• l’année dernière
« C’est pas si facile d’en parler avec ses potes »

En ce mois de mobilisation pour la santé masculine, nous avons interviewé @cyrusnorth pour notre série de vidéos « Tu n’es pas seul·e ».

On a parlé :
✅️ vulnérabilité
✅️ discussion entre pote et tabous
✅️ introspection

Cyrus fait des vidéos sur Youtube depuis un peu plus de 10 ans et parle de philosophie, de psychologie et même de sociologie. Il prend régulièrement la parole sur le sujet de la santé mentale dans ses contenus, notamment par son concept de discussion avec des inconnu•es, installé•es dans des fauteuils place de la République à Paris.

Si vous avez besoin d’aide, nous vous conseillons de contacter le @3114_appel.

Direction : @musaetomorrow
Journaliste : @christelle_tissot
Production et montage vidéo : @musaetomorrow et @pauline.lcmt
DA by : @musaetomorrow et @_siobhankeane_
Motion design : @adrienlopes

Category

😹
Amusant
Transcription
00:00 Quand je regardais Sex and the City, j'étais hyper jeune.
00:02 C'était que des meufs qui allaient chez le psy.
00:04 On voyait encore moins un perso masculin parler de son psy.
00:08 Et j'étais en mode "c'est fou, ils ont tous des problèmes,
00:11 moi, j'ai aucune raison d'aller chez un psy, j'ai aucun problème,
00:13 et je pense même que j'irai jamais chez un psy."
00:15 Cinq ans plus tard, Doctolib et tout.
00:17 Bonjour à tous, je m'appelle Cyrus North,
00:25 je fais des vidéos sur YouTube depuis un peu plus de dix ans,
00:27 donc je parle de philo, sociaux et même psycho.
00:30 Et le sujet de la santé mentale, c'est un sujet qui me touche,
00:32 déjà parce qu'à titre personnel,
00:34 je me pose énormément de questions sur plein de trucs,
00:36 et généralement, quand ça cogite beaucoup,
00:38 il y a des sujets qui prennent trop de place,
00:39 qui peuvent créer une anxiété, créer une tristesse, ce genre de choses.
00:42 Tout ça, c'est des questions de santé mentale.
00:44 Ça fait des années, je crois, que je bosse dessus pour moi,
00:47 et donc, au bout d'un moment, quand on a fait le tour de la question,
00:50 on a envie d'en parler aux autres.
00:56 Je crois que le terme "santé mentale",
00:57 j'ai commencé à l'utiliser, je sais pas, on va dire...
00:59 Il y a cinq ans, un truc comme ça,
01:02 et en fait, j'avoue, aujourd'hui, je l'utilise moins, paradoxalement,
01:05 parce qu'il est très utilisé, mais je pense qu'il est important.
01:08 Mais du coup, c'est cool d'utiliser aussi d'autres termes.
01:11 Enfin, moi, à mon échelle, j'utilise d'autres termes parfois
01:12 pour aller chercher des gens qui sont peut-être réfractaires.
01:15 Ils vont entendre "santé mentale", ça va leur faire peur,
01:17 ils vont dire "bon, ça va très bien, je sens bonne santé".
01:19 La santé mentale, c'est moins manichéen,
01:21 c'est plus une idée de spectre, quoi.
01:23 Et puis surtout, quand ça arrive, on s'en rend pas forcément compte, quoi.
01:26 Et on s'en rend compte peut-être parfois trop tard,
01:28 alors qu'en vrai, un rhume, c'est très clair, quoi.
01:31 Donc, c'est à la fois cette idée de spectre,
01:35 de la même manière qu'il y a pour un rhume, en fait.
01:37 On peut avoir un petit rhume ou un gros rhume, il est clair,
01:39 il y a des symptômes, qu'on voit, j'ai le nez qui coule, voilà.
01:42 La santé mentale, c'est différent,
01:44 et en fait, je trouve que le côté pernicieux, le côté invisible,
01:47 ça fait pas bon ménage avec le terme "santé" dans l'esprit des gens.
01:50 Dans mon éducation, ça a pas toujours eu sa place.
01:57 J'ai aussi grandi dans un environnement
01:59 où c'est pour les faibles, un petit peu, d'aller chez le psy.
02:02 Jamais avec méchanceté, c'était jamais malveillant.
02:05 Et c'est aussi l'ère du temps qui a changé
02:07 et qui nous a vachement décomplexés par rapport à ça.
02:10 Moi, je me souviens, quand je regardais "Sex and the City",
02:11 j'étais hyper jeune, quoi.
02:13 J'avais l'impression qu'à New York, tout le monde avait un psy, quoi.
02:15 Et j'étais en mode "c'est fou, ils ont tous des problèmes".
02:18 Moi, j'avais aucune raison d'aller chez un psy, j'ai aucun problème,
02:20 et je pense même que j'irais jamais chez un psy.
02:22 Cinq ans plus tard, docto libre et tout.
02:25 J'ai l'impression que ça a évolué très vite,
02:27 mais qu'il y a 10-15 ans, c'était très différent, déjà.
02:31 On voyait ça de manière très différente.
02:32 Typiquement, là, j'ai donné l'exemple de "Sex and the City",
02:39 c'était que des meufs qui allaient chez le psy.
02:41 Genre, on voyait encore moins un perso masculin parler de son psy, quoi.
02:45 Même, en fait, dans les conversations entre potes et tout,
02:48 j'ai l'impression que j'ai beaucoup plus de potes meufs
02:51 qui vont chez le psy ou qui sont allées
02:54 ou qui ont eu un psy ou une psy que des potes mecs.
02:58 En fait, entre potes, on n'en parle pas tant que ça,
03:01 alors que la plupart de mes potes, on est assez ouverts sur le sujet.
03:06 En fait, on va vraiment en parler, j'ai l'impression,
03:07 quand il y a un élément marquant, quoi.
03:11 Ça va être une rupture, un changement de job, un déménagement.
03:16 C'est rare que ce soit un truc de...
03:18 "En ce moment, ça va pas et j'ai pas de raison."
03:21 Même moi qui suis hyper sensible à ces questions,
03:24 il y a quelques mois, j'ai été à l'étranger sur une période assez longue
03:28 et j'étais seul.
03:30 Et en fait, je m'attendais pas à me sentir aussi seul, quoi.
03:34 Et j'ai mis du temps à réagir, à me rendre compte que ça va vraiment pas.
03:38 "T'es triste, là, mon pote, là. Faut appeler tes potes,
03:40 faut faire quelque chose, quoi."
03:41 Même toi qui es le nez dedans,
03:43 tu te rends compte à quel point c'est pernicieux.
03:46 Et au moment où ça arrive, c'est pas que c'est trop tard,
03:48 mais en fait, je suis déjà triste, en fait.
03:50 J'ai déjà la flemme de tout.
03:51 Je me dis, est-ce que j'appelle mon pote, je vais râler pour ça,
03:54 est-ce que mon pote, il est là pour ça ?
03:55 Alors qu'en fait, mes potes, ils m'ont tous dit,
03:57 "Mais gars, juste n'hésite pas, la prochaine fois que ça va pas,
04:01 appelle-nous direct et tout."
04:02 C'est pas si facile que ça, d'en parler à ses potes.
04:05 C'est plus simple d'en parler avec un psy, parce que je le paye pour ça.
04:07 Donc clairement, j'ai beaucoup moins de scrupules à l'appeler et dire,
04:10 "Gars, je vais te déverser un seau de merde pendant une heure, accroche-toi."
04:13 Et puis aussi, parce que je me dis, il sait ce qu'il fait.
04:17 C'est-à-dire qu'il va me donner peut-être des conseils
04:19 ou il va me dire des trucs, il va me poser des questions,
04:20 mais les potes, ils font ce qu'ils peuvent.
04:22 Je pense que la question de la pudeur, elle peut jouer,
04:23 ça dépend des potes.
04:24 Moi, j'avoue, j'ai des potes où j'ai vraiment zéro filtre et tout.
04:27 Je pourrais vraiment tout dire, mais c'est très rare, c'est rarissime.
04:30 Le psy, je le vois aussi comme un truc pour décharger mes potes.
04:33 Sur une courte période, c'est pas grave.
04:34 Sur une longue période, si je passe un an à être là sur un fardeau pour mes potes,
04:40 OK, c'est mes potes, donc ils sont là pour moi et tout.
04:43 Mais en vrai, si je pense aussi de manière réciproque,
04:45 j'ai envie de préserver nos moments de ça.
04:47 J'ai envie de garder une sorte d'innocence parfois,
04:52 je dis pas tout le temps, mais parfois, dans nos moments.
04:54 Et donc, le psy, c'est très pratique pour ça.
04:56 Je pense que c'est lié à ce truc,
05:02 cette idée fausse de "si tu veux être fort, tu dois te débrouiller seul".
05:06 Dans une logique de virilité,
05:09 donc d'être fort, protecteur, etc.,
05:12 je dois pouvoir me débrouiller seul et donc pas être accompagné.
05:16 Et donc, pas de psy.
05:17 L'homme viril, l'homme fort, il n'a pas de vulnérabilité.
05:20 Il pleure pas, par exemple.
05:21 C'était très mal vu de pleurer.
05:23 Il y avait des parents qui me disaient "ouais, pleure pas,
05:26 t'es un mec fort, faut que tu te battes, quoi".
05:29 Il y avait pas la place à la vulnérabilité.
05:32 Et donc, au fait de gérer sa santé mentale,
05:35 et potentiellement avec quelqu'un.
05:37 Et ça, c'est en train de changer.
05:39 En fait, c'est marrant,
05:40 parce qu'aujourd'hui, quand je pense à ma vulnérabilité,
05:42 je crois que j'ai même du mal à la voir,
05:46 parce que, justement, je l'ai acceptée,
05:50 et du coup, c'est plus une vulnérabilité.
05:52 En fait, c'est une vulnérabilité
05:53 quand c'est quelque chose avec lequel on n'est pas forcément à l'aise,
05:56 qu'on cache et qui devient un point sur lequel on est sensible.
06:01 Mais une fois qu'on accepte
06:03 que, voilà, il y a des trucs où on est fort,
06:05 il y a des trucs où on est nul,
06:06 il y a des trucs où ça va, il y a des trucs où ça va pas,
06:08 et puis ça change avec le temps aussi.
06:09 Quand on est à l'aise avec tout ça,
06:10 en fait, il n'y a plus vraiment de vulnérabilité,
06:12 il y a juste une forme de sérénité, quoi, j'imagine.
06:15 Il y a cette conception hyper forte de l'artiste torturé
06:24 qui transforme ses vulnérabilités en création et tout.
06:27 Je pense qu'on peut créer des choses incroyables
06:31 en allant très bien,
06:33 en se posant aucune question, d'ailleurs.
06:35 Si j'ai traité mes vulnérabilités ou si j'en suis conscient, etc.,
06:39 c'est que j'ai un regard sur moi-même
06:41 et donc, potentiellement, j'ai un regard sur le monde qui m'entoure, etc.,
06:44 un regard bienveillant, quelque part, un regard accueillant.
06:48 Et ça, c'est aussi une des conditions nécessaires, en fait,
06:52 à la sensibilité et à la création.
06:54 C'est ça qui peut faire le lien, en fait,
06:56 entre la vulnérabilité, la santé mentale, etc.,
06:59 et le côté sensibilité, créativité, etc.
07:03 Mais je ne pense pas que ce soit l'un qui soit la conséquence de l'autre.
07:06 Je pense que c'est plus les deux, ils sont rattachés à autre chose,
07:08 qui est une conscience de soi,
07:10 une conscience des autres et une bienveillance, surtout.
07:14 J'ai envie de dire que c'est que de la vulnérabilité.
07:20 L'exposition, elle est immense.
07:21 Et puis, c'est une exposition dans un cadre que, moi, je trouve violent.
07:27 C'est-à-dire qu'Internet, en vrai, la plupart du temps, c'est violent.
07:31 C'est des gens qui disent des choses et qui le disent, en fait,
07:34 comme si vous n'existiez pas.
07:36 Avant de dire que c'est énormément de vulnérabilité,
07:38 c'est énormément d'exposition et de risques et d'attaques, etc.
07:43 Ça, ça peut créer la vulnérabilité.
07:46 C'est une super école, du coup,
07:48 parce qu'en fait, si on est trop vulnérable
07:50 ou si on n'a pas réglé plein de choses,
07:53 c'est très difficile de survivre dans ce monde-là.
07:57 Donc, ça nous force à régler des choses.
08:00 Moi, à titre personnel, j'avoue, par exemple, il y a trois mois,
08:07 j'ai supprimé Twitter de mon téléphone.
08:09 Ça va très bien.
08:10 Je crois que j'ai rien raté d'hyper important.
08:13 Déjà, je réponds jamais aux commentaires négatifs et tout.
08:17 Mais même les commentaires positifs, quelque part,
08:20 ou les messages, etc., je réponds de moins en moins.
08:23 Je crois que je m'isole.
08:25 Je m'isole d'Internet, quoi.
08:28 C'est vrai que j'essaie vraiment plus de m'ancrer dans la vie réelle.
08:31 J'essaie de créer des vrais moments avec mes potes, ma famille.
08:36 Là, j'étais à l'étranger, je viens de revenir en France.
08:38 Ça fait longtemps que j'ai pas vu certains potes et tout.
08:40 Le premier truc que j'ai fait, c'est caler des dîners,
08:45 des verres, des petits déjeuners, etc.
08:47 Je pense que j'essaie de créer le maximum possible d'événements
08:51 dans la vraie vie, qui soient pas derrière un écran.
08:54 Moi, c'est ça, ma manière de gérer le truc.
08:58 Je pense que pour moi, ce qui me touche là-dedans,
09:03 ma démarche première, c'est s'explorer, c'est travailler sur soi.
09:07 C'est devenir un meilleur humain, quelque part.
09:10 Pas dans une logique productiviste ou quoi.
09:12 Meilleur pour soi, être plus heureux dans sa vie.
09:14 Et la santé mentale se trouve sur le chemin.
09:16 Parce que quand on commence à s'explorer, on voit aussi ce qui va pas.
09:19 Et on est beaucoup plus lucide sur ce qui nous attrisse,
09:23 ce qui nous trouble, ce qui nous rend anxieux, ce qui nous stresse.
09:27 Et donc, la santé mentale, elle arrive très vite, en fait,
09:31 quand on commence à s'explorer et à travailler sur soi.
09:33 Donc, c'est plus dans ce sens-là, je pense.
09:35 Je pense pas avoir un message particulier à passer.
09:43 J'ai plus une question, en fait, qui est pourquoi ?
09:46 Si on se tutoie, je me permets, mais qu'est-ce qui te retient ?
09:49 Pourquoi t'y vas pas ?
09:51 De quoi t'as peur, en fait ?
09:53 C'est ça, la question.
09:55 [Musique]

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