C'est un résultat saisissant. Le revenu par habitant de la France, en pourcentage de celui des États-Unis, était presque 80% supérieur en 2008 à ce qu'il est aujourd'hui. Le PIB par habitant français, converti en dollars, approchait 94 % du niveau américain en 2008, contre 53% aujourd'hui. Le choix de la période est certes arbitraire. Elle isole une séquence particulière dans une série qui historiquement connaît de fortes fluctuations. Et bien sûr, dans leur monnaie, sur leur territoire et dans leur propre système de prix, les Français n'ont pas vécu une telle paupérisation. Mais cette réalité est bien tangible pour un Français voyageant aux États-Unis ou cherchant plus généralement à se procurer un produit libellé en dollars. Ce chiffre vaut la peine d'être expliqué, car il révèle de nombreux points de faiblesse communs à la France et à l'Europe. [...]
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00:00 C'est un résultat saisissant.
00:11 Le revenu par habitant de la France, en pourcentage de celui des États-Unis, était presque 80%
00:17 supérieur en 2008 à ce qu'il est aujourd'hui.
00:21 Le PIB par habitant français converti en dollars approchait 94% du niveau américain
00:27 en 2008, contre 53% aujourd'hui.
00:30 Le choix de la période est certes arbitraire.
00:33 Elle isole une séquence particulière dans une série qui, historiquement, connaît de
00:38 fortes fluctuations.
00:39 Et bien sûr, dans leur monnaie, sur leur territoire et dans leur propre système de
00:44 prix, les Français n'ont pas vécu une telle paupérisation.
00:47 Mais cette réalité est bien tangible pour un Français voyageant aux États-Unis et
00:52 cherchant plus généralement à se procurer un produit libellé en dollars.
00:56 Ce chiffre vaut la peine d'être expliqué car il révèle de nombreux points de faiblesse
01:02 communs à la France et à l'Europe.
01:04 Le PIB par habitant peut être décomposé comptablement en 4 éléments.
01:09 1.
01:10 Le taux de change euro/dollar.
01:12 2.
01:13 La productivité, autrement dit le PIB en volume par personne en emploi.
01:16 3.
01:17 La mobilisation de la main d'œuvre, c'est-à-dire la part de la population qui travaille et
01:22 participe donc à la production de richesses.
01:25 4.
01:26 Enfin, les prises unitaires des produits hexagonaux.
01:29 Partant de cette décomposition, la dégringolade du pouvoir d'achat hexagonal en dollars
01:35 relève à près de 55% de la dépréciation de l'euro.
01:39 Le reste est tendu à parité, à la moindre hausse de la productivité et des prises unitaires,
01:45 près d'un quart chacun.
01:46 La mobilisation de la main d'œuvre joue à l'inverse légèrement en faveur de la
01:51 France, grâce à la nette amélioration de son taux d'emploi.
01:55 Partons de la productivité.
01:56 Le constat est celui de la dégradation de la productivité française relativement à
02:01 celle des États-Unis.
02:03 Le mouvement s'est enclenché au début des années 90.
02:07 Partant d'un niveau comparable à celle américaine en 1992, la productivité hexagonale
02:13 ne représente plus que 75% de cette dernière en 2022.
02:18 Un décrochage aggravé par les crises successives depuis 2007.
02:22 Trois causes peuvent être invoquées.
02:24 La mobilisation accrue de la population peu qualifiée dans l'emploi, dans le sillage
02:29 des politiques de baisse de charge.
02:31 Le vieillissement plus marqué de la population active.
02:34 Et surtout, notre retard technologique.
02:37 C'est dans la sphère des services marchands que s'opère le plus gros du décrochage,
02:42 France-US, signalant que les États-Unis surclassent non seulement la France comme producteur,
02:48 mais aussi comme utilisateur des technologies numériques, métabolisant plus efficacement
02:53 les plateformes pour générer des gains d'organisation.
02:56 Seconde source de décrochage, la dégradation des prix relatifs hexagonaux.
03:01 Les prix unitaires des produits fabriqués en France ont sensiblement moins augmenté
03:06 qu'aux États-Unis, plombant le revenu.
03:08 On peut y voir la vertu de la gestion plus rigoureuse de l'euro-marque.
03:13 Mais c'est aussi le signe d'un faible pouvoir de marché des entreprises.
03:17 La France paye les lacunes de la médiocrité de sa spécialisation intermédiaire, trop
03:23 exposée à la concurrence internationale.
03:26 Moins bien positionnée aussi sur les produits disposant d'une forte rente technologique,
03:32 son pouvoir pour capter la valeur est bien moindre que celui de l'empire numérique américain.
03:37 Troisième et principal facteur explicatif enfin, le taux de change.
03:42 On peut certes le relativiser, tant ses fluctuations sont de grande ampleur et soumises à des
03:47 déterminants imprévisibles.
03:49 Ce serait une erreur.
03:51 La valeur de l'euro sanctionne deux déconvenus.
03:54 1.
03:55 L'euro n'a pas réussi à rivaliser avec le dollar comme monnaie internationale, sanctionnant
03:59 une attractivité financière moindre.
04:01 2.
04:02 L'économie européenne a démontré son incapacité à encaisser un taux de change
04:08 s'éloignant de la parité, sans symptôme préoccupant de déflations ou de divergences
04:14 intracommunautaires.
04:15 Et tout cela renvoie, une fois encore, à la vulnérabilité du positionnement commercial
04:21 de l'Europe.
04:22 Et finalement, le chiffre un peu racoleur de l'effondrement du pouvoir d'achat en
04:27 dollar de la France en dit long sur les effets de diffusion, via la productivité, les prix
04:33 et le change, du retard technologique qui caractérise toute l'Europe.
04:38 Oui, la France et l'Europe se sont bien appauvries et la technologie joue un rôle
04:43 décisif et durable dans ce décrochage.
04:46 - Le Téléfrançais est un documentaire réalisé en partenariat avec la Fondation Européenne pour l'Europe.