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Le duel du Live de ce samedi 9 décembre avec Violaine de Filippis, porte-parole d'Osez le Féminisme et Pierre-Henri Bovis, avocat pénaliste.

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Transcription
00:00 Je pense que c'est à chacune et à chacun de se poser la question,
00:02 puisque appeler au boycott ou au girlcott,
00:05 tu dirais, c'est ni plus ni moins que reproduire les codes patriarcaux.
00:08 C'est-à-dire qu'en société démocratique,
00:12 on peut tous choisir en se posant les questions,
00:14 par exemple, relatives au cadeau Noël.
00:16 Est-ce qu'on a envie d'offrir ces œuvres ?
00:18 Bien sûr, la féministe que je suis, pour ma part, ne le fera pas.
00:22 Maintenant, le travail journalistique qui a été réalisé
00:24 permet justement à chaque personne de se poser la question.
00:27 Et on n'a pas à imposer aux gens leur choix.
00:30 Donc boycotter, pour ma part, oui, bien sûr, je vais le faire.
00:33 Maintenant, j'attends en tout cas des citoyennes et des citoyens
00:36 qui se posent la question.
00:38 Qui ont-ils envie de mettre en avant ?
00:41 À qui ont-ils envie de donner leur argent ?
00:43 Qui ont-ils envie de soutenir ?
00:44 C'est plus moral que juridique, ce que l'on dit.
00:46 Alors juridiquement, je pense que mon confrère rebondira là-dessus.
00:49 Je ne vois pas de fondement légal possible, en tout cas.
00:51 C'est la question que j'allais vous poser.
00:52 Avant de voir votre position sur cette question-là,
00:56 quand on entend ce qu'il dit, Gérard Depardieu,
00:58 il y a d'autres choses.
00:59 Il y a des accusations d'agression et de viol, il y a des plaintes,
01:02 il y en a deux, mais sur ces propos,
01:05 est-ce que ça a un fondement juridique ?
01:06 Et sinon, qu'est-ce qu'on doit en déduire de notre attitude personnelle ?
01:12 Votre remarque est tout à fait pertinente.
01:14 C'est-à-dire que soit on se situe sur le terrain de la morale,
01:16 soit on se situe sur le terrain du droit.
01:18 Mais vu que nous sommes deux avocats,
01:19 on va essayer de se situer sur le terrain juridique
01:21 et de laisser la morale de côté.
01:22 Évidemment que la réponse à votre question,
01:25 pour moi, c'est non.
01:27 Juridiquement, il n'y a strictement rien à ce stade.
01:30 Il faut quand même rappeler que Gérard Depardieu
01:32 a bénéficié d'un classement sans suite,
01:33 que certes, il a été mis en examen dans le cadre d'une information judiciaire
01:36 qui a été ouverte après une plainte à la conscience de partie civile,
01:39 mais qu'en aucun cas cela présume de quelconque culpabilité,
01:43 puisqu'il est présumé innocent et que d'ailleurs,
01:46 pléthore de dossiers ont abouti à un non-lieu
01:50 à l'issue d'une information judiciaire après une mise en examen.
01:53 Donc, il ne faut pas l'oublier.
01:55 Et ensuite, si vous voulez,
01:56 moi, ce complément d'enquête m'a terriblement gêné.
01:58 Après, on reviendra sur les propos qui ont été tenus,
02:00 mais une phrase qu'ont tenues vos confrères,
02:04 qui encore une fois, moi, en tant qu'avocat,
02:06 m'a heurté, m'a choqué, j'ai envie de vous dire même.
02:09 Journalistes ont dit, les propos de Gérard Depardieu tenus,
02:13 donc ceux qu'on va commenter,
02:15 ont une résonance particulière dans le cas des accusations
02:19 qui ont été portées contre lui.
02:20 - Le fait qu'il l'ait dit alors qu'il avait signé des accusations.
02:23 - C'est-à-dire qu'aujourd'hui, un homme qui tient des propos graveleux,
02:26 des propos lourds, des propos outranciers,
02:30 choquants, obscènes, etc.,
02:32 conduirait à supposer qu'il pourrait être un agresseur sexuel.
02:35 Mais vous vous rendez compte dans quel monde vit-on ?
02:38 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, un homme qui tient,
02:40 à l'âge qu'il a également,
02:42 des propos gênants, outranciers, choquants,
02:44 ferait de lui un agresseur sexuel.
02:45 On délire complètement, et j'en terminerai là.
02:49 Gérard Depardieu est un monument du cinéma français.
02:52 - C'est pas grave, on s'en fiche.
02:54 - Pour répondre à votre question, savoir si on doit le boycotter ou pas,
02:58 c'est un monument du cinéma français.
03:00 On le connaît dans sa manière outrancière,
03:04 gênante, particulière d'aborder, de s'adresser aux gens, etc.
03:09 Ça ne fait pas de cet individu, en tout cas sur ses seuls éléments,
03:13 un agresseur sexuel ou un violeur.
03:15 Ensuite, après, la justice fera son œuvre
03:18 et on verra ce qu'il en est de ces plaintes
03:20 qui aboutissent des années après les prétendus faits.
03:22 - Mais entendons-nous bien, quand je parlais d'absence de fondement légal,
03:24 je parlais d'absence de fondement légal pour le censurer.
03:27 - Évidemment.
03:27 - Par contre, sur le volet juridique, par rapport aux propos qu'il a tenus,
03:31 je serais curieuse de savoir, confrère,
03:32 quelle définition vous donnez à l'outrage sexiste et sexuel
03:35 qui est pénalisé depuis 2018 ?
03:36 - Notamment sur une très jeune fille de 10 ans,
03:39 pas plus de 10 années, en Corée du Nord notamment.
03:41 - Oui, alors effectivement, il y a la problématique du droit international,
03:44 mais en tout cas, ces propos en France, aujourd'hui,
03:46 ils tombent dans le code pénal.
03:49 On n'a pas le droit aujourd'hui d'imposer des propos à connotation sexuelle
03:53 à un individu ou une individue en raison de son sexe,
03:56 si ça crée une situation.
03:58 - Bien sûr.
03:58 - Donc, en fait, ce que vous venez de dire, je suis désolée, juridiquement, c'est faux.
04:01 - Alors, un point…
04:02 - Laissez-moi terminer, je vous ai laissé terminer.
04:04 - Vous me parlez d'outrage sexiste, vous connaissez évidemment,
04:08 donc les faits ont été tenus, donc les propos ont été tenus en 2018,
04:12 j'imagine que vous connaissez la prescription.
04:14 - Oui, bien sûr, mais surtout, ils ont été tenus…
04:15 - D'accord, mais c'est prescrit.
04:16 - Ils ont été tenus…
04:16 - Je tenais juste à clarifier ce point pour les téléspectateurs.
04:19 - Ils ont été tenus en Corée, donc en fait, là où je suis désolée,
04:23 où on n'est pas d'accord visiblement,
04:26 mais c'est que vous dites à l'antenne que les propos graveleux
04:29 ne sont pas dans le code pénal, ce ne sont pas des infractions.
04:32 Eh bien, propos graveleux, si, maintenant, c'est une infraction,
04:35 c'est l'outrage sexiste et sexuel.
04:37 Il est même aggravé quand il se passe dans les transports en commun.
04:40 - Là, vous faites de la désinformation, pardon.
04:41 - Non, ce n'est pas de la désinformation.
04:43 - Lorsqu'un fait est constaté, mais qu'il est prescrit,
04:47 vous ne pouvez pas accuser…
04:48 - Mais on ne parle pas du cas de la Corée.
04:50 - Vous ne pouvez pas accuser quelqu'un d'avoir commis une infraction
04:52 si cette infraction est prescrite.
04:54 - On ne parle pas de lui, vous parliez…
04:55 Vous avez généralisé, je ne parle pas de lui en particulier,
04:58 je dis que vous dites à l'antenne que les propos graveleux
05:00 ne sont pas des infractions.
05:02 Eh bien, si, ça en est aujourd'hui.
05:04 - Mais la prescrite, en l'occurrence.
05:05 - Mais oui, ma parole par exemple.
05:07 Oui, bien sûr.
05:08 Et après, pour rebondir sur ce qui a été dit sur le fait
05:10 qu'une mise en examen ne veut pas dire culpabilité, bien sûr.
05:14 En revanche, il faut quand même rappeler que cette mise en examen
05:16 dans le dossier qui l'oppose à Charlotte Arnoux,
05:19 il l'a contestée et la Chambre de l'instruction l'a confirmée.
05:21 Ça veut dire qu'il y a quand même un faisceau d'indices concordants.
05:24 Et aujourd'hui, qu'ils viennent dire dans des tribunes, dans des médias,
05:27 qu'il n'y a rien dans le dossier, juridiquement, c'est faux aussi.
05:30 Et je rappellerais que, quand bien même ça aboutirait à un non-lieu,
05:33 la plupart des dossiers aboutissent à des non-lieux ou des classements.
05:36 Dans 8 cas sur 10, les violences faites aux femmes sont classées.
05:38 Ce sont les stats officielles d'un rapport de 2019.
05:41 Parce qu'on est dans le parole contre parole, excellentement.
05:42 C'est aussi parce que les enquêtes sont mal faites.
05:44 C'est-à-dire que, généralement, il y a trop peu d'actes d'investigation.
05:47 Écoutez, confrère, vous soupirez, je vous invite à lire mon livre.
05:49 C'est trouvé dedans.
05:50 Mais non, mais pardon, mais en tant que professeur du droit,
05:52 en tant que confrère, en tant qu'avocate spécialiste du droit,
05:58 vous ne pouvez pas dire ça sur un plateau de télévision.
06:00 Je ne peux pas dire que les enquêtes sont mal faites.
06:01 Ah bah si, je vais le redire.
06:02 Les magistrats, dans la plupart des cas,
06:06 dans la très grande et écrasante majorité des cas,
06:09 font un travail exceptionnel d'investigation, d'enquête.
06:13 Comment expliquez-vous qu'un rapport de 2019
06:16 pointe le manque d'investigation ?
06:17 C'est un rapport officiel de l'État, confrère.
06:19 Tenez à les propos que vous tenez,
06:20 c'est attaquer aussi l'institution judiciaire.
06:22 Mais je l'attaque, l'institution judiciaire.
06:24 Et décrédibiliser également l'institution judiciaire.
06:26 Et tout le travail réalisé par des enquêteurs,
06:29 par des magistrats, par des policiers,
06:31 je trouve ça de polémiste, c'est normal.
06:33 Mais de la part d'un avocat, je trouve que c'est un polémique.
06:35 Répondez-moi à cette question.
06:37 Le rapport de 2019 réalisé par l'Inspection générale de la justice,
06:41 donc une institution officielle qui émane de l'État,
06:44 a sorti plusieurs dossiers de féminicides, les a examinés.
06:46 Encore une fois, ce sont des chiffres officiels que je cite dans mon livre.
06:49 Le rapport dit que quand ces femmes sont mortes
06:51 sous les coups de leurs conjoints
06:52 et qu'elles avaient signalé les violences,
06:53 dans 8 cas sur 10, la plainte avait été classée sans suite.
06:56 Et le rapport dit que c'était essentiellement
06:58 par manque d'investigation.
06:59 Et il dit quoi ?
07:00 Pas d'audition systématique de l'homme accusé,
07:02 quasiment jamais d'enquête d'environnement,
07:05 c'est-à-dire quasiment jamais d'enquête autour des proches.
07:07 Comment vous m'expliquez ce chiffre ?
07:09 Je vais vous répondre d'une manière très simple.
07:12 Le principe fondamental du droit, c'est la présomption d'innocence.
07:18 Cette présomption d'innocence est respectée dès lors qu'il y a une accusation
07:21 et une enquête est menée avec les indices que vous apportez,
07:24 vous en tant qu'accusateur, vous apportez un faisceau d'indices
07:28 et celui qui est présumé innocent doit s'en justifier
07:31 et une enquête est menée sur cette base d'indices.
07:33 Vous dites à l'entête qu'en droit pénal, c'est à la victime d'apporter l'épreuve.
07:36 Je ne suis pas sûre.
07:37 La charge de la preuve en droit pénal, c'est l'enquête,
07:39 c'est l'État qui doit l'assurer.
07:40 Sur cette base d'indices.
07:41 C'est l'accusation qui apporte l'épreuve.
07:44 Mais en droit civil, pas en droit pénal.
07:45 En droit pénal, l'enquête est assurée par l'État.
07:48 Vous voyez l'accusation, donc le parquet.
07:50 Mais si le parquet ne fait pas faire les actes d'enquête...
07:53 Si maintenant, il n'y a pas assez d'indices graves et concordants,
07:56 et qu'il n'y a pas assez d'éléments pour porter en accusation un individu,
07:59 cet individu est présumé innocent, et donc il n'y a pas d'accusation.
08:02 Vous ne répondez pas à ma question, confrère.
08:03 Je suis désolée.
08:04 Merci à tous les deux.
08:05 Vous reviendrez sur le plateau.

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