• l’année dernière
On analyse en détails tous les messages cachés dans le film
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Transcription
00:00 Alors je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais on est aujourd'hui 1,3 million en France
00:04 à avoir vu Le Garçon et le Héron, qui est donc le dernier film de Hayao Miyazaki.
00:09 Et c'est tout simplement le plus gros succès du mat de l'animation japonaise,
00:13 chez nous, dans l'Hexagone.
00:14 Alors 1,3 million c'est énorme, c'est vrai,
00:16 mais combien de personnes sont sorties d'ici du film,
00:19 ou tout simplement qu'ils ne l'ont pas compris ?
00:21 Et bien c'est pourquoi je me suis dit que ça valait le coup d'essayer de décortiquer
00:26 et d'analyser les différents messages que cache ce film.
00:30 Ça parle de la mort, de son acceptation, de l'héritage, bien sûr, ça vous l'avez compris.
00:34 Mais il y a aussi plein d'autres messages sous-jacents,
00:37 des messages aussi plein d'arrogance de la part de Hayao Miyazaki.
00:41 Et là vous me dites "attends comment ça Maxime, Miyazaki est un homme arrogant ?"
00:45 Bah oui, quelque part, comme tous les grands génies de ce monde,
00:48 eh bien Miyazaki connaît sa valeur.
00:50 Il sait aussi ce qu'il a apporté dans le monde de l'animation.
00:53 Il a passé d'ailleurs son existence, à son travail,
00:56 au point même d'avoir mis sa vie de famille de côté,
00:59 jusqu'à même y voir en son propre fils un obstacle.
01:02 Alors on ne dirait pas comme ça,
01:04 mais Hayao Miyazaki est un homme qui n'a pas hésité à humilier et à rabaisser son fils en public
01:10 parce qu'il ne le trouvait pas à la hauteur.
01:12 Mais ce qu'il faut savoir aussi,
01:13 c'est que Miyazaki a également une vision très pessimiste sur le destin du studio Ghibli,
01:18 parce que oui, on dit Ghibli, et non pas Ghibli.
01:22 [Générique]
01:28 Ghibli
01:30 Ghiburi
01:32 Eh oui, si on respecte la prononciation originale japonaise,
01:35 on ne dit pas "Ghibli", mais "Jibli",
01:37 car les Japonais prononcent le nom "Jiburi".
01:40 Alors moi aussi, je me suis trompé pendant très très longtemps,
01:42 jusqu'en 2005, c'était l'année où je suis allé pour la première fois au Japon,
01:46 et j'ai enfin capté que je me trompais dans la prononciation.
01:50 En fait, quand je cherchais des produits "Jibli"
01:53 et que j'essayais de me faire comprendre par les Japonais,
01:55 eh bien en disant "Ghibli", personne ne me comprenait tout simplement.
01:59 Donc c'était un peu le fail et la petite anecdote que j'avais envie de vous partager.
02:03 Mais bref, fermons cette parenthèse et tâchons de comprendre
02:07 le succès commercial du garçon et du héron en France,
02:10 alors que le film n'a jamais autant divisé le public.
02:14 Eh bien justement, posons-nous cette question.
02:16 Pourquoi le garçon et le héron attirent autant de monde dans les salles ?
02:20 Alors déjà parce que ça fait 10 ans qu'on attend un nouveau film signé du maître de l'animation 2D.
02:26 Je vous rappelle que son dernier long-métrage remonte à 2013,
02:29 c'était "Le vent se lève",
02:30 qui était une œuvre qui avait déjà déçu les spectateurs,
02:34 sans doute parce qu'il n'était pas assez fantaisiste,
02:37 trop réaliste, aussi trop personnel,
02:39 et avec des thèmes pas assez fédérateurs pour le grand public.
02:43 Et en fait, Miyazaki avait dit que "Le vent se lève" serait son dernier film.
02:48 Il a changé d'avis, il change toujours d'avis, vous le savez bien,
02:51 surtout quand il est question de prendre sa retraite.
02:53 Mais à votre avis, pourquoi Miyazaki refuse d'arrêter de travailler ?
02:57 Personne ne s'est posé la question ?
02:59 Eh bien tout simplement parce qu'il y va de la vie du studio Ghibli,
03:03 et que Hayao Miyazaki est à la fois le seul qui puisse le sauver,
03:07 mais également celui qui a quelque part causé sa perte également.
03:11 C'est paradoxal et complexe à la fois à comprendre,
03:14 mais je vais tenter de vous expliquer ça de mon point de vue.
03:17 2013 est donc l'année où sortent deux films majeurs du studio.
03:37 Le premier, c'est "Le vent se lève", de Miyazaki donc,
03:40 mais aussi "La princesse Kaguya", de Isao Takahata,
03:43 qui est donc l'autre pilier du studio, à qui l'on doit notamment Pompoko,
03:47 l'excellente "La famille Yamada" et surtout "Le tombeau des Lucioles".
03:51 Chef d'œuvre parmi les chefs d'œuvre, que je vous conseille évidemment de regarder,
03:55 mais préparez évidemment les mouchoirs parce qu'il est quand même assez percutant.
04:00 Et Isao Takahata est décédé en 2018, et depuis sa disparition,
04:04 non seulement Miyazaki se sent seul à porter l'héritage du studio Ghibli,
04:09 mais lui aussi se prépare à quitter le monde des vivants.
04:11 Il a 82 ans aujourd'hui, et il sait qu'il ne sera pas éternel.
04:15 Et d'ailleurs, lors d'une interview qui remonte à quelques années maintenant,
04:38 je crois que c'était en 2017 si je ne dis pas de bêtises,
04:40 alors que la production du "Garçon" et du "Héron" avait déjà démarré,
04:44 Toshio Suzuki, qui est donc la 3ème tête pensante des studios Ghibli,
04:49 il avait révélé que si Hayao Miyazaki souhaitait faire ce dernier film,
04:53 c'était aussi pour son petit-fils, afin de lui laisser un message presque providentiel,
04:59 et lui faire comprendre que son grand-père allait bientôt partir pour un autre monde,
05:04 mais qu'il laisserait derrière lui ce film pour lui,
05:07 parce qu'évidemment, il l'aime, c'est son petit-fils.
05:10 Et donc c'est une sorte de testament pour sans doute ne pas partir fâché quelque part,
05:15 parce que lui, Hayao Miyazaki, il a tellement failli à son rôle de père,
05:20 face à son fils, Goro, qu'il n'a jamais vraiment considéré.
05:23 Et donc, il faut voir en cela une sorte de rédemption cachée,
05:27 mais aussi un certain héritage assumé,
05:30 qui est donc l'un des thèmes majeurs du "Garçon" et du "Héron",
05:33 puisque le film tourne autour du passage de la vie à la mort,
05:37 de l'existence d'une éventuelle vie après la mort, après elle évidemment,
05:41 alors pas nécessairement en termes de réincarnation,
05:44 mais plutôt des mondes parallèles.
05:46 Vous savez, Marvel a popularisé le multiverse ces dernières années,
05:51 et justement, ce film-là pourrait nous faire croire
05:54 que d'autres "nous" vivent d'autres vies différentes dans d'autres timelines.
05:58 C'est aussi le sujet du "Garçon" et du "Héron".
06:01 Et tout cela, eh bien, comment dire, sont traités dans le film,
06:06 puisqu'on comprend aussi que la spiritualité a une place essentielle dans le film.
06:11 Alors, en fonction des croyances de chacun,
06:13 les interprétations seront évidemment différentes,
06:16 mais il y a des messages qui restent évidents.
06:18 Surtout ceux qui avertissent sur la fin du monde dans le film,
06:22 qui est donc la fin d'un monde dans notre réalité,
06:25 celle des studios de Ghibli, voués à disparaître avec lui,
06:30 avec Ayao Miyazaki.
06:31 Miyazaki est plus en forme que l'année dernière.
06:35 C'est ce que vous croyez ?
06:37 Je ne suis pas en forme.
06:40 Non, je pense que vous êtes en forme.
06:42 Vos yeux sont différents.
06:43 Je suis désolé.
06:48 Je pense que vous êtes en forme.
06:52 C'est important de le dire.
06:55 Je ne dis pas ça.
06:57 Vous êtes en forme ?
06:58 Vos yeux sont différents.
07:01 C'est pas vrai.
07:03 C'est la vie des anciens.
07:05 C'est la vie des anciens.
07:07 C'est la vie des anciens.
07:09 C'est la vie des anciens.
07:11 2013, si vous le voulez bien, qui est donc une année charnière
07:13 pour le studio de Ghibli qui ont donc sorti deux gros films.
07:16 Et deux gros films des deux piliers du studio.
07:18 Mais malheureusement, ces longs métrages
07:20 ne rencontreront pas le succès commercial escompté.
07:23 137 millions de dollars générés dans le monde pour Le Vent se Lève.
07:27 C'est beaucoup trop peu.
07:28 Et surtout, 27 petits millions de dollars pour La Princesse Kaguya.
07:32 On est évidemment loin des 400 millions de dollars
07:35 générés par Le Voyage au Chihiro et du Château Ambulant.
07:38 C'est de là où ont généré chacun plus de 400 millions de dollars dans le monde.
07:42 Et d'ailleurs, suite aux échecs commerciaux
07:45 de Le Vent se Lève et de Princesse Kaguya,
07:48 le studio de Ghibli annonce en août 2014
07:51 vouloir faire une pause dans la production de nouveaux films d'animation.
07:54 Et c'est une énorme remise en question,
07:57 vous savez, pour ce studio-là.
07:59 Surtout quand du côté des Américains
08:01 comme Disney, comme DreamWorks
08:04 et tous les autres studios d'animation occidentaux,
08:07 ne produisent que des dessins animés en 3D,
08:10 qui sont plus faciles et plus rapides à produire
08:12 que de l'animation de des fêtes à la main.
08:15 [Voix de l'animateur]
08:42 Peut-être que vous ne le savez pas,
08:43 mais la 3D dans l'animation, Ayao Miyazaki en a horreur.
08:46 Il déteste ça.
08:48 Il s'est essayé la technique il y a quelques années
08:50 en réalisant Dans la douleur, vous savez, Borô la chenille,
08:53 qui est donc un court-métrage qui était destiné au musée Ghibli.
08:56 Mais la production a été tellement complexe pour lui,
08:59 qu'il a totalement rejeté toute idée de retravailler avec des ordinateurs.
09:03 Et justement, cette tâche ingrate,
09:05 quelque part pour le studio Ghibli,
09:07 a été confiée à Goro Miyazaki,
09:09 le fils du grand maître de l'animation,
09:12 avec qui il tisse des liens compliqués.
09:15 Alors évidemment, la vie privée de Ayao Miyazaki
09:18 n'a jamais été exposée au public.
09:20 Mais on sait que les deux hommes ne se parlent pas beaucoup
09:23 dans la vie de tous les jours.
09:25 Alors aujourd'hui, Goro Miyazaki a 56 ans.
09:28 Il est à la base architecte de formation.
09:30 Et il s'est reconverti dans l'animation au sein des studios Ghibli
09:34 lorsque Toshio Suzuki, vous savez, le 3e homme,
09:37 lui a proposé d'abord de diriger le musée Ghibli à Mitaka.
09:41 Alors au départ, il a refusé à de nombreuses reprises.
09:44 Mais il a fini par accepter le poste en 2001.
09:47 Et ainsi du coup, côtoyer son père au niveau de son travail au quotidien.
09:51 Alors j'imagine que déjà, à la base, dans la vie privée, c'était compliqué.
09:55 Mais là, avoir son père comme ça, l'ombre de son père à côté de lui,
09:58 ça a dû être une grosse pression pour lui.
10:00 Parce que évidemment, lorsqu'on est le fils de Ayao Miyazaki,
10:03 comment exister à côté d'un tel monstre,
10:06 d'un tel monument de l'animation japonaise ?
10:08 C'est compliqué.
10:09 Pour être à son niveau, il faut évidemment être au-dessus de lui.
10:14 C'est très compliqué pour lui.
10:16 Et on sait justement que Goro Miyazaki,
10:18 il a toujours refusé de suivre les traces de son père.
10:22 Justement, certainement pour cette raison.
10:24 Mais là encore, c'est Toshio Suzuki qui va le convaincre, en 2005,
10:28 de s'attaquer à l'adaptation des contes de terre-mer
10:31 que Ayao Miyazaki voulait réaliser depuis plus de 20 ans.
10:35 Et en fait, ce qui se passe, c'est que Toshio Suzuki,
10:38 il a observé un petit peu les esquisses de Goro Miyazaki
10:42 et il a fini, à la fin, par lui confier la direction du film,
10:46 la réalisation même.
10:47 Parce que le but, c'était quoi à la base ?
10:49 C'était de trouver un successeur à Ayao Miyazaki,
10:52 mais aussi à Isao Takahata,
10:54 qui sont donc les deux piliers du studio Ghibli.
10:56 Et en vrai, cette recherche de successeur,
10:59 elle a réellement démarré dès la fin des années 90,
11:02 avec notamment le film "Si tu tends l'oreille" de Yoshifumi Kondo,
11:06 qui était à la base un animateur pour le studio.
11:08 Et en fait, Ayao Miyazaki était tellement satisfait du travail de Kondo
11:12 qu'il a annoncé sa retraite juste après la sortie de "Princesse Mononoke".
11:16 C'était en 1997 et c'était la première fois que Miyazaki annonçait sa retraite.
11:22 Mais ce qui va se passer, c'est que Yoshifumi Kondo va mourir brutalement
11:26 et sa mort, du coup, va inciter Miyazaki à revenir au studio
11:31 et donc à reprendre le travail.
11:33 Alors en 2002, le studio va faire une nouvelle tentative,
11:36 avec notamment le film "Le royaume des chats",
11:39 qui a été fait par Hiroyuki Morita.
11:41 Mais bon, ça n'a pas matché,
11:44 parce que là aussi, Miyazaki va annoncer à nous une nouvelle fois sa retraite,
11:49 mais il va revenir deux ans plus tard et sortir le fameux château ambulant.
11:55 - Mahito, je veux que tu me suives.
11:59 - Mahito, tu veux que je te suive ?
12:06 Et en fait, ce qu'il faut savoir, c'est que Ayao Miyazaki n'était pas d'accord
12:10 pour que son fils Goro devienne réalisateur,
12:12 parce que pour lui, il manquait d'expérience.
12:15 Et d'ailleurs, pendant la fabrication, la réalisation du film "Les contes de terre-mer",
12:20 Ayao Miyazaki ne va jamais adresser la parole à son fils.
12:25 Jamais. Vraiment. Aucun couragement, que dalle.
12:28 Mais du coup, le jeune Miyazaki, le fils,
12:32 était tellement déterminé à achever le projet,
12:34 parce qu'il voulait sans doute prouver sa valeur auprès de son père,
12:39 et peut-être aussi le faire mentir sur son incapacité à lui succéder.
12:43 Donc il va vraiment tout donner, malgré l'ignorance totale de son père.
12:47 Et en fait, le 28 juin 2006, lors de la première projection des "Contes de terre-mer"
12:53 au sein des studios de Ghibli, ils vont faire venir la presse.
12:57 Mais il y a aussi une équipe de production qui était là pour réaliser un documentaire
13:01 justement sur les studios de Ghibli.
13:03 Et contre toute attente, Ayao Miyazaki va également assister
13:07 à cette projection du premier film de son fils.
13:11 Alors, on le voit sur les images, lors de la projection,
13:14 les deux hommes étaient vraiment éloignés, ils n'étaient pas du tout dans le même rang.
13:18 On voit d'ailleurs que Goro Miyazaki est vraiment très stressé
13:21 à l'idée de voir son père dans la salle.
13:23 Et ce qui va se passer, c'est que Miyazaki ne va évidemment
13:27 même pas adresser un seul regard à son fils.
13:30 Pire, au bout d'une heure de film, Ayao Miyazaki va sortir de la salle.
13:35 Regardez ces images.
13:37 Il sort de la salle tout simplement parce qu'il en a marre.
13:39 Il le dit à un moment donné, il fait "J'ai l'impression que ça fait 3 heures que je regarde le film".
13:42 Il trouve le film mauvais.
13:44 Il ira même jusqu'à déclarer à la caméra qu'il a suivi,
13:48 que le film ne se résume pas seulement aux sentiments
13:52 et que son fils n'est pas encore un adulte.
13:56 J'ai vraiment mal aux émotions.
13:58 J'ai fait 3 heures de fil.
14:03 Je vais aller dans la salle.
14:11 Je vais aller voir le film.
14:13 Je vais aller voir le film.
14:16 [Applaudissements]
14:23 [Musique]
14:51 [Musique]
15:11 Alors évidemment, quand on parle de Ayao Miyazaki et de son travail,
15:14 impossible de ne pas lui jeter toutes les éloges du monde,
15:17 de parler de génie créatif.
15:19 C'est évident.
15:20 Mais son comportement en tant que père,
15:22 mais aussi chef d'entreprise des studios Ghibli,
15:25 parce que c'est ça aussi, il est aussi le père et le patron de Goro Miyazaki.
15:30 Moi, son attitude-là, elle est inexcusable.
15:33 Franchement, qui fait ça ?
15:35 Qui humilie son fils comme ça devant tout le monde ?
15:38 Même devant des caméras qui marquent le coup,
15:41 qui vont évidemment ancrer ça à vie ?
15:43 Sans doute quelqu'un qui n'aime pas son fils.
15:45 Alors je ne sais pas ce qui s'est passé dans le privé.
15:48 Il a peut-être aussi ses raisons, j'en sais rien.
15:50 Mais très franchement, en tant que père,
15:52 on est là aussi pour encourager ses enfants,
15:55 les aimer, les protéger,
16:01 les… comment dire ?
16:04 Les pousser vers le haut.
16:06 Oui, "Les Contes de Terre-Mère" est un film inégal,
16:09 à la fois dans son rythme, dans ses variations esthétiques aussi.
16:13 Et souvent, évidemment, on passe de la mièvrerie à la terreur.
16:17 Mais franchement, Hayao Miyazaki,
16:19 il n'avait pas le droit d'humilier son fils comme ça en public.
16:23 Cette attitude-là, ça va marquer le gros Miyazaki à vie.
16:27 Il aura du mal à s'en remettre.
16:29 Il va quand même aller de l'avant.
16:43 Il va quand même réaliser en 2011 "La Colline" Okokiko,
16:47 qui est donc adapté du manga éponyme de Shizuru Takahashi et de Tetsuro Sayama.
16:54 Et ça, cette adaptation, elle a été écrite par Hayao Miyazaki,
16:57 mais également Keiko Niwa.
16:59 Et ce qui va se passer, c'est qu'en 2012,
17:01 ce film-là va remporter le prix du meilleur film d'animation de l'année 2011
17:05 de la Japan Academy.
17:07 Donc quelque part, c'est un petit peu une petite revanche pour Goro Miyazaki.
17:10 Mais ce ne sera pas suffisant.
17:12 Ce qu'a à faire ensuite Goro Miyazaki est d'une importance capitale.
17:15 Parce qu'il va consacrer 9 ans de sa vie pour s'essayer à l'animation 3D
17:20 et ainsi donner toutes les chances au studio Ghibli d'évoluer vers de nouvelles techniques.
17:25 Et c'est à lui, c'est à Goro qu'on voit Haya et la sorcière,
17:29 qui est donc sorti directement sur Netflix en 2020, en pleine crise de Covid.
17:33 C'est un film qui est malheureusement raté à tous les niveaux,
17:36 aussi bien dans le rendu visuel que dans l'histoire,
17:39 et qui n'aura séduit finalement personne.
17:41 Si vous allez sur Allo Ciné, vous voyez que la note de la presse
17:44 et la note des spectateurs est la même, 2,2 sur 5.
17:48 C'est vraiment très faible.
17:49 C'est d'ailleurs l'un des films Ghibli les moins bien notés justement du studio.
17:53 Et donc ça, c'est donc un nouvel échec pour Goro Miyazaki,
17:57 qui ne doit évidemment pas être vu d'un bon oeil de la part de son père.
18:01 Même si lui, il a toujours vu la 3D en horreur.
18:04 Cette nouvelle déception pour Hayao Miyazaki, c'est aussi un effondrement.
18:09 Un effondrement de son héritage, et certainement des studios Ghibli.
18:14 Et la notion justement d'effondrement et du renouveau,
18:17 elle est au cœur de la conclusion du film Le Garçon et le Héron.
18:21 Principalement, vous savez, quand on voit les monstres un petit peu loufoques,
18:25 vous savez ces perruches par exemple, qui retrouvent leur forme animale réelle.
18:29 Quand on voit aussi ces châteaux à l'architecture désordonnée,
18:33 ces structures un petit peu improbables, qui s'effondrent, qui s'écrasent,
18:37 que cet univers magique aussi disparaît.
18:40 Et que toute cette chute-là, elle est liée en fait à quoi ?
18:43 À l'incapacité des hommes à prendre le contrôle de ce monde magique,
18:48 que lui seul a la clé.
18:50 Lui seul c'est qui ? C'est Miyazaki. Hayao Miyazaki.
18:53 Et j'irais même plus loin en disant que le caractère avide de certains personnages,
18:58 qui tentent de prendre de force ce qui ne leur appartient pas,
19:02 eh bien c'est aussi ce qui va participer à cette déchéance.
19:07 Et Miyazaki pointe du doigt toutes ces grandes entreprises
19:11 qui vont tenter de mettre la main sur son héritage une fois qu'il ne sera plus là.
19:14 Tout ce qu'il a battu au fil de sa vie, de ses années.
19:17 Et quelque part aussi, et je pense que Hayao Miyazaki
19:21 essaye aussi d'avertir des personnes au sein même des studios de Ghibli.
19:24 J'espère d'ailleurs que ce n'est pas son fils qui pointe du doigt.
19:27 Car je vous rappelle qu'il n'a jamais considéré Goro
19:30 comme un homme d'animation de talent, mais plutôt comme une pièce rapportée.
19:34 Et ça c'est tragique.
19:36 Et justement c'est en cela que Hayao Miyazaki affiche une certaine arrogance à mon sens.
19:51 Parce qu'il connaît sa valeur, il connaît son génie créatif.
19:54 Et quand on voit le succès que rencontrent le film
19:57 "Le Garçon et le Héron" au Japon mais aussi en France,
20:00 c'est évidemment lui donner raison.
20:02 Parce que je vous rappelle que ces deux films-là sont sortis sans aucun marketing quasiment,
20:06 sans aucune promotion.
20:08 Le film est sorti au Japon cet été, limite personne n'était au courant.
20:11 Et à l'heure où je vous parle,
20:13 "Le Garçon et le Héron" n'est pas encore sorti aux Etats-Unis.
20:16 Et on le sait, c'est un marché extrêmement important.
20:19 Et qui sera évidemment déterminant pour la suite.
20:22 Mais peut-être pas pour l'avenir des studios de Ghibli.
20:25 [Musique]
20:28 [Musique]
20:32 [Musique]
20:59 Revenons à l'instant sur la réception à demi-teinte du "Le Garçon et le Héron",
21:02 à la fois par les spectateurs mais aussi par la critique.
21:05 Et en fait, ce qu'on reproche au film, c'est son rythme.
21:08 Et sans doute qu'il met du temps à démarrer.
21:10 Je vous rappelle que le film affiche une durée de 2h03.
21:14 Mais il se passe au moins 45 minutes avant que l'histoire ne décolle véritablement
21:18 et que Maito bascule dans le monde parallèle et féerique.
21:22 Et ce que les gens appellent généralement le monde magique de Miyazaki.
21:26 En fait, si le cinéaste japonais prend son temps pour raconter cette histoire,
21:31 c'est aussi pour plusieurs raisons.
21:33 Alors tout d'abord parce que "Le Garçon et le Héron" est une oeuvre basée sur le célèbre roman japonais
21:37 "Kimi Tachiwado Ikuruka" ou "Comment vivez-vous" une fois traduit en français.
21:42 Et c'est une oeuvre philosophique de Yoshino Genzaburo qui a été publiée en 1937
21:47 et qui est devenue un best-seller au Japon.
21:50 Et l'histoire du roman suit le parcours d'un jeune garçon qui s'appelle Copper
21:53 qui a perdu son père et il doit alors vivre avec son oncle.
21:56 Ce qui va évidemment opérer un grand changement chez lui,
21:59 un changement spirituel qui sera extrêmement fort.
22:02 On va suivre du coup sa vie, ses relations avec ses amis, sa famille, etc.
22:07 Et vous l'avez compris, c'est la même trajectoire que Maito dans "Le Garçon et le Héron".
22:11 Sauf que là, la différence c'est que lui, il perd sa mère
22:14 et qu'il va devoir vivre avec son père et surtout sa belle-mère
22:17 qui n'est autre que la soeur cadette de sa mère.
22:20 Donc la relation est différente mais à la fois très parallèle avec l'oeuvre de Genzaburo.
22:27 Et dans le film "Le Garçon et le Héron", on voit Maito tomber sur le roman "Comment vivez-vous"
22:32 avec à l'intérieur l'écriture de sa mère qui voulait lui offrir ce roman une fois qu'il serait grand.
22:38 Et donc, on est vraiment dans une incarnation méta entre les deux oeuvres
22:42 sachant que le moment où Maito tombe sur le bouquin, sur le roman,
22:46 est plus que capital parce que c'est juste après qu'il se soit auto-mutilé avec une pierre.
22:52 Vous savez, il se fracasse comme ça la pierre pour se faire une blessure au niveau de la tempe.
22:55 Et c'est un moment où, pour lui, il est en colère, où il a besoin d'exulter sa rage.
23:01 Et cette trouvaille, justement, va lui permettre de se canaliser,
23:05 de retrouver ce héron qui est donc a priori agressif
23:08 mais qui va lui permettre de trouver le chemin vers un autre monde
23:12 et donc de nouveaux sentiments et aussi l'apaiser quelque part.
23:16 Donc oui, en tant que spectateur, vous devez faire cet effort,
23:20 cet effort d'attendre 45 minutes avant de vous laisser transporter dans un monde magique.
23:26 Mais avant cela, vous allez apprendre à connaître Maito, son quotidien, sa colère et son côté antipathique
23:32 vraiment à l'opposé aux antipodes des personnages auxquels nous habituait Hayao Miyazaki.
23:37 Et en fait, si le film prend son temps, c'est aussi pour marquer une différence
23:41 avec les œuvres de cinéma d'aujourd'hui et même la culture de l'entertainment de manière globale.
23:46 À l'heure où tout doit être accrocheur, catchy, dès les premières secondes pour ne pas perdre le spectateur,
23:51 eh bien, Miyazaki prend le contre-pied du rythme plus lent, plus détaillé.
23:56 Même la musique de Joe Isaichi est minimaliste et apparaît presque en retrait.
24:01 Et tout cela, c'est voulu.
24:02 Et donc, il faut attendre 45 bonnes minutes avant de rentrer dans le monde féerique
24:06 dans lequel sera plongé Maito parce que tout vient à point.
24:09 À qui c'est attendre ? C'est un adage qui est bien connu et qui a un sens tellement fort à notre époque
24:14 où tout doit aller très vite. Vous savez, c'est vraiment la dopamine à tous les instants.
24:18 Et donc du coup, comment vivez-vous ? Comment vivez-vous, vous, dans l'urgence et l'instantanéité ?
24:25 C'est aussi justement la question que nous pose Hayao Miyazaki, du haut de ses 82 ans.
24:30 Lui qui a toujours été un homme calme, posé et qui regarde aujourd'hui la vie et le monde sans doute autrement.
24:37 Alors qu'il approche évidemment l'âge de partir vers un autre monde.
24:42 Bon, vous l'avez compris, Le Garçon et le Héro n'est pas un simple film Ghibli comme tous les autres.
25:02 Non, non, non, pas du tout. C'est la transfiguration cinématographique des adieux de Hayao Miyazaki
25:08 de ce monde, de notre monde, de son propre vivant.
25:11 Mais c'est aussi une mise en garde pour le studio d'animation et son avenir.
25:15 Et d'ailleurs, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais à la fin du film, on voit Maito sortir de sa petite poche
25:20 une petite figurine sculptée comme ça en bois. Un objet chibi, un objet mignon qui rappelle un petit peu,
25:26 vous savez, les goodies qu'on achète presque instinctivement lorsqu'on va au Japon
25:30 dans les boutiques officielles Ghibli. C'est vraiment le souvenir qu'on a de cela lorsqu'on passe là-bas.
25:35 Eh bien, cette petite babiole, c'est l'incarnation même de l'imaginaire et de l'imagerie de Hayao Miyazaki
25:41 qui risque de disparaître avec lui si jamais le studio de Ghibli ne se remet pas de son départ.
25:47 C'est ça en fait quelque part. C'est le souvenir qu'on va avoir.
25:50 Alors oui, Hayao Miyazaki est un génie. Il le sait, il le dit, mais à quel prix ?
25:57 Je suis un homme qui a dit à plusieurs fois que je quitterais le travail.
26:02 Je suis certain que je ne le ferai pas encore. Mais cette fois, je suis sérieux.
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