L'examen psychiatrique de l'adolescente, qui a menacé avec un couteau une professeure d'anglais dans un collège de Rennes ce mercredi 13 décembre, a conclu que la mineure était "dangereuse pour elle-même".
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00:00 On en parle avec Mélanie Vecchio du service Police Justice de BFM TV,
00:07 Johanna Rosenblum, psychologue clinicienne et consultante BFM TV.
00:11 Bonjour Johanna.
00:12 Et Stéphane Larieux, proviseur du lycée Tom Morel d'Annecy.
00:15 La particularité de votre lycée, c'est qu'il est désormais équipé de portiques.
00:19 Vous êtes également le secrétaire de l'Académie du Syndicat des Personnels de Direction SNPD-EN-UNSA.
00:24 Merci d'être avec nous ce matin, au lendemain de ce qui s'est passé
00:28 dans ce collège de Rennes où une élève de cinquième, âgée de 12 ans,
00:33 a donc menacé sa professeure d'anglais avec un couteau qu'elle a sorti de son cartable.
00:39 Johanna Rosenblum, d'abord avec vous, la dernière information qui nous est parvenue hier soir,
00:45 c'est que cette collégienne de 12 ans a été hospitalisée dans la soirée,
00:50 car elle est, c'est ce que dit le procureur, dangereuse pour elle-même.
00:54 Quel est le sens de cette hospitalisation, Johanna ?
00:58 Alors, en fait, c'est vrai qu'on a beaucoup parlé de syndrome psychotique, de psychose hier.
01:06 C'est difficile de faire un diagnostic de psychose à l'âge de 12 ans.
01:10 On parle en général de troubles qui comprennent des symptômes de psychose,
01:13 donc ça peut être des hallucinations, des idées délirantes.
01:16 Et en général, à cet âge-là, on parle de troubles du comportement.
01:21 Et ces troubles du comportement, en préadolescence et en adolescence,
01:25 ils sont surtout auto-agressifs, c'est-à-dire que ce sont des ados qui sont dangereux pour eux-mêmes,
01:29 violents pour eux-mêmes.
01:31 Par exemple, il peut y avoir le trouble oppositionnel avec provocation,
01:34 donc c'est des enfants qui seront hyper agités, colériques, qui perdent leur sang-froid,
01:38 qui ont une humeur changeante, qui sont vraiment dans la provocation et dans la menace,
01:42 et le refus de toute autorité.
01:44 Et puis, il y a des enfants qui ont des troubles des conduites, c'est aussi un trouble du comportement.
01:48 Et là, on a des enfants qui sont plus agressifs, qui sont vraiment tout le temps dans la menace
01:52 et dans l'agressivité à l'égard des autres.
01:55 Mais en général, les passages à l'acte, ils sont auto-agressifs,
01:58 c'est-à-dire que ce sont des enfants qui vont se scarifier, qui vont se faire du mal.
02:01 Ils menacent les autres.
02:03 - On se dit qu'on est quand même passé tout près du drame absolu,
02:05 parce qu'on a appris qu'elle avait des antécédents,
02:07 puisqu'elle avait été renvoyée d'un collège en juin pour les menaces au couteau du même genre.
02:14 Il y avait donc des signes, mais elle n'est pas sortie du système éducatif pour autant.
02:20 Il y a un problème de dépistage ?
02:22 - En fait, là, sincèrement, elle a 12 ans,
02:26 donc elle doit être suivie normalement par un pédiatre, ne serait-ce que pour ses rappels de vaccin.
02:30 Normalement, il y a un suivi, il y a ce qu'on appelle une anamnèse, une histoire médicale de l'enfant.
02:35 À l'âge adulte, parfois, les adultes sont en dehors du parcours de santé,
02:38 mais à cet âge-là, sincèrement, elle devrait être suivie par un pédiatre,
02:41 à minima, par un psychologue scolaire ou un médecin scolaire.
02:44 Et c'est vrai que s'il y a eu des difficultés,
02:46 on se demande pourquoi son éducation scolaire, en tout cas, n'a pas été orientée.
02:51 Il y a quand même les EMS, qui sont des scolarisations au sein d'établissements médicaux et sociaux.
02:56 Et quand les enfants sont vraiment agressifs, qu'on a du mal à les contrôler,
03:00 il y a des établissements qui s'appellent des ITEP,
03:02 qui sont des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques.
03:06 Il faut faire la demande.
03:07 Il y a 498 établissements, je crois, dans toute la France,
03:10 répartis dans tous les départements.
03:12 Alors, c'est vrai que la répartition est hétérogène,
03:14 parfois c'est difficile d'avoir des places,
03:15 mais quand on a comme ça des enfants qui inquiètent quant à la maison, c'est compliqué.
03:19 Parce que sincèrement, à cet âge-là, quand il y a des symptômes si lourds,
03:22 il faut quand même se pencher sur les facteurs environnementaux et familiaux.
03:25 – Mais qui doit faire ce genre de demande ?
03:28 – Les parents, quand ils sont inquiets, sinon c'est les pédiatres, les instituteurs,
03:33 les voisins, la famille qui entoure pour alerter.
03:36 Il y a un suivi éducatif, il peut y avoir une assistante sociale dans la boucle.
03:39 Le pédiatre peut demander aussi à voir les parents, peut alerter les établissements.
03:44 Et ensuite, la famille aidée d'assistante sociale peut faire une demande auprès de la MDPH,
03:49 c'est la maison départementale pour les personnes handicapées.
03:52 Mais en réalité, il ne s'agit pas que des handicaps,
03:54 mais également des personnes ou des enfants qui souffrent de troubles psychiques.
03:58 Et il peut y avoir des réorientations vers des établissements spécialisés,
04:01 où il y a des enseignants, parce qu'évidemment, il ne faut pas sortir du circuit scolaire,
04:05 mais les enfants sont entourés d'éducateurs spécialisés,
04:07 de médecins, de psychologues, pour pouvoir les encadrer d'un point de vue santé,
04:11 tout en ne les faisant pas sortir du circuit éducatif.
04:15 Stéphane Larieux, ce qui est terrible, c'est que cette collégienne de 12 ans avait un couteau dans son sac.
04:20 Est-ce que les portiques que vous avez installées à l'entrée de votre établissement
04:24 permettent de détecter un couteau dans un cartable ?
04:27 Absolument pas.
04:29 Absolument pas. Un portique, c'est pour faire réguler le flux des élèves
04:32 et qu'ils puissent passer les uns après les autres.
04:35 Et puis, ça permet aussi d'avoir une protection contre les...
04:40 Les intrusions ?
04:42 Oui, et puis les voitures béliers, ce genre de choses.
04:47 Mais en aucun cas, ça ne vérifie ce qu'il y a dans le cartable
04:51 et ça ne remplacera la présence d'un assistant d'éducation.
04:54 Mais là encore, on n'a pas à opérer de fouilles de cartables.
04:59 C'est un contrôle visuel et puis on ne regarde pas ce qu'il y a dans les poches non plus.
05:03 Mais Stéphane Dario, est-ce que c'est au moins dissuasif ?
05:06 Est-ce qu'entre le moment où vous avez installé ces portiques, il y a un avant et un après ?
05:12 Alors, il n'y a pas quelque chose de systématique à tous les établissements scolaires.
05:17 Il y a un héritage architectural et dans certains cas, les portiques peuvent apporter effectivement un plus.
05:23 Donc effectivement, oui, ça apporte un plus, mais c'est sur un point d'entrée de l'établissement.
05:29 Vous avez un établissement, il n'y a pas qu'un point d'entrée.
05:31 Il y a un point d'entrée unique parfois pour les élèves, mais encore pas tous.
05:34 Vous pouvez avoir 2, 3, 4 points d'entrée.
05:39 Là encore, il y a un héritage architectural.
05:41 Si vous avez un établissement qui a été construit dans les années 70,
05:44 où la philosophie architecturale était l'ouverture sur le monde,
05:47 vous pouvez avoir un établissement qui est grand ouvert sur son environnement proche.
05:51 Et inversement, si vous avez quelque chose qui est un héritage de la fin du 19e siècle,
05:56 c'est un bâtiment qui est accolé aux trottoirs.
06:02 On évoquait la santé mentale des élèves et en particulier de cette collégienne de 12 ans, Stéphane Larieux.
06:08 Est-ce que c'est un sujet pour vous ?
06:10 C'est un vrai sujet.
06:14 Pas plus tard qu'hier, dans mon établissement, on avait une cellule de travail sur la santé mentale des élèves
06:22 et comment on peut prévenir et mettre en place le repérage.
06:29 Vous les voyez changer ces élèves ? On dit souvent que le Covid sera marquant.
06:34 Il y a eu clairement un avant et un après Covid.
06:36 On a des enfants qui sont revenus de cet épisode-là avec davantage de troubles et davantage de souffrances.
06:46 Le psychologue scolaire, ça suffit pour dépister ce genre de comportement ?
06:52 Non, ce n'est pas l'affaire du psychologue scolaire, c'est l'affaire de tous les personnels du lycée.
06:58 En première ligne, les professeurs qui sont au contact.
07:02 Le premier repérage, le premier filtre, ce sont les professeurs qui ont les élèves sur des horaires les plus longs.
07:10 C'est de pouvoir repérer les signaux faibles.
07:14 Un enfant qui ne participe plus, qui n'a plus le même état d'esprit qu'il avait,
07:22 ce sont les premiers signaux qui doivent nous amener sur nos cellules internes à chaque établissement
07:28 de pouvoir passer de ce repérage à un diagnostic, à une confirmation
07:34 et essayer de prendre en charge le mal-être de l'élève.
07:37 D'ailleurs, Mélanie Vecchio, si on refait le scénario de l'agression d'hier, de ce qui s'est passé dans ce collège,
07:43 la professeure d'anglais repère un signal faible au départ.
07:46 Elle voit que cet élève est agité et elle vient s'asseoir à côté d'elle.
07:50 À ce moment-là, il faut dire que dans la classe, on projetait un film pédagogique,
07:53 la classe était en demi-groupe et la prof vient s'asseoir à côté de l'élève parce qu'elle la trouve agitée.
07:59 Elle la trouve agitée et l'élève va lui prononcer à voix basse, va lui confier certains mots.
08:07 La professeure, vous le disiez...
08:08 Elle dit "je suis folle".
08:09 "Je suis folle aujourd'hui, j'ai envie de tuer quelqu'un, j'ai envie de tuer les élèves qui ne m'aiment pas
08:13 et la personne en face de moi, ça s'est passé à Arras et je vais faire pareil",
08:17 en référence évidemment à l'assassinat du professeur de français Dominique Bernard.
08:21 C'est ce qu'elle dit effectivement à ce moment-là.
08:22 C'est exactement ce qu'elle dit et c'est à ce moment-là, après avoir prononcé ces mots,
08:26 qu'elle va sortir son couteau et la professeure va avoir justement le bon geste,
08:30 à savoir justement exclure tous les élèves de la classe, évacuer la salle,
08:35 afin qu'ils soient mis tous en sécurité.
08:37 Ce qui est intéressant, Johanna, c'est qu'en fait, cette élève,
08:39 on a l'impression qu'elle est lucide sur son état psychique à ce moment-là.
08:43 Sincèrement, c'est très difficile de le dire.
08:47 Elle peut avoir un discours emprunté, c'est-à-dire emprunté de l'environnement dans lequel elle évolue.
08:52 Ça peut être parce qu'elle a écouté quelque chose à la radio, à la télé,
08:55 ça peut être parce qu'elle l'a entendu de ses proches, de sa famille.
08:58 Encore une fois, à 12 ans, on est quand même extrêmement teinté,
09:01 emprunt de l'environnement familial et éducatif, social dans lequel on bâgne.
09:06 Elle peut être, comme vous le dites, peut-être extrêmement lucide
09:08 et faire preuve d'une espèce de froideur affective
09:11 et se servir de cette froideur pour menacer, pour faire peur à son entourage.
09:15 Mais elle peut être aussi soumise à des idées délirantes,
09:18 ses premiers fameux symptômes psychotiques,
09:21 sans qu'on fasse de diagnostic de psychose,
09:23 mais de symptômes comme ça qui alertent un petit peu, qui montrent qu'elle décroche un petit peu.
09:28 Tout ça sera à voir évidemment avec les spécialistes en psychologie, en psychiatrie de l'enfant,
09:34 parce que c'est une pratique vraiment spéciale.
09:36 Et je pense que c'est pour ça qu'elle a été hospitalisée.
09:38 On a besoin de savoir s'il y a une espèce de bouffée comme ça, un délire ponctuel,
09:43 ou si elle est dans une mécanique qui annonce quand même
09:45 une décompensation vers une maladie psychiatrique plus sévère.