L'hydraviation naît en France en 1910 avec le vol du Canard d'Henri Fabre sur l'étang de Berre. L'hydravion connaît son âge d'or dans les années 1930. De luxueux « clippers » traversent alors pour la première fois l'Atlantique Nord, offrant à une clientèle aisée une traversée Europe-Amérique avec tout le confort des paquebots de ligne en seulement une trentaine d'heures... En 1945, l'aviation terrestre a gagné en puissance et en sécurité et éclipse les hydravions. En effet, elle a bénéficié des avancées technologiques et du déploiement massif de terrains d'aviation pendant la Deuxième Guerre mondiale. L'hydravion perdurera dans les zones difficiles d'accès, notamment au Canada. À partir de 1970 l'hydravion refait surface avec un appareil emblématique, le Canadair, voué à la lutte contre les incendies de forêts.
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00:04 C'est une histoire héroïque qui remonte au début de l'aviation
00:08 et qui ne cesse de fasciner et de nous interroger.
00:11 L'histoire de ces incroyables bateaux volants ou avions flottants, les hydravions.
00:16 C'est vrai que c'est un mauvais bateau, un mauvais avion, mais c'est le seul qui est capable de faire les deux.
00:22 Leur épopée a presque commencé par hasard, dans les coulisses des débuts de l'aviation terrestre.
00:27 Celui qui a inventé l'hydravion, qui a été connu du monde entier, c'est Fabre.
00:31 Il s'est mis le cul dans son avion, pour la première fois, c'était son baptême de l'air, il a fait décoller.
00:35 Des hommes audacieux et ingénieux ont pris tous les risques pour améliorer la fiabilité de ces appareils.
00:40 Défis techniques et des mesures n'ont d'ailleurs pas toujours fait bon ménage.
00:44 Au cours des années 30, ces magnifiques paquebots allaient enfin connaître leur âge d'or.
00:50 On pensait que la seconde guerre mondiale allait sonner le glas des hydravions.
00:55 L'hydravion a survécu jusqu'à aujourd'hui, parce qu'il existe encore des zones inaccessibles par voie terrestre.
01:01 Le beaver canadien, l'hydravion de Bruce par excellence, a relancé l'hydraviation dans les années 50.
01:09 Il nous amène dans les endroits les plus sauvages, les plus isolés.
01:15 Dès qu'il y a un lac, dès qu'il y a un rivage, ça devient accessible.
01:18 Et ça, c'est la merveille de l'hydravion.
01:20 Aujourd'hui, avec son successeur, le Twin Otter, ils sont les hydravions les plus utilisés en Amérique du Nord.
01:26 Dans de nombreux endroits de la planète, comme à Vancouver au Canada,
01:32 l'hydravion est un moyen de transport comme un autre et s'intègre parfaitement en plein centre-ville.
01:37 En France, vous prenez le métro pour aller au travail. Eh bien à Vancouver, on prend l'hydravion.
01:44 Le Béryèves 200, premier bombardier d'eau à réaction au monde,
01:48 pourrait devenir demain l'allié des pompiers volants, dont le Canadair est la figure légendaire.
01:53 Il a dans l'imaginaire collectif et même chez les sapeurs-pompiers, quelque chose, pas de magique, mais du sauveteur absolu.
02:02 Mais d'autres enjeux mobilisent déjà les hydravions.
02:06 Le réchauffement climatique que subit notre planète pourrait faire d'eux les nouveaux Saint-Bernard des mers.
02:12 À l'autre bout de l'échelle, des ingénieurs font, eux, le pari d'hydravions ultra léger et high-tech.
02:18 Les utopies sont très souvent à l'origine des plus belles inventions.
02:21 Einstein disait "Pour changer la société, il faut changer les hommes et pour changer les hommes, il faut leur donner envie."
02:26 Un siècle après son premier envol, l'hydravion est-il en train d'amorcer un nouvel âge d'or ?
02:32 L'épopée de l'hydraviation a commencé en même temps que les débuts de l'aviation.
02:46 Dès 1903, les pionniers se servent des terrains militaires comme pistes d'envol, mais s'aperçoivent qu'ils sont limités en distance.
02:54 Et s'écraser sur la terre ferme est souvent fatal.
02:59 Les pionniers ont pensé très vite que les essais sur l'eau leur permettraient d'acquérir un peu plus de sécurité en cas de chute.
03:06 Ce qui est concevable aux vitesses où ils volaient, ça leur laissait une chance de survie par rapport à une chute sur le sol.
03:14 En juin 1905, le pionnier Gabriel Voisin, faute de moteur assez puissant pour espérer un décollage, fait tracter son planeur par un bateau.
03:24 Sur la Seine, devant le regard incrédule des riverains, son appareil finit par s'arracher de l'eau et se stabilise quelques secondes à une vingtaine de mètres d'altitude.
03:32 Ce vol de 150 mètres laissait espérer à Gabriel Voisin des lendemains qui chantent.
03:37 Son appareil n'était pourtant pas un hydravion, mais encore un planeur.
03:41 Dans les vrais pionniers, celui qui a inventé l'hydravion, qui a été connu du monde entier, c'est Fabre.
03:49 Fabre, en 1910, il avait 27 ans, il s'est mis le cul dans son avion.
03:53 Pour la première fois, c'était son baptême de l'air, il a fait décoller sur l'étang de mer son hydravion.
03:58 Un hydravion de son invention totalement originale.
04:01 Un avion canard, ça veut dire un avion canard c'est quoi ?
04:04 C'est l'aile qui est derrière et la gouverne de profondeur qui est devant, contrairement à la plupart des avions.
04:11 Et cette gouverne de profondeur, il la pilotait avec une canne à pêche à distance.
04:18 Il avait trois flotteurs en toile et c'est quand même étonnant qu'il ait pu décoller comme ça, gonfler, et ça a marché.
04:25 Pour réaliser son exploit, Henri Fabre s'est équipé du moteur le plus performant de l'époque.
04:30 Un gnome-oméga de 50 chevaux qui génère une vitesse de plus de 50 km/h permettant d'atteindre la vitesse de décollage minimale.
04:37 Il parcourt ainsi 800 mètres au-dessus de l'eau. L'hydraviation est née.
04:46 Aux Etats-Unis, le champion de moto et avionneur Glenn Curtis, qui a rendu visite à Henri Fabre lors de la seconde exposition de l'aéronautique à Paris en 1910, se passionne lui aussi pour l'hydraviation.
04:56 Le 26 janvier 1911, dans la baie de San Diego en Californie, Glenn Curtis décolle de l'océan avec son pusher.
05:04 La compétition entre français et américain ne fait que commencer.
05:12 Les avancées technologiques s'enchaînent. Le 13 avril 1912, François D'Enhault teste sur la Seine une nouvelle machine de sa conception.
05:20 Ni complètement avion, ni complètement bateau.
05:23 Il a fait un hydravion avec une coque. C'est-à-dire il a fait un bateau, il a mis des ailes sur un bateau.
05:29 Les anglo-saxons appellent les hydravions des "flying boats", des bateaux volants.
05:36 Mais ses premiers essais n'ont pas abouti tout de suite parce qu'il n'avait pas inclus sous sa coque un redan.
05:42 Le redan, sorte de marche d'escalier créée sous la coque, permet d'obtenir un appui dynamique sur l'eau, tout en facilitant le décollage de la coque à partir d'une certaine vitesse.
05:54 Grâce à l'air qui s'introduit à cet endroit, le redan évite l'effet de suction de l'eau, de scotchage, qui intervient lorsque l'appareil est proche de sa vitesse de décollage.
06:05 Le redan a été inventé par le charpentier de Curtis qui se plaignait justement du phénomène de collage sur l'eau.
06:10 Et son charpentier lui a inventé une planche, une planchette qu'il a mise en dessous pour permettre le décollage.
06:16 Exercice pratique. Lorsque l'hydravion se déplace sur l'eau, une vague se forme à l'avant des flotteurs.
06:30 L'avion modifie son assiette, il se cabre, ce qui oblige le pilote à tirer légèrement sur le manche en prenant de la vitesse, de manière à surfer sur la vague générée avant de pouvoir décoller ou déjauger selon l'expression employée.
06:43 Juste avant le décollage, la coque et une partie des flotteurs se retrouvent libérés de l'effet ventouse de l'eau.
06:50 En l'absence de redan, la surface de contact avec l'eau ne diminuerait pas et l'avion, par effet de suction, aurait beaucoup de mal à déjauger.
07:00 Lors de la formation des pilotes, les instructeurs insistent particulièrement sur le rôle du redan.
07:06 Car à l'amérissage aussi, une autre difficulté attend le pilote.
07:11 La houle, tout comme l'effet miroir de l'eau, peuvent le gêner pour estimer avec justesse la hauteur qui le sépare de l'eau.
07:17 Le pilote doit se présenter avec une assiette légèrement cabrée et à vitesse fortement réduite pour se poser correctement sur le redan.
07:23 - Tu maîtrises la vitesse et tu utilises tes gaz un petit peu comme un accélérateur de voiture.
07:30 - Tu gardes un filet de gaz jusqu'à la fin de l'arrondi.
07:34 - On se pose sur le redan, un peu plus cabré encore.
07:38 - Ok, tu peux réveiller.
07:41 Dans le cas contraire, si l'hydravion ne se posait pas à la hauteur du redan, l'effet serait comparable à celui d'un plat pour un nageur.
07:47 L'appareil pourrait même se désintégrer.
07:50 - On est posé.
07:52 - La problématique technique de l'hydravion, c'est vrai que c'est un mauvais bateau, un mauvais avion, mais c'est le seul qui est capable de faire les deux.
08:03 Depuis le temps des pionniers, piloter un hydravion reste toujours un exercice pointu, qui nécessite à la fois une bonne connaissance du domaine aérien, mais également maritime.
08:20 Dans les années 1920, les explorateurs ont compris qu'il pouvait aller partout, et s'en servir comme refuge en cas de danger.
08:26 En 1925, l'explorateur norvégien Roald Amundsen relève le défi d'être le premier à survoler le pôle nord avec un hydravion.
08:35 Objectif atteint avec son dornier doji, surnommé "Walle", la baleine en allemand.
08:41 Amundsen avait choisi cet hydravion allemand pour sa fiabilité et sa grande autonomie.
08:47 Il lui devra même la vie. Emprisonné par les glaces pendant trois semaines, il réussira finalement à s'arracher de la banquise grâce à la robustesse de son appareil.
08:56 L'hydravion est un excellent véhicule d'exploration, et le meilleur de tous, parce qu'il nous amène dans les endroits les plus sauvages, les plus isolés.
09:06 On n'a besoin d'aucune infrastructure au sol. On peut atteindre, dès qu'il y a un cours d'eau, dès qu'il y a un lac, dès qu'il y a un rivage, ça devient accessible.
09:13 Et ça, c'est la merveille de l'hydravion.
09:16 En Afrique et en Indonésie, c'est le couple d'aventuriers cinéastes Oza et Martin Johnson qui atteint la célébrité en effectuant, avec deux hydravions Sikorsky S-38 et S-39, les premiers grands safaris cinématographiques aériens de l'histoire.
09:31 A Borneo, ils survolent la jungle avec leur S-39 baptisé "Spirit of Africa", capable d'accueillir trois passagers.
09:40 Son moteur Pratt & Whitney de 300 chevaux leur permet de voler à près de 200 km/h.
09:45 Légers et rapides, leur hydravion leur sert à la fois de véhicules d'exploration, mais aussi de maisons volantes.
09:51 Dans ses années 20, Européens et Américains cherchent à traverser l'Atlantique.
09:59 Seul moyen pour tenter l'aventure, remplacer les roues par des flotteurs, pour pouvoir amérir en cas de problème technique.
10:07 Mais défis techniques et des mesures conduisent encore très souvent à l'échec.
10:10 Les pilotes italiens de l'extravagant Caproni vont l'expérimenter.
10:14 Projeté pour pouvoir transporter 100 passagers, il se caractérise par sa configuration totalement hors norme, avec 9 ailes réparties en 3 groupes triplants et ses 8 moteurs Liberty de 400 chevaux.
10:25 Il est censé voler à 130 km/h.
10:28 Mais dès les essais de flotteaison en janvier 1921, l'appareil s'avère instable.
10:34 Le 4 mars, il décolle enfin, mais se désintègre dans les eaux du lac Majeur.
10:38 Le rêve italien s'interrompt à jamais.
10:41 L'âge d'or de l'hydraviation commence avec ce paquebot volant, le Dornier Do-X, le porte-drapeau de l'hydraviation allemande.
10:55 Cet hydravion gigantesque est censé transporter une centaine de passagers en toute sécurité de l'autre côté de l'Atlantique.
11:04 Il est propulsé par 6 paires de moteurs Curtiz de 610 chevaux chacun.
11:07 Sa vitesse maximale de 210 km/h est remarquable pour l'époque.
11:11 Mais le Dornier Do-X est tellement lourd, avec ses 52 tonnes de masse maximale au décollage, qu'il lui faut parfois effectuer plusieurs tentatives avant de réussir à s'arracher de l'eau.
11:22 En 1931, son voyage promotionnel autour du monde avec des passagers volontaires est une attraction partout où il passe, comme ici à New York le 27 août, où il amérit au pied des buildings de Manhattan.
11:33 Mais le Dornier Do-X ne fera jamais de vol commercial, rejeté par la Lufthansa pour son manque de rentabilité potentielle.
11:42 "Ceux qui incarnent cette relique d'or, ce sont tous des appareils qui sont peu ou prou sous-motorisés. Il faut dire que les moteurs ne sont absolument pas adaptés à la masse et aux dimensions des appareils."
11:52 Côté français, l'avionneur Pierre-Georges Latécoère, à l'origine avec l'aviateur Jean Mermoz de la première ligne aéropostale vers l'Amérique du Sud,
12:01 veut lui aussi faire briller les couleurs de l'aéronautique française en transportant des passagers de l'autre côté de l'océan.
12:10 En 1935, il se lance dans la course avec le Laté 521.
12:14 "Il va donc construire d'énormes paquebots. Ces hydravions à l'époque, à l'âge d'or de l'hydraviation, dans les années 35-36, sont là pour rivaliser avec les paquebots tels que le Normandie en France.
12:27 Et d'ailleurs on appellera le célèbre Latécoère 521 qui va effectuer des traversées expérimentales de l'Atlantique Nord, le Normandie de l'air."
12:37 Les différents ensembles qui constitueront le plus grand hydravion français, le lieutenant de vaisseau Paris, se sont terminés.
12:42 Les différentes parties s'apprêtent à quitter Toulouse pour se rendre par la route à l'étang de Biscarosse près d'Arcachon.
12:47 La coque sole a un poids de 5 tonnes. Le rayon d'action du lieutenant de vaisseau Paris s'atteindra 5000 km à la vitesse moyenne de 260 km/h.
12:58 "En 1938, naît un projet d'aéroport international. Là, c'est le Roissy français.
13:07 Pour accueillir dans le plus grand confort les passagers venant par train depuis Paris, on imagine même la création d'un hôtel de luxe.
13:14 Mais aussi un casino, un terrain de golf, autant d'activités bienvenues pour faire agréablement patienter les passagers en cas de mauvais temps.
13:21 Mais ce projet d'avant-garde ne verra jamais le jour. Et l'unique exemplaire du Laté 521, lui, n'aura jamais la possibilité de transporter des passagers.
13:35 En 1939, la Seconde Guerre Mondiale est déclarée.
13:39 De leur côté, les Etats-Unis, qui ne sont pas encore en guerre, cherchent à développer des hydravions de grande dimension, assurant des vols sur de longues distances et qui soient rentables.
13:51 Peu de temps après sa création en 1927, la compagnie Pan American Airways investit massivement dans la gamme des Clippers, seuls avions civils américains capables de réaliser des vols intercontinentaux à l'époque.
14:04 En novembre 1935, leur China Clipper ouvre la ligne pacifique San Francisco-Manille. La Paname a une vision économique nouvelle.
14:11 Sur chaque île qui sert d'escale à ses hydravions, elle fait construire ses propres hôtels de luxe. Ils deviennent les premiers centres de vacances pour touristes.
14:19 La Paname répand l'American Way of Life un peu partout sur la planète.
14:24 Pour remplacer son China Clipper, la Paname choisira le Boeing 314, le nec plus ultra de l'hydraviation.
14:30 Surnommé l'American Clipper, il ouvre en juin 1939 la première ligne transatlantique New York-Southampton.
14:36 De construction entièrement métallique, le Boeing 314 est un quadrimoteur à ailes hautes d'une puissance totale de 6400 chevaux.
14:46 Ses imposantes nageoires de part et d'autre de la coque lui permettent d'éviter le recours au flotteur, ce qui facilite les manœuvres d'embarquement et de débarquement.
14:54 Ce nouveau géant des mers volants, capable de transporter 68 personnes à 340 km/h dans la plus grande sécurité, était réservé à une clientèle très fortunée.
15:09 Mais cette première route transatlantique sera abandonnée par la Paname 6 mois plus tard, en octobre 1939, à cause du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.
15:18 Dans cette course à l'innovation technique, les Anglais font preuve d'une incroyable audace pour augmenter le rayon d'action de leurs hydravions.
15:30 Ils installent un hydravion à flotteur, le Mercury S-20, sur le dos d'un hydravion à coque, le Short S-21 Maya.
15:38 L'hydravion porteur ne peut franchir de longues distances à pleine charge.
15:41 Une fois qu'il atteint sa réserve de carburant et s'apprête à rallier son escale, le S-20 Mercury lance ses moteurs, se sépare du S-21 et finit le parcours, acheminant courrier et frette à destination sans perte de temps.
15:54 La Seconde Guerre mondiale a accéléré les progrès technologiques.
16:01 Les moteurs développés par les Anglo-Saxons deviennent extrêmement performants.
16:05 Les compagnies mises sur les nouveaux nez de l'industrie, le Douglas DC-3 et le Lookit Constellation, qui vont révolutionner le transport passager.
16:13 En parallèle un peu partout sur la planète, la guerre a favorisé la construction de pistes d'aviation.
16:19 Les lignes régulières transocéaniques peuvent maintenant se multiplier en toute sécurité.
16:24 Les jours de l'hydraviation sont alors comptés.
16:27 Pourtant, la France veut encore y croire.
16:30 Le Biscarosse, l'hydravion Latécoère 631, orgueil de l'aviation française, décolle en direction de Dakar.
16:37 En 1945, la France sort exsangue de la guerre, mais veut reprendre son rang aéronautique.
16:43 Le Laté 631 en sera son porte-étendard et une vitrine du luxe à la française.
16:49 On avait une faiblesse, c'est qu'on n'avait pas les moteurs comme les Américains.
16:55 C'était les moteurs de 900 chevaux, 9S654 5400 chevaux, les Américains ils étaient déjà à 10-15 000.
17:02 Donc ils faisaient plus gros, plus vite, plus loin.
17:04 Et Latécoère en revanche a choisi le commercial de luxe.
17:09 44 couchettes au décollage pour la Martinique, ça faisait quand même facilement 15-16 heures de vol,
17:19 donc il fallait tenir avec un bruit qui n'était pas simple.
17:21 Et puis une complexité, une complexité du coup ça tombait en panne.
17:26 On pouvait marcher dans l'aile, c'était tellement épais que les mécaniciens allaient remettre de l'huile dans les moteurs en vol.
17:32 Comme un baroud d'honneur dès l'été 1947, à raison de deux rotations par mois,
17:41 les Laté 631 de Pierre-Georges Latécoère emportent dans le plus grand confort leurs passagers vers les Antilles, via la Mauritanie.
17:49 Mais une série d'accidents met fin à leurs activités de transport de passagers en août 1948,
17:55 et sonne le glas de cet âge d'or de l'hydraviation.
17:59 En Amérique du Nord, les années 50 marquent l'avènement de la société de consommation et des transports.
18:12 Pragmatiques et soucieux de développer économiquement des régions isolées,
18:16 les Canadiens mettent en place un réseau de lignes régionales,
18:19 utilisant des hydravions civils de petite capacité, capables d'embarquer frettes et passagers.
18:24 Adaptés aux rudes conditions du Nord et de l'Ouest américain,
18:29 ces hydravions doivent pouvoir amérir sur le moindre petit lac.
18:33 Chaque communauté s'équipe d'infrastructures pour les accueillir lors de leurs rotations hebdomadaires.
18:38 "Landing and skillful too, and no time wasted either."
18:42 Paris réussi. Au Canada, l'hydravion est devenu un moyen de transport comme un autre.
18:58 Ici à Vancouver, sur la côte Pacifique, on amérit et décolle en plein centre-ville, au beau milieu des bateaux,
19:05 et cela ne pose aucun problème ni aux usagers, ni aux autorités.
19:09 Ce trafic intense et délicat doit être régulé.
19:12 Depuis leur tour de contrôle installé sur le toit d'un immeuble en plein centre-ville,
19:16 ils sont quatre à se relayer quotidiennement pour assurer la sécurité des 60 000 mouvements
19:21 et 25 000 survols de la zone aéroportuaire de Vancouver.
19:24 Une mission qui exige une attention particulière, liée au caractère éphémère des pistes d'envol et d'atterrissage.
19:31 "De mon point de vue, c'est un environnement difficile, car l'eau est toujours en mouvement.
19:37 Ce n'est pas comme une piste d'atterrissage protégée et sèche, le plan d'eau est changeant.
19:41 Il peut y avoir des bouts de bois, des animaux, parfois même des baleines.
19:46 Il y a également la circulation des bateaux qui rend l'amérissage difficile.
19:51 Les bateaux créent des vagues et des sillages.
19:54 C'est un véritable défi pour les pilotes d'amérir ici."
19:59 Pour assurer ses 200 vols quotidiens, Arbour Air, la plus importante compagnie d'hydravions du Canada,
20:04 utilise trois types d'appareils.
20:06 Débiver, Single-Auteur et Twin-Auteur, transportant entre 6 et 19 passagers,
20:14 essentiellement pour une clientèle d'affaires pressée.
20:17 "Mon patron dit souvent, le temps c'est de l'argent Lana, faites votre travail rapidement et efficacement.
20:24 En France, vous prenez le métro pour aller au travail, et bien à Vancouver, on prend l'hydravion."
20:29 Voici la légende de l'hydraviation de transport au Canada.
20:39 Le beaver de Havilland Canada DHC2.
20:43 Sorti des usines de Havilland en 1947, il a été créé pour transporter en forêt bûcherons et trappeurs.
20:50 "Les bouchemains, on les appelle, ils emmènent leurs enfants à l'école avec leur beaver.
20:55 Si vous prenez un Inuit ou un Eskimo, il met ses canapés dans les flotteurs et en avons nous autres."
21:02 Conçu pour la brousse canadienne, le beaver devait être à la fois solide et pratique.
21:07 Entièrement en alliage d'aluminium, sa cabine lui permet d'emporter 7 passagers ou 900 kg de fret.
21:14 Robuste et interchangeable très rapidement, son train d'atterrissage polyvalent lui permet
21:19 de se poser n'importe où. Le beaver est aussi à l'aise sur flotteur que sur ski.
21:24 Il sera utilisé comme l'hydravion à tout faire, le cheval de trait volant.
21:28 70 ans après, un tiers des 1657 exemplaires construits volent encore au Canada et aux Etats-Unis.
21:38 C'est grâce à ce beaver que cet homme, Bill Baines, après une semaine de travail,
21:44 s'apprête à rentrer chez lui à Gambia Island, une île à 60 km au nord de Vancouver.
21:49 Pour pouvoir continuer d'être exploité, le beaver a dû subir un lifting complet dans les années 80.
21:55 Son moteur à piston d'origine à 9 cylindres en étoile n'était plus produit et trouver des pièces de rechange devenait difficile.
22:03 Remotorisé avec un turbopropulseur Pratt & Whitney, 3 fois plus léger,
22:08 il est alimenté en kérosène, carburant aéronautique que l'on trouve partout.
22:13 Sa puissance est ainsi passée de 450 à 600 chevaux, ce qui lui permet d'atteindre une vitesse maximale de 290 km/h.
22:21 Bill sait ce qu'il doit à son vieux beaver, pouvoir travailler en ville et vivre dans son paradis sauvage en famille.
22:37 Je peux embarquer à 8 heures et commencer ma journée de travail à 9 heures.
22:42 Donc au lieu d'un jour et demi de voyage, c'est 1h10 de transport et beaucoup plus de temps consacré au travail lui-même.
22:55 Mais les jours du beaver sont désormais comptés.
22:59 Les derniers survivants seront bientôt tous remplacés par les singles et twin-auteurs.
23:04 Les twin-auteurs sont les nouveaux autobus du transport aérien interrégional.
23:14 Natasha Shoebridge les pilote tous les jours pour faire la navette entre Vancouver et Victoria, la capitale provinciale, à 40 minutes de vol.
23:25 C'est vraiment extraordinaire de piloter un twin-auteur.
23:30 Cet appareil est incroyable, notamment pour son décollage rapide.
23:34 Il est également très polyvalent, on peut le mettre sur flotteur ou même sur des skis, c'est génial.
23:41 Le twin-auteur est un avion à dac, un avion à décollage et atterrissage court, son atout majeur.
23:48 Sur flotteur, avec ses deux turbopropulseurs Pratt & Whitney de 750 chevaux chacun, il peut transporter 19 passagers avec une vitesse maximale de 340 km/h.
23:59 Il est équipé de volets à double braquage qui s'inclinent avec des angles très importants, ce qui permet de dévier une quantité d'air supplémentaire sous les ailes.
24:08 A l'amérissage, ce coussin d'air réduit la vitesse plus rapidement sans craindre le décrochage.
24:14 L'appareil se pose en moins de 320 mètres.
24:17 Au déjaugeage, ce même coussin d'air accentue la portance des ailes, facilitant son envol sur une distance plus courte, environ 360 mètres.
24:27 Viking, le constructeur de la dernière version du twin-auteur, la série 400, mise aujourd'hui sur l'apprentissage du pilotage d'hydravions, qui s'est perdu aux quatre coins de la planète après la seconde guerre mondiale.
24:38 Les pilotes d'avions classiques peuvent désormais obtenir leur qualification hydravion sur un simulateur de vol dédié au twin-auteur 400 et tester notamment sa capacité à dac.
24:49 En service depuis novembre 2017, il est unique au monde.
24:53 C'est le premier simulateur de vol dans l'histoire de l'hydraviation.
24:57 L'avantage de ce simulateur, c'est de permettre aux pilotes de s'entraîner sur toutes sortes de situations qu'on ne pouvait pas reproduire avant.
25:04 Les pilotes qui s'entraînent seulement sur de vrais appareils ne peuvent pas être confrontés à tous les scénarios possibles, alors qu'ici on peut programmer toutes les conditions de vol, les cas d'urgence, des avaries de moteur, des pannes de commande ou d'hélices.
25:17 C'est également beaucoup moins risqué d'apprendre à gérer ces problèmes ici que de le faire en vrai.
25:23 Ça rend les pilotes vraiment plus expérimentés et ça renforce la sécurité.
25:26 Si le Beaver a ouvert la brousse canadienne dans les années 1950, grâce à sa robustesse et sa fiabilité, le twin-auteur pourrait participer demain au développement des régions les plus isolées de la Chine ou de l'Inde grâce à sa polyvalence.
25:45 Les marchés chinois et indiens sont cruciaux en raison de la densité de la population et d'une volonté gouvernementale de créer des liaisons régionales afin de permettre aux populations les moins desservies, dans les régions les plus reculées, de profiter du développement économique de leur pays.
26:04 Le développement de l'hydraviation interrégionale pourrait être bénéfique à plus d'un titre, désenclaver des régions entières en Inde et en Chine, mais aussi contribuer au désengorgement des aéroports.
26:14 Cette possibilité est sérieusement prise en compte par les gouvernements et selon une étude récente menée par des experts européens, 280 villes pourraient sur la planète être concernées par la création d'hydro-aéroports.
26:28 Les marchés prometteurs sont certes du côté de l'Asie, mais en France aussi, patrie de l'hydraviation, on croit à son potentiel.
26:35 L'architecte Jacques Rougerie adhère au projet d'Yves Plaindoux, un entrepreneur ambitieux qui espère ouvrir deux lignes de transport de passagers le long des côtes atlantiques et méditerranéennes.
26:45 Le projet de Yves Plaindoux de l'hydroport, donc de Pélican, c'est un projet qui a une réalité évidente.
26:52 Ça a du sens parce qu'il y a plein d'endroits où les villes sont au bord de l'eau, les capitales sont au bord de l'eau, pas forcément au bord de la mer, mais au bord des fleuves comme Paris.
27:03 Donc il faut qu'on réussisse à implanter un réseau d'hydro-bases à partir desquelles nous allons monter des lignes, des lignes commerciales, mais aussi bien sûr recevoir beaucoup de touristes,
27:13 donc de lignes aériennes qui vont relier des métropoles côtières comme par exemple Bordeaux-Biarritz, Bordeaux-La Rochelle ou Marseille-Nice en 33 minutes.
27:23 Aujourd'hui, ce service n'existe pas.
27:27 Dans une toute autre dimension, en s'associant au constructeur russe Beriev, le groupe européen Airbus fait lui aussi le pari de l'hydraviation de transport avec le Beriev 200.
27:37 Premier hydravion amphibie à réaction au monde, le Beriev 200 est avant tout un bombardier d'eau, mais il peut également transporter 72 passagers.
27:53 Et pour faciliter leur débarquement, ces ingénieurs imaginent eux aussi des solutions innovantes.
27:57 On va utiliser ce qu'on appelle des pontons gonflables, des pontons zodiaques qui sont dans un projet qu'on appelle le projet Ciplein, totalement donc adapté au débarquement de passagers sur des structures disons flexibles.
28:14 Vous allez avoir donc un Beriev 200 qui va se garer à marée sur un ponton et vous allez embarquer comme vous le faites aujourd'hui par rapport à une passerelle.
28:23 Une opération parfois délicate qui amusait déjà les starlets attendus avec impatience par leurs fans au festival de Cannes en 1946.
28:36 Un débarquement haut en couleur sous le regard gognard des pêcheurs du coin, tous volontaires pour accompagner ces dames jusqu'à la plage du Carleton.
28:44 Le Beriev a également été conçu pour des situations de crise à dimension humanitaire.
28:58 Aujourd'hui quand on voit l'évolution climatique avec les sinistres, les crises, les tremblements de terre, les ouragans, où on ne peut pas se poser sur un tarmac classique où il faut parfois utiliser les étendues marines, cet avion va sauver des vies humaines.
29:12 Le Beriev 200 peut transporter ce qu'on appelle du Medevac, c'est-à-dire des postes médicaux pour aller déposer les médecins avec tout le matériel médical dans des zones de crise.
29:27 Le réchauffement climatique que subit notre planète entraîne une hausse du niveau des mers qui se situerait entre 30 centimètres et 1 mètre d'ici la fin du 21e siècle, touchant un habitant sur 10 dans le monde, soit 700 millions de personnes.
29:42 Sans être forcément sous l'eau, des villes et villages côtiers seront beaucoup plus vulnérables aux inondations et aux vagues de submersion.
29:51 Si les constructeurs du Beriev 200 mettent en avant comme argument commercial la polyvalence de leur appareil, sa mission première est avant tout la lutte contre les incendies de forêt.
30:01 Le Beriev 200, comme les amphibies bombardiers d'eau nord-américains, s'inscrit dans une histoire légendaire qui remonte au début de l'hydraviation.
30:19 Il faut attendre l'évolution technique des avions de la Seconde Guerre mondiale, capables de voler avec d'importantes charges, pour commencer à entendre parler de bombardiers d'eau.
30:28 Aux Etats-Unis, le géant Martin Mars, construit à seulement 6 exemplaires, va ouvrir la voie de manière spectaculaire.
30:36 A 130 km/h, il déverse ses 27 000 litres d'eau sur une surface équivalente à deux terrains de football.
30:43 Mais après son passage, tout est dévasté.
30:47 C'est en fait un autre héros de la guerre qui va tirer son épingle du jeu et se sauver de la ferraille.
30:52 Voici le Catalina américain.
30:54 Qui n'a pas rêvé de voler ou de se retrouver aux commandes d'un Catalina ? C'est un hydraviation qui est absolument mythique.
31:01 Le Catalina en fait, il est capable de voler sur un moteur, bien que la motorisation soit effectuée par deux moteurs.
31:12 Et c'est un appareil en fait qui peut voler jusqu'à 24 heures de suite. C'est à dire qu'en Australie, il y a eu des équipages qui ont eu un brevet qu'on appelait le brevet des deux levées de soleil.
31:21 C'est à dire qu'ils avaient assisté à deux levées de soleil dans le même appareil au cours d'une patrouille.
31:25 Patrouilleur et chasseur de sous-marins, le Catalina peut emporter jusqu'à deux tonnes de bombes ou grenades sous-marines.
31:32 Il s'est illustré en repérant le cuirassé allemand Bismarck en 1941 et la flotte japonaise Amidway en 1942.
31:40 Le Catalina va connaître une seconde jeunesse dans les années 60 en devenant soldat du feu, notamment en France.
31:46 Ça a été vraiment le premier avion, on va dire, je ne vais pas dire de série, mais c'est presque le terme utilisé sur le feu de forêt.
31:52 Le Catalina permettait d'accéder à des massifs très compliqués.
31:55 Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, l'homme, grâce à l'apport aérien, commence à pouvoir combattre les feux de forêt convenablement et avec des résultats.
32:05 Devant ce succès, l'avionneur québécois Canadair imagine avec l'aide des pilotes américains et français un appareil moderne capable de remplacer les Catalina vieillissants.
32:14 Ainsi naîtra en 1967 le Canadair.
32:17 Le Canadair est un avion historique pour, on va dire, même les sapeurs-pompiers.
32:21 C'est-à-dire que cet avion jaune et rouge, il a dans l'imaginaire collectif et même chez les sapeurs-pompiers, quelque chose, pas de magique, mais du sauveteur absolu.
32:32 "Retour visuel décollage, fronteille droite et virage à gauche, décollez."
32:35 Pour avoir volé avec des équipages de Canadair, je peux vous dire que c'est sportif.
32:44 Vous allez aller écoper en mer sur une mer qui n'est pas toujours très bonne ou des lacs avec des vagues, et là c'est pareil, vous allez être comme sur de la tôle ondulée pendant une bonne minute le temps que l'eau rentre dans les soupes.
32:59 "Vous pouvez écoper un peu, et les écopes sont sorties."
33:02 "Ok, ça remplit."
33:04 "Ça remplit."
33:06 "C'est rapide."
33:08 Les 90 Canadair de deuxième génération sont aujourd'hui mobilisés dans une dizaine de pays, principalement en Europe.
33:20 Leur grande force est de pouvoir écoper sur des distances très courtes et de larguer avec précision leur 6 tonnes d'eau grâce à des vitesses très faibles.
33:28 Ce qui les rend extrêmement efficaces dans les zones montagneuses.
33:30 "La première des choses c'est que l'avion souffre. Vous arrivez au dessus d'un feu, dans la fumée, avec des températures importantes, en quelques secondes vous faites changer la masse de votre avion de 6 tonnes, et vous avez des courants d'air chaud qui remontent votre avion."
33:45 La flotte des Canadair est à son tour vieillissante, et la question de leur renouvellement est aujourd'hui posée car leur production a été interrompue en 2015.
33:55 Boeing a racheté à Bombardier les brevets des Canadair, et envisage la production de la nouvelle génération, le CL515, qui pourrait, grande innovation, combattre les feux de nuit.
34:04 Face à lui, le Bérief 200 est en embuscade. Dans sa configuration Bombardier-D'eau, avec ses 12 tonnes d'eau écopées en moins de 12 secondes, il est aujourd'hui le seul hydravion amphibie capable de voler à 750 km/h grâce à ses moteurs à réaction.
34:24 "Son rôle c'est d'arriver très rapidement sur le feu. Aujourd'hui il faut savoir qu'il a un rayon d'action, il peut faire 3500 km en un seul jet. Le Bérief 200 n'est pas capable d'aller attaquer des feux dans les zones où le Canadair, qui est plus agile, peut aller attaquer.
34:37 Donc il faut vraiment la combinaison de moyens différents, mais complémentaires."
34:42 L'Europe envisage de mutualiser les moyens de combattre les incendies, en créant demain une flotte d'interventions composée de Bombardier-D'eau complémentaires, mobilisant les Bériefs et les Canadair.
34:54 En matière d'hydraviation de gros tonnages, l'air est donc clairement à la polyvalence. La polyvalence certes, mais pour des enjeux uniquement civils, ou plus encore, militaires ?
35:04 Pendant la Seconde Guerre Mondiale, deux hydravions ont montré leur polyvalence dans un environnement militaire, le Catalina américain et le Shorts Underland britannique.
35:18 Ils ont été tous les deux utilisés comme patrouilleurs maritimes et chasseurs de sous-marins.
35:23 Le Sunderland, équipé de puissantes antennes radar, fut particulièrement craint par la marine allemande. Ce qui lui vaudra d'ailleurs le surnom de "porc et pig volant".
35:33 Dans l'Allemagne nationale-socialiste d'Adolf Hitler, en 1937, l'avionneur Blomund Foss construit le premier hydravion géant de son pays.
35:43 Le BV 222, surnommé "Le Viking". Il est une commande civile de la Lufthansa. Il devait rallier Berlin à New York en 20 heures avec 16 passagers.
35:53 Mais en 1939, lorsque la guerre est déclarée, les 7 exemplaires du BV 222 sont réaffectés dans l'armée allemande.
36:02 Il embarque une charge de 18 tonnes, soit l'équivalent de 92 hommes et leur matériel. Bien qu'équipé de 6 moteurs de 980 chevaux chacun, il lui manque de la puissance pour arracher de l'eau ses 50 tonnes.
36:13 Pour lui permettre de décoller, la navigation fluviale devait être interdite sur plusieurs kilomètres.
36:19 Cependant, comparé à ses homologues étrangers, il gagne en stabilité. Et grâce à une grande nouveauté technologique, ses flotteurs rétractables, il améliore son aérodynamisme.
36:31 Le BV 222 ayant démontré son efficacité opérationnelle, le ministère de l'Aviation du 3ème Reich souhaite aller encore plus loin en se dotant d'un hydravion colossal dans l'esprit du cuirassé Bismarck.
36:45 Ce sera le Blomundfoss BV 238.
36:51 En avril 1944, le prototype fait son vol d'essai. D'une envergure d'un peu plus de 60 mètres, il est le plus lourd et le plus grand avion jamais produit par les forces de l'Axe.
37:02 Il peut embarquer 30 tonnes de charge utile, soit l'équivalent de 150 soldats et leur équipement, deux fois plus que le BV 222.
37:11 Il est conçu pour des missions de surveillance maritime. Mais en septembre 1944, des P-51 Mustang américains détruisent l'unique exemplaire du BV 238 caché sur le lac Schaal au nord de Berlin.
37:24 Les alliés craignant qu'en pleine chute du 3ème Reich, Adolf Hitler et sa garde rapprochée ne s'enfuient grâce à lui.
37:30 Cet épisode mettra fin définitivement à l'hydraviation militaire allemande.
37:35 En 1942, le milliardaire américain Howard Hughes, aviateur et passionné d'aéronautique, se lance à son tour dans cette course au gigantisme.
37:49 Dans l'Atlantique, les Liberty Ships, ces cargos qui transportent hommes et matériels des USA vers l'Angleterre, sont la cible incessante des sous-marins allemands.
37:58 L'armée américaine envisage de les remplacer par des hydravions cargo.
38:03 L'objectif de Howard Hughes, c'est de pouvoir transporter du fret, ses munitions, ses matériaux de construction, ses personnes, en toute sécurité, à bord d'un énorme hydravion.
38:16 Je l'imagine conçu en bois, puisque le bois n'est pas un matériau stratégique à l'époque, à la différence de l'alliage d'aluminium.
38:28 La majeure partie de la carlingue et des surfaces portantes, à l'exception des volets, étaient entoilées.
38:34 Avec ses 98 m d'envergure, ses 67 m de long et 24 m de haut, le H-IV Hercule détient toujours le record du monde du plus gros hydravion jamais construit.
38:45 Le géant pesait plus de 180 tonnes au décollage, et pas moins de 750 soldats ou deux chars de combat pouvaient être embarqués.
38:56 Terminé en 1947, le Spruce Goose, "loir en sapin" comme il était surnommé par ses détracteurs, ne vola qu'une seule fois, le 2 novembre de la même année, à Long Beach en Californie.
39:11 Ce jour-là, Hughes est seul aux commandes.
39:14 L'hydravion grimpa à 21 m et resta en l'air moins d'une minute, en parcourant 1600 m à la vitesse de 217 km/h.
39:24 Selon certains avis, cet unique vol à faible hauteur n'aurait été possible que grâce à l'effet de sol, grâce au coussin d'air créé entre la surface de l'eau et le ventre de l'appareil.
39:44 "Le H4 est vraiment un appareil qui est de dimension extraordinaire, au sens où on n'a pas fait plus gros de nos jours, et pour autant en fait on retombe toujours sur la même problématique, c'est-à-dire que c'est un appareil qui est sous-motorisé."
39:58 Et en 1947, la guerre était déjà loin. Le besoin d'un tel hydravion géant de transport militaire ne se justifiait plus.
40:09 Avant lui, nombreux sont les hydravions militaires plus modestes qui ont été mobilisés sur tous les fronts. Ils ont permis de sauver des vies et de transporter hommes et matériels sur tous les théâtres d'opération.
40:20 Aujourd'hui, les pays qui développent des hydravions polyvalents pourraient avoir le même intérêt stratégique à intervenir grâce à eux rapidement, loin de leur côte.
40:29 Que ce soit là encore pour sauver des vies ou potentiellement revendiquer, voire défendre un territoire, une île.
40:37 Actuellement, les tensions territoriales se multiplient de la Chine jusqu'aux portes de la Russie en passant par le Japon.
40:43 Ces trois puissances régionales développent des hydravions de gros tonnages. Leur rayon d'action dépassant largement celui de leurs eaux territoriales, ils pourraient se retrouver deux mains en première ligne.
40:54 Cependant, l'objectif affiché de ces appareils ne laisse rien paraître d'une volonté militaire. C'est le cas de la lignée des Shin-Meiwa japonais.
41:05 Le Japon étant contraint à une position défensive par sa constitution établie après la capitulation de 1945, son Shin-Meiwa, surnommé le Saint Bernard des mers, est un patrouilleur de haute mer capable d'aller sauver des marins à plus de 2000 km de ses côtes en se posant dans une mer forte.
41:22 Le Shin-Meiwa a des caractéristiques très intéressantes puisqu'il consacre une turbine auxiliaire de 1000 chevaux à l'accélération de la couche limite. Pour que l'avion puisse voler plus lentement, il faut garantir que l'air continue de glisser très vite sur la surface supérieure de l'aile.
41:37 La dépression créée au-dessus de l'aile grâce à la turbine auxiliaire permet d'accroître considérablement sa portance. L'hydravion peut ainsi amérir à basse vitesse, moins de 90 km/h sans risque de décrochage.
41:52 Donc c'est un énorme progrès qui lui permet de se poser très lentement, qui facilite si vous voulez les atterrissages courts et décollages très courts, en particulier dans les grosses houles.
42:02 Il lui faut 300 mètres pour amérir, soit deux fois moins qu'un Canadair qui est pourtant plus léger.
42:09 Et sa coque est équipée de déflecteurs qui repoussent les embruns vers le bas. L'hydravion est ainsi capable d'affronter des vagues d'une hauteur de 4 mètres.
42:20 Voici le dernier né de la grande famille des hydravions polyvalents de gros tonnages. Il est chinois. Il a volé pour la première fois le 24 décembre 2017.
42:30 L'AG600, surnommé Kounlong, buffle d'eau, est le plus gros hydravion contemporain. Capable d'écoper 12 tonnes d'eau en 20 secondes avec une autonomie de 5500 km, il est officiellement destiné à la lutte contre les feux de forêt et le sauvetage en mer.
42:46 Mais il peut également transporter jusqu'à 50 passagers.
42:49 "C'est des chinois en fait. C'est d'abord pour des questions de revendications territoriales. L'hydravion leur permet de pouvoir patrouiller des îles qu'ils pourraient potentiellement revendiquer."
43:00 "Que ce soit les japonais, les chinois qui sortent leur hydravion aussi, les russes évidemment qui continuent avec Beriev, et bien ça revient. Donc il y a un côté stratégique et puis qui peut amener à des versions civiles.
43:15 C'est le biais militaire, malheureusement, mais c'est comme ça, qui fera que l'hydraviation va peut-être renaître un peu de ses cendres."
43:22 Si l'avenir des hydravions gros porteurs semble assuré en Asie, en Europe c'est à travers le phénomène ULM, les ultra-légers motorisés, que l'hydraviation pourrait bien se réinventer.
43:38 A Biskaros, sur le lac qui a vu s'envoler pour la dernière fois en 1950 les Latécoères, le monde de l'hydraviation s'est donné rendez-vous pour un grand rassemblement international.
43:58 Aux côtés des hydravions de légende, comme le Catalina ou le Beaver, des stars du moment, comme le Beriev 200, et les Canadair qui n'hésitent pas à sortir leurs muscles pour mieux nous impressionner,
44:18 les hydravions ultra-légers sont plébiscités par le public. Peut-être parce qu'ils nous donnent l'impression que cette promesse de liberté est à notre portée.
44:27 "Le type plus du pilotage d'un hydravion c'est vraiment la liberté. On décolle, on va sur le lac. Où est-ce qu'on va se poser ce jour-là ? On sait pas trop.
44:40 Comment va être la surface ? On sait pas trop. Qu'est-ce qui nous attend ? On sait pas trop. Et donc on y va.
44:46 Et c'est là qu'en fait le pilotage devient extrêmement intéressant parce que l'avion, on doit vraiment faire corps avec lui et pouvoir s'adapter. Il faut pas qu'on réfléchisse à comment on pilote à ce moment-là."
44:59 "Ce qui fait renaître le goût à l'hydraviation c'est le phénomène ULM. Pourquoi ? Parce que l'ULM offre beaucoup plus de liberté.
45:06 C'est limité à deux passagers, à un seul moteur, etc. Mais ça a quand même des avantages, c'est que y a des tas de petits constructeurs qui se sont mis à l'hydraviation."
45:14 "Et le monde de la construction amateur est un monde qui est très fertile, très intéressant, très inventif. De plus, les utopies sont très souvent à l'origine des plus belles inventions."
45:29 Dans cet esprit, l'Akoya français se positionne sur le nouveau marché de l'hydraviation sportive. Il est développé en Savoie par l'entreprise Lisa Airplanes.
45:38 L'Akoya est un bi-place capable de voler à 250 km/h avec une autonomie de 2000 km. Ses ingénieurs travaillent également à une version iBird, respectueuse de l'environnement, utilisant des énergies renouvelables.
45:52 "L'hydraviation moderne des avions en carbone qui offre, comme l'Akoya, la possibilité d'être à la fois sur terre, sur l'eau, sur ski, c'est un luxe absolu, c'est un rêve absolu."
46:03 "Einstein disait 'Pour changer la société, il faut changer les hommes et pour changer les hommes, il faut leur donner envie.' La construction amateur peut être un moyen de développer ça parce que vous faites plaisir sur un avion que vous connaissez bien."
46:20 L'ancien navigateur de course au large Loïc Pochet est un passionné d'hydravions. Lui ne se contente pas de les piloter. Désormais, il les invente. Son dernier-né Morgan doit demain révolutionner le marché de l'hydraviation ultra légère.
46:33 "Morgan c'est un programme marin, c'est un programme qui est fait pour aller partout. En plus c'est une machine qui va aller jusqu'à 80 cm de creux de vagues en mer. Et ça dans le domaine de l'ultralight, ça n'existe pas à l'heure actuelle."
46:47 Le moteur aux ailes repliables est entièrement réalisé en matériaux composites 100% carbone, ce qui le rend pratiquement insensible à la corrosion saline.
46:55 Les flotteurs sont remplacés par deux foils. Avec la vitesse, les foils permettent à l'appareil de se soulever hors de l'eau, l'isolant ainsi de l'effet des vagues.
47:04 Le frottement de l'eau se fait uniquement sur les foils et non sur une coque entière, permettant de gagner en aérodynamisme. Sa distance de décollage est divisée par 4, soit moins de 50 mètres.
47:15 "Alors dans 50 ans, tu t'imagines un hydravion qui fonctionne à l'hydrogène. C'est l'oxygène, c'est l'eau. C'est mon objectif."
47:24 L'ULM est également aujourd'hui utilisé pour des missions d'exploration. Comme c'est le cas pour ce super pétrel de fabrication brésilienne.
47:35 Cet hydro-ULM vole à 170 km/h avec une autonomie de 1200 km. Il pèse moins de 500 kilos. Dans sa catégorie, il est le seul à pouvoir amérir et décoller sur une distance extrêmement courte, moins de 100 mètres environ.
47:49 Clémentine Bacri et Adrien Normier survolent les zones les plus inaccessibles de notre planète.
48:00 Ils ont fait le choix du super pétrel parce qu'il convenait le mieux à la difficulté de leur mission.
48:05 "L'hydravion ultra léger, c'est génial parce que c'est en l'air en une fraction de seconde.
48:13 Avec une tentation terrible qui est celle de se poser n'importe où. La grosse question c'est, est-ce qu'on pourra repartir ?"
48:25 Mais sa légèreté le rend vulnérable. Une simple gelée matinale peut les empêcher de décoller.
48:30 "On ne peut pas décoller avec ça parce que sinon, en fait, l'écoulement de l'air ne se fait pas bien.
48:37 On va l'enlever un peu avec les mains, on va attendre que ça sèche et puis si tout se passe bien, dans une heure, on pourra décoller."
48:45 "En hydravion, on est souvent le premier à décoller là. Et quand on repart, le sillage se referme et personne ne sait qu'on est venu là. On a toujours l'impression d'être le premier partout où on va."
48:56 "Pour moi, l'hydraviation de demain, ça sera peut-être la dernière forme d'aéronautique pilotée par des humains.
49:06 Dans notre univers extrêmement normé, l'hydraviation, c'est un des derniers recoins de liberté et un des derniers espaces d'aventure pour les pilotes."
49:16 Après être nés dans l'ombre des avions terrestres, les hydravions ont su se rendre indispensables.
49:22 Ces avions flottants ont permis aux hommes d'aller là où aucun autre avion ne pouvait aller.
49:27 Bien avant les avions terrestres, ils ont ouvert dans les années 30 les premières lignes aériennes transocéaniques avec des paquebots volants très ambitieux mais sous-motorisés.
49:36 Pendant la seconde guerre mondiale, les aérodromes se sont multipliés partout sur la planète et les moteurs ont gagné en puissance.
49:43 On croyait les hydravions condamnés, mais ils ont survécu en se spécialisant dans la desserte des zones difficiles d'accès et dans la lutte contre les feux de forêt.
49:52 Aujourd'hui, grâce à leur polyvalence, les hydravions reviennent en force et élargissent leur terrain d'opération.
49:58 Les gros porteurs russes, chinois et japonais seront demain les Saint-Bernard-des-Mers, mais probablement aussi mobilisés au service des armées.
50:06 Les hydravions moyen-porteurs, dont les marchés sont en pleine croissance, vont quant à eux jouer un rôle central dans le transport interrégional et permettre à des régions isolées de se désenclaver.
50:18 Enfin, les hydravions ultra-légers, au-delà des activités de loisirs, misent sur l'exploit technique et sportif, mais également sur des missions d'exploration.
50:26 Le profil tout-terrain des hydravions leur permet aujourd'hui encore de s'adapter aux nouveaux défis de notre planète et demain d'accompagner l'homme dans son éternel désir d'aventure.
50:39 L'Hydravion, le défi de l'hiver
50:43 Le défi de l'hiver
50:49 Le défi de l'hiver
50:55 Le défi de l'hiver
51:00 Le défi de l'hiver
51:05 Le défi de l'hiver
51:10 [Musique]