Musée d'Orsay, la métamorphose d'un palais

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Inauguré en 1978 par François Mitterrand, trait d'union entre le Louvre et Pompidou, Orsay abrite la plus grande collection d'art impressionniste au monde. Projet après projet, le musée s'est transformé pour se moderniser, accueillir plus de visiteurs, tout en préservant son cachet historique. Des défis relevés à chaque nouveau chantier.
Transcription
00:00 En plein centre de Paris, le musée d'Orsay est un monument hors du commun,
00:06 avec ses larges façades de pierres qui cachent en réalité un gigantesque cœur de métal.
00:12 C'est toute la structure métallique qui est immense, c'est 12 000 tonnes de métal.
00:18 12 000 tonnes de métal, c'est plus d'une fois et demie la Tour Eiffel.
00:24 Et cette super structure grandiose, avec sa nef de 32 mètres de haut, a connu bien des métamorphoses.
00:31 Orsay, c'est aujourd'hui un grand musée parmi les plus réputés au monde.
00:36 Mais au début du XXe siècle, c'était alors la mythique gare d'Orsay,
00:41 une gare révolutionnaire, achevée pour la grande exposition universelle de 1900.
00:47 C'était une gare moderne, une gare comme on n'en avait pas encore fait.
00:51 Cette gare de fer est l'emblème de la high-tech de l'époque.
00:55 Pour la construire, le chantier fut colossal et bouclé dans le temps record de deux ans,
01:00 avec des contraintes immenses sur un terrain beaucoup trop étroit.
01:04 Orsay, on est au centre de la ville, sur une ville déjà constituée autour.
01:08 On n'a pas des possibilités de déborder.
01:10 Les ingénieurs ont ainsi dû concevoir une configuration novatrice,
01:14 avec 15 voies ferrées en souterrain, et aussi construire un des tout premiers tunnels en plein Paris.
01:20 Ce tunnel, c'est un véritable défi d'ingénieurs.
01:24 À l'abandon après la Seconde Guerre mondiale,
01:27 le monument a tour à tour hébergé d'anciens prisonniers et déportés revenus d'Allemagne,
01:32 un théâtre et même un parking,
01:35 avant d'être finalement transformé en musée au début des années 80.
01:40 Il faudra à nouveau accomplir des prouesses pour assurer au trésor du musée
01:45 une sécurité optimale dans ce volume considérable de 160 000 m3.
01:51 Le musée était vraiment à la pointe de la technologie quand il a ouvert.
01:56 À seulement 42 mètres de la Seine, il faudra protéger les œuvres des inondations
02:01 qui avaient déjà ravagé la gare en 1910,
02:05 mais aussi créer des parois novatrices pour contrer les vibrations des trains RER
02:10 qui continuent de passer dans les sous-sols du bâtiment.
02:14 Construire un musée dans une gare, c'est vraiment un acte très audacieux à tout point de vue.
02:20 De la gare au musée, comment l'édifice a-t-il su constamment s'adapter à un environnement difficile
02:26 et innover depuis près de 120 ans ?
02:30 Voici l'histoire des multiples métamorphoses d'un monument unique au monde.
02:36 Le Musée du Trésor
02:41 Le Musée du Trésor
02:45 Le Musée du Trésor
03:01 Le Musée du Trésor
03:05 En plein cœur de Paris, au bord de la Seine,
03:28 le Musée d'Orsay est un des monuments emblématiques de la capitale française.
03:33 Son environnement est tout aussi grandiose.
03:37 Face à lui se dressent les anciennes résidences des rois, le Louvre et les Tuileries.
03:43 On est au cœur de Paris, on est au cœur du Paris monumental
03:50 et en même temps on est au cœur du Paris mythique constitué autour de la Seine.
03:57 A l'intérieur, Orsay est plus impressionnant encore.
04:01 Avec son imposante nef de 138 mètres de profondeur,
04:07 pour une hauteur de 32 mètres,
04:09 c'est presque aussi haut que la nef de Notre-Dame de Paris qui s'élève à 33 mètres.
04:14 Ce qui est sûr c'est que le volume est absolument gigantesque
04:19 et c'est vrai que c'est un vrai choc quand on rentre.
04:23 On sait qu'on est quelque part dans un musée un peu spécial, on le voit bien, on le sent bien.
04:28 Orsay est en effet le seul grand musée au monde à être aménagé dans une ancienne gare de la Belle Époque,
04:35 construite au tournant du XXe siècle.
04:37 Et cette gare exceptionnelle cache une structure étonnante.
04:42 Dans la nef, on voit surtout les 35 000 mètres carrés de verrières
04:47 et les 1600 caissons en staff qui ornent la voûte.
04:52 A l'extérieur, ce sont de larges façades sculptées en pierre de taille,
04:56 dans la plus pure tradition française.
04:59 Mais si on pouvait retirer une à une les pierres qui composent les façades,
05:05 on découvrirait alors un impressionnant cœur de métal caché dans la roche.
05:13 On a l'impression, depuis l'extérieur, que c'est un bâtiment en pierre de taille
05:20 et en fait toute sa structure est réellement métallique.
05:23 On n'est plus du tout dans une technologie classique
05:27 où des façades sont reliées par des poutres et puis on met des planchers, on met une toiture.
05:31 Non, on est dans une structure entièrement métallique.
05:34 A l'intérieur du musée, les piliers et les décors en fonte témoignent encore de cette armature colossale.
05:43 Il a fallu pas moins de 12 000 tonnes de métal pour construire Orsay.
05:49 Un chiffre considérable quand on sait que la tour Eiffel elle-même n'en a demandé que 7 300 tonnes.
05:56 La gare d'Orsay a d'ailleurs été achevée en 1900, à la grande époque de la construction métallique.
06:02 Onze ans seulement après la Dame de Fer.
06:05 Plus moderne qu'il n'y paraît, la conception de la superstructure d'Orsay
06:10 ressemble à celle des premiers gratte-ciels américains de la fin du 19e siècle,
06:14 avec une pierre qui ne sert à rien d'autre qu'à décorer.
06:19 Le rôle structurant, le rôle porteur, c'est vraiment celui de la structure métallique.
06:24 Pour mieux comprendre les secrets de cette gare exceptionnelle,
06:33 il faut se plonger dans l'événement qui lui a donné naissance,
06:37 la grande exposition universelle de 1900.
06:42 Avec ses larges avenues et ses monuments uniques,
06:46 le visage du Paris moderne a largement été façonné au 19e siècle.
06:50 Et en 1900, la capitale française est alors à son apogée.
06:55 Paris qui est quand même en 1900, la ville lumière, la plus belle ville du monde,
07:00 la ville qui rayonne, la ville qui est la plus belle ville du monde.
07:03 C'est un pays qui est un peu comme la France,
07:05 qui est un peu comme la France, mais qui est un peu plus grand.
07:08 Et donc, en 1900, la ville lumière, la plus belle ville du monde,
07:11 la ville qui rayonne partout en Europe et dans le monde.
07:14 D'avril à novembre 1900, Paris renforce encore son prestige
07:19 en organisant la nouvelle exposition universelle.
07:23 Un événement spectaculaire à la gloire du génie humain.
07:29 Onze ans seulement après celle qui avait inauguré la tour Eiffel.
07:35 Et l'exposition de 1900 bat tous les records,
07:39 avec plus de 50 millions de visiteurs.
07:42 1900, ça va être la grande exposition.
07:47 La France est riche, très riche.
07:50 Et pour l'exposition universelle, la ville de Paris décide de remodeler Paris.
07:56 Ce sont ainsi 112 hectares d'installations prestigieuses
08:01 qui sont construites pour l'occasion en plein Paris.
08:05 Avec des superstructures spectaculaires, comme le Grand Palais,
08:09 ou des grandes innovations techniques,
08:11 comme la première ligne du métro parisien.
08:14 L'enjeu d'une exposition universelle est très important.
08:18 Il s'agit de montrer au monde, au monde entier,
08:21 la réalité de votre puissance industrielle du pays.
08:25 La compagnie de chemin de fer du Paris-Orléans,
08:29 qui possède le deuxième plus long réseau ferré de France,
08:32 saisit une opportunité unique.
08:35 Pour accueillir en grande pompe les millions de visiteurs de l'exposition,
08:39 elle propose de construire une gare grandiose,
08:42 la gare d'Orsay.
08:44 Le chemin de fer est l'emblème même de la prospérité,
08:49 de la high tech de l'époque.
08:51 Donc il faut une belle gare,
08:54 belle avant tout, remarquable.
08:57 Ça, oui.
08:59 Orsay ne sera pas une simple gare.
09:02 Ce devra être un temple du chemin de fer,
09:04 monumental et futuriste,
09:06 un véritable laboratoire d'innovation ferroviaire
09:09 à la hauteur de l'exposition universelle.
09:12 C'est une gare moderne, une gare comme on n'en avait pas encore fait.
09:15 Mais au cœur de Paris, difficile de trouver un emplacement propice
09:21 pour une gare aussi ambitieuse,
09:23 qui devra accueillir jusqu'à 150 trains par jour.
09:27 L'exposition est organisée près de la tour Eiffel et des berges de la Seine.
09:31 Et cette zone est déjà très urbanisée.
09:34 Heureusement, il reste un site très stratégique,
09:38 à seulement 700 mètres de l'entrée prévue de l'exposition.
09:41 Ce sont les ruines d'un ancien palais,
09:44 le palais d'Orsay.
09:46 Ce monument avait été construit en 1830
09:49 pour abriter la cour des comptes.
09:52 Sur le site d'Orsay, au départ, on avait la cour des comptes,
09:55 une institution qui vérifie les comptes de l'État, etc.
09:59 Mais le palais d'Orsay ne vivra que 41 ans.
10:03 Il est incendié en 1871, pendant la Commune de Paris.
10:08 Le palais d'Orsay a brûlé, a beaucoup brûlé,
10:13 et est resté une ruine quasiment pendant une trentaine d'années.
10:18 On ne savait pas trop quoi en faire.
10:21 Sur ce terrain, qui est miraculeusement disponible en plaçante de Paris,
10:25 on va pouvoir construire une nouvelle gare en plaçante.
10:28 Le chantier s'annonce colossal pour raser les ruines du palais d'Orsay
10:33 et partir d'une page blanche pour construire à la place
10:37 une gare high-tech dans le temps record de deux ans.
10:40 Il va falloir la réaliser très vite, et là on a une échéance cruciale,
10:45 c'est l'exposition universelle.
10:48 Comme toutes les grandes gares urbaines, ce sont des gares difficiles à faire.
10:51 C'est pourquoi la plupart de ces gares sont inaugurées avec un retard considérable.
10:56 Alors comment va-t-on réussir à construire cette gare d'exception en seulement deux ans ?
11:03 Les ingénieurs vont en effet se retrouver face à un défi de taille.
11:08 Réaliser une gare monumentale sur un terrain beaucoup trop petit
11:13 et faire arriver des voies de chemin de fer en plein cœur de Paris.
11:17 Sans tout détruire autour.
11:19 Le site du palais d'Orsay a été choisi pour son emplacement stratégique.
11:30 Mais il ne se prête pas du tout à la construction d'une grande gare.
11:34 On est en effet au centre de Paris, à seulement 42 mètres de la Seine.
11:41 Orsay, on est au centre de la ville, sur un terrain déjà constitué autour.
11:46 On n'a pas des possibilités de déborder.
11:48 Il y avait énormément d'urbanisation.
11:50 On était vraiment bloqués par cette urbanisation.
11:53 L'espace disponible est aussi beaucoup trop petit.
11:57 Même avec le rachat d'un terrain voisin, la surface constructible n'est que de 13 000 mètres carrés.
12:03 Soit un rectangle de 173 mètres de long sur 75 mètres de large.
12:08 Dans une revue d'ingénierie de l'époque, on estime qu'il faudrait 25 à 30 000 mètres carrés.
12:15 Soit plus du double.
12:17 Il faut s'adapter avec d'autant plus de difficultés qu'on veut adjoindre la gare.
12:22 C'est possible pour des raisons commerciales, de rentabilité, un grand hôtel.
12:26 Sur ce terrain restreint, les ingénieurs du Paris-Orléans vont devoir loger une gare
12:32 et un hôtel immense de 370 chambres.
12:35 Pour accomplir cette prouesse, ils vont devoir imaginer un monument à la configuration novatrice
12:42 et optimiser chaque mètre carré disponible.
12:45 C'était délicat, puisqu'il fallait bien mettre les bâtiments.
12:49 Le voyageur avait besoin d'espace.
12:51 Donc il y a tirer parti d'un terrain petit, maximiser aussi des choses, y compris en comprimant l'hôtel.
12:58 Ce sont ces contraintes qui expliquent encore aujourd'hui la configuration unique de ce monument,
13:07 presque collé au bâtiment voisin.
13:11 De l'autre côté, le grand tympan vitré où trône l'horloge est lieu aussi enclavé derrière un bâtiment en façade.
13:20 Sur deux côtés, l'hôtel encadre la nef de la gare en répartissant ses 370 chambres sur 5 étages.
13:29 L'hôtel, qui s'étend sur plusieurs niveaux, va complètement masquer au fond de la gare.
13:35 De son côté, la gare devra compter 15 voies ferrées, mais la largeur du monument n'est pas suffisante.
13:46 Les ingénieurs vont trouver l'espace nécessaire en creusant sur 5 mètres en souterrain tout autour du monument.
13:54 On a imaginé des voies en sous-sol qui arriveraient sous la gare elle-même.
14:00 Il y a des voies qui ont été un peu cachées sous le quai d'Orsay, d'autres voies ont été cachées vers l'hôtel.
14:07 La conception de la gare d'Orsay permet de rentabiliser l'espace au maximum.
14:13 Mais il faudra aussi trouver un moyen pour faire arriver les voies ferrées jusqu'à cette gare en plein centre de Paris.
14:21 La solution va être une nouvelle fois en souterrain.
14:27 Quand on construit la gare d'Orsay, on construit simultanément le tunnel qui la relie à la gare d'Austerlitz.
14:33 Avant la construction de sa gare d'Orsay, la compagnie du Paris-Orléans avait en effet son terminus en gare d'Austerlitz à l'est de Paris.
14:43 Il s'agira donc de prolonger les voies de chemin de fer jusqu'au nouveau terminus d'Orsay.
14:50 Et pour relier les deux gares, il faut creuser un tunnel long de 3650 mètres en traversant le cœur historique de la capitale française.
14:59 Ce tunnel, c'est un véritable défi d'ingénieur parce qu'il doit longer la Seine.
15:07 Il y a des culets de pont et il y a surtout cette Seine qui creuse de tous côtés.
15:12 Un tunnel qui suit les berges de la Seine, c'est une ligne qui est très vulnérable aux crues.
15:19 En avril 1898, le chantier du tunnel est lancé.
15:23 Le tracé devra être millimétré et le moins profond possible pour éviter les infiltrations de la Seine.
15:30 On a utilisé la technologie du bouclier.
15:36 Ça permet de creuser avec des engins mécaniques.
15:41 Ça enlève la roche tout en montant la maçonnerie du tunnel.
15:45 Le bouclier est l'ancêtre du tunnelier.
15:48 C'est une structure métallique montée sur dix vérins hydrauliques qui peut avancer jusqu'à 9 mètres par jour.
15:54 À l'avant, il est composé d'un bec à l'abri duquel les ouvriers dégagent la roche.
15:59 À l'arrière, le corps du bouclier sert de support pour construire la voûte du tunnel.
16:06 Comme dans le métro, c'est la même technologie, sauf que le gamarit est plus large.
16:11 Pour réussir à faire passer dans le tunnel des trains larges de 3,10 m,
16:15 la compagnie du Paris-Orléans fait concevoir un des plus grands boucliers alors jamais conçu.
16:20 Une structure de 9 m de large dotée d'un guidage latéral novateur
16:25 pour pouvoir tracer des courbes et parfaitement contourner les obstacles.
16:30 Grâce à ce chantier, les ouvriers peuvent construire des routes de 3,10 m.
16:35 Grâce à ce chantier exceptionnel qui mobilise 300 ouvriers, le tunnel est achevé en seulement 16 mois.
16:41 Et cette prouesse s'accompagne d'une autre innovation majeure.
16:45 Le recours à l'électricité.
16:49 Quand on construit la gare d'Orsay, on sait que les trains vont arriver avec des locomotives électriques
16:57 pour ne pas qu'ils dégagent de fumée dans les souterrains.
16:59 Si on avait gardé la locomotive à vapeur, les voyageurs auraient fini en fumée comme des harangs.
17:05 Mais en France, au tournant du XXe siècle, tous les trains fonctionnent encore à la vapeur.
17:11 En gare d'Austerlitz, les trains vont donc devoir changer de locomotive spécialement pour le passage du tunnel.
17:21 Ce sont les premières locomotives électriques de France, spécialement conçues pour la gare d'Orsay.
17:29 La traction électrique commence en 1900 à Orsay en France.
17:34 Je pense que cette gare d'Orsay, pour ça, apparaît tout à fait comme une gare expérimentale, une gare du futur.
17:40 Aujourd'hui, les visiteurs du musée d'Orsay ne le remarquent pas toujours.
17:56 Mais juste en dessous de l'entrée, on peut retrouver quelques vestiges des quais de l'ancienne gare.
18:02 Là, nous sommes dans le niveau bas, qui correspond à l'endroit où arrivaient les trains.
18:07 Nous pouvons restituer à l'œil les quais, et nous les restituons grâce aux piles qui sont encore là, puisqu'elles portent tout de même l'ensemble de la structure.
18:17 Ce sont plus de 200 piliers en fonte qui sont répartis en sous-sol au niveau des quais.
18:23 Ils soutiennent le plancher du rez-de-chaussée de la gare et surtout toute l'armature métallique du monument.
18:30 C'est toute la structure métallique qui est immense.
18:33 On sait que les piliers, que certains points en tout cas structurels, peuvent recevoir jusqu'à 600 tonnes de charge.
18:40 Mais quels sont les secrets de cette ossature métallique colossale si bien cachée dans la pierre ?
18:48 L'architecte de la gare a bien composé une étonnante superstructure, dont les techniques de construction ne sont pas sans rappeler celles de la Tour Eiffel.
18:58 [Musique]
19:10 Pour construire la gare d'Orsay, la compagnie du Paris-Orléans choisit un architecte déjà réputé, Victor Lalou.
19:20 Victor Lalou, c'est quelqu'un qui était déjà connu parce qu'au moment où il s'intéresse au concours de la gare d'Orsay, il travaillait à celui de la gare de Tour.
19:30 C'est quand même une architecture qui est plutôt tournée vers le passé mais avec des moyens techniques de l'époque.
19:38 De style plutôt académique, Lalou est en effet aussi un moderne.
19:46 Et c'est un grand connaisseur de la construction métallique dont c'est alors l'âge d'or.
19:50 En 1900, on est déjà dans une idée qu'une structure métallique en trois dimensions, elle permet de tout faire.
19:59 Elle permet de faire les premiers gratte-ciel qui montent à Chicago ou à New York.
20:03 Pour sa gare d'Orsay, Victor Lalou prévoit d'utiliser toutes les possibilités du métal et notamment sa solidité.
20:14 D'autant plus que la gare est à seulement 42 mètres de la Seine.
20:17 Les fondations étaient difficiles à faire parce que le terrain était très marécageux.
20:22 Pour construire la gare sur des fondations solides, il faut commencer par raser les ruines du palais d'Orsay.
20:30 Cette première partie du chantier commence en avril 1898, en même temps que le tunnel.
20:39 Sur les 30 000 mètres cubes de pierre de l'ancien palais, 10 000 sont réutilisés pour édifier des massifs de maçonnerie,
20:45 à 5 mètres sous le niveau du rez-de-chaussée, à hauteur des futurs quais.
20:49 Dans ces massifs sont ancrés plus de 200 piliers métalliques, qui eux-mêmes soutiennent 41 rangées de poutres transversales.
21:00 Ce réseau de poutres métalliques forme un plancher puissant sur lequel pourra s'appuyer toute l'armature de la gare.
21:08 On a un type de plancher métallique qui permet des portées plus larges, qui permet de limiter les points d'appui, c'est ça qui est intéressant.
21:14 On a donc construit une structure immense, entièrement en métal, avec des arrondis, vous voyez, pour réaliser le plafond.
21:22 La solidité du plancher permet de créer facilement un espace intérieur très dégagé, avec une immense nef de 40 mètres de large pour 32 mètres de haut.
21:36 Et une succession de 7 coupoles tout le long de la salle des pas perdus.
21:41 Pour ce travail de précision, Victor Laloux a recours au même métal que la Tour Eiffel, le fer pudelé.
21:50 Le fer pudelé est vraiment très utilisé à partir de 1850.
21:56 C'est à partir de la fonte qui est finalement assouplie, et ce qui rend ce fer plus malléable.
22:05 Les techniques de construction de la structure métallique d'Orsay sont aussi assez proches de celles de la dame de fer, avec des pièces préfabriquées en atelier.
22:13 Il suffit ensuite de les assembler sur le chantier grâce à des rivets.
22:18 On voit ces rivets, qui sont vraiment la signature aussi de cette technologie, qui vont assurer une résistance à l'eau.
22:33 Une résistance, une pérennité d'ailleurs très très très forte.
22:37 Grâce à ces techniques optimisées, et aussi au recours à des engins mécaniques puissants comme cette grue haute de 32 mètres, le chantier peut être réalisé en moins de 2 ans.
22:48 Mais Victor Laloux va aussi cacher sa structure métallique moderne pour mieux l'harmoniser à l'environnement d'Orsay.
22:58 Il n'était pas question de laisser cette structure métallique visible dans l'endroit où se trouvait la gare, c'est-à-dire le centre de Paris face au Louvre.
23:07 On n'est pas juste dans cet espace purement technologique, le défi c'est de concevoir une gare monumentale.
23:13 Sur 3 des 4 côtés du monument, Laloux conçoit ainsi de larges façades dans la plus pure tradition française,
23:24 composées de 8000 mètres cubes de pierre de taille sculptée.
23:28 Mais ces façades ne sont qu'un imposant décor, créé avec les mêmes techniques que les gratte-ciels américains.
23:35 Il y a des gratte-ciels de 200 mètres de haut déjà à New York par exemple, avec des structures entièrement métalliques mais qui sont habillées.
23:44 Les façades d'Orsay ne sont en réalité que de simples parois de pierre de 2 mètres d'épaisseur.
23:52 Elles sont juste posées sur la structure métallique en bas et sur le côté, et retenues par des encres, des barres métalliques encastrées dans la pierre.
24:01 La gare est simplement habillée en pierre, on a donc construit un mur pour fermer l'architecture métallique.
24:15 C'est au-dessus de la nef, dans les combles du monument, que l'on s'aperçoit du rôle porteur de cette armature métallique.
24:22 C'est ce qu'on appelle la seconde peau d'Orsay, un réseau très ordonnancé de poutres métalliques sur toute la longueur de la nef.
24:32 C'est une forêt de métal qui permet la stabilité de l'ouvrage et la stabilité de la voûte surtout.
24:41 La double peau permet aussi d'accéder à la voûte grâce à ses ouvertures découpées dans la verrière.
24:53 Arnachées à 20 mètres de haut, les cordistes restaurent ici une partie des 1600 caissons en staff de la nef.
25:08 Des caissons ornés de rosace, encastrés dans la structure métallique et que Victor Lalou a dessiné pour donner à sa gare une allure antique.
25:17 Ça s'inspire directement des termes de Caracalla, qui étaient des termes romaines ayant un volume absolument considérable.
25:34 L'architecte Lalou peut s'offrir le luxe de faire des décorations intérieures et d'ordures.
25:39 Très raffinée, la gare d'Orsay est aussi, dès son inauguration en 1900, un véritable bijou technologique.
25:50 Pour accueillir jusqu'à 150 trains par jour, les ingénieurs ont recours à des équipements novateurs pour assurer un confort optimal aux voyageurs.
26:02 La gare d'Orsay est un laboratoire d'innovation ferroviaire, déjà pour l'électricité.
26:06 Tout est ému par l'électricité.
26:09 En avance sur son temps, la gare est entièrement éclairée à l'électricité.
26:15 Elle affiche aussi une des toutes premières horloges électriques monumentales, avec un diamètre de 4,5 mètres.
26:22 Mais cette nouvelle énergie fait surtout fonctionner un système de bagagerie révolutionnaire.
26:29 Le fait qu'il y ait deux étages posait des problèmes d'organisation et de manutention, c'est pour ça qu'on a créé des ascenseurs.
26:35 N'oublions pas qu'en 1900, l'ascenseur par exemple n'est pas une technologie très répandue.
26:40 On est vraiment dans une espèce d'innovation technique que l'électricité, ce nouveau vecteur d'énergie, permet à l'époque.
26:48 Les douze ascenseurs de la gare permettent de descendre et remonter les bagages à la vitesse d'un mètre par seconde.
26:56 Autre innovation permise par l'électricité, ces tapis inclinés en fibre d'Aloès qui élèvent les bagages à 8 mètres au-dessus des quais jusqu'à un espace dédié derrière l'horloge.
27:07 On vient récupérer ses bagages sur une banque où les bagages sont sortis, étalés, etc. Comme dans un aéroport aujourd'hui, exactement.
27:14 Mais cette gare avant-gardiste se révèle pourtant très vite obsolète.
27:21 Avec l'augmentation du trafic, le monument se heurte encore une fois à son problème originel, le manque de place.
27:28 Quand ça a été construit, c'était bien, c'était grand, c'était vaste, ça s'est quand même révélé, étriqué par la suite.
27:36 En 1912, douze ans seulement après son inauguration, la compagnie du Paris-Orléans envisage déjà des solutions.
27:48 La compagnie du Paris-Orléans envisage déjà un projet d'extension de la gare d'Orsay.
27:53 On peut y lire que pendant les périodes d'affluence, la gare se montre insuffisante pour répondre au trafic.
28:00 Le coût des travaux pour agrandir la gare est estimé à 16 millions d'anciens francs, une somme colossale qui équivaudrait aujourd'hui à près de 64 millions d'euros.
28:14 On a bien étudié une extension, mais c'était impossible. Il aurait fallu creuser sous les immeubles de nouveau des travaux gigantesques.
28:22 Face à ces difficultés, la compagnie du Paris-Orléans choisit d'abandonner peu à peu sa prestigieuse gare d'Orsay.
28:29 Juste avant la Seconde Guerre mondiale, on décide d'arrêter les trains grande ligne. Donc la gare n'aura vécu qu'une trentaine d'années.
28:38 Et ce sera un long sommeil pour la belle au bois dormant.
28:41 Même si certains trains de banlieue continuent de circuler, la gare d'Orsay tombe dans l'oubli et la somptueuse nef se détériore peu à peu.
28:54 Nous voilà avec un édifice qui a une ampleur absolument considérable. Et la question est de savoir qu'est ce qu'on fait de cette espèce de vaisseau.
29:07 L'histoire d'Orsay est pourtant loin d'être finie. C'est un nouveau chapitre qui s'ouvre pour ce monument unique.
29:14 Entre 1945 et 1980, Orsay connaît ainsi plusieurs vies différentes.
29:20 En 1945, elle fait office de centre d'accueil pour les anciens prisonniers de guerre et les déportés revenus d'Allemagne.
29:28 A l'appel de l'abbé Pierre pendant l'hiver 1954, on l'utilise comme site de collecte de dons pour aider les sans-abri à affronter l'un des hivers les plus rigoureux qu'ait connu Paris.
29:39 Dans les années 70, c'est alors un chapiteau qui est installé au fond de la nef avec des spectacles de théâtre de la compagnie Renaud-Barrot.
29:48 Plusieurs choses s'y passent. Ça devient un parking.
29:52 Donc il y a des photos absolument étonnantes où l'on voit des voitures tout simplement à la place des voyageurs.
29:59 C'est dans les années 80 qu'Orsay va enfin renaître de ses cendres.
30:06 Grâce au fabuleux projet d'y installer un musée avec les plus belles œuvres du 19e siècle.
30:13 C'était une très bonne idée effectivement d'imaginer un musée du 19e siècle.
30:20 Par contre, la difficulté c'était d'imaginer comment un musée pouvait être aménagé dans une ancienne gare.
30:26 Après la construction d'une gare mythique sur le site d'un ancien palais en ruines, le monument s'apprête à connaître une nouvelle métamorphose.
30:36 La transformation en un grand musée unique au monde.
30:41 La gare d'Orsay est devenue un objet tout à fait extraordinaire et qui inaugurait un verre un peu nouvel dans la conception de musée.
30:50 Musée d'Orsay
30:54 Depuis son inauguration en 1986, le musée d'Orsay a vu se succéder près de 100 millions de visiteurs.
31:07 Avec ses chef-d'œuvre de Van Gogh ou de Gauguin, c'est l'un des musées les plus réputés au monde.
31:16 Le musée d'Orsay, c'est la création artistique pendant la seconde moitié du 19e siècle et le début du 20e siècle, sous toutes ses formes.
31:23 La peinture, la sculpture, les arts décoratifs, les chef-d'œuvre de l'impressionnisme, du cinéma aussi.
31:30 Comment cette ancienne gare s'est-elle transformée en un monument high-tech à la hauteur des trésors qu'il protège ?
31:41 Le pari était audacieux, car dans les années 70, Orsay est alors un monument désaffecté.
31:48 Les espaces étaient très sales, très abîmés. C'était une gare qui était abandonnée.
32:00 À cette époque, on n'a absolument pas conscience d'un intérêt architectural quelconque à la gare en elle-même, considérée comme vieillotte, appartenant au 19e siècle.
32:12 Mais en 1972, l'idée d'un musée entièrement nouveau naît du côté de la direction des musées de France.
32:20 Il devra exposer les œuvres d'art de la fin du 19e siècle et du début du 20e.
32:27 Cette gare typique de la Belle Époque va alors s'imposer comme un écrin de choix.
32:32 On a vraiment affaire à un cas assez unique dans le paysage des musées en France et à l'étranger.
32:39 On a une harmonie complète entre le bâtiment, une gare construite pour l'Exposition universelle de 1900, et les collections.
32:46 Un concours d'architecture est lancé en 1978.
32:53 Et contre toute attente, le projet retenu est celui d'une équipe de trois jeunes architectes, Pierre Colboc, Renaud Bardand et Jean-Paul Philippon.
33:03 Quand on gagne un concours comme ça et qu'on est jeune, on est sur un petit nuage, c'est certain.
33:09 Et donc on se dit, il va falloir se mettre à la tâche.
33:16 L'équipe a eu l'intelligence, à mon avis, extrême, de dire, attendez, partons de la gare, qui a ses qualités, de cette grande nef en particulier.
33:25 Et du coup, la gare d'Orsay est devenue pas seulement quelque chose d'encombrant dont il fallait s'accommoder, mais est devenue au contraire le moteur du musée.
33:36 La force du projet des jeunes architectes est de réinterpréter la gare tout en respectant sa structure.
33:45 En 1980, le chantier commence. Et plus de 80 ans après sa construction, la fabuleuse structure métallique du monument est de nouveau mise à nu.
33:55 Il a fallu complètement désausser, j'allais dire, le bâtiment. On a gardé évidemment la structure, mais on a dû tout enlever pour justement s'assurer que le nouveau musée serait parfaitement solide et adéquat.
34:13 Beaucoup d'éléments trop endommagés sont restaurés à l'identique, comme ce Dieu Mercure qui domine la grande verrière, ou les peintures qui ornent les plafonds des espaces de réception.
34:25 Les dorures de la salle des fêtes sont aussi reprises à la feuille d'or pour rendre au monument tout son lustre de 1900.
34:37 Mais d'autres éléments de la gare vont être complètement repensés.
34:42 Les plus gros défis, ça a été évidemment de savoir comment se positionner par rapport à cette gare. Qu'est-ce qu'on garde, qu'est-ce qu'on ne garde pas.
34:50 Pour faire de cette gare un musée, il faudra en premier lieu retravailler les fondations même du monument qui avaient déjà montré leur faiblesse du temps de la gare.
35:03 En 1910, dix ans après la construction de la gare, on va connaître la crue la plus monumentale qu'on ait vue à Paris.
35:09 C'est celle qui restera dans les mémoires comme la crue du siècle.
35:14 En janvier 1910, le niveau de la Seine monte jusqu'à 8 mètres.
35:20 Des centaines de rues et près de 20 000 immeubles sont inondés.
35:27 Quant à la gare, à seulement 42 mètres du fleuve et avec des voies situées en souterrain, elle se retrouve engloutie sous les eaux.
35:34 Il y avait des infiltrations d'eau énormes par la pression de la Seine. C'était une piscine la gare d'Orsay.
35:42 Grâce aux pompes prévues pour évacuer l'eau, la gare a pu reprendre son activité sans trop de dommages.
35:49 Mais pour le nouveau musée, une telle inondation serait aujourd'hui catastrophique.
35:55 Car dans les sous-sols, ce ne sont plus des trains mais des œuvres d'art.
35:59 Dans les années 80, les architectes et les ingénieurs ont réfléchi à la meilleure manière de protéger un monument recevant des œuvres,
36:10 puisque dans le programme initial, on avait déjà des réserves d'œuvres en sous-sol.
36:14 Dans le cas d'un musée, c'est crucial pour mettre les œuvres bien sûr en sécurité, même si la Seine venait à monter.
36:24 1,50 m sous le niveau des anciennes voies, on coule alors un radier,
36:29 une immense couche de béton de 80 cm d'épaisseur en moyenne,
36:33 qui moule tout le sous-sol de la gare sous les réserves du musée.
36:37 Pour garantir la stabilité de l'infrastructure, 1236 micropieux sont plantés dans le radier et fixés dans le calcaire du sous-sol.
36:49 Les micropieux, finalement, servent à pouvoir bien l'ancrer dans le sol,
36:53 ce qui a permis de créer une stabilité de l'ensemble et de se prémunir des pressions que peut apporter l'eau, notamment lorsqu'il y a la crue.
37:03 En plus des fondations, les architectes du musée vont aussi revoir la configuration du monument pour gérer l'afflux du public.
37:15 Au temps de la gare, les voyageurs entraient par la façade côté Seine et sortaient, derrière l'horloge, par la marquise d'arrivée.
37:23 Entrer par la Seine dans un musée, par cette façade très large, en plein vent, nous semblait exclu.
37:34 Simplement, on inverse le système de fonctionnement. Au lieu d'entrer par le quai, on entre par la marquise d'arrivée.
37:44 C'était probablement un des points très forts, parce qu'on le ressent aujourd'hui, c'était carrément génial d'imaginer d'avoir cette perspective en rentrant.
37:52 Mise en valeur par cette nouvelle configuration, la Nef va véritablement être au cœur du musée.
38:06 A la place des voies, les architectes créent une rue intérieure, bordée de mezzanines, et qui remonte par paliers successifs.
38:17 On progresse comme ça, doucement, en voyant les œuvres de part et d'autre.
38:23 Et on a fait réémerger, de façon symbolique, ces parois, ces murs, qui reprennent la direction des voies.
38:33 La conception des nouvelles parois est confiée à une architecte d'intérieur audacieuse, Gaëlle Olenti.
38:39 Elle dessine des formes géométriques fortes, qui se distinguent du reste de la gare, grâce aussi aux matériaux utilisés.
38:47 La pierre de buxy, un calcaire d'un jaune ambré, produit en Bourgogne.
38:57 L'œil, c'est immédiatement grâce aux matériaux employés et grâce aux coloris, ce qui est de 1900 et ce qui est des années 80.
39:07 Tout l'espace de la Nef et de la salle des Pas Perdus est ainsi transformé en salle d'exposition.
39:15 Mais une nouvelle fois dans son histoire, le monument manque encore de place.
39:22 Les planchers de la gare représentent une surface disponible de 30 000 mètres carrés.
39:27 Il va falloir trouver 13 000 mètres carrés supplémentaires, notamment pour exposer les plus grands trésors du musée, les impressionnistes, avec les chefs-d'œuvre de Renoir ou Monet.
39:38 Alors, où aller pour mettre les impressionnés ? On a choisi de les mettre dans ce comble inutilisé qu'avait créé la Loue.
39:51 Au-dessus du vestibule, au niveau de la façade côté Seine, Victor Laloux, l'architecte de la gare, avait en effet créé des faux combles pour dissimuler parfaitement le grand vaisseau de métal aux yeux des passants.
40:04 On a récupéré le grenier en quelque sorte de la gare, on y a mis l'impressionniste avec les plus petites salles refermées.
40:15 Après les architectes, ce sont les ingénieurs qui vont devoir relever des défis encore plus complexes.
40:22 Pour que la gare réussisse véritablement sa métamorphose, ils vont devoir innover pour résoudre les problèmes liés à la superstructure elle-même.
40:38 Pour la gare comme pour le musée, le plus bel atout du monument est son immense nef.
40:44 Mais ce volume énorme de plus de 100 000 mètres cubes possède aussi un inconvénient majeur.
40:51 Le bruit.
40:54 Le problème de la nef, c'est qu'un grand volume comme cela est très sonore.
41:01 Il y a des effets d'écho.
41:03 On s'est rendu compte très vite qu'on ne pourrait pas présenter des œuvres de musée avec des centaines et des centaines de visiteurs sans générer un bruit absolument infernal.
41:15 Pour limiter la résonance de la nef, l'acousticien en charge du projet va devoir concevoir 40 000 pièges à son qui vont être installés dans le musée.
41:28 L'acousticien a fait un travail admirable.
41:31 Il a fait référence à une technique très ancienne qui était utilisée dans les murs de scène des théâtres antiques.
41:40 C'est la technique des vases acoustiques que l'on retrouve aussi dans les églises médiévales.
41:45 Des poteries vides, encastrées dans les murs, pour les éclairer et les dégager.
41:52 Ici, ces cavités sont dissimulées dans les 1600 caissons en staff qui ornent la nef.
41:58 Les caissons étaient restaurés à l'identique dans les années 80.
42:03 Pendant cette campagne de travaux, les architectes en ont profité pour y intégrer de la technique.
42:09 En refaisant les caissons, on a mis dans les angles des caissons et en a mis un peu plus de caissons.
42:17 En refaisant les caissons, on a mis dans les angles des caissons et en arrière-plan des caissons.
42:22 Donc ça n'est absolument pas visible, des volumes en plâtre, des résonateurs.
42:27 Dissimulés dans les combles de la nef, la fameuse double peau, ces pièges à son réussissent à réduire le bruit des visiteurs.
42:36 Mais la superstructure unique du monument pose encore un autre problème.
42:43 Car encore aujourd'hui, sous les pieds des visiteurs du musée, les trains continuent de passer à Orsay.
42:49 La gare ne s'est jamais, jamais fermée. Et aujourd'hui, elle se porte fort bien, elle est toujours extrêmement active.
42:58 Ce sont aujourd'hui les trains RER qui ont succédé aux trains de banlieue.
43:03 Depuis 1979, cette station est aménagée dans une partie souterraine du monument.
43:11 Sur les 15 voies de l'ancienne grande gare d'Orsay, les 4 voies les plus proches de la Seine ont ainsi été conservées et reconverties pour créer cette station.
43:20 Et le lieu garde les traces de son passé.
43:23 Quand on est dans le RER aujourd'hui, on se trouve là où la gare a toujours existé.
43:28 C'est-à-dire qu'on peut même retrouver les piliers en fonte.
43:32 Elle a conservé son âme en fait. Les petites modernisations qu'on a faites de ci de là ne l'ont pas trop retaché.
43:40 La station RER et le musée sont deux parties du même monument et sont donc liées dans la même charpente métallique.
43:47 Or le problème du métal, c'est qu'il résonne énormément.
43:52 La charpente métallique a un inconvénient, c'est la transmission des vibrations.
43:59 Lorsqu'il y a un train qui passe, les voix résonnent.
44:05 Ça crée notamment des vibrations au niveau des oeuvres.
44:10 Les vibrations, ça peut endommager la surface d'une peinture par exemple.
44:14 Ça peut déstabiliser un objet fragile ou une sculpture.
44:19 Au rez-de-chaussée du musée, côté Seine, c'est 1500 m2 d'espace d'exposition qui se retrouvent superposés à la station de RER en souterrain.
44:32 Et le plancher qui sépare les deux espaces est extrêmement mince, seulement 12 cm.
44:39 En 2018, le problème est réglé avec la conception de paroisses innovantes pour accrocher les tableaux, des cimaises anti-vibratiles.
44:49 On s'est inspiré de construction dans des zones sismiques assez fortes, aussi bien en Italie qu'au Japon,
44:57 où la construction des bâtiments peut se faire sur des ressorts.
45:04 Au premier abord, ces cimaises ressemblent à des parois classiques, mais elles dissimulent en fait un cœur très étudié.
45:11 À l'intérieur, une structure complexe équipée de ressorts en partie haute.
45:16 Au-dessus, une coque qui repose sur les ressorts.
45:20 C'est la structure interne qui bouge et absorbe les vibrations.
45:24 La coque, elle, reste immobile car elle est suspendue à 10 cm du sol.
45:29 Le fait de ne pas toucher le sol permet d'isoler la vibration.
45:33 La vibration qui émane de la gare sur la surface où sont accrochées les œuvres.
45:39 Ces cimaises high-tech parviennent à sécuriser les œuvres.
45:44 Mais il faut aussi être très vigilant lors de leur accrochage.
45:48 Car avec leur cadre, ces tableaux peuvent peser jusqu'à 100 kg.
45:53 Aujourd'hui, nous avons pu exceptionnellement assister au montage de l'exposition temporaire consacrée au peintre James Tissot.
46:03 Le défi de l'accrochage de Tissot, c'est que certaines œuvres sont très lourdes.
46:07 On a différents types de systèmes d'accrochage pour que l'œuvre ne puisse pas, évidemment, tomber.
46:13 Il faut 6 semaines pour mettre en place soigneusement les 80 peintures de l'exposition.
46:20 Car ces trésors, vieux de plus d'un siècle, sont très fragiles.
46:24 Pour les préserver des chocs, les tableaux sont même équipés d'un caisson intégré.
46:32 La plupart des œuvres sont protégées par l'avant, par un verre particulier qui s'appelle le miroga,
46:37 qui est un verre anti-reflet, un petit peu comme un pare-brise de voiture.
46:41 Et également par l'arrière, avec ce qu'on appelle un caisson tampon, qui est un revêtement en polycarbonate.
46:48 Le musée d'Orsay possède environ 6000 tableaux et beaucoup sont équipés de caissons.
46:56 Mais cela ne suffit pas.
46:59 Il faut que le monument tout entier garantisse aux œuvres un environnement optimal.
47:04 Le musée abrite des trésors, donc il faut contrôler le climat, il faut avoir une température stable, il faut avoir une humidité stable.
47:13 C'est un défi technique considérable, surtout quand on voit le volume de la gare.
47:18 Ça a été vraiment réfléchi, pensé dans les années 80.
47:23 Le musée était vraiment à la pointe de la technologie quand il a ouvert.
47:28 Depuis sa naissance en 1986, tout le fonctionnement du musée est ainsi géré en temps réel par informatique.
47:34 Il s'agit d'assurer la sécurité des œuvres, mais aussi celle du public, dans un monument aussi gigantesque.
47:41 Ce sont donc 7000 capteurs qui sont répartis dans le monument pour détecter la moindre anomalie.
47:47 L'ensemble des espaces est contrôlé par des sondes et par des relevés,
47:52 qui sont directement conditionnés et étudiés au niveau de la centrale.
47:57 C'est dans les sous-sols du musée que se trouve la centrale.
48:00 Ici, tous les relevés des capteurs s'affichent sur les écrans.
48:05 Ils montrent les niveaux de température, mais aussi la climatisation, l'éclairage ou l'état des escalators.
48:13 Ce sont des informations qui arrivent en temps réel.
48:18 La centrale de surveillance est vraiment le cerveau du musée, c'est vraiment le cœur sensible du musée.
48:26 Ces écrans sont la face visible d'un système centralisé d'avant-garde,
48:29 où tout est géré par de puissantes unités informatiques, les automates.
48:34 Dans les sous-sols du musée, ils pilotent à distance un réseau gigantesque d'installations techniques,
48:42 avec pas moins de 30 centrales de climatisation,
48:45 capables d'assurer un débit d'air de 620 000 m3 par heure.
48:51 L'automate va traiter ces informations-là et va permettre d'envoyer des commandes,
48:56 par exemple, ouvrir ou fermer des vannes de chaud, de froid.
49:00 Le système informatique utilisé à Orsay est loin d'être typique d'un musée classique.
49:06 Il ressemble davantage à celui d'un bâtiment industriel de pointe.
49:11 Et lors de son inauguration, le musée a été transformé en musée classique.
49:17 Il a été transformé en musée classique.
49:21 Et lors de son inauguration, le musée a été transformé en musée classique.
49:26 Nous avions cette installation uniquement dans deux endroits au monde,
49:31 ici, à Orsay, mais aussi à Kourou, sur le centre spatial de lancement des fusées Ariane.
49:44 Le musée a toujours été à la pointe de la technologie pour s'adapter à ce bâtiment immense,
49:49 mais aussi à ses œuvres monumentales.
49:52 C'est aujourd'hui un événement exceptionnel qui se déroule à Orsay.
49:56 On décadre une toile gigantesque de 6,60 m sur 3,15 m.
50:02 C'est l'enterrement à Ornan, un chef-d'œuvre peint par Gustave Courbet en 1850.
50:11 Une équipe du Centre de recherche et de restauration des musées de France
50:15 réalise une radiographie au rayon X de ce tableau.
50:19 Et la taille hors norme de la toile impose un dispositif d'exception.
50:24 La grande taille du tableau nous a obligés à faire une mission sur place,
50:29 chose qui est relativement exceptionnelle, parce que la majorité des tableaux viennent en général au laboratoire.
50:39 Pour la réaliser sans aucun risque, l'opération a lieu de nuit,
50:42 avec un périmètre de sécurité soigneusement délimité autour du générateur de rayon X.
50:50 Le fait de travailler sur un grand format, ça demande beaucoup de temps,
50:56 parce qu'on ne peut pas faire une seule acquisition, on ne peut pas faire une radio globale.
51:05 Il a fallu développer 51 clichés pour reconstituer l'ensemble de cette peinture.
51:09 Les rayons X permettent alors de faire apparaître l'invisible,
51:13 l'état réel de la toile, ou encore les secrets du peintre.
51:18 On a beaucoup d'informations nouvelles qui étaient complètement insoupçonnées jusqu'à la réalisation de cette radiographie.
51:26 Au plus près des dernières avancées technologiques, le musée est en perpétuelle mutation.
51:34 Avec des collections qui continuent chaque année de s'enrichir,
51:37 et un monument qui s'adapte sans cesse pour toujours mieux les mettre en valeur.
51:42 Depuis l'ouverture du musée d'Orsay en 1986, le musée a constamment évolué,
51:47 et il évolue de façon permanente. C'est vraiment un organisme vivant.
51:52 Encore une fois, le musée d'Orsay n'en a pas fini avec ses multiples métamorphoses.
51:59 [Musique]
52:04 [SILENCE]

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