposé, et qu'il est toujours d'ailleurs,
00:56 opposé à l'adhésion de l'Ukraine à l'Union Européenne, opposé également au versement à l'Ukraine de 50 milliards d'euros supplémentaires.
01:04 C'est un peu le mister no si vous voulez de l'Europe.
01:07 Ce sommet aurait pu être un échec total car il faut l'unanimité pour ces deux décisions.
01:13 Ça aurait été une catastrophe pour l'Ukraine qui a besoin du soutien européen, puisqu'on sait que ça va mal pour l'Ukraine actuellement sur le terrain.
01:21 Mais surprise, il y a eu un accord sur l'ouverture des négociations d'adhésion, même si l'adhésion de l'Ukraine ne se fera pas tout de suite,
01:31 cela prendra plusieurs années. C'est en tout cas ce qu'a dit le président de la République à la fin de ce sommet européen.
01:37 Nous sommes très loin d'un élargissement effectif à l'Ukraine et je l'ai dit, de toute façon,
01:43 quel qu'élargissement que ce soit supposera une réforme en profondeur de nos règles.
01:46 Et donc ça ne sera possible soit qu'avec une augmentation massive des financements, soit avec un changement des règles et des mécanismes qui sont aujourd'hui les nôtres.
01:54 Donc ça ne se fera pas au prix de notre agriculture, c'est une certitude.
01:58 Alors ça c'est pour l'ouverture des négociations d'adhésion. En revanche, sur les 50 milliards d'euros supplémentaires,
02:04 Viktor Orban a maintenu son nom. Il y aura donc un autre sommet fin janvier, début février à Bruxelles.
02:11 Et d'ici là, Viktor Orban devrait poursuivre son chantage sur le thème "je dirais oui aux 50 milliards d'euros uniquement si Bruxelles me verse ce qu'elle me doit".
02:22 L'Union européenne a en effet encore bloqué 20 milliards d'euros pour la Hongrie parce que selon Bruxelles, la Hongrie ne respecte pas l'état de droit.
02:31 Alors on va essayer de comprendre un petit peu ce qui s'est passé ces derniers jours à Bruxelles, notamment avec vous Alain Guimaule.
02:36 Je rappelle que vous, vous avez suivi ce sommet européen pour le journal La Croix.
02:41 Viktor Orban, il n'a pas mis son veto parce qu'il s'est passé un jeu assez inhabituel lors de ce sommet européen.
02:47 Oui tout à fait, mais peut-être que je peux commencer par dire qu'on a quand même vécu un petit moment d'histoire
02:52 quand a été annoncé l'ouverture des négociations pour l'Ukraine, la Moldavie et le statut de candidat accordé à la Géorgie.
03:01 On a eu le sentiment qu'on vivait quand même un petit moment historique.
03:05 Et d'ailleurs on l'a vu en salle de presse, il y avait des journalistes, il y avait énormément de journalistes, un millier de journalistes assistés à ce conseil.
03:11 Et il y avait beaucoup de Moldaves, notamment de Géorgiens et d'Ukrainiens qui étaient très joyeux tout d'un coup.
03:17 Je pense qu'on se rend pas trop compte vu d'ici, mais que pour eux c'est quand même un moment très important
03:24 parce que ce que ça signifie c'est quand même qu'on a une sorte de basculement géopolitique.
03:29 Ces trois ex-républiques de l'URSS qui sont reconnues d'un coup comme faisant partie de l'espace européen, de l'espace géopolitique européen.
03:37 Alors ça c'est quand même ça qui s'est passé ce week-end.
03:41 Et alors bon, je réponds à votre question, pardon. Oui, on a eu quelque chose d'un peu inédit, d'un peu inhabituel, totalement inhabituel même.
03:51 C'est qu'au moment de la prise de décision d'accorder le feu vert pour les négociations d'adhésion à l'Ukraine, la Moldavie et le statut de candidat à la Géorgie,
04:01 Viktor Orban est sorti de la pièce et en fait, donc il s'est abstenu.
04:07 C'est assez inhabituel quand même. C'est quasiment inédit. De mémoire de journaliste, on a quelques très très rares cas.
04:15 Et je crois qu'Angela Merkel s'était abstenue une fois au moment où il s'agissait de nommer les responsables européens
04:22 parce qu'elle n'avait pas l'accord de sa coalition, donc elle ne pouvait pas voter.
04:28 Et donc elle était sortie de la pièce de la même manière. Mais c'est très très rare.
04:32 Et en fait, on sait maintenant que c'est quelque chose qui avait été un peu concerté entre responsables européens.
04:38 La suggestion est venue d'Orban lui-même, qu'il a discuté avec Scholz, avec Macron, avec Charles Michel.
04:45 Et puis à un moment donné, donc dans la journée, Scholz a dit "Eh bien peut-être que Viktor Orban va maintenant sortir".
04:53 Et donc le Conseil a approuvé à l'unanimité, puisqu'il y a le besoin d'avoir cette unanimité.
05:00 Et ça a été une manière de permettre à la Hongrie de sortir de la tête haute, et d'avoir en même temps une unanimité.
05:07 Et pour l'instant, donc, il n'a pas bloqué Viktor Orban, mais Mme Christine, l'entourage de Viktor Orban fait savoir que la Hongrie
05:12 aurait encore d'autres occasions peut-être de bloquer. Donc en fait, ce feuilleton ukrainien en Europe, il n'est pas terminé.
05:18 Il n'est pas terminé parce qu'il y a encore deux rendez-vous.
05:21 Le premier, c'est lorsque les 27 devront adopter ce qu'on appelle le cadre des négociations,
05:26 c'est-à-dire comment on négocie, par quoi on commence. Donc il faut un accord formel des 27.
05:33 Et le deuxième, c'est lorsqu'on ouvrira ce qu'on appelle la conférence intergouvernementale.
05:38 Donc c'est très européen. Ça veut dire que c'est le lieu où les pays de l'Union européenne vont négocier avec l'Ukraine.
05:47 Et pour ça, il faut un lancement officiel de cette conférence.
05:51 Donc ce sont deux endroits, deux moments où le premier ministre hongrois peut dire non.
05:57 Et sa délégation à Bruxelles, dans les couloirs, ne s'est pas privée de le dire.
06:02 Et lui-même, il estime que l'Ukraine n'est pas prête pour entrer dans l'Union européenne,
06:07 que l'Union européenne n'est pas prête non plus, que tout ça, ça n'a aucun sens.
06:12 Donc en partant de ces déclarations, on peut supposer qu'en effet, il risque de bloquer à un stade ou à l'autre.
06:20 Il en a une autre, c'est qu'après l'Espagne en ce moment, la Belgique, dans les six premiers mois de l'année,
06:28 ce sera la Hongrie qui va prendre la présidence tournante de l'Union européenne pour les six derniers mois de 2024.
06:35 Et donc elle pourra décider du contenu des conseils des ministres, décider de l'agenda,
06:43 et donc mettre de côté l'élargissement à la question de l'Ukraine.
06:46 François, vous qui connaissez bien, vous avez été correspondant à Bruxelles, vous avez suivi des dizaines de ces sommets.
06:51 Ce qui s'est passé, ce dont nous parlait Alain, ce jeu de coulisses, c'est effectivement assez inédit,
06:57 mais c'est finalement aussi comme ça que ça se passe l'Europe.
06:59 Oui, c'est comme ça que ça se passe. Je crois qu'il faut s'imaginer ce que c'est la salle déjà du conseil,
07:04 où se réunissent les 27 chefs d'État.
07:07 On en voit souvent des images, une grande salle.
07:08 On en voit des images, parce qu'au début, les caméras peuvent rentrer, mais ensuite, évidemment, dès que ça commence,
07:12 les caméras sont obligées de sortir. Donc à ce moment-là, le président du conseil fait bouger sa petite clochette.
07:20 Il a une clochette et à ce moment-là, ça commence.
07:22 Mais en fait, c'est quelque chose de très informel.
07:24 C'est pas, par exemple, ce qui concerne le vote, c'est pas comme un vote au Parlement européen
07:28 ou dans n'importe quel Parlement où chacun vote véritablement.
07:31 En fait, c'est plus une décision par consensus.
07:34 Et d'ailleurs, c'est ce qui s'est passé cette semaine.
07:37 En fait, l'idée du conseil, c'est que c'est un club.
07:40 Il faut les voir entre eux.
07:42 Ils se tutoient tous.
07:43 Ils s'appellent par leur prénom.
07:45 Au début du conseil, le président du conseil salue les nouveaux arrivants,
07:48 parce qu'il y en a qui partent, il y en a qui arrivent au gré des élections.
07:51 Il souhaite les anniversaires aussi à chacun.
07:54 Il dit quand il y a une bonne nouvelle, la naissance, par exemple.
07:58 - Proches camaraderie.
07:59 - Exactement, la petite enfant.
08:00 Et donc, en fait, c'est ce côté-là qui est...
08:03 Ce côté club.
08:04 Ce qui est important aussi à noter, c'est que les chefs d'État sont seuls.
08:07 Ils ont pas avec eux de conseillers.
08:09 Ils sont complètement seuls.
08:10 Et puis aussi, il y a cette discussion, on va dire, en plénière.
08:15 Mais très souvent, et c'est ce qui s'est passé en particulier pour ce conseil,
08:18 il y a ce qu'on appelle des bilatérales.
08:20 C'est-à-dire que par exemple, Emmanuel Macron va aller discuter avec Olaf Scholz
08:23 ou il va aller discuter justement avec Viktor Orban.
08:25 - En fait, c'est comme dans tous ces sommets européens.
08:27 On en parlait de la COP il y a quelques jours.
08:29 C'est aussi parfois dans les couloirs que se jouent beaucoup de choses.
08:32 - Alors c'est beaucoup, en fait.
08:33 C'est beaucoup dans les couloirs.
08:35 Et là, d'ailleurs, c'est intéressant ce qui s'est passé,
08:37 parce qu'en fait, quand Olaf Scholz a proposé au micro que Viktor Orban sorte,
08:42 en fait, tout le monde n'écoutait pas.
08:44 Parce qu'ils étaient en train de discuter entre eux.
08:46 Et ce n'est qu'après coup qu'il y en a qui ont dit
08:48 "Ah ben oui, mais finalement, Viktor Orban est sorti".
08:50 - François, Marie-Christine et Alain,
08:53 on se retrouve dans un instant pour la suite des informés de l'Europe.
08:57 Ce sera juste après le Fil info de Diane Fershit à 9h49.
09:01 - La ministre des Affaires étrangères en Israël
09:04 demande une nouvelle trêve immédiate et durable.
09:06 Catherine Colonna qui affirme que Paris est préoccupée au plus haut point.
09:09 La France qui a réclamé un peu plus tôt à l'Etat hébreu
09:11 que toute la lumière soit faite sur un bombardement israélien.
09:14 Il a tué un agent du Quai d'Orsay dans le sud de la bande de Gaza.
09:18 Dans les deux Charentes, les cours d'eau poursuivent leur cru.
09:21 Les deux départements, toujours ce matin en vigilance orange.
09:24 À Sainte, la situation est préoccupante,
09:26 indique sur France Info le préfet de Charente-Maritime.
09:28 La crue va dépasser 6,10 mètres,
09:30 précise-t-il, si sans invitation une trentaine de rues sont concernées.
09:34 La famille Depardieu dont sa fille, l'actrice Julie Depardieu,
09:37 dit ce matin soutenir Gérard, les proches de Gérard Depardieu,
09:41 qui dénonce dans le journal du dimanche une manipulation monstrueuse
09:44 après la diffusion sur France 2 de propos de l'acteur
09:47 la semaine dernière, des propos à caractère sexiste et obscène.
09:50 La famille de l'acteur parle de mise en scène.
09:52 La finale du Mondial féminin de Handball, les Bleus,
09:55 face aux Norvégiennes, championne du monde en titre.
09:57 Coup d'envoi à 19h.
09:59 C'est la cinquième fois que les deux nations s'affrontent en finale d'un Mondial.
10:03 Retour sur le plateau des informés de l'Europe, à la radio et la télévision,
10:17 France Info, Canal 27. Nous sommes avec Marie-Christine Vallée,
10:20 journaliste spécialiste de l'Europe, et Alain Guimaults,
10:23 journaliste au journal La Croix.
10:26 Évidemment, François, vous êtes avec nous, François Bodonnet.
10:28 Alain, on a donc parlé du fait que
10:31 Viktor Orban ne s'était pas opposé à ce que des négociations
10:34 débutent entre l'Union Européenne et l'Ukraine,
10:37 mais il y a un autre dossier qui a beaucoup occupé
10:40 ce sommet européen, et là, la Hongrie a joué un autre jeu.
10:43 C'est 50 milliards d'aides supplémentaires que l'Union Européenne
10:46 voulait débloquer pour l'Ukraine, parce que là, il y a urgence,
10:49 notamment pour acheter des armes, financer l'État ukrainien en pleine guerre.
10:53 Et là, Viktor Orban, il a mis son veto.
10:55 Il a posé des conditions pour les lever. C'est quoi ces conditions ?
10:58 Oui, alors, François en a parlé très rapidement tout à l'heure.
11:02 C'est-à-dire qu'il y a un conflit entre la Hongrie et Bruxelles,
11:06 et la Commission européenne, qui juge que la Hongrie ne respecte pas
11:09 l'État de droit, a manqué à ses obligations aux valeurs européennes,
11:13 notamment à la liberté de la presse, à l'indépendance de la justice,
11:17 et donc, le droit des femmes, et donc a bloqué un certain nombre de fonds
11:22 qui sont destinés à la Hongrie, à environ 30 milliards.
11:25 Et alors, opportunément, disons, avant ce Conseil,
11:28 la Hongrie a obtenu le déblocage de 10 milliards,
11:31 considérant qu'un certain nombre d'avancées avaient été faites.
11:34 Est-ce que ça a été une façon d'acheter la voix de la Hongrie,
11:37 ou l'abstention de la Hongrie ?
11:40 Évidemment non, officiellement en tout cas,
11:43 mais disons que c'est un petit geste qui a mis un peu d'huile dans les rouages.
11:46 Voilà. Et la Hongrie, maintenant, très logiquement,
11:49 puisqu'elle est un peu experte dans ce jeu de marchands de tapis,
11:52 demande le déblocage des 20 milliards supplémentaires, l'argent qui reste,
11:56 pour aller un peu plus loin.
11:59 Donc, évidemment, on est là au cœur de ce qu'on appelle le chantage hongrois.
12:04 C'est un jeu très destructeur pour l'Union européenne.
12:08 C'est assez classique en réalité, ce chantage ?
12:11 Alors, il y a toujours des marchandages, il y a toujours des discussions,
12:14 mais à ce point-là, c'est quand même hors normes,
12:16 puisque là, il prend une position quand même de blocage,
12:20 et vraiment de prise en otage d'un autre dossier,
12:24 pour faire avancer ses intérêts propres.
12:27 Mais ce que je voudrais dire aussi, c'est qu'il y a un jeu un peu plus...
12:30 Enfin, il ne faut pas se limiter à ça, disons,
12:32 pour comprendre la position de Viktor Orban.
12:35 Je pense qu'il faut aussi dire qu'il y a un positionnement politique de sa part,
12:39 et en particulier dans la perspective des futures élections européennes du 9 juin prochain.
12:44 Il veut se positionner aussi comme le chef du camp souverainiste,
12:48 d'une vision de l'Europe qui serait une Europe des États,
12:51 entre les mains des États, d'États souverains,
12:53 et il veut se poser comme le chef de file de ce camp-là.
12:57 On rappelle que ce veto, le veto dont s'est félicité notamment le Kremlin,
13:01 et donc la Russie.
13:03 François, si Viktor Orban maintient ce veto,
13:05 ça veut dire que l'Europe ne pourra pas dans les prochains mois aider l'Ukraine ?
13:08 Est-ce qu'il y a des moyens de contourner un peu ce veto ?
13:10 Oui, alors il n'y a pas d'urgence absolue,
13:12 en fait ces 50 milliards, c'était pour après 2024.
13:15 En fait pour 2024, l'argent existe,
13:18 et tous les mois il y a un peu plus d'un milliard d'euros
13:21 qui seront versés à l'Ukraine.
13:23 Donc il n'y a pas d'urgence absolue,
13:25 et c'est d'ailleurs pour ça qu'il y aura un sommet fin janvier, début février.
13:28 Mais effectivement, alors d'abord, moi je crois que Viktor Orban va finir par lever son veto,
13:33 parce que vraisemblablement, il va obtenir les 20 milliards qui lui manquent.
13:37 Donc le chantage va fonctionner ?
13:38 Mais oui, vous savez, on dit de lui qu'il est transactionnel, Viktor Orban.
13:41 C'est pour ça qu'avant le sommet, moi j'étais d'ailleurs assez surpris,
13:43 les autres dirigeants européens n'étaient pas très inquiets.
13:45 Nous les journalistes, on parlait d'un risque de blocage,
13:47 eux ils n'étaient pas très inquiets parce qu'ils le connaissent,
13:49 et ils savent bien que quand il y a de l'argent,
13:51 eh bien les choses vont tout de suite mieux.
13:53 Donc là, en fait, il peut y avoir soit un déblocage de sa part,
13:56 soit on peut contourner, c'est-à-dire que, par exemple,
13:58 si ces 50 milliards ne sont pas versés par l'Union Européenne,
14:01 ça peut par exemple être l'ensemble des pays européens
14:03 qui vont verser directement à l'Ukraine.
14:07 Il n'y a pas besoin que ça passe forcément par Bruxelles.
14:09 Donc là-dessus, je crois qu'il n'y a pas beaucoup, beaucoup d'inquiétude.
14:11 Est-ce que malgré tout cet épisode hongrois
14:13 et ces tensions sur la question de l'Ukraine,
14:16 est-ce que, Marie-Christine, vous avez l'impression
14:18 que c'est le signe que l'Europe affaiblit un peu son soutien à l'Ukraine ?
14:22 Que ça s'essouffle ?
14:23 Il y a la position de Viktor Orban, bien sûr,
14:25 il va falloir attendre cet inconnu.
14:28 Mais moi je ne dirais pas ça, parce que ça y est,
14:31 l'Ukraine, maintenant, on va ouvrir les négociations d'adhésion.
14:35 La candidature remonte à 18 mois,
14:37 et 18 mois plus tard, on lui dit, c'est bon, on ouvre les négociations.
14:40 C'est très rare.
14:42 Pour beaucoup de pays, il faut attendre un certain temps.
14:45 En plus, sur la question financière,
14:48 il ne faut pas oublier que déjà 76 milliards d'euros
14:52 ont été versés à l'Ukraine,
14:55 et que là, on est en train de mettre sur la table les 50 milliards d'euros.
14:59 Certes, il y a cet inconnu de Viktor Orban,
15:03 qui lui, ce qu'il souhaite, c'est que ça soit plutôt des prêts bilatéraux
15:07 de chaque pays à l'Ukraine,
15:09 plutôt que de faire peser ça sur le budget de l'Union Européenne.
15:13 Donc il y a cet inconnu, mais il y a la volonté politique
15:17 de l'Union Européenne d'allonger l'aide financière.
15:21 Alors, affaiblissement, certainement pas en ce moment,
15:25 mais on a quand même noté ces derniers mois
15:28 qu'il y a eu des retards dans les livraisons de matériel militaire,
15:32 et notamment de la part de l'Allemagne,
15:35 que plus récemment, il y a eu l'affaire des céréales,
15:38 c'est-à-dire que les céréales qui étaient produites en Ukraine
15:43 qui arrivaient sur le continent, enfin, sur l'Union,
15:46 sur le sol polonais et d'autres pays,
15:48 ces céréales ont fait concurrence au point de vue prix
15:52 avec les productions locales de ces pays,
15:55 et que la Pologne, évidemment, a vivement réagi,
15:58 que l'affaire est allée très loin, puisqu'elle est allée
16:01 devant l'ONU et devant l'OMC, l'Organisation Mondiale du Commerce,
16:04 et que ça a créé avec la Pologne une espèce de bisbille
16:09 qui laissera sans doute des traces.
16:11 Et puis la dernière chose, c'est qu'il y a eu,
16:13 dans le courant de l'année, la révélation d'un certain nombre
16:16 de scandales de corruption en Ukraine,
16:19 et que du coup, ça a jeté des interrogations et un doute
16:22 en Europe et maintenant aux États-Unis.
16:25 - Ça fait partie des points sur lesquels l'Europe n'est aujourd'hui
16:27 pas "au standard", enfin, même pas "au standard",
16:29 mais tout à fait sur les standards européens.
16:32 Un dernier mot, Alain, ce qui se joue, c'est un risque concret,
16:35 parce que si l'Europe ne soutient plus concrètement l'Ukraine,
16:39 et que d'aventure, l'Ukraine perdait face à la Russie,
16:42 ça ouvre une brèche de sécurité majeure pour l'ensemble de l'Union européenne.
16:46 - Oui, tout à fait. Les chefs d'État l'ont dit,
16:51 en prenant cette décision d'ouvrir les négociations d'adhésion
16:55 avec l'Ukraine, c'est un investissement dans la paix.
16:58 C'était une façon de dire que c'est aussi un investissement
17:00 dans la sécurité de l'Europe.
17:02 Il faut se rendre compte que nous, les Européens,
17:04 on a pris l'habitude de vivre avec l'idée que la paix était un fait acquis,
17:09 et donc on a peut-être sous-investi dans notre défense
17:13 depuis un certain nombre d'années.
17:15 Les investissements européens, en moyenne, c'est 1,5% du PIB
17:21 pour la défense.
17:24 La Russie, dans le même temps, a augmenté l'an dernier
17:28 son budget de la défense de 70%.
17:30 Ils sont à 6% du PIB.
17:32 Vous voyez qu'il y a une disproportion énorme,
17:35 et ça nous donne une idée de l'effort qu'il faudrait faire
17:38 pour investir dans notre défense, pour assurer notre sécurité.
17:42 - François, vous voulez donner un dernier mot ?
17:43 - En un mot, je crois qu'en fait, on ne se rend quand même pas très bien compte,
17:45 en France, du risque qu'il y aurait à ce que l'Ukraine perde la guerre,
17:49 parce que si l'Ukraine perd cette guerre face à la Russie,
17:52 c'est-à-dire que la Russie pourra se permettre ce qu'elle souhaite ensuite,
17:55 par exemple du côté des Pays-Baltes,
17:57 ou par exemple encore du côté de la Finlande,
17:59 même si ce sont des pays qui sont membres de l'OTAN,
18:02 je crois qu'à ce moment-là, la porte ouverte sera ouverte
18:04 justement pour Vladimir Poutine.
18:06 - Merci beaucoup les informés.
18:07 François Boddenet de France Télévisions,
18:09 Marie-Christine Vallée, journaliste spécialiste de l'Europe,
18:11 et Alain Guimauld de Journal La Croix.
18:13 Merci d'avoir été les informés de l'Europe cette semaine,
18:15 les informés de l'Europe qui reviennent au début de l'année 2024.
18:18 de la part de l'Etat.
18:19 [Musique]