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Il est 9 heures avec David Foenkinos. Au programme du troisième épisode de la saison 2 de notre podcast, un voyage dans le temps et dans l’univers du romancier et réalisateur français… Quelle activité David Foenkinos associe-t-il à 9 heures ? Dans quel pays le temps s’arrête-t-il pour lui ? Quel moment souhaiterait-il ralentir et pourquoi ? Et, au contraire, quand voudrait-il que ce dernier s'accélère ? Il était une fois un Voyage dans le temps, le podcast original de la journaliste Laura Tenoudji, qui aborde l’heure qui tourne de façon inédite.

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Amusant
Transcription
00:00 Il est 9 heures du matin.
00:01 J'ai la chance d'être avec David Fonckinos.
00:04 Bonjour.
00:04 Bonjour.
00:05 Alors, pourquoi 9 heures du matin?
00:24 J'ai choisi 9 heures parce que c'est en général le moment où j'ai déposé ma
00:28 fille à l'école et je me mets dans mon lit à nouveau et je me mets à travailler.
00:33 Pour moi, l'écriture, c'est beaucoup le matin.
00:36 Alors, j'aurais dû dire la nuit, ça fait plus littéraire.
00:38 Voilà, en buvant du whisky, un truc un peu sulfureux.
00:41 Mais non, je suis très, très matinal.
00:43 C'est vraiment le moment où les choses peuvent apparaître dans mon esprit.
00:47 Et vous vous remettez au lit, vous écrivez dans votre lit?
00:50 La plupart du temps, j'écris dans mon lit.
00:52 Et est ce que vous êtes ponctuel?
00:54 Moi, je suis hyper, hyper, hyper ponctuel.
00:57 J'ai une sorte d'horloge permanente dans la tête.
01:00 Donc, d'ailleurs, je déteste quand j'ai un rendez vous, que les gens soient en
01:04 retard, même 5 minutes.
01:05 Il faut qu'on m'ait prévenu.
01:07 Je ne suis pas non plus un psychopathe de l'horaire, mais j'aime bien.
01:10 Moi, je préviens toujours. C'est très important pour moi.
01:13 Et c'est une question d'éducation, vous pensez, ou c'est inné depuis que vous
01:17 êtes petit, vous êtes à l'heure?
01:18 C'est une question intéressante. Moi, j'ai une éducation très, très libre,
01:22 avec très peu de repères, avec des parents assez peu présents, souvent en
01:25 voyage et avec votre question, je viens de me rendre compte que finalement,
01:30 je me suis mis beaucoup de contraintes, de limites.
01:33 Peut être une éducation libre provoque après chez l'adulte que nous
01:38 devenons une sorte de rigidité.
01:40 Un peu. Vous avez besoin de repères, de vous créer des repères.
01:43 Je pense que j'ai été même un enfant très, très, très sérieux.
01:46 En fait, je pense que ce goût comme ça de la précision doit venir justement
01:52 du sort de voilà de de chaos à l'origine.
01:55 Et le temps est plutôt votre allié ou votre ennemi?
01:58 J'ai le sentiment que c'est un combat qu'on mène en permanence contre le temps.
02:05 Donc, je ne vais pas dire ennemi parce que ça me paraît un peu grandiloquent,
02:08 un peu excessif, mais disons que j'ai le sentiment qu'on mène quand même
02:13 une lutte contre les choses qu'on doit faire, contre l'infini à apprendre,
02:17 à savoir, à vivre.
02:19 Voilà, je crois qu'on est tous soumis à cette boulimie comme ça,
02:22 d'essayer d'enrichir les jours.
02:25 Donc, c'est plutôt une contrainte quand même.
02:29 L'espace se restreint.
02:30 Et le cinéma et l'écriture sont des moyens de capturer ce temps?
02:34 En tout cas, le rapport au temps dans le cinéma, c'est impératif.
02:39 Quand on est sur un tournage, c'est vrai qu'on est obsédé.
02:41 On a les producteurs qui nous disent évidemment attention, il ne faut pas dépasser.
02:44 Le temps est de l'argent, alors que le reste du temps, en littérature,
02:48 on est comme ça, dans une sorte de chose plus évanescente.
02:50 Mais moi, c'est vrai que j'ai beaucoup écrit sur tous les romans, sur le passé.
02:56 J'ai un de mes romans qui s'appelle Les Souvenirs.
02:58 Je suis assez obsessionnel de la nostalgie, des choses qui nous échappent.
03:03 Et vous avez raison sur le fait que la création est en grande partie
03:07 une façon comme ça d'aller, je ne sais pas si c'est capturer le temps,
03:12 mais en tout cas, d'aller élire les choses importantes de la vie
03:16 et donc, d'une certaine manière, de les protéger.
03:18 Et est-ce que ça vous arrive de relire vos premiers romans ?
03:21 Oui, oui, tous les soirs, je me lis un petit Fuentinos avant de dormir.
03:25 Non, mais est-ce que vous pouvez vous relire pour voir comment le temps a passé sur ces romans-là ?
03:30 C'est un peu... Ah oui, c'est vrai que c'est étrange.
03:32 C'est vrai que quand on est écrivain, quand on produit des choses,
03:36 on a la chance de pouvoir rencontrer la personne,
03:38 l'esprit qu'on a été il y a 20, 30 ans, puisque maintenant, je vieillis.
03:43 Je ne me relis jamais, mais il peut m'arriver
03:48 dans des rencontres littéraires.
03:51 On me lit des passages que j'ai pu écrire il y a 15, 20 ans ou des adaptations au théâtre.
03:56 Et c'est assez étrange.
04:00 J'ai l'impression d'avoir un rendez-vous avec la personne qui j'étais.
04:04 Je ne me reconnais pas toujours.
04:05 Je suis quelqu'un très en mouvement.
04:07 J'ai l'impression de changer beaucoup.
04:08 Donc, je ne sais pas, je suis souvent une sorte d'infidélité à moi-même.
04:14 Donc, oui, quand je me retrouve face à ces vieux textes,
04:18 je m'inquiète pour ma santé mentale, premièrement.
04:21 Et puis, je me dis voilà, c'est de toute façon toujours assez
04:24 assez plaisant, je trouve.
04:27 Et quel est le temps qui, pour vous, dure trop longtemps ?
04:30 Le temps qui dure trop longtemps, alors c'est assez,
04:33 j'allais dire, au théâtre, quand on s'ennuie ou des choses comme ça.
04:39 J'ai le souvenir de certains moments, moi qui adore, je m'ennuie jamais.
04:43 J'ai l'impression que chaque chose est intéressante.
04:45 Même quand on est en voyage, il y a toujours des livres, des choses à écouter.
04:51 Donc, je n'aime pas être bloqué quelque part.
04:54 Je ne sais pas, tout ce qui est
05:00 salle d'attente, peut-être.
05:02 Donc, d'une manière générale, ce n'est pas le sentiment que j'ai.
05:06 Et vous parliez du voyage lorsque vous prenez l'avion.
05:10 Est-ce que pour vous, le temps s'arrête dans les airs ?
05:13 Ou vous continuez d'être en activité ?
05:16 Non, pour moi, c'est un temps d'activité incroyable.
05:18 La plupart de mes romans, enfin la plupart, beaucoup de mes romans
05:22 ou de longs passages ont été écrits en voyage, en mouvement.
05:26 Il y a beaucoup d'écrivains qui aiment bien voir leur lieu, leur bibliothèque,
05:29 leurs repères.
05:30 Donc, je disais que j'écrivais dans mon lit, mais j'aime aussi énormément
05:33 être déraciné visuellement de l'endroit où je suis.
05:37 Et donc, pour moi, j'ai des souvenirs de créativité incroyable en avion.
05:41 Sauf si l'avion bouge, évidemment, où là, je suis dans une sorte
05:44 d'angoisse existentielle absolue.
05:46 Mais le train, l'avion, non, non, pour moi, ce sont des endroits
05:50 de grande, grande création.
05:52 Et est-ce que le fait d'être dans un avion vous déconnecte
05:56 ou vous avez cette tendance, maintenant que le progrès technique
06:00 permet d'avoir le wifi en avion, de vous connecter avec le monde
06:05 finalement terrestre ?
06:06 Non, je déteste ça.
06:08 Je voudrais militer contre le wifi dans les avions.
06:11 Je trouve ça... Non, il faut préserver quelques espaces comme ça
06:14 de non-connexion au monde.
06:16 Je crois que c'est très, très important.
06:18 Mais l'avion, moi, ma mère travaillait Air France, chez Air France.
06:21 Donc, toute mon enfance, j'ai beaucoup, beaucoup voyagé.
06:24 J'ai un rapport très improbable à l'avion, puisque on pouvait débarquer
06:28 à tout moment.
06:29 On prenait l'avion du jour au lendemain.
06:30 Donc, il y a quelque chose pour moi qui est très lié aussi à l'enfance.
06:34 Et quel est le lieu, vous qui, justement, avez pris beaucoup l'avion
06:38 et avez découvert plein d'autres contrées,
06:41 le lieu où le temps s'arrête le plus ?
06:43 Par rapport au voyage...
06:47 Je pense que d'une manière assez simple et peut-être cliché,
06:49 le temps s'arrête davantage quand on n'est pas confronté à l'humain.
06:54 Donc, je pense à la nature.
06:59 Je pense aux grands espaces de l'Ouest américain, par exemple,
07:02 où on est dans les rocheuses, dans quelque chose d'un peu orange et rouge.
07:05 Il y a quelque chose de presque lunaire.
07:07 Et j'ai eu le sentiment, dans ces moments-là, d'être
07:09 d'être arraché au temps qui passe et en tout cas, de ne pas être
07:13 soumis comme ça à la frénésie quotidienne des villes.
07:17 Et est-ce que vous avez plutôt un temps d'avance ou un temps de retard ?
07:20 C'est très intéressant, parce que je pense que les deux...
07:25 Je pense que la vie entière est une forme de combat entre l'avenir,
07:30 qui est la nécessité de se projeter, et en même temps,
07:34 nous sommes en permanence comme ça,
07:36 attachés irrémédiablement aux souvenirs, à la nostalgie.
07:39 Je crois qu'en grande partie,
07:43 je suis lié au passé, mais
07:46 moi, j'ai été opéré du cœur et c'est vrai que j'ai un rapport à la vie très...
07:51 très... comment dire ?
07:53 J'essaye de savourer chaque instant et donc, je vis chaque instant du passé
07:57 comme une future nostalgie.
07:59 Je ne sais pas si c'est très clair, mais j'ai besoin comme ça.
08:01 Donc pour moi, tout se mélange.
08:03 En fait, j'ai le sentiment que la beauté de ce qu'on vit,
08:06 c'est la nourriture de notre nostalgie future, d'une certaine manière.
08:12 Donc finalement, le temps est assez mélangé pour moi.
08:14 Donc vous profitez vraiment de l'instant présent ?
08:16 Moi, je suis soumis à ça.
08:19 Je suis soumis à essayer de voir toujours...
08:22 D'ailleurs, c'est ce qui me propulse parfois
08:26 dans une forme d'optimisme ou en tout cas d'essayer
08:28 d'aller chercher la beauté en toute chose.
08:31 Mais ça ne veut pas dire ni la naïveté, ni la béatitude.
08:34 Je peux avoir un côté très, très joyeux et dépressif en même temps.
08:39 Donc pour moi, tout est mélangé.
08:41 Mais je regarde souvent
08:42 le présent du point de vue de ma future vieillesse.
08:46 C'est à dire que je me projette très souvent comme ça dans le...
08:49 dans les temps où je sais qu'il faudra avoir savouré certaines choses.
08:54 Donc, en fait, finalement, vous vous faites une sorte de réserve
08:57 de souvenirs très intenses pour les jours
09:01 où vous ne pourrez peut-être pas les vivre physiquement.
09:03 Au moins, vous les remémorez.
09:05 Bien sûr, j'ai une photographie très précise
09:08 des moments de bonheur.
09:12 Évidemment, j'essaie souvent de
09:16 de conserver dans mon esprit, mais je prends aussi beaucoup de photos.
09:22 J'adore, par exemple, prendre des petites choses que je note
09:27 et les mettre dans mes livres de ma bibliothèque.
09:31 Et je me dis à tout moment, quand je reprends un livre, j'ai un souvenir qui apparaît.
09:34 J'aime bien truffer comme ça
09:36 des moments du passé, les choses du quotidien.
09:41 Et la dernière photo d'un moment de bonheur que vous avez à l'esprit là ?
09:45 C'est ma fille.
09:47 On revient de Londres.
09:49 On était au studio Harry Potter.
09:51 J'ai vu à quel point elle était émerveillée.
09:53 Et c'est vrai que quand on a des enfants,
09:55 leur émerveillement me paraît plus important que le nôtre.
09:59 La Bruyère disait "Le temps renforce l'amitié et affaiblit l'amour".
10:04 Est-ce que vous partagez son point de vue ?
10:06 C'est bien du La Bruyère.
10:08 Je ne lis pas souvent La Bruyère, mais
10:10 ça, c'est une question longue et complexe.
10:15 Moi, je pense plutôt qu'au lieu de se dire
10:19 ce qui se renforce, ce qui s'affaiblit, parlons plutôt d'évolution.
10:23 Il est évident que l'amour, l'amour physique
10:27 peut tendre à s'affaiblir, mais je pense qu'il renaît d'une certaine manière.
10:32 D'autres choses apparaissent, d'autres choses parfois plus puissantes,
10:36 parfois plus belles aussi.
10:38 Même si l'amour peut être soumis à l'usure,
10:41 il y a une possibilité de réinventer les choses.
10:44 Quant à l'amitié, j'ai le sentiment que l'amitié
10:47 est quelque chose qui est...
10:51 Les grandes amitiés, elles sont évidentes d'entrer,
10:53 elles sont très puissantes d'entrer.
10:55 Et donc, après, elles restent sur cette même tonalité.
10:59 Et vous n'avez plus le temps de faire quoi ?
11:03 Je n'ai pas assez le temps de jouer au paddle,
11:06 qui est ma nouvelle passion.
11:08 Je sais que je suis un intellectuel reconnu, mais voilà, moi,
11:11 avant tout, je suis un grand sportif.
11:14 Non, je...
11:16 Entre la vie, entre les choses, entre les enfants,
11:18 entre la vie professionnelle, c'est vrai que je voudrais,
11:24 je voudrais jouer au paddle tous les jours,
11:27 ce qui est ma nouvelle passion.
11:29 Ah, mais écoutez, on ne sait jamais, peut-être que futur champion.
11:31 Oui, je pense que...
11:33 Oui, voilà.
11:34 Bon, alors, j'ai fait beaucoup de choses au théâtre, au cinéma, en littérature.
11:38 Il est temps de passer à autre chose.
11:39 Moi, je pense que voilà, je vais lancer comme ça ma nouvelle orientation.
11:44 Merci pour ce scoop, David Poelkinos.
11:46 Mince, j'aurais dû finir avec quelque chose un peu plus intellectuel, mais bon.
11:50 Non, non, mais c'est parfait.
11:52 Mais c'est très romanesque.
11:53 Le sport est très romanesque aussi.
11:55 Peut-être qu'il sera dans un de vos prochains films.
11:57 Peut-être un petit clin d'œil.
11:58 Ça serait pas mal.
12:00 Merci d'avoir été avec nous et de m'avoir donné un peu de votre temps si précieux.
12:03 Avec plaisir.
12:04 Merci à tous.
12:05 Merci à tous.
12:06 Merci à tous.
12:07 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
12:10 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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