COP 28 - Mundiya Kepanga, chef de tribu en Papouasie-Nouvelle-Guinée, est l'invité événement de RTL Bonsoir

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C'est un gardien de la forêt, chef de la tribu des Hulis en Papouasie-Nouvelle-Guinée : Mundiya Kepanga est l'invité de l'équipe de RTL Bonsoir à l'occasion de l'ouverture de la COP 28 à Dubaï. Depuis des années, il parcourt le monde pour inciter à protéger la nature et a été reçu à l'Unesco cette semaine encore.
Regardez L'invité de RTL Soir du 30 novembre 2023 avec Marion Calais et Julien Sellier.

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00:00 vous êtes sur RTL. Julia Célier, Marion Calais et Cyprien Sini. RTL bonsoir jusqu'à 20h. Allez RTL, bonsoir avec notre invité événement ce soir alors que la COP 28 s'ouvre à Dubai et que tous les pays du monde doivent s'entendre pour sauver la planète, nous recevons un homme qui se bat en première ligne. C'est le chef de la tribu des Houli en Papouasie, Nouvelle-Guinée, un gardien de la forêt. Bonsoir Moudinje Kepanga.

00:28 Oui bonsoir, je dois vous préciser quelque chose, je ne suis pas un grand chef de tribu, vous savez moi je suis un tout petit chef alors ne m'appelez pas le grand chef.

00:38 Depuis des années vous parcourez le monde pour nous inciter à protéger la nature, vous avez été reçu à l'UNESCO encore cette semaine. Le réchauffement climatique, vous y êtes confronté dans votre forêt, vos anciens paraît-il avaient cette prophétie quand le marais s'assèche, la fin du monde approche, est-ce que votre marais est en train de s'assécher ?

00:56 Oui vous savez l'impact du réchauffement climatique est très important chez nous, les sources par exemple, ce qu'on boit, l'eau, ces sources sont tarées. Et puis je dois vous dire aussi que les arbres maintenant, la tête des arbres s'assèche.

01:10 Et puis je vous dis aussi qu'il y a de nouveaux parasites maintenant qui envahissent nos cultures, les patates douces, donc l'eau, la nourriture pour nous, tout est impacté.

01:18 Effectivement vous connaissez bien les messages des ancêtres de ma tribu parce que les anciennes nous avaient prévenus, si le maraîchage d'Aïfouga s'assèche, si l'herbe pousse sur ces maraîchages, vous risquez d'être, c'est le début de la fin du monde. Et aujourd'hui il y a de l'herbe sur les maraîchages.

01:36 Vous êtes un gardien de la forêt, vous vivez dans une forêt primaire, alors pour nos auditeurs qui nous écoutent, la Papouasie c'est sans doute très lointain. Vous vivez à l'autre bout du monde, dans cette forêt, est-ce que vous pouvez nous la décrire parce qu'elle abrite visiblement une biodiversité exceptionnelle ?

01:50 D'abord je dois vous dire que si vous ne savez pas où se trouve la Papouasie-Nouvelle-Guinée, c'est une île qui se trouve au nord de l'Australie.

01:56 Ces forêts primaires sont vraiment essentielles pour nous parce qu'en fait on y trouve tout ce qui nous permet de vivre. D'abord notre pharmacopée traditionnelle, nos plantes médicinales, de la nourriture bien sûr, des arbres qu'on va utiliser pour faire du feu ou pour construire nos maisons.

02:13 Ces forêts, ce sont des forêts qui sont nées lorsque le monde est né, au début du monde. Ce ne sont pas des forêts qui ont été plantées par les hommes.

02:19 Donc pour nous, on a cet environnement chevillé au corps. Nos ancêtres nous ont appris que les hommes sont les frères des arbres. Si les arbres disparaissent, les hommes vont disparaître à leur tour.

02:29 Et c'est le message que je souhaite faire passer aujourd'hui parce que je pense qu'il concerne l'humanité toute entière.

02:35 Votre tenue aussi, que vous portez aujourd'hui, elle vient de la forêt. Ces plumes sur votre coiffe, cette pique dans votre nez, vous tenez à porter votre tenue traditionnelle, pourquoi ? Pour qu'on vous écoute mieux ? Pour attirer l'attention aussi ?

02:46 Vous savez, les plumes que je porte sur la tête, aujourd'hui, ma coiffe, mon bâton dans le nez, ça fait partie de notre identité, les Nus, les Papous.

02:54 Chaque tribu en Papouasie-Nouvelle-Guinée, il y a plus de 800 tribus, chaque tribu porte des parures, des plumes différentes. Et pour nous, c'est vraiment notre identité.

03:01 Pour moi, venir ici, c'est important de porter ces parures, c'est essentiel. Pour moi, ces parures portent un message. Elles sont une invitation, une façon de rappeler à tous les hommes blancs qu'il faut prendre soin des forêts primaires.

03:14 Le fléau, justement, dans votre pays, ce fut pendant des années la déforestation. En 2014, un tiers du territoire national de la Papouasie-Nouvelle-Guinée était exploité, et notamment par des compagnies étrangères. Avec quelles conséquences, à l'époque, sur votre forêt ?

03:28 Oui, il y a une dizaine d'années, la déforestation s'est beaucoup développée dans mon pays. Mais d'une certaine façon, nous sommes un peu responsables, parce que nous avons mis nous-mêmes, les Papous, en œuvre des lois qui s'appellent SABL, et qui étaient censées nous aider à nous développer en échange de concessions forestières.

03:45 Mais des sociétés étrangères, pour l'essentiel, originaire d'Asie, ont pillé nos terres sans jamais nous aider à nous développer en échange. Donc il y a eu un véritable pillage, et on a perdu beaucoup de nos forêts primaires.

03:58 Depuis quelques années, grâce à un nouveau Premier ministre, qui s'appelle James Marape, qui fait partie de ma tribu, la situation a évolué de façon vraiment positive. Ce nouveau Premier ministre, qui a vraiment conscience de l'importance de préserver les forêts, a d'abord abrogé ces lois SABL, qui favorisaient la déforestation, mais aujourd'hui, il prévoit aussi d'interdire l'export des grumes, vous savez, les troncs bruts, et donc ça va permettre de limiter la déforestation.

04:25 Et d'ailleurs, votre dernier film s'appelle "Le temps des solutions", et on peut le retrouver sur Arte.

04:30 Vous dites que vous êtes sortis de votre forêt pour parler à l'homme blanc, mais on sent que malgré tout, vous n'en voulez pas tant que ça à l'homme blanc.

04:37 Vous savez, je considère que je n'ai aucune raison d'en vouloir aux hommes blancs. Pourquoi est-ce que j'en voudrais aux hommes blancs ?

04:44 Évidemment, c'est vous qui avez inventé toutes ces machines, les avions, les voitures, etc. Mais vous voulez que je vous dise la vérité ? Je suis venu en avion. Moi aussi, il y a des gens dans ma famille qui ont des voitures.

04:56 J'utilise du pétrole, du gaz, donc pourquoi est-ce que je vous en voudrais à vous ? Je crois que nous sommes tous responsables, nous aussi les papous. Nous sommes tous des êtres humains, nous sommes tous sur le même bateau.

05:07 Je considère que plutôt que de chercher à nous opposer, à trouver des responsables en disant que c'est de votre faute et que nous, nous serions des gardiens de la forêt, je pense qu'il faut plutôt que nous travaillions ensemble.

05:17 Je pense que les Occidentaux et les peuples autochtones comme moi, nous travaillons ensemble pour trouver des solutions si nous voulons continuer à vivre sur cette planète.

05:24 Justement, la COP 28 s'ouvre. Est-ce que la voix des petits pays porte assez aujourd'hui ? On sait par exemple que des îles du Pacifique comme les Tuvalu alertent depuis des années,

05:32 et ces pays risquent pourtant d'être submergés par la montée des eaux dans les décennies à venir. Est-ce que vous avez la sensation d'être assez écouté ?

05:40 Vous savez, j'ai eu la chance d'être reçu au Sénat en France, de rencontrer des hommes politiques, je ne sais pas si ça a vraiment eu un impact ou pas,

05:47 mais personnellement, moi, je n'ai pas l'impression que je ne suis pas écouté. Au contraire, il y a beaucoup de projets qui sont mis en œuvre par l'Union Européenne et par la France pour aider la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

05:56 Vous avez vraiment parcouru la France ces derniers mois pour présenter vos films, notamment dans des collèges, vous avez tenu des conférences dans très nombreux départements,

06:03 à Dreux, à Ancenis, à Montbéliard, à Brest, à Nantes, à Châtenau-le-Royal, et vraiment j'en passe. Vous avez la sensation que les petits Français, les adolescents Français sont à l'écoute de votre message ?

06:15 Vous savez, lorsque vous plantez des tomates, vous mettez un tuteur, vous les arrosez avec de l'eau. Lorsque vous plantez des arbres aussi, vous utilisez un tuteur, etc. Je pense que c'est la même chose.

06:28 Les enfants ont besoin de bons conseils. Je pense que les enfants sont comme des graines qu'il faut arroser de bons conseils pour qu'ils deviennent des arbres solides et qu'ils prennent de bonnes décisions plus tard.

06:36 C'est pour cette raison que je fais le tour de France pour rencontrer des enfants, parce qu'ils seront ceux qui décideront du monde de demain.

06:42 Et c'est ce que je dis aussi aux enfants que je rencontre, je leur dis que je n'ai rien contre l'utilisation du bois. Le bois est un matériau noble, je n'ai rien contre l'usage du bois.

06:50 Par contre, je pense qu'il faut utiliser le bois de façon raisonnable et durable.

06:54 Justement, comme vous connaissez maintenant bien notre pays, la France, vous avez fait le tour de France, quel regard vous portez sur notre société ? La façon dont on consomme, nous, dont nous produisons notre quotidien, bien loin de la modération dont vous faites preuve d'ailleurs dans notre forêt.

07:07 - Bon, il faut que je vous dise la vérité, regardez, vous voyez ça ? Ça c'est mon téléphone. Ce ne sont pas mes ancêtres qui ont inventé le téléphone, c'est vos ancêtres qui ont inventé le téléphone.

07:18 Mais je dois vous dire que j'ai attrapé la maladie des hommes blancs et maintenant je dors avec mon téléphone, je ne peux pas me séparer de mon téléphone.

07:24 Alors, effectivement, vous, vous consommez beaucoup, libre à vous de consommer moins si vous voulez consommer moins.

07:30 D'ailleurs, si vous n'avez plus envie d'avoir votre téléphone, vous, vous, et puis il y a toutes sortes d'ordinateurs là autour de nous, vous n'avez qu'à me les donner.

07:37 Moi, je rentrerai chez moi avec, je les distribuerai dans ma tribu.

07:40 Parce que ce sont des outils modernes, évidemment, mais qui sont très pratiques.

07:44 Si vous les avez invités, ça a un sens et nous aussi, on aimerait les utiliser.

07:48 Mais je crois en fait que la vraie difficulté, c'est de trouver un équilibre.

07:54 Un équilibre entre la préservation de la nature d'une part et le développement.

07:58 Les hommes ont tous besoin de cette modernité, d'une certaine façon.

08:02 Mais il faut arriver à trouver un équilibre pour que cela ne détruise pas la nature et c'est ça le plus difficile.

08:06 Merci beaucoup, Mundi J. Kepanga, d'avoir été notre invité événement ce soir dans RTL Bonsoir,

08:11 alors que s'ouvre la COP 28, vous le chef Papou de la tribu des Houli en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Merci beaucoup.

08:17 Merci beaucoup pour votre invitation.

08:24 J'espère que mon message va donner envie aux gens d'agir concrètement par eux-mêmes.

08:29 Et s'ils n'ont pas envie d'écouter ce message, ils peuvent le prendre et le jeter dans leur poubelle.