• il y a 2 ans
Chaque semaine, le tour de l'actualité cinéphile avec des sujets inédits, des entretiens, des analyses de séquences, des archives, des montages et des nouvelles rubriques pour combler les amoureux du cinéma.
Transcription
00:00 ♪ ♪ ♪
00:20 La différence, c'est qu'écrire, pour moi, sur Nicolas Ray
00:23 était faire un film.
00:24 C'est pour ça qu'on a mis du temps.
00:26 Moi, j'ai commencé dans le cinéma vers 20 ans.
00:28 Je ne peux pas commencer du tout comme le louche à 3 ans,
00:31 voyant Chaplin, puis en me disant, moi, je vais faire ça.
00:33 Pas de doute, vous êtes bien sûr classique,
00:35 et c'est parti pour votre Viva Cinema,
00:37 qui vous propose aujourd'hui une conversation
00:39 avec Jean-Luc Godard.
00:41 Au sommaire également, le "Rosebud" de Dick Richards,
00:44 la "Mélodie du bonheur" de Léopold Roy,
00:47 et le cinéma retrouvé de Jim Kelly.
00:49 C'est parti.
00:50 - Your smoke smelled your coffee.
00:52 ♪ ♪ ♪
00:54 (rire)
00:57 - En 1985, Jean-Luc Godard est aussi actif
01:01 que dans les années 60.
01:02 Il tourne coup sur coup "Je vous salue, Marie"
01:05 et "Détective", et prépare un nouveau film, "Rock X",
01:08 qui s'appellera finalement "Soigne ta droite".
01:11 Cette année-là, le cinéaste est invité
01:13 pour une conférence exceptionnelle
01:14 à la Cinémathèque française.
01:16 Pour revenir sur cet événement
01:17 dont les images viennent seulement d'être retrouvées,
01:20 votre Viva a rencontré le critique Alain Bergala,
01:23 qui fut l'un des instigateurs de cette soirée,
01:26 ainsi que Frédéric Bonneau,
01:27 l'actuel directeur de la Cinémathèque française.
01:30 Ils reviennent sur cette conférence d'anthologie de JLG.
01:33 ♪ ♪ ♪
01:43 - La Cinémathèque s'apprête à fêter son 50e anniversaire.
01:48 Et donc, ils se disent que pendant toute l'année 86,
01:51 ils vont recevoir des cinéastes particulièrement prestigieux
01:55 et donc ils commencent à l'automne 85 par Jean-Luc Godard,
02:00 dont évidemment la jeunesse est très liée à la Cinémathèque française.
02:04 Il a très souvent expliqué que celui qui lui avait montré des films
02:08 et qui lui avait appris comment regarder les films,
02:11 c'était Henri Langlois.
02:13 Et à ce moment-là, Godard est en pleine activité
02:16 parce que c'est l'année de "Détective".
02:19 Donc c'est une année où il vient de sortir un film
02:21 qui était au Festival de Cannes,
02:23 donc on parle beaucoup de lui.
02:24 Et en plus, c'est la sortie d'un livre important
02:28 qui est une compilation, si vous voulez, de ses textes
02:30 et de ses interviews au Cahier du Cinéma
02:33 qui s'appelle "Godard par Godard" d'Alain Bergala.
02:36 - Et il a dit "je viens, mais je vous envoie quelque chose",
02:40 comme il fait souvent.
02:41 Donc on s'attendait à ce qu'il envoie un truc de cinq minutes.
02:43 Et en fait, il avait fait un montage de, je ne sais pas, dix films.
02:47 Et chaque fois, l'extrait commençait au début de la deuxième bobine.
02:51 Et c'était un vrai travail.
02:53 On voyait bien que ce n'était pas fait comme ça, à la 20 vite.
02:56 Ce n'était pas du tout paresseux.
02:57 - C'est-à-dire que les gens qu'on voit dans la salle,
02:59 ils viennent de voir des montages de films
03:02 qui, hélas, ne sont pas sur nos cassettes.
03:04 Mais Godard a montré plusieurs extraits de films,
03:07 disons pour faire une base à la conversation.
03:10 - Et à la fin, il a montré "Pialat",
03:13 parce que "Pialat" faisait partie des cinéastes
03:17 avec lesquels Godard était facilement en compétition.
03:22 Godard ne supportait pas qu'arrive un grand cinéaste
03:26 sur le territoire français.
03:29 Et "Pialat", il voyait bien que c'était grand.
03:32 - Qu'est-ce que tu penses que tu peux faire dans la vie ?
03:34 Toujours dormir comme ça, traîner, la nuit,
03:37 jusqu'à les 2h, 3h du matin ?
03:38 - Eh ben, c'est pas plus mal.
03:40 - Écoute, notre génération n'aurait jamais fait ça, jamais.
03:44 - On a voulu.
03:46 - On a voulu, bien sûr.
03:49 Mais c'est honteux.
03:50 - J'ai exprès passé, là, en fin de programme,
03:52 des gens qui sont les...
03:56 Bon, qui cherchent à garder, quand même,
03:59 ce qui est difficile aujourd'hui, un style, une originalité,
04:02 que ça soit effectivement "Pialat" ou "Pastambac".
04:05 Ça s'appelle pas "Police", alors ça marche pas.
04:09 Pourtant, les dialogues, les scènes de parents,
04:12 comme ça, sont, à mon avis, beaucoup plus fortes.
04:16 - Il avait un personnage public qui faisait peur,
04:19 par exemple, aux journalistes de télévision.
04:21 Parce qu'il se disait, "On va pas tenir la route et tout."
04:25 Parce que son ironie et tout ça, voilà, c'était...
04:27 Et là, il se comporte plutôt bien,
04:29 avec, comme toujours, de la mauvaise voix
04:32 dans ses réponses à certaines questions,
04:34 mais mauvaise voix gentille.
04:36 Y a pas de méchanceté.
04:39 - Bon, ben, on peut arrêter un peu, s'il vous plaît,
04:41 les photographies ?
04:44 Arrêtez un peu.
04:48 Ou si les photographes ont des questions à poser,
04:52 vous vous...
04:54 Vous vous gênez pas.
04:56 - Comme c'est un peu une soirée spéciale
04:59 qu'il y ait du cinéma à cause du livre,
05:01 il se fait un plaisir de dire du mal de tous ses copains,
05:05 Alain Bergala, Serge Toubiana, qu'on voit, etc.,
05:09 en disant, en gros, la critique est dans un état lamentable,
05:12 etc., etc.
05:13 Donc il fait aussi le critique de la critique, si vous voulez.
05:17 - Les critiques qu'on reçoit ne sont pas...
05:19 sont nominatives au mauvais sens du terme.
05:22 On dit Godard est un con ou est un catholique ou un comme ça.
05:25 Bon, ben, ça, je...
05:27 Mais on me dit pas, là, là, c'est pas un traveling que...
05:31 Ça, c'est encore...
05:32 Je connais que les producteurs encore, et certains,
05:34 parce qu'ils me disent, là, je trouve con, ce cadrage.
05:37 Et puis je leur montre que non ou comme ça.
05:40 Mais on parle pratique.
05:42 Jamais un critique vous dit ça.
05:44 Malraux le faisait, Truffaut, là, je crois,
05:47 qui était le plus grand là-dessus.
05:49 C'était... c'était vraiment des exemples.
05:52 Et on voyait ce qu'on aurait pu faire,
05:54 ce qu'il fallait pas faire, etc.
05:57 - Une de ses grandes qualités, c'est qu'il est pas dans la rétention.
06:00 Il a une grande générosité de parole.
06:03 Il faut savoir que Godard est quelqu'un qui aime bien discuter.
06:06 Mais vraiment, il aime bien la dispute.
06:09 Quand Toubiana, par exemple, courageusement le conteste,
06:13 en fait, il se fâche pas du tout.
06:15 Il lui dit "Ah oui, mais tu as raison,
06:18 "mais ce que je te dis pour toi, c'est aussi valable pour moi.
06:20 "Moi aussi, je suis pas capable de faire cette critique-là, etc."
06:23 - Quand je critique, je me critique tout autant.
06:25 Alors si je dis que t'es nulle part, moi, je suis nulle part.
06:28 Mais quand je t'écris, c'est en tant que personne de nulle part,
06:32 de ce point de vue-là.
06:33 - Les questions trop bien formulées, trop justes,
06:37 il s'en embête, il préfère les questions un peu à côté,
06:39 ou idiotes, enfin, voilà.
06:41 C'était son côté joueur de ping-pong.
06:43 - Est-ce que vous avez envie de faire un film d'action ?
06:46 Vous avez l'air d'aimer le Chimino, là, par exemple.
06:49 (Rires)
06:51 Est-ce que vous avez pas un projet de grand film d'action
06:55 après 25 ans de carrière, un film qui n'arrête pas,
06:58 qui n'arrête jamais ?
07:00 (Rires)
07:01 - Faire un film...
07:02 - Un film d'action, oui.
07:04 - Faire un film qui n'arrête jamais ?
07:06 - Dans ce public, il y a des gens qui disent
07:08 "Je connais pas vos films."
07:10 Tant qu'Ouedar était une idole qu'on allait consulter
07:14 pour parler de n'importe quoi.
07:15 Et je trouve ça plutôt sympathique.
07:18 J'aime bien le côté un peu, voilà, brouillant,
07:20 un peu mélangé, et lui aussi.
07:23 C'est le genre de choses qui lui plaisaient bien.
07:25 Si c'était une salle super cinéphile et tout,
07:27 il s'ennuyait un peu plus, quoi.
07:29 - Ou arrêter de faire des films comme je fais,
07:31 et de faire un grand film d'action.
07:34 Ben, écoutez, j'ai commencé avec "Je vous salue, Marie",
07:36 mais c'était des actions de grâce, c'est ça, pas beaucoup.
07:39 (rires)
07:41 (applaudissements)
07:43 J'ai dû mal commencer.
07:45 - Vous voyez, il pourrait très bien répondre...
07:48 J'ai quand même commencé par un petit polar avec Belmondo
07:51 qui s'appelle "À bout de souffle".
07:52 Donc tout ce dont vous me parlez,
07:54 en me traitant en gros d'intellectuel
07:56 qui fait pas des films d'action,
07:58 les films d'action, je les ai déjà faits, en fait, voilà.
08:01 Mais il joue le jeu.
08:03 C'est-à-dire qu'il répond à tout.
08:05 - Quand j'ai vu "Voyage en Italie",
08:06 j'avais jamais fait de films,
08:07 j'en avais vu un peu à la cinémathèque.
08:09 Et un jour, j'ai vu un film fait avec des bouts de ficelle,
08:12 deux personnes dans une voiture et le monde.
08:15 Le monde autour en écho, en miroir.
08:17 Je me suis dit, "Ah, on peut faire des films bon marché."
08:20 Parce que quand même, si j'économise un an,
08:23 je connais personne, mais je dois pouvoir persuader
08:25 une fille et un garçon de monter dans une voiture,
08:28 et puis le monde, ben, je verrai comment le mettre.
08:30 - Donc ce qui est intéressant avec Godard,
08:33 c'est qu'il répète les leçons de "La nouvelle vague".
08:36 Il dit, "Moi, j'ai compris que je pouvais faire des films
08:39 "sans argent et sans connaître personne
08:42 "quand j'ai vu 'Voyage en Italie' de Roberto Rossellini."
08:45 Il y avait deux personnages dans une voiture.
08:48 Alors, vous me direz, c'était George Sandor,
08:50 c'est Ingrid Bergman.
08:51 Bon, ben, si vous n'avez pas Ingrid Bergman,
08:53 prenez votre bonne amie.
08:54 - Moi, j'ai une bizarre impression, je veux dire.
08:55 J'ai 55 ans, donc j'ai 55 ans,
08:58 qui est, je me dis, c'est quasiment 60, 60,
09:00 c'est presque 70, 80, donc j'ai presque déjà 80.
09:05 Et puis en même temps, en tant qu'année de cinéma,
09:08 en tant qu'année de cinéma, ben, j'en ai 25.
09:11 25, c'est...
09:12 Finalement, c'est l'âge où j'avais rêvé
09:14 de faire mon premier film,
09:15 l'âge où Orson Welles a terminé "Citizen Kane".
09:18 Et je me dis, bon, ben, j'ai 25 ans.
09:21 Quelle chance extraordinaire.
09:24 - J'ai retrouvé le Godard.
09:25 C'est le moment où j'ai le plus connu Godard,
09:27 évidemment, des années 80.
09:29 Je l'ai retrouvé comme ça,
09:31 parce qu'après, l'image de Godard vraiment vieux
09:35 a un peu caché, ça.
09:37 C'est-à-dire, on a des images de Godard très jeunes,
09:40 années 60, comme ça.
09:41 Après, quand il commence à faire le vieux et à devenir vieux,
09:45 et là, c'est un âge intermédiaire.
09:47 Et c'est formidable, enfin, je trouve.
09:49 - Allez, bonne soirée.
09:51 - Votre viva vous recommande chaudement
09:55 d'aller découvrir l'intégralité de la rencontre
09:57 avec Jean-Luc Godard à la Cinémathèque française,
09:59 filmée par Raymond Depardon, s'il vous plaît,
10:01 disponible gratuitement sur la plateforme Henri
10:04 de la Cinémathèque.
10:06 A noter que deux autres grands entretiens
10:08 y sont également disponibles,
10:09 l'un avec Betty Davis, l'autre avec Wim Wenders,
10:12 en attendant d'en découvrir plus encore prochainement.
10:15 ♪ ♪ ♪
10:21 - This past spring was the first that I felt tired
10:23 and realized I was growing old.
10:26 - Trop vieux, Robert Mitchum ?
10:27 Allons donc, il n'a que 57 ans lorsqu'il prête
10:30 pour la première fois ses traits au mythique détective
10:33 Philippe Marleau dans "Adieu, ma jolie" de Dick Richards.
10:36 Nous sommes en 1975 et la carrière du grand Bob
10:40 oscille entre les chefs-d'oeuvre tardifs,
10:42 "La fille de Ryan", et des rôles plus dispensables,
10:44 il faut bien le dire.
10:46 Dick Richards, talentueux photographe devenu cinéaste,
10:49 ne veut personne d'autre que Mitchum
10:51 pour cette troisième adaptation du roman de Raymond Chandler,
10:54 "Farewell, my lady".
10:56 Certes, le détective Marleau est âgé de 30 ans dans le livre,
10:59 mais qu'à cela ne tienne, le réalisateur est persuadé
11:02 de tenir une occasion en or pour le grand retour de Robert Mitchum
11:05 au genre qui a fait sa légende, le film noir.
11:09 Pour y parvenir, Richards s'entoure des meilleurs.
11:12 Dinta Voularis, le chef d'écho de Francisco Pola,
11:15 et John Alonzo, le chef opérateur du Chinatown de Roman Polanski.
11:21 Quant à Mitchum, sa présence massive, son humour
11:24 et son détachement sardonique conviennent parfaitement
11:27 au personnage de Marleau, ce qui fera écrire à François Guérif
11:31 dans le livre qu'il lui a consacré,
11:33 peu d'acteurs sont capables de donner vie
11:35 à un personnage mythique en quelques secondes.
11:38 Pour vous en convaincre, regardez plutôt.
11:41 - Tu fais ça souvent ? - Non, je suis très occupé.
11:45 Au monastère, je prie avec les autres moines.
11:48 - Depuis quand tu connais Mariette ? - Deux années.
11:54 J'ai aimé lui.
11:57 J'ai aimé savoir qui l'a tué.
12:00 Tu le trouveras ?
12:03 Je te le payerai, bien sûr.
12:05 - Beaucoup. - Beaucoup ?
12:08 Mariette a vécu comme si elle avait beaucoup.
12:11 Elle ne t'a pas emprisonné, non ?
12:13 Tu es un peu vieux, non ?
12:16 - Ton nom est Phil, non ? - Philip. Et toi ?
12:24 Viens, bisous-moi.
12:27 - C'était qui ? - C'était Mr. Grey.
12:30 - Oubliez-le. - Je vais essayer.
12:33 - C'était qui ? - C'était Mr. Grey.
12:36 - Oubliez-le. - Je vais essayer.
12:39 - C'était qui ? - C'était Mr. Grey.
12:42 - Oubliez-le. - Je vais essayer.
12:45 - C'était Mr. Grey. - Oubliez-le.
12:48 - Je vais essayer.
12:51 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
12:54 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
12:57 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
13:00 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
13:03 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
13:06 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
13:09 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
13:13 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
13:16 - Je vais essayer. - Oubliez-le.
13:19 - C'était un gros colosse qui joue Moose Malone dans le film.
13:23 Il était un géant.
13:26 On ne voit pas ça à l'écran, mais c'était un géant.
13:29 Il s'est pris une amitié avec, et on les perdait tout le temps.
13:33 On les trouvait à 5 ou 6 heures du matin dans les bars,
13:37 dans les machins, même à un moment donné avec les flics.
13:41 C'était absolument insensé.
13:44 C'était la fin des grands jours de Hollywood.
13:47 On buvait, mais comme des trouilles buvées.
13:51 Beaucoup de whisky, énormément de talent et un sens de la dérision
13:55 qui masquaient une grande humanité.
13:57 Voilà Robert Mitchum, que vous retrouverez dans cet excellent polar
14:01 de Dick Richards, "Adieu ma jolie" 1975,
14:04 ainsi que dans le remake du "Grand Sommeil" signé Michael Wiener 1978,
14:08 tous deux actuellement sur Ciné+ Classique et à tout moment sur MyKanal.
14:18 Véritable sculpteur de son, Léopold Roy déploie une electronica
14:22 aussi riche en relief organique qu'en vision cinématographique.
14:26 Le Français a d'ailleurs composé plusieurs B.O.,
14:29 dont "La fille de Brest" d'Emmanuel Berco.
14:32 Pour Viva, le musicien nous dévoile sa mélodie du bonheur
14:35 signée François de Roubaix pour un film de Jean-Pierre Melville.
14:39 ♪ Piano ♪
14:43 J'ai choisi la B.O. du samouraï de François de Roubaix,
14:54 film réalisé par Jean-Pierre Melville.
14:56 Je l'ai choisi parce qu'en fait c'est un film qui est hyper minimaliste.
15:01 Et il y a beaucoup de choses à dire sur tout ça,
15:05 sur le silence, sur le rapport à ce tueur à gage, sur l'histoire.
15:09 Et du coup, la musique aussi.
15:11 ♪ Piano ♪
15:15 C'est une bande son qui est assez originale pour lui,
15:26 parce que lui il avait l'habitude de jouer avec des tuyaux,
15:28 des ocarinas, de mélanger toutes sortes de choses synthé, etc.
15:32 Et là, c'est je pense l'une des premières fois
15:34 où il fait vraiment une instru avec que de l'orchestration classique.
15:38 Violon, vibraphone, orgamon.
15:42 On finit aussi avec l'accordéon, et puis il va utiliser aussi des cuivres
15:45 pour poser des choses un peu basses.
15:47 Ce que j'aime beaucoup, c'est qu'elle va raconter
15:51 énormément de sentiments différents, elle va transmettre beaucoup d'émotions.
15:54 En fait, elle n'est ni que triste, ni que nostalgique,
15:58 ni que poétique, ni que joyeuse, ni stressante.
16:00 Elle est un peu de tout.
16:01 Et c'est en ça que je trouve qu'il est très très fort.
16:03 La bande son est très courte.
16:06 Elle fait 15 ou 16 minutes, je crois, à peu près, peut-être 17.
16:09 Il y a environ 18 musiques, et en fait, c'est un thème principal.
16:13 Donc ce thème à l'orgue...
16:17 qui va être déclainé tout au long du film.
16:21 C'est ça que j'adore aussi chez François de Roubaix.
16:32 Il avait une musique un peu instinctive.
16:34 C'est toujours un peu arythmique.
16:36 On n'est pas dans un truc binaire, on est rarement dans quelque chose de millimétré.
16:40 Et en fait, je me suis amusé à me dire,
16:42 "Tiens, mais c'est marrant parce que ce thème peut être joué lentement, rapidement,
16:46 et à chaque fois, il va toujours ni raconter ce sentiment de peur, de joie, etc.,
16:51 mais il va créer une intrigue."
16:53 Donc...
17:01 En fait, là, assez lentement, ça va tout de suite faire...
17:05 quelque chose d'assez doux, mélancolique, triste, poétique, etc., et puis...
17:09 Et en fait, c'était juste pour montrer que ça ne fait que de faire plusieurs morceaux
17:23 dans un seul thème. Il est déclinable à souhait.
17:25 (musique douce)
17:27 Les dix premières minutes, c'est ça qui m'intrigue le plus sur ce film.
17:47 Et il ne parle pas, il est dans une voiture, il cherche des clés,
17:51 et il doit personnifier ce tueur à gages.
17:54 Et je pense que, comme beaucoup de musiciens,
17:57 on s'amuse à imaginer plein de musiques différentes
18:01 sur des films qui sont très silencieux.
18:03 En fait, c'est des films à défis, je trouve.
18:05 Et tu t'amuses à mettre une musique qui est très stressante,
18:08 très premier degré, à la manière d'une série noire,
18:10 et ça ne raconte pas du tout la même chose.
18:12 Le personnage deviendra très méchant, il deviendra dangereux,
18:15 il fera flipper, et là, pas du tout.
18:17 On s'attache à lui, et il y a... Voilà.
18:19 Donc je trouve que c'est une B.O. hallucinante.
18:21 (Musique)
18:23 - Il t'a embêté ? - Non.
18:28 Mais toi ?
18:33 Tu as besoin de moi ?
18:37 - Non. - Si.
18:39 Qu'est-ce que je dois faire ?
18:41 Cette musique raconte complètement le personnage d'Alain Delon,
18:44 donc sa dualité.
18:46 Mais dans la manière dont elle intervient dans le film,
18:49 elle intervient pas forcément, comme c'est un film qui a peu de dialogue,
18:52 elle intervient pas forcément sur des moments d'action,
18:55 de meurtre, sur des moments narrativement puissants.
18:58 Et c'est là où il est fort, c'est qu'en fait,
19:01 le personnage, ce tueur à gages, on sait pas vraiment ce qu'il a en tête,
19:04 on connaît rien de ses intentions.
19:06 Il est à la fois glacial, parce qu'il tue quelqu'un de sang-froid,
19:10 il le connaît même pas,
19:12 et à la fois, on voit qu'il a une culpabilité,
19:15 qu'il y a quelque chose qui le ronge, c'est un film sur la solitude.
19:18 Cette musique raconte surtout ça, elle raconte une solitude,
19:21 et elle va intervenir dans des endroits très précis,
19:24 elle va maximum durer 1 minute 50 ou 2 minutes,
19:27 ce qui est quand même assez court, à chaque fois qu'elle intervient.
19:30 Et je pense que c'est ce moment qui va faire poser des questions au spectateur.
19:33 Pour explorer les paysages mentaux de Léopold de Roy,
19:36 n'hésitez pas à vous plonger dans "Eléments",
19:39 son envoûtant premier album solo,
19:41 et découvrir ou redécouvrir le samouraï de Jean-Pierre Melville
19:44 qui vient de ressortir en version restaurée 4K
19:47 dans son magnifique coffret collector, édité par Pathé.
19:50 Si l'on connaît Gene Kelly, acteur et danseur,
20:00 dans les inoubliables comédies musicales qu'il a co-réalisées avec Stanley Donen,
20:04 la fin de sa carrière est beaucoup plus confidentielle.
20:07 En témoigne "Attaque au Cheyenne Club" 1970,
20:10 l'une de ses dernières réalisations,
20:13 qui réunit Henry Fonda et James Stewart dans un western
20:16 est un costume pleinement sa part de comédie.
20:19 Alain Masson, membre du comité de rédaction de la revue "Positif"
20:22 et auteur d'une biographie du danseur-cinéaste,
20:26 nous emmène sur la piste du style Gene Kelly,
20:29 à Cheyenne, dans le Wyoming.
20:31 Je me souviens quand j'avais 12 ans, mon père m'a demandé
20:34 "Qu'est-ce que tu voulais être quand tu étais petit, Harley ?"
20:37 "Un fou, je me suis dit un cow-boy."
20:40 J'ai toujours fait des erreurs.
20:43 Si je devais devenir un père, je me dirais "un petit..."
20:46 Hey ! Où vas-tu ?
20:49 Cheyenne !
20:50 Kelly voulait prouver qu'il était un metteur en scène.
20:53 Faire un western, ça fait partie du métier.
20:57 "Attaque au Cheyenne Club" est le dernier film
21:01 vraiment mis en scène par Gene Kelly.
21:04 Il est dans une période assez difficile.
21:07 Il a peu apprécié de travailler sur "Hello Dolly",
21:12 qui est sa dernière comédie musicale.
21:15 Donc il veut faire autre chose.
21:18 Le film lui est amené par James Stewart,
21:22 qui était un ami et qui avait collaboré plusieurs fois
21:26 avec le scénariste.
21:29 Et Kelly a accepté parce qu'il était flatté et heureux
21:33 de diriger James Stewart et Henry Fonda.
21:38 "Voilà, Harley, c'est mon boulot."
21:42 "Ce n'est pas un saloon que j'ai jamais vu."
21:45 Henry Fonda avait des réticences au départ.
21:49 C'est assez important.
21:51 Il trouvait que son rôle n'était pas suffisamment substantiel.
21:55 Donc le rôle a été revu par Kelly et il a été nourri.
22:02 Je pense qu'il a été nourri notamment
22:05 de ses rapports avec Stanley Donen.
22:10 "Si un homme veut aller quelque part,
22:13 il doit être diplomate."
22:15 "Si un homme veut aller dans une station de l'automne
22:18 et se faire torturer, il ne peut pas être blanc avec les gens."
22:23 Il y a eu un long compagnonnage de Kelly et Donen
22:26 qui a donné trois grandes comédies musicales.
22:29 "Un jour à New York", "Chantons sous la pluie",
22:32 "Beaufique sur New York".
22:34 Dans ce compagnonnage, Kelly était le patron.
22:40 Du moins, il le pensait.
22:42 Donen en a souffert.
22:44 C'est Donen qui s'est fâché, probablement,
22:47 et qui a trouvé l'attitude de Kelly trop tyrannique.
22:52 C'est ce qui apparaît dans le film
22:55 lorsque Stuart dit à Fonda...
22:59 C'est ce qui veut dire, en termes américains,
23:21 qu'ils ne sont ni amis, ni même "partners",
23:25 comme on dit dans les westerns.
23:28 Les gens qui chevauchent ensemble sont des partenaires.
23:31 Cette relation est profondément indéfinie.
23:34 Alors que, dans l'esprit de Kelly,
23:36 la relation Kelly-Donen n'était pas indéfinie.
23:39 Kelly était le protecteur de Donen.
23:41 Vous n'avez jamais entendu parler de ce que nous faisons en Texas
23:44 à un homme qui bat les femmes ?
23:46 Je suppose que vous me le dites.
23:48 Nous les trahissons par des cactus.
23:51 Il n'y a pas de cactus ici.
23:55 Je n'ai pas remarqué.
23:57 Ce qui a probablement séduit Kelly,
24:09 c'est le caractère composite du scénario.
24:12 Il y a une partie de pur western à la fin,
24:16 qui est le grand combat final.
24:18 Il y a une partie contemplative des paysages,
24:22 quand les deux personnages principaux font ce voyage interminable.
24:26 Et puis il y a ce caractère,
24:28 évidemment beaucoup plus proche de la comédie musicale, à mon sens.
24:32 Tout l'aspect qui se passe dans une maison close,
24:36 appelons-le comme ça,
24:38 le décor, les costumes,
24:40 la façon de se déplacer des gens,
24:42 l'espèce de grâce qu'ont toutes les jeunes femmes qui sont là,
24:46 là, on est beaucoup plus proche de l'unière de Kelly.
24:49 Le film a d'ailleurs été très mal compris aux États-Unis.
24:53 Il n'a pas marché du tout.
24:55 Parce que je crois que ce caractère composite
24:57 qui a séduit Kelly n'a pas séduit les critiques.
25:00 C'est une première raison pour laquelle on en parle peu.
25:03 La deuxième raison, c'est une raison de contraste.
25:07 Dans la carrière de Kelly, le film apparaît comme une petite chose,
25:11 une petite chose par rapport à ses grandes œuvres,
25:14 notamment à Chantons sous la pluie.
25:17 Henri Fonda et James Stewart sont à retrouver
25:20 dans Attaque au Cheyenne Club de Gene Kelly,
25:24 à voir actuellement sur Ciné+ Classique et sur MyKanal.
25:27 Et n'oubliez pas, votre Viva vous attend comme toujours
25:30 sur les réseaux sociaux de Ciné+ et à tout moment sur MyKanal.
25:33 Salut !
25:35 ...
25:36 ...