Entretien avec Rima Abdul-Malak (ministre de la Culture), Christophe Deloire (Secrétaire général de RSF, Délégué général des Etats généraux de l'information), Claire Leost (Présidente du Groupe Prisma Media) et Pierre Louette (Président-Directeur général du Groupe les Echos le Parisien)
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00:16 Donc si je ne me trompe pas, c'est la dernière table ronde de la journée.
00:21 On a commencé tôt ce matin, on ne termine pas trop trop tard ce soir,
00:24 mais on a encore plein d'énergie. Je ne sais pas à quelle heure il termine à Radio France,
00:27 mais je crois qu'il y a eu aussi pas mal de débats.
00:34 Donc le thème de cette année, c'était les chocs, comment les médias se transforment,
00:38 se réinventent à l'heure des chocs. Et c'est vrai que des chocs, il y en a beaucoup,
00:43 on le disait ce matin, des chocs économiques, des chocs technologiques,
00:47 des chocs réglementaires, des chocs un peu démocratiques aussi.
00:52 Dans ce contexte-là, en France, on a lancé quelque chose qui s'appelle
00:57 les états généraux de l'information. On va en parler là.
01:02 L'idée, c'est de faire un peu à la fois un point d'étape et d'essayer de comprendre aussi
01:05 pourquoi on avait besoin peut-être de se poser ces questions.
01:11 Je voudrais commencer par donner la parole. Alors les différents intervenants,
01:14 je vous les présente très rapidement dans l'ordre sur scène, juste à côté de moi.
01:18 Pierre Louet, qui est le PDG du groupe Les Echos, le parisien,
01:21 il y a différents médias, il y a aussi Radio Classique, Connaissance des Arts, Investir,
01:24 là, ce n'est pas que Les Echos et le Parisien.
01:26 Rima Abdul-Malak, qui est ministre de la Culture.
01:29 Juste à côté, Christophe Deloire, qui est le secrétaire général de RSF,
01:32 mais qui est aussi la cheville ouvrière des états généraux de l'information,
01:37 journaliste au point avant et dans plein de médias différents,
01:40 une longue carrière de journaliste.
01:42 Et juste à côté, Claire Léoste, qui est la présidente du groupe Prisma Média.
01:46 Prisma Média, vous ne connaissez peut-être pas le nom Prisma,
01:48 mais derrière, c'est le numéro un français des magazines.
01:52 Ça va de Capital à Femmes Actuelles, mais aussi des magazines télé, plein de choses.
01:58 Et c'est une des filiales du groupe Vive Indie.
02:01 Peut-être, au moment où on réfléchissait avec Pierre et avec les équipes ici,
02:06 aux Echos et aux Parisiens, sur les différentes thématiques qu'on voulait aborder cette année,
02:11 à un moment, on s'est posé la question de savoir,
02:13 est-ce qu'on parle des états généraux de l'information,
02:15 et n'était pas sûr qu'il soit vraiment totalement lancé, totalement avancé à ce moment-là.
02:20 On ne savait pas où ça en serait.
02:22 Et Pierre, on s'est dit quand même, il faut qu'on parle de ces questions-là, de la démocratie.
02:26 Pourquoi est-ce que toi, tu as insisté pour qu'on parle de ça ?
02:30 Et après, je donnerai la parole à tous nos invités pour qu'ils nous disent pourquoi, à leurs yeux, c'est important.
02:35 Mais juste quelques mots d'introduction, finalement, sur l'importance de cette thématique,
02:38 avant que tu défendes tes points de vue.
02:40 Merci beaucoup, David.
02:42 D'abord, je voulais saluer la présence d'Amixem.
02:44 C'est un très très plaisir de vous accueillir ici, dans cet espace largement consacré aux médias.
02:49 Je disais qu'il y a aussi dans l'immeuble, Eramet,
02:51 mais qui fait moins de réunions dans l'infini-théâtre que nous,
02:53 pour des raisons que chacun pourra comprendre.
02:56 Oui, quand on a préparé, on avait annoncé la tenue des états généraux,
03:00 mais ce n'était pas complètement lancé.
03:02 Entre-temps, voilà, maintenant, c'est lancé, et la ministre les a installés,
03:06 Christophe et un ensemble de professionnels dirigent les débats,
03:10 et puis il y a des groupes de travail, et enfin, toute cette mécanique s'est mise en place.
03:13 De toute façon, ces enjeux, qui sont ceux décrits par le thème de la réunion de ce soir,
03:19 indépendance, pluralisme, sont des enjeux centraux.
03:22 J'ai eu l'occasion de le dire ce matin aussi,
03:24 l'indépendance de la presse et l'existence d'une presse et de médias, en fait, libres,
03:29 sont des éléments premiers de la chaîne de valeur de la démocratie.
03:34 Au début de la démocratie, et au début de la démocratie athénienne aussi, c'était déjà le cas,
03:39 il faut qu'il y ait une circulation assez libre de l'opinion,
03:43 il faut qu'il y ait une formation des opinions de façon libre,
03:46 il faut qu'il n'y ait pas d'inquiétude à exprimer son opinion,
03:49 inquiétude qui irait jusqu'à des conséquences très néfastes.
03:52 Donc de ce point de vue-là, celui de l'indépendance de la presse et du pluralisme,
03:56 franchement, dans ce pays, on a beaucoup de chance, parce qu'on a des médias qui sont foisonnants,
04:01 on en parlait à l'instant en aparté, il y a énormément de médias,
04:05 Claire mentionnait tout à l'heure aussi qu'il y avait de plus en plus, en réalité, de magazines,
04:09 peut-être un millier de plus qu'il y a 20 ans, de mémoire, mais tu le diras mieux que moi.
04:14 Et donc on a un foisonnement, un foisonnement qui intervient, et ça je l'ai souvent décrit,
04:19 dans un contexte de concentration, parce que pendant que ça foisonne dans la création de médias dans ce pays,
04:24 il y a une concentration des plateformes, et ça aussi c'est un thème sur lequel on pourra revenir,
04:28 on a deux très grandes plateformes, au moins quelques autres un peu plus petites,
04:32 qui pour l'une est le moteur de recherche du monde, et pour l'autre est l'agora du monde.
04:37 Donc ce sont de toute façon des enjeux qui sont nationaux mais internationaux.
04:41 Pluralisme, c'est un enjeu très clair également,
04:45 parce que le pluralisme permet aussi de forger et de former son opinion dans la différence,
04:49 les monopoles d'opinion ça s'appelle des dictatures, donc c'est évidemment pas non plus le cas ici.
04:54 Mais pour autant, si on n'a pas tous ces problèmes radicaux que je mentionne,
04:58 il est évident qu'il y a des questions qui se posent dans le monde de la presse et des médias,
05:01 et on a vu depuis un an, et avant l'été, des débats qui naissaient sur la concentration dans les médias,
05:07 sur des mécanismes de nature à renforcer l'indépendance des rédactions,
05:11 tout ça c'est l'actualité, tout ça fait partie des enjeux des états généraux,
05:14 j'aurai l'occasion, j'espère, tu me donneras l'occasion de revenir,
05:17 je suis pas certain que tu me la redonnes, parce qu'une fois ça me paraît déjà très généreux,
05:23 mais ce sont des sujets auxquels on est très attachés,
05:27 on est très attachés dans ce groupe à l'indépendance des rédactions et à l'indépendance des journalistes,
05:31 je pense que les uns et les autres le savent,
05:33 et on connaît tous les mécanismes dans ce groupe qui sont envisagés, existants ou à venir peut-être,
05:37 sur la garantie de cette indépendance, le mécanisme de rejet ou pas de directeur de rédaction,
05:42 on connaît toutes ces modalités-là, moi je peux les comparer,
05:44 il y en a pas aux parisiens, il y en a aux échos, il y en a pas à connaissance des arbres,
05:47 et donc on est très pronds et prêts à discuter des vertus de ces différents mécanismes avec les uns et avec les autres.
05:54 Madame la ministre, peut-être sur, effectivement, on est dans une démocratie,
05:58 il y a du pluralisme, pourquoi est-ce qu'il y avait besoin finalement de lancer des états généraux de l'information,
06:05 comme si il y avait une forme de risque aujourd'hui pour notre démocratie,
06:10 est-ce que c'était ça le point de départ ?
06:12 Oui, et je pense que le baromètre qui vous a été présenté aujourd'hui sur la confiance dans les médias,
06:18 le montre, il y a une défiance qui s'installe de plus en plus entre les citoyens et les médias.
06:25 Plusieurs sondages avant l'avaient montré et le baromètre le confirme,
06:31 même s'il y a aussi un intérêt pour l'actualité, donc il ne faut pas tout voir en noir non plus,
06:35 mais on voit qu'il y a plus de la moitié des français, presque 55-60% selon les sondages,
06:42 qui éprouvent de la méfiance vis-à-vis des médias, même 17% du dégoût, autant de la colère,
06:50 donc en fait des sentiments de rejet, ce que montre aussi ce baromètre Lacroix-Cantard.
06:56 Or, ça c'est un vrai enjeu pour l'avenir de la démocratie,
07:00 on a pu voir tous les phénomènes aussi de manipulation de l'information,
07:05 ce que ça peut provoquer par exemple aux Etats-Unis avec l'invasion du Capitole, au Brésil ou ailleurs,
07:12 donc il y a un impact direct entre l'accès à l'information et la vitalité de notre démocratie.
07:20 Si on veut prendre soin de notre démocratie, on doit prendre soin de ce bien commun qu'est l'information,
07:26 et je pense que le sujet d'aujourd'hui, indépendance comme pluralisme,
07:31 sont des mots clés et des enjeux clés pour renforcer ce lien de confiance entre les citoyens et les médias.
07:39 Les citoyens ont besoin de savoir que les médias sont indépendants,
07:44 que les journalistes sont indépendants du politique, du pouvoir politique,
07:49 mais aussi de leurs actionnaires, que ce soit des intérêts économiques ou idéologiques de leurs actionnaires.
07:55 Ils ont besoin de savoir qu'il y a un pluralisme d'opinion qui est exprimé pour se faire leur propre opinion
08:04 et avoir un esprit critique renforcé, plutôt qu'une seule ligne avec que des personnes qui pensent la même chose dans le même média.
08:13 Ils ont besoin de proximité, d'où d'ailleurs une confiance renforcée pour la presse quotidienne régionale
08:20 que pour la presse nationale dans tous les baromètres.
08:23 Ça veut bien dire aussi que ces médias implantés localement, qui racontent quelque chose de la vie locale,
08:29 qui sont plus proches des habitants, ont ce lien de confiance renforcé.
08:34 Donc voilà, ce sont tous ces enjeux qui nécessitaient de confier à un comité indépendant,
08:40 et Christophe Deloire pourra en parler, le pilotage de ces états généraux de l'information
08:46 pour créer un temps aussi citoyen, et pas que entre experts, d'échange sur comment on s'informe,
08:53 qu'est-ce que ça veut dire s'informer aujourd'hui, évidemment à l'heure où on a tous aussi les bulles algorithmiques
08:58 qui nous enferment dans un certain type d'informations sur les réseaux sociaux,
09:02 l'hégémonie des gars-femmes qui captent aussi le marché publicitaire,
09:06 qui du coup bousculent les modèles économiques des médias.
09:10 Tout ça crée quand même un certain chaos informationnel, pour reprendre les mots de Christophe Deloire,
09:15 et nos citoyens se sentent un peu perdus.
09:18 Donc on a besoin aussi de les impliquer dans ce débat, et que ces états généraux soient un moment de prise de conscience
09:24 de la nécessité de préserver ce bien commun qu'est l'information, pour préserver la démocratie.
09:30 Avant de parler du fond, peut-être Christophe, deux mots sur à quoi ça doit servir,
09:34 et quand est-ce que ça doit aboutir les états généraux de l'information ?
09:38 Alors notre mission, c'est de remettre une proposition de stratégie et de plan d'action
09:44 pour garantir le droit à l'information fiable à l'ère du numérique, au 21ème siècle,
09:50 avant l'été 2024.
09:52 Donc en gros, atterrissage prévu en mai-juin, avec un périmètre très large,
09:59 qui va au-delà des médias, puisque le périmètre c'est celui au fond de l'espace informationnel.
10:05 Il y a souvent une grande incompréhension, c'est que bon nombre, y compris parfois des acteurs,
10:10 ont le sentiment que simplement on est des acteurs en présence,
10:14 sans voir qu'en fait, tous ces acteurs, quand je dis des acteurs, c'est des médias,
10:19 de catégories différentes, des citoyens, des entreprises, des groupes religieux,
10:24 n'importe quel type de personnes physiques ou morales, qui agissent désormais dans un espace,
10:32 une place du village, un marché des opinions, des idées et des informations,
10:40 qui était national jusqu'à récemment, et qui s'est ouvert dans le cadre d'une mondialisation
10:47 finalement très récente de l'information.
10:49 Alors, c'est pas nouveau totalement la mondialisation, il y a des ondes courtes
10:54 qui ont toujours passé les frontières et qui ont été utilisées, ne serait-ce qu'entre les deux blocs,
11:01 surtout de l'ouest vers l'est, pendant la guerre froide,
11:05 mais néanmoins, on avait des systèmes de régulation, de la liberté d'expression,
11:13 pour statuer sur ces exceptions, du champ des médias, qui étaient très nationaux,
11:20 et qui aujourd'hui ont perdu une partie, non pas de leur pertinence dans l'absolu,
11:24 mais de leur applicabilité dans la réalité.
11:27 Et donc l'enjeu, c'est de travailler sur l'ensemble des aspects qui touchent
11:32 à cet espace informatio-nnel, à cet espace public,
11:35 pour trouver les moyens de garantir le droit à l'information,
11:38 c'est-à-dire de faire en sorte qu'on ait tous accès à des informations fiables,
11:41 qu'on ne soit pas que la désinformation, les rumeurs, les propos de haine,
11:46 ne finissent pas par prendre le dessus sur l'information fiable.
11:52 Et puis avec une question, c'est comment on arrive à protéger dans cet écosystème
11:56 la fonction sociale du journalisme.
11:58 Donc au-delà des questions, enfin les questions qui sont là derrière nous,
12:01 sont des questions importantes pour les États généraux,
12:04 mais si je peux dire, c'est loin d'être les seules.
12:06 Si on se passe du point de vue des éditeurs, Prisma ou groupe Les Échos, Le Parisien,
12:10 qu'est-ce qu'on peut attendre, et qu'est-ce qu'on attend ?
12:13 Est-ce qu'on se dit, il y a besoin d'une couche de régulation nouvelle,
12:16 il faut que les États généraux aboutissent sur une nouvelle régulation,
12:19 parce qu'il y a effectivement des problèmes, est-ce que c'est ça qu'on attend, Claire ?
12:22 Alors moi déjà j'ai un petit questionnement sémantique par rapport au fait de faire des États généraux de la presse,
12:29 enfin des États généraux de l'information et pas des États généraux de la presse.
12:32 Oui mais j'ai bien compris.
12:33 Parce que autant je pense qu'on a besoin d'États généraux de la presse,
12:37 c'est-à-dire on a besoin d'un cadre, parce que face à nous,
12:40 on a les plateformes qui sont de plus en plus concentrées,
12:43 qui sont à la fois distributeurs, qui sont à la fois régis, et maintenant éditeurs.
12:48 On a une législation sur les droits voisins qui n'est pas appliquée, enfin partiellement appliquée,
12:53 donc on a besoin d'un cadre. Sur la distribution, on a besoin d'un cadre.
12:56 Autant sur l'information, je pense qu'on oublie souvent qu'on a déjà un cadre qui fonctionne bien.
13:01 Alors peut-être je pourrais développer plus tard, mais on a la loi du 181, on a la loi Bloche de 86,
13:06 on a le Code du travail qui dit un certain nombre de choses.
13:09 Donc je trouve qu'il y a un certain nombre d'idées reçues là, qu'on agite en ce moment,
13:12 alors qu'il y a plein de choses qui sont déjà prévues dans les textes, qui fonctionnent bien.
13:16 Et donc pour moi, l'enjeu, c'est vraiment le modèle économique de la presse,
13:19 et on a besoin d'un cadre pour nous aider à évoluer face aux plateformes,
13:23 et il ne faut pas se tromper de combat.
13:25 On a des lois sur le sujet de l'information qui fonctionnent bien.
13:29 Avant de créer une nouvelle loi, comme souvent, appliquons ce qu'on présente.
13:32 Et donc je dis évidemment à l'État, aidez-nous à créer un cadre pour lutter contre cette déferlement
13:38 de l'intelligence artificielle qui arrive sur nous et qui détruit nos métiers.
13:42 Attention à ne pas se tromper d'ennemis et à ne pas se tromper de combat.
13:46 Que ça ne soit pas une loi qui, finalement, encadre que les médias historiques
13:48 et qu'on ne puisse rien faire contre les nouveaux acteurs.
13:51 En tout cas, on a des outils en France pour protéger la liberté d'informer
13:54 et pour protéger le droit à l'information fiable qui est dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
13:59 Et ça fonctionne depuis 1881, donc il faut faire attention.
14:04 Pierre ?
14:05 Moi, j'ai compris qu'on avait... Je ne pensais pas qu'on avait vraiment besoin d'être à géant de l'information.
14:11 J'ai compris qu'on en avait besoin à un moment où j'ai entendu beaucoup de choses très délirantes dites sur l'information.
14:17 Avant l'été, par exemple.
14:19 Et je me suis dit, effectivement, on en a peut-être besoin, à l'instar de ce qu'évoquait Christophe aussi,
14:24 pour reposer quelques concepts, remettre à plat quelques concepts et aussi distinguer selon les catégories d'acteurs.
14:32 Ce que je veux dire par là, par exemple, c'est que j'ai entendu...
14:35 À un moment, il y avait un débat autour du JDD.
14:37 On peut en parler très librement ici. Et j'entendais tel ou tel représentant du peuple, au Sitrapa, dire
14:44 "Il ne faut pas leur parler parce que ce journal n'offre pas des garanties de pluralité".
14:48 "Pluralité", exactement, avait-il dit. Mais pas "pluralisme", qui aurait été peut-être plus approprié.
14:53 "Il ne faut pas leur parler".
14:54 Un journal n'a pas à offrir des garanties de pluralité ni de pluralisme.
14:59 Un journal, il a une ligne éditoriale.
15:01 Vous voyez tout à l'heure notre collègue très sympathique, le patron de l'Humanité.
15:06 Je ne suis pas sûr qu'il offre des garanties de pluralité interne extrême.
15:09 Il n'est pas fait pour ça.
15:10 C'est un organe d'information qui représente un certain courant de pensée, parfaitement respectable.
15:14 Et donc, il est là.
15:15 Mon camarade de la Croix a beaucoup d'opinions exprimées dans la Croix.
15:19 Mais c'est quand même un organe qui pose et qui a posé une ligne, qu'il a défendue extrêmement bien.
15:25 Donc, un journal de la presse écrite, c'est pour commencer cette espèce de clarification 1.0,
15:29 n'a pas besoin de cette pluralité interne.
15:32 Là où il y a besoin de pluralité, de pluralisme, en fait, c'est ça le mot exact,
15:35 c'est dans les chaînes de radio et de télévision,
15:38 parce qu'elles sont conventionnées avec l'ARCOM,
15:41 et elles sont conventionnées parce qu'elles utilisent une ressource rare,
15:44 qui est le domaine public des ondes.
15:46 Et c'est pour ça que ce domaine étant incessible, appartenant à l'État,
15:50 on l'occupe provisoirement, et à ce titre-là, il y a une convention.
15:53 C'est ça le droit de l'information aujourd'hui.
15:55 C'est ça le droit basique et la répartition des acteurs.
15:58 Donc, on ne dit pas qu'un journal...
16:00 qu'un journal, ensuite, ait une ligne éditoriale qu'elle plaise à certains,
16:04 et qu'elle ne plaise pas à d'autres, ça c'est un autre problème.
16:07 Deuxième chose aussi, quand on a commencé à agiter toutes ces idées-là,
16:10 moi j'avais envie de rappeler tout de suite que pour qu'il y ait liberté d'information,
16:13 il faut qu'il y ait liberté des journalistes dans la recherche et l'écriture d'informations,
16:17 mais il faut aussi qu'il y ait une vraie liberté des entrepreneurs pour créer des journaux.
16:21 Dans l'histoire de la presse en France, il y a une longue histoire de gens qui ont décidé,
16:24 parfois d'ailleurs, ils ont laissé leur chemise dans cette histoire, mais pas tous,
16:27 de créer un journal pour porter une opinion.
16:30 Donc la liberté d'information, elle ressort de deux acteurs,
16:33 ceux qui engagent leur capital pour créer des organes de presse,
16:37 éventuellement des médias plus larges et éventuellement réussiront pas, ça dépend,
16:41 et puis ceux qui écrivent les contenus.
16:43 Tout ça, pour moi, ce sont les éléments de base.
16:45 Ils vont être certainement évoqués dans les états généraux,
16:48 moi je veux dire aussi que je voudrais que ces états généraux soient très généraux,
16:51 j'ai dit à Christophe d'ailleurs, dès l'été d'un an dernier,
16:55 et quand je dis des états généraux très généraux,
16:58 c'est pas pour paraphraser Edgar Morin qui parlait d'une situation générale, générique et généreuse,
17:05 il faut que ce soit généreux aussi, pourquoi pas, l'état peut être généreux encore plus avec les médias,
17:09 mais j'évoquais plutôt le traitement général des sujets.
17:13 Par exemple, la place de l'audiovisuel public dans ce pays peut être aussi une question qu'on se pose,
17:18 parce que moi parfois je vais à tel ou tel endroit,
17:21 et on pose la question comme ça naïvement, quel est ce pays d'Europe
17:24 où le premier groupe de radio de très loin est public,
17:27 et puis le premier ensemble de chaînes de télévision est public ?
17:30 C'est un état illibéral, affreux, c'est une semi-démocratie autoritaire ?
17:33 Non, c'est la France.
17:35 C'est la France, et il y a certaines raisons de s'en réjouir, à certains égards.
17:39 Moi-même, j'ai une longue tradition d'écoute de certaines antennes,
17:42 et je peux me réjouir de la qualité de certaines choses.
17:44 Mais je pense qu'on ne fera pas l'économie quand même de deux questions,
17:48 est-ce que ces 3,8 milliards d'euros, je crois à peu près,
17:51 sont parfaitement utilisés ?
17:53 Et puis ça, c'est une question récurrente que la Cour des comptes peut poser,
17:56 l'Inspection des finances, les parlementaires doivent la poser tous les ans
17:59 au moment de l'examen du budget.
18:01 Deuxième question plus ontologique, à ce titre-là encore plus intéressante,
18:04 est-ce que les cahiers des charges d'aujourd'hui sont des cahiers des charges
18:07 de missions d'intérêt général ?
18:09 À l'AFP, dont j'ai eu pendant quelques années l'honneur d'être le PDG,
18:12 on avait dû répondre à cette question,
18:14 quelles sont les missions d'intérêt général de l'agence ?
18:17 Qu'est-ce qui justifie que je sois à verser
18:19 130-140 millions d'euros, je n'ai plus d'argent public, pour les financer ?
18:22 C'est un peu pareil pour le secteur public, il faut s'interroger,
18:25 quelles sont les missions d'intérêt général ?
18:28 Par exemple, pour finir, je vais être trop long, je le sens,
18:31 porter une mission de partage de savoir très précis, spécifique,
18:36 France Culture le fait formidablement bien,
18:38 et c'est vrai que le secteur privé ne pourrait pas l'assumer,
18:41 parce que nous devons trouver une audience qui va générer des recettes publicitaires,
18:45 sinon on n'a pas moyen.
18:47 C'est un intérêt général, porter des captations dans des régions compliquées,
18:51 des captations de conseils incroyables, c'est tout à fait légitime.
18:54 Faire du rap, avoir une radio publique de rap,
18:56 je caricature un peu volontairement pour vous ranimer en fin de journée,
18:59 c'est un peu moins évident,
19:01 puisque d'autres radios privées ont l'obligation d'en diffuser,
19:04 c'est la loi tout bon, et pas comme la production française,
19:07 c'est surtout du rap aujourd'hui, beaucoup de rap, c'est déjà plus contestable.
19:10 Et puis enfin, c'est l'ampleur des moyens consacrés,
19:12 quand on est comme moi, l'heureux président,
19:15 mais pas propriétaire évidemment, d'une radio qui fait de la musique classique,
19:19 quand on a 6 fois moins de fréquences que son concurrent,
19:22 mais quand même autant d'audience, voire plus d'audience,
19:24 quand on est à égalité sur la région parisienne,
19:26 et un budget 4 à 5 fois inférieur, on se dit, tiens, cherchez l'erreur.
19:30 Il y a un coût à l'auditeur qui est peut-être pas le même,
19:32 peut-être qu'on n'est pas organisé pareil,
19:34 et je veux dire que nous on va chercher chaque euro de revenu publicitaire avec les dents.
19:37 J'arrête là parce que je sais que c'est trop long,
19:39 mais moi je voudrais que ces questions-là soient posées,
19:41 et aussi les définitions de ce qu'est une ligne éditoriale,
19:44 le rôle d'un actionnaire qui a des droits,
19:47 parce qu'il engage son argent,
19:49 il a parfaitement le droit d'exiger une certaine ligne de la part du journal qui le finance,
19:53 parce que sinon, il y a certains qui se posent un peu un abé Pierre des médias,
19:56 voilà, c'est l'abé Pierre des médias, je finance tout, je m'intéresse à rien,
19:59 puis il y a d'autres qui s'intéressent à ce qu'ils font,
20:01 moi je pense qu'on appartient à la deuxième catégorie.
20:04 Alors c'est bien, tu as posé toutes les questions, d'un seul coup,
20:08 alors du coup maintenant, chacun va demander à sa manière,
20:11 essayer aussi un peu d'y répondre, Madame Ami,
20:13 sur les questions soulevées, est-ce qu'il y a un des points sur lesquels vous avez envie de réagir ?
20:16 Je ne pensais pas qu'on allait faire un débat sur l'audiovisuel public,
20:19 et comment il dépense son argent,
20:22 il aurait fallu à ce moment-là inviter soit Delphine Arnot, soit Sybille Vell, soit les deux.
20:25 Pierre a posé plein de questions, donc vous pouvez choisir, c'est ça l'avantage.
20:28 [Rires]
20:31 Elles sont venues, c'est ça ?
20:33 Oui, je me doute bien, en plus, ce Média en Seine est organisé en partenariat avec Radio France.
20:38 Non, je crois que le message de Pierre, d'une certaine manière, c'est de dire
20:41 les états généraux de l'information doivent parler de tout, est-ce que ça sera le cas ?
20:44 Tu veux peut-être en parler là ?
20:47 Non, mais vas-y, c'est quand même toi qui es pilote.
20:50 Est-ce qu'on va parler de tout ?
20:53 Ils sont bien généraux, comme leur nom l'indique.
20:56 Ils sont absolument généraux, et toutes les questions méritent d'être posées,
20:59 qu'elles soient financières.
21:01 Les seules questions qui ne seront pas posées, je le dis bien, parce que parfois on est saisi,
21:04 c'est que les états généraux ne se saisiront pas de ce que doivent dire ou faire les rédactions,
21:10 ne se saisiront pas du vocabulaire que doit employer l'AFP,
21:15 ne se saisiront pas des blagues, qu'on les apprécie ou pas,
21:20 qui sont faites sur telle ou telle antenne.
21:22 Et on est dans un moment où tout le monde veut censurer tout le monde.
21:26 On ne sera pas là pour restreindre la liberté.
21:29 On sera là pour travailler à ce sur quoi, pour le coup,
21:34 la loi de 1881 ne dit rien,
21:38 qui est la loi de 1881, elle ne dit pas grand-chose de ce qu'on peut imposer aux plateformes numériques,
21:44 qui aujourd'hui, quand même, tiennent largement les médias, comme l'accord tient le pendu.
21:50 Chacun peut-être craint dans la salle qu'un jour,
21:53 ici se passe ce qui s'est passé dans d'autres pays,
21:55 en Australie, en Espagne, plus récemment au Canada,
21:57 c'est-à-dire que les médias disparaissent tout simplement des grandes plateformes numériques.
22:02 Aujourd'hui, il n'y a strictement aucune garantie contre ça.
22:05 La loi de 1881 ne protège pas les médias de ça.
22:08 Elle ne permet pas de traiter les questions des campagnes de désinformation.
22:12 Elle ne permet pas de traiter des régimes de responsabilité des comptes de réseaux sociaux.
22:16 Elle ne permet pas de traiter de l'allocation des fonds publicitaires
22:20 et du fait que des plateformes américaines, une poignée d'entre elles,
22:23 captent une grande partie de la publicité et l'essentiel de la croissance du marché publicitaire.
22:30 Bref, si la commande avait été restreinte aux médias,
22:38 refaisant ce qui avait été fait sous Sarkozy, à savoir les états généraux de la presse,
22:43 on se serait cantonné à travailler sur un univers de concurrence
22:47 qui n'est plus la réalité d'aujourd'hui.
22:50 La réalité d'aujourd'hui, c'est que les médias d'information qui produisent du journalisme
22:55 sont en concurrence directe avec des propagandistes,
22:59 avec des agences de communication,
23:02 avec des contenus produits par l'industrie de la désinformation,
23:05 avec des rumeurs, avec de l'opinion de chacun, etc.
23:09 Et que cet univers de concurrence est totalement bouleversé.
23:12 Et que c'est une problématique de nature,
23:16 enfin c'est même un problème, de nature démocratique et de nature économique.
23:21 Et d'ailleurs on s'est engagé dans les états généraux à bien mettre en relation
23:24 les principes démocratiques et les réalités économiques.
23:27 Parce que ça ne sert à rien d'avoir des grands principes
23:30 si on ne leur donne pas une réalisation concrète.
23:32 Et l'enjeu c'est d'arriver à trouver les réalisations concrètes
23:35 pour vraiment protéger le droit à l'information.
23:38 Et ça c'est pour la réponse sur la pertinence, je dirais,
23:43 d'avoir à travailler sur un périmètre qui est plus large que celui des médias.
23:46 Pour le reste on reviendra peut-être sur Dieu et le public,
23:49 sur le sujet de ce jour, mais je ne veux pas répondre à toutes les questions.
23:52 Sur ce périmètre de l'ambition, est-ce que ça vous semble logitime
23:55 ou est-ce que ça risque de se finir comme réguler les médias historiques ?
23:58 Non, parce qu'effectivement il y a...
24:02 Moi ce que j'en attends en tout cas de ces états généraux,
24:05 c'est d'une part cette mobilisation citoyenne
24:08 et ce débat citoyen autour de ce bien commun qu'est l'information
24:12 pour le partager avec toutes les générations, y compris les jeunes.
24:17 J'ai fait des propositions avec Christophe Deloire sur le pass culture aussi,
24:20 qui peut être impliqué, d'en faire un moment le plus participatif possible.
24:24 Ce que j'en attends c'est éventuellement des évolutions législatives après,
24:30 des propositions dont on pourrait se saisir,
24:34 et je sais qu'il y a aussi un groupe de députés, un certain nombre d'entre eux sont là avec nous,
24:38 qui veulent travailler aussi et faire des propositions d'ordre d'évolution législative,
24:44 parce que quand même cette loi de 1986 a besoin d'être actualisée.
24:48 La loi Bloche de 2016, elle pourrait être renforcée sur des points très précis,
24:54 on pourra y revenir.
24:56 Donc là on peut travailler concrètement, et ça ne concernera pas que les médias historiques,
25:00 puisque justement l'idée c'est d'adapter à l'ère du numérique ces lois.
25:04 On peut aussi en attendre des évolutions qui pour nous, ministère de la Culture,
25:10 qui sommes aussi ministère des Aides à la Presse,
25:12 nous aideraient à voir comment réformer nos aides à la presse, si on doit les réformer,
25:16 est-ce qu'on doit les conditionner, est-ce qu'on doit les plafonner,
25:20 est-ce qu'on doit amener d'autres paramètres dans la manière dont ce château de cartes des Aides à la Presse,
25:28 depuis 200 ans, s'est construit.
25:30 Ça peut amener aussi, je l'espère, une prise de conscience sur l'enjeu de l'éducation aux médias et à l'information.
25:38 C'est absolument capital, si on veut penser à l'avenir d'une démocratie,
25:42 puisque c'est vraiment le titre de cette table ronde,
25:45 à toutes ces générations qui s'informent sur TikTok,
25:49 où on sait qu'il y a 20% de vidéos qui ont des contenus de fausses informations,
25:53 ou qui s'informent uniquement sur d'autres réseaux sociaux.
25:56 Comment éduquer à l'utilisation de ces réseaux ?
26:01 Là aussi, on doit un peu aller plus loin par rapport à autres dispositifs tels qu'ils existent aujourd'hui,
26:06 d'éducation aux médias et à l'information.
26:07 D'ailleurs, la députée Violette Spilbout a fait un rapport là-dessus,
26:10 on est plusieurs à travailler là-dessus.
26:12 Donc voilà, c'est un certain nombre de sujets.
26:15 Je pourrais parler aussi des ingérences étrangères, Christophe l'a dit.
26:18 On a de plus en plus une guerre de l'information avec des manipulations qui viennent de l'étranger.
26:23 C'est moins mon champ en tant que ministre de la Culture,
26:26 mais le ministère de la Défense, des Affaires étrangères sont extrêmement préoccupés
26:30 par ces phénomènes qui perturbent pas seulement notre démocratie, mais d'autres pays.
26:36 Voilà, donc tous ces sujets, pour moi, sont des sujets extrêmement importants à traiter dans ces États généraux,
26:42 dont on attend des propositions en mai, en juin, dès que vous pourrez,
26:47 pour ensuite faire des propositions d'évolution législative, réglementaire,
26:52 de réformes qui ne passent ni par la loi ni par les règlements.
26:56 Mais voilà, pour moi, c'est ça les enjeux principaux.
26:59 Actualiser la loi de 86, la loi Bloch, porter une ambition nouvelle sur l'éducation médiale, l'information,
27:06 partager une stratégie avec nos collègues européens sur la lutte contre les ingérences étrangères.
27:12 Il y a tous les sujets d'intelligence artificielle dont on n'a pas encore parlé,
27:15 mais évidemment qui viennent percuter tout ce qu'on a construit aussi avec la directive droits voisins,
27:20 c'était mobiliser la France et on a mobilisé l'Europe avec cette directive droits voisins
27:25 qui a permis quand même face aux plateformes de faire plier Google
27:29 et de rémunérer l'utilisation des contenus par les plateformes.
27:33 Mais avec l'intelligence artificielle, qu'est-ce qui va se passer de tout ce qu'on a construit là ?
27:37 Donc on a tous ces enjeux à un niveau européen aussi à porter.
27:41 Et l'année prochaine, avec l'année des élections européennes, sera décisive,
27:44 avec l'IA Act qui est en train d'être discuté en ce moment aussi,
27:47 avec le European Media Freedom Act également.
27:50 Donc il y a l'échelon aussi des discussions européennes qui est en parallèle de ces états généraux
27:55 et qui va se poursuivre au-delà des états généraux.
27:58 Claire, est-ce que cette ambition générale, est-ce que ça vous rassure, ça vous inquiète ou ça vous fait réagir tout ça ?
28:03 En fait, il y a un certain nombre d'idées reçues qu'on entend ici ou là que je voudrais questionner
28:08 sur ce sujet de l'information.
28:10 Par exemple, idée reçue numéro un, on entend qu'il faudrait réserver les aides publiques
28:15 à ceux qui donnent un droit d'agrément aux rédactions.
28:20 Il y a ce sujet des aides publiques et du droit d'agrément.
28:23 Le droit d'agrément, ça veut dire quoi ?
28:25 C'est-à-dire que la rédaction donnerait son agrément sur le choix du directeur de rédaction.
28:30 Donc sur les aides publiques, je voudrais juste rappeler que dans la loi de 1986,
28:35 il est prévu que la violation de l'article 2 bis de la loi de 1881 sur la liberté de la presse
28:42 entraîne la suspension de toute ou partie des aides à la presse dont elle bénéficie.
28:45 Donc c'est déjà prévu. Il y a déjà un dispositif.
28:48 Et sur l'exercice du droit d'agrément, donc cette idée que la rédaction pourrait choisir son directeur de rédaction,
28:57 je voudrais rappeler le principe de la clause de conscience qui a été introduite dans le Code du Travail en 1935
29:05 à l'initiative d'un monsieur qui s'appelait Georges Bourdon,
29:08 qui était le fondateur du SNJ, Syndicat National des Journalistes.
29:13 Et voilà ce qu'il dit à l'époque. Il dit "Je souhaite que le journaliste n'ait pas à choisir entre sa conscience et ses intérêts".
29:19 Parce que là c'est clair. Il dit "Mais indépendance ne veut pas dire commandement.
29:24 Un propriétaire, un directeur de journal sont maîtres chez eux.
29:28 Ils n'ont à répondre que devant leur lecteur des doctrines qu'ils préconisent.
29:32 Libre à ceux qui possèdent un journal de le vendre, de passer d'une doctrine à l'autre,
29:36 de changer les bases morales sur lesquelles reposent leurs actions.
29:39 Mais qu'il convienne alors qu'il y a de leur part modification des conventions
29:43 et que si les collaborateurs ne croient pas devoir y donner leur adhésion,
29:47 la rupture du contrat s'en suit nécessairement".
29:49 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a un équilibre entre le propriétaire du journal qui est maître chez lui,
29:55 et donc qui peut décider de changer de ligne éditoriale, de nommer qui il veut à la tête du journal,
29:59 et le journaliste qui lui est titulaire de cette clause de session ou clause de conscience
30:05 et qui peut l'actionner si la ligne éditoriale ne lui convient pas.
30:08 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que si demain on donne ce droit d'agrément,
30:11 en cas de changement de contrôle, il n'y aura plus de clause de session,
30:14 puisqu'en donnant votre droit d'agrément au nouveau directeur de rédaction,
30:18 finalement vous approuvez une ligne éditoriale. C'est un équilibre qui fonctionne.
30:22 C'est soit l'un, soit l'autre. Ce n'est pas fromage et dessert.
30:25 Oui, c'est ça. Et ce que je voudrais dire aussi, c'est que quand on parle d'indépendance du journaliste,
30:30 je pense que là aussi il y a un problème, parce que le journaliste, il est salarié ou pigiste.
30:34 Donc il a un lien de subordination avec son employeur. Donc il y a une contradiction.
30:38 C'est-à-dire que le journaliste... Alors ce qu'il faut garantir, c'est l'indépendance de l'information.
30:44 Ce n'est pas l'indépendance du journaliste. Ce n'est pas pareil.
30:47 L'indépendance de l'information, en fait, qui est destinataire de cette indépendance de l'information ?
30:53 C'est le citoyen. C'est ce que dit la Déclaration de droit des droits de l'homme et du citoyen.
30:58 C'est le citoyen qui est dépositaire de cette information qui doit être éclairée.
31:02 Le journaliste, il n'en est que l'instrument. Il n'est pas le dépositaire de cette liberté d'expression et d'informer.
31:08 Il en est l'instrument. Et donc il ne faut pas tout confondre.
31:11 C'est comme quand on dit que l'information est un bien public. Un bien public, il y a une définition précise.
31:16 Ou même un bien commun. Un bien commun, c'est par exemple l'éclairage public.
31:22 C'est un bien commun, parce qu'un lampadaire... Quand moi je suis sous un lampadaire,
31:25 je n'empêche personne d'autre d'être sous le lampadaire et de bénéficier aussi de son éclairage.
31:29 En revanche, la presse, selon la définition du bien commun, je ne pense pas que ce soit un bien commun,
31:34 puisque ça nécessite des investissements privés. Et puis ça génère des droits d'auteur, des droits voisins.
31:40 C'est soumis au régime des propriétés intellectuelles. Donc c'est bien que c'est un droit individuel et pas un droit collectif.
31:46 Donc je pense qu'il faut faire attention, parce qu'on mélange beaucoup de choses.
31:49 Et comme je disais au début, les textes sont très précis et permettent beaucoup de choses.
31:53 Et donc voilà, je voulais juste qu'on fasse attention à l'ambition.
31:57 Dans l'ambition que vous décrivez tout à l'heure, Madame la Ministre, vous aviez quand même dit tout à l'heure
32:00 qu'il faut que les journalistes soient indépendants de leurs actionnaires. Pour vous, c'est important ?
32:05 Alors, quand je parle de l'indépendance, je parle de l'indépendance de l'information.
32:10 L'information qui produit... Je ramenais ça à cet enjeu d'une défiance de plus en plus grande de nos citoyens.
32:18 S'ils ont l'impression que cette information répond à des intérêts économiques ou des intérêts politiques ou idéologiques,
32:29 c'est pas la même chose qu'une information qui serait indépendante.
32:36 C'est une question à la fois de fiabilité et de... Alors le mot "neutralité" est très compliqué,
32:43 parce que tout journaliste est forcément un peu subjectif.
32:46 Mais comme disait Pierre, on n'attend pas...
32:48 Et qui a une ligne éditoriale dans un média, mais à ce moment-là, où est la différence entre une opinion, une information ?
32:56 Parce que c'est toute la complexité que vous allez avoir aussi à débattre dans ces états généraux.
33:02 C'est qu'à un moment donné, quand on parle de transmettre une information sur quelque chose qui se passe dans l'actualité,
33:08 eh bien on va avoir un panel de différentes manières de présenter cette information.
33:13 Comment le citoyen s'y retrouve du point de vue du citoyen, quels sont pour lui...
33:18 Et pour moi aussi, c'est des questions de déontologie, mais encore une fois, c'est pas au gouvernement de fixer cette déontologie.
33:25 Je veux être très très claire là-dessus.
33:27 Chaque média écrit sa propre charte de déontologie.
33:31 Je le lisais encore récemment, parce que c'est une que j'ai souvent sur mon bureau, la charte de Sud-Ouest.
33:38 C'est extrêmement clair, les valeurs, les méthodes de travail, la déontologie...
33:43 Voilà, chacun a sa charte de déontologie.
33:45 Un citoyen peut aller sur le site internet de Sud-Ouest, lire sa charte de déontologie,
33:50 et savoir comment, c'est quoi la philosophie, l'ADN de ce journal.
33:55 Et pour moi, c'est pas un hasard si dans les sondages, Sud-Ouest, je reprends cet exemple,
34:03 pour un peu être neutre par rapport à ceux qui sont là, a des très bons taux de confiance de ses lecteurs.
34:09 Parce que je pense qu'il y a une adhésion aussi à des valeurs, à une manière de travailler,
34:15 à des principes philosophiques, et que, voilà, sans vouloir mettre de la morale, c'est pas le sujet.
34:20 C'est quand même un sujet aussi de lignes, de méthodes, et de travail, et de valeurs.
34:28 Vous êtes à d'accord avec ça, Pierre ?
34:30 Christophe, et ensuite Pierre. Christophe.
34:32 Alors, pour commencer par les questions terminologiques.
34:35 Un, effectivement, l'information en tant que telle n'est pas un bien commun.
34:40 Ce qui est un bien commun, c'est l'espace informationnel, c'est l'espace sur lequel on discute.
34:43 Et on a développé ça à Reporters Sans Frontières en initiant un partenariat qui réunit maintenant 52 États,
34:49 le Partenariat pour l'Information et la Démocratie, et on est allé assez loin dans ces définitions.
34:53 Après, je dois reconnaître que là, récemment, pour le mettre sur une affiche, ça marche pas,
34:57 donc à la fin on met "l'information est un bien commun", parce que sinon personne ne comprend,
35:01 mais sur le fond, on est d'accord sur cet aspect-là.
35:04 Sur l'indépendance, je rejoins Claire et Madame la Ministre,
35:12 c'est l'indépendance éditoriale dont on parle, l'indépendance de l'information.
35:16 Est-ce qu'on veut d'un pluralisme qui serait un pluralisme uniquement des propriétaires ?
35:22 Et moi, travaillant à Reporters Sans Frontières, je connais un certain nombre d'États, de pays,
35:28 dans lesquels on a un pluralisme, je ne parle pas de la France, d'oligarques.
35:33 Il y a des patrons de groupes, qui chacun, généralement, sont liés à des partis politiques,
35:39 et on a un pluralisme entre des médias qui sont vraiment assujettis à la logique du propriétaire,
35:45 et pas à une diversité de l'énime éditorial, mais entrant quand même dans une forme de subjectivité des intéressés,
35:51 pour reprendre l'expression d'Hubert Boeufmeri.
35:54 Et de ce pluralisme-là, je crois qu'il n'est franchement pas un modèle démocratique.
36:02 Si on dit que la presse joue un rôle démocratique, le journalisme en général,
36:08 je dis la presse métaphoriquement pour dire le journalisme,
36:11 alors ça suppose un certain nombre d'obligations, pour tous, pour les journalistes,
36:17 comme pour les autres parties prenantes dans les entités de médias.
36:20 Si on part précisément du citoyen, et je trouve que c'est très bien de partir du citoyen,
36:25 c'est sur lui, effectivement, que devrait reposer le droit principal,
36:30 c'est le sens des initiatives qui ont été développées, dont je parlais tout à l'heure,
36:34 alors ça suppose, au-delà de responsabilités liées à la liberté d'expression,
36:39 et qui existent dans le droit, y compris dans le droit international,
36:42 il y a des responsabilités particulières attachées au journalisme.
36:47 La Charte de Munich fixe 10 devoirs pour 5 droits.
36:52 C'est le texte de référence en Europe au moins pour le journalisme, pour l'éthique du journalisme.
36:58 Et il n'y en aurait aucun de devoirs pour les propriétaires,
37:04 qui eux, au nom de leurs droits de propriété, pourraient faire absolument ce qu'ils veulent ?
37:11 Je ne crois pas.
37:13 Ensuite, la question ne doit pas être posée en blanc ou noir, ou en vision, j'allais dire, extrémiste,
37:20 qui serait d'un côté une logique censitaire sur l'information,
37:23 et de l'autre une logique d'indépendance des journalistes,
37:26 qui ferait absolument ce qu'ils veulent, en dehors de toute structure.
37:30 Mais dès lors qu'on arrive à se mettre d'accord sur le fait que, en tant que citoyen,
37:35 on ne veut pas recevoir des informations, sans qu'on le sache,
37:40 des contenus qui sont produits pour nous vendre des intérêts, des choses,
37:44 et qu'on a besoin d'éléments de fiabilité, la question c'est comment on fait ?
37:49 Et là, il y a pas mal de propositions sur la table.
37:51 Alors celle qui fait le plus parler, qui est sans doute la plus clivante,
37:54 c'est celle du droit de veto sur le directeur d'art d'action.
37:59 Mais il y a des propositions sur le droit d'agrément sur les actionnaires,
38:05 il y a des propositions sur le renforcement de la loi Bloch,
38:08 qui est là pas dans une logique d'équilibre de pouvoir ou de contre-pouvoir,
38:11 mais dans une logique de mise en œuvre de principes.
38:14 Il y a des propositions de nature pénale,
38:17 la création d'un délit de trafic d'influence dans le champ de l'information,
38:19 il y a des propositions qui ont notamment été évoquées par la commission sénatoriale
38:23 liées à la présence d'administrateurs indépendants
38:29 sur la question de l'indépendance dans les conseils d'administration.
38:34 Bref, il y a pas mal de propositions.
38:36 Et moi je pense que le débat est l'un des atouts des États généraux,
38:39 en tout cas c'est le lieu pour le faire,
38:41 c'est d'essayer d'aller trouver du consensus sur un certain nombre de principes,
38:45 enfin un consensus qui par nature sera toujours limité, mais plus large possible,
38:48 et essayer de voir comment on peut mettre en œuvre, sans effet pervers,
38:51 avec le souci d'équilibre, mais d'une volonté quand même forte et déterminée,
38:57 s'agissant du droit à l'information qui suppose l'indépendance sénatoriale.
39:00 Alors, si j'ai un instant, le pluralisme.
39:03 Aujourd'hui il y a deux questions sur le pluralisme.
39:05 Effectivement, sans doute, les médias français sont moins concentrés qu'au fil de l'histoire.
39:12 En France, il y a une concentration horizontale, c'est-à-dire de taille de groupe,
39:15 qui est plutôt plus faible que dans d'autres pays européens,
39:19 mieux classé au classement mondial de la liberté de la presse.
39:22 Il n'y a pas de grand groupe de médias, façon les grands groupes allemands en France.
39:27 Il n'y a pas de Bertelsmann.
39:29 Il a revendiqué, mais pas le groupe lui-même.
39:37 Il y a une présence de Bertelsmann en France, mais il n'y a pas d'équivalent de Bertelsmann en France.
39:42 En revanche, il y a quelque chose d'assez spécifique sur ce qu'on appelle les concentrations verticales,
39:47 avec des groupes industriels ou des personnes,
39:50 et qui est quand même un sujet de forte préoccupation pour les Français, si on en juge les sondages.
39:56 Et on ne peut pas dire que ça n'a aucun effet sur l'ensemble des lignes éditoriales et aucun effet sur l'information.
40:02 La question c'est comment on se règle, comment on règle ça,
40:04 et il ne suffit pas de claquer dans ses doigts et de dire que plus ou moins de groupes industriels
40:08 ne devraient posséder de médias à partir de demain matin, ça n'aurait pas grand sens.
40:12 Mais donc, comment on traite cette question, comment on traite effectivement,
40:15 c'est quoi aujourd'hui, le pluralisme en termes démocratiques et de régulation démocratique,
40:20 en termes économiques, de régulation économique,
40:23 et puis enfin, il y a un enjeu qui est celui des algorithmes.
40:27 Et l'idée des bulles de filtre, qui est beaucoup propagée, est assez peu établie scientifiquement.
40:33 En fait, on est quand même tous plutôt exposés à une plus grande diversité qu'avant de contenu,
40:38 quand on lisait un seul jour.
40:40 Mais il y a un enjeu de pluralisme interne, bon, je n'y reviens pas,
40:44 et puis il y a un enjeu de, est-ce qu'on a un système qui favorise la polarisation ?
40:48 Et au fond, une scientifique turque qui est maintenant aux Etats-Unis, Zineb Tufekci, a une bonne image.
40:54 Elle dit, au fond, aujourd'hui, la situation dans laquelle on se trouve, c'est celle du terrain de football.
40:59 On est dans une tribune, avec les hooligans de notre camp à hurler contre la tribune d'en face.
41:06 Certes, on les entend, mais on hurle avec notre camp.
41:10 Et comment on fait en sorte que l'écosystème algorithmique ne favorise pas d'abord cette disposition-là ?
41:15 Pierre, sur les différents points qui ont été avancés ?
41:19 Donc on voit déjà l'intérêt d'avoir ces débats.
41:23 D'abord, on a des exposés très brillants des uns et des autres sur différents sujets.
41:28 Et je pense qu'on a déjà, ici, à Medias En Seine, et on aura dans le cadre des clarifications,
41:33 ce que Claire a rappelé, je trouve extrêmement éclairant, et c'est très juste de le rappeler,
41:38 ceux-là même qui, à tel ou tel moment, prônent tel ou tel dispositif,
41:42 ont créé, ont souhaité des clauses de session, des clauses de conscience qui existent.
41:47 Autre clarification que je voudrais faire, et je ne vais pas vous laisser avec l'impression
41:52 que Christophe a un peu laissé planer comme ça,
41:55 le pluralisme de l'higarque n'est pas une tradition française.
41:58 C'est vrai, ça n'est pas une tradition française.
42:00 Il y a des pays très illibéraux, très méchants, certainement, dans lesquels ça peut se passer,
42:04 mais ce n'est pas une tradition française.
42:06 Et les gens qui investissent dans les médias dans ce pays
42:10 le font avec effectivement souvent une ligne qui est affichée.
42:13 Quand on pense aux échos, par exemple ici on est dans les échos Le Parisien,
42:16 il y a un accord d'indépendance dans lequel il est marqué, c'est un journal de tradition libérale.
42:20 C'est marqué dans l'accord d'indépendance, donc on sait où on est.
42:23 Et d'ailleurs quand on rejoint les échos comme journaliste, à priori,
42:26 on doit assumer et participer à cette envie-là d'illustrer une vision libérale.
42:31 Une vision libérale de l'économie, c'est aussi une vision dans laquelle on met en valeur
42:34 le rôle des entreprises dans la création de richesses dans l'économie.
42:37 Vous avez écouté pas mal d'autres antennes, et par exemple les antennes publiques pour ne pas les citer.
42:41 On va avoir une vision du travail comme c'est le tripalium,
42:45 c'est vraiment un instrument de torture, on va sortir et sauver.
42:48 Il faudrait peut-être mieux ne pas y entrer, ça serait vraiment encore mieux,
42:51 comme ça on serait certain de ne pas souffrir.
42:53 Et jamais ou quasiment jamais on ne vous parle d'une entreprise
42:56 qui a réussi à faire quelque chose de bien comme créer des dizaines de milliers d'emplois.
43:00 C'est peut-être tellement évident que ce n'est pas mentionné,
43:02 mais ça serait mieux en le disant, puisque après tout ces antennes ont beaucoup de succès,
43:05 c'est une vérité du fait de leur qualité, et aussi peut-être un peu, j'allais dire,
43:08 accompagnées par les moyens et les dispositifs dont elles peuvent bénéficier.
43:12 Donc ça c'est une autre clarification, ce n'est pas une tradition française.
43:15 Par contre la tradition, elle remonte même à l'avant-guerre,
43:18 c'est qu'il y a des industriels et il y a des gens qui souhaitent investir et soutenir des journaux.
43:23 Le meilleur raisonnement là-dessus, c'est un raisonnement de droit de la concurrence,
43:26 qu'on appelle contre-factuel. Certains le connaissent certainement,
43:30 mais si on regardait l'état des médias dans ce pays sans que des industriels aient investi,
43:34 il n'y aurait plus rien. Alors il y aurait peut-être, et ce n'est pas certain encore,
43:37 Sud-Ouest, dont j'ai remarqué que c'était votre favori, et vraiment je vais les saluer ce soir,
43:42 parce que je pense qu'on ne passe pas assez de temps à regarder la charte Sud-Ouest et à les saluer,
43:46 ce sont des gens formidables. Mais je la connais, j'ai dans mon dossier exactement là,
43:51 avec toutes les chartes d'indépendance des uns et des autres, et moi-même dans ce groupe,
43:55 j'ai plusieurs chartes, plusieurs centres d'organisation, donc on est pas mal placés pour comparer.
43:59 Mais encore une fois, il y a ce raisonnement, si ces industriels n'avaient pas investi,
44:03 il n'y aurait plus de presse écrite nationale quasiment. Même Libération a été soutenue
44:09 par Rothschild un moment, par Andrei un moment, on peut s'interroger sur la raison pour laquelle
44:14 ils le font, un singulier goût du masochisme, peut-être une envie de souffrir,
44:18 ça peut aussi illustrer un projet personnel, je ne sais pas, en tout cas ils l'ont fait,
44:22 et peut-être même, peut-être même de façon plus sérieuse, un souci de contribuer au financement
44:27 d'organes, d'expressions diverses qui concourent aux formations des opinions dans le pays,
44:31 qui concourent à cette fameuse démocratie qu'on est là pour défendre.
44:34 Peut-être même peut-on prêter à ces gens sans âme et sans cœur, cette envie de dépenser
44:40 de l'argent pour contribuer à tout cela. De la même façon que l'État le fait en contribuant
44:45 lourdement avec l'argent décontribuable à financer des antennes qui ont plein de missions,
44:49 certains estiment qu'ils doivent le faire. Donc ça c'est un point important, on n'a pas de tradition
44:53 d'oligarque. Enfin sur le droit de véto, vous l'avez mentionné, c'est vraiment pas,
44:58 et Christophe l'a dit, moi je ne vais pas me concentrer aujourd'hui, j'ai écrit un bouquin entier
45:01 sur les GAFA, les BU, les compagnies, je ne vais pas le faire maintenant et vous refaire tout ça,
45:05 mais sur ce dispositif particulier là, on est ici dans un groupe dans lequel certains endroits
45:10 en ont, d'autres qui n'en ont pas. Donc on peut comparer. Je pense que ça n'est pas l'alpha et l'oméga,
45:15 et je pense en tout cas que si ce sujet est débattu, il doit être en même temps,
45:19 et Claire l'a mentionné, que d'autres, la cause de conscience, la cause de session,
45:22 et aussi en même temps qu'un rappel tout simple de ce qu'est le droit de propriété
45:27 et les droits et devoirs de chacun. Moi souvent je suis face à tel ou tel groupe de salariés
45:31 qui disent "c'est notre journal, c'est magnifique, c'est une propriété symbolique".
45:35 Les SDJ, en 1985, ont été créés notamment pour permettre d'entrer au capital des journaux.
45:39 C'est pas interdit de lever des fonds, de tendre la sébie et puis de financer des journaux.
45:43 Et on se constate que c'est assez rare. Il y a quelques scopes qui existent dans le pays,
45:47 mais sinon ça n'est pas l'esprit entrepreneur qui gouverne la plupart des rédactions,
45:51 par exemple, et qui se dirait "on va lever de l'argent, racheter nos journaux".
45:55 Mais elles ne le font pas. Et donc il y a d'autres qui le font.
45:58 Il y a un propriétaire, un directeur de la publication, une ligne éditoriale qui est fixée,
46:02 et ensuite une façon de vivre avec cette ligne. Et encore une fois,
46:05 si on n'est pas tout à fait d'accord avec cette ligne-là, cette vision du monde, cette projection,
46:09 on a tout loisir de partir avec beaucoup d'argent d'ailleurs, et d'aller exercer ses talents dans d'autres endroits.
46:13 Dans le domaine, pour finir, de l'audit et du public, encore une fois pour y revenir,
46:17 moi je souhaite, et c'est pas un goût de la Schadenfreude,
46:21 que si ces mécanismes d'élection soient mis en oeuvre, qu'ils le soient partout, après tout,
46:25 on comprendrait mal que l'État, inspiré par les meilleurs sentiments pour autrui,
46:29 ne s'appliquât pas à lui-même ces dispositifs de droit de veto aux rédactions.
46:33 Mais ça paraîtrait assez normal, parce qu'après tout, on a des très grandes rédactions,
46:37 financées largement comme on l'a dit, et donc après tout, appliquons-le.
46:41 Je pense que l'État ne le souhaitera pas. Je pense que ces entreprises-là ne le souhaitent pas non plus.
46:45 On ne sait pas trop pourquoi, mais en tout cas, elles ne le souhaitent pas,
46:47 à chaque fois qu'on leur pose la question, elles ne sont pas pleines d'enthousiasme.
46:50 Je n'ai pas vraiment d'opinion à formuler là-dessus, parce que je vis avec les deux systèmes.
46:54 Je constate qu'on peut vivre avec les deux systèmes.
46:56 Il y a des "OK", il y a des moments plus ou moins agréables à lui,
46:59 il y a des moments où s'exprime aux échos une rédaction qui ne s'était pas exprimée depuis dix ans,
47:03 sur aucun sujet, qui n'avait pas voté sur rien.
47:05 Donc on est devant une situation, on la gère, on va la franchir, on va passer à la suite.
47:10 Rien de tout ça n'est insurmontable.
47:12 Par contre, le moment doit être utilisé, et c'est bien ce qu'on fait là, pour clarifier.
47:16 Je pense aussi, parce qu'on parlait des sondages,
47:18 je ne voulais pas avoir tout de suite, mais je vais l'avoir je pense,
47:21 une forme d'inélégance à le mentionner,
47:23 mais moi parfois pour consoler les journalistes auxquels je m'adresse,
47:26 qui disent "mais dans les sondages on est très très mal classés",
47:28 il y a une seule catégorie socioprofessionnelle qui est plus mal classée que les journalistes dans les sondages,
47:32 Céline vous le savez je crois malheureusement,
47:34 ce sont les femmes et les hommes politiques.
47:36 Ils sont encore plus bas que les journalistes, voilà.
47:38 Donc on ne va pas en parler ce soir, mais je pense que là,
47:40 on se rejoint dans une volonté collective de remonter un peu le niveau.
47:42 Il faudrait que tous, on remonte, on tape au fond de la piscine,
47:45 et puis ensemble, dans un élan comme ça, convivial,
47:47 on va réussir à faire en sorte que ce soit mieux respecté et pris au sérieux,
47:51 les femmes et les hommes politiques,
47:53 et les journalistes dont le rôle est capitale dans la formation des opinions.
47:56 On voit bien que les débats vont être riches, variés et passionnants,
47:59 parce qu'il y a des vrais sujets.
48:02 Est-ce que Claire veut dire un dernier mot,
48:04 et ensuite je donnerai la parole à la ministre pour conclure.
48:06 Oui, il y a deux sujets qui sont importants pour moi,
48:08 qu'on n'a pas abordés, toujours dans ces idées reçues qui circulent.
48:11 Il y a le rôle du directeur de publication.
48:14 C'est un peu technique, mais aujourd'hui,
48:16 il y a le journaliste qui fait son enquête,
48:18 qui est sur le terrain, qui a ses sources,
48:20 et le directeur de publication qui est quelqu'un d'autre,
48:23 qui a une responsabilité pénale.
48:25 Donc ça veut dire concrètement que quand il y a un problème,
48:29 diffamation, attente à la vie privée, un problème avec la justice,
48:33 c'est le directeur de publication qui est en première ligne.
48:35 J'ai entendu ici ou là que le directeur de publication,
48:38 finalement, c'était une sorte de bras armé de l'actionnaire
48:42 pour contrôler ce que faisait la rédaction.
48:44 Et je pense que c'est tout l'inverse, en fait.
48:46 Je pense que le directeur de publication,
48:47 il protège le travail du journaliste.
48:49 Et moi, en tant que directeur de publication,
48:51 j'ai été très souvent devant le juge, devant la police,
48:54 qui me demandait mes sources, et ça tombe bien,
48:56 je ne les avais pas, puisque je n'étais pas journaliste,
48:58 je ne les avais pas enquêtées.
48:59 Donc c'est beaucoup plus facile de protéger le travail du journaliste
49:02 et de le laisser travailler sereinement
49:04 si on n'est pas soi-même impliqué dans ce qu'il fait.
49:06 Donc ça, je pense qu'il faut faire attention à ce sujet.
49:09 Et puis le deuxième sujet que j'entends,
49:11 notamment dans le Media Freedom Act,
49:12 c'est cette idée d'un régulateur européen pour la presse.
49:16 Aujourd'hui, la presse, nous, on dépend du juge.
49:19 C'est Montesquieu, il y a la séparation des pouvoirs.
49:22 Le quatrième pouvoir, c'est la presse,
49:23 et elle est régulée par le juge judiciaire.
49:26 Et donc ça fonctionne très bien, c'est la loi de 1880.
49:29 Je pense qu'elle a fait ses preuves, je ne vais pas revenir là-dessus.
49:32 Et je pense qu'il faut éviter de nous mettre une super structure,
49:35 une sorte d'art com qui viendrait,
49:37 qui serait composée de je ne sais qui,
49:39 de personnalités dont on ne sait pas trop d'où elles viennent.
49:43 Voilà, parce que je pense qu'on dépend du juge,
49:45 ça fonctionne bien ainsi, on a des droits, des devoirs,
49:47 on les applique.
49:49 Et donc voilà.
49:51 Un sujet qu'on n'a pas évoqué,
49:52 mais je vais donner la parole à la ministre pour conclure.
49:54 C'est vrai que c'est quelle est la limite parfois
49:55 entre information et divertissement ?
49:57 Je trouve que la frontière est souvent de plus en plus floue.
50:00 On dit qu'on va réguler l'information, c'est bien,
50:02 mais il y a aussi parfois des gens qui disent
50:04 qu'ils ne sont pas en train de faire de l'information,
50:06 ils sont en train de faire du divertissement.
50:07 Donc eux, ils auraient le droit de faire ce qu'ils veulent,
50:09 n'importe quoi, et ne pas être régulés.
50:10 Ça poserait quand même aussi sans doute quelque part.
50:12 Alors moi, je ne dis pas que ça ne te plaise pas,
50:14 il faut réguler l'information.
50:16 Je n'ai pas dit ça, je dis que les États généraux sont là
50:18 pour nous permettre de débattre de toutes ces questions
50:20 qu'on vient d'aborder rapidement,
50:22 et de voir s'il y a des renforcements législatifs
50:25 à certains endroits.
50:27 Je ne pense pas que ce sera le grand soir législatif,
50:29 je pense que ce sera des modernisations de lois
50:32 qui n'ont pas pris en compte
50:34 toutes les évolutions numériques
50:36 qui nous percutent depuis un certain nombre d'années,
50:38 mais dans le sens de ce qu'elles sont.
50:40 Déjà, mon intuition, c'est plutôt ça.
50:44 Sur le European Media Freedom Act,
50:46 la France a très clairement donné sa position
50:48 que nous ne sommes pas favorables à une régulation
50:50 de la presse ou à la création
50:52 d'un super régulateur européen de la presse.
50:55 Je vais d'ailleurs vendredi à Bruxelles,
50:59 ça fera partie des points de ce Conseil européen,
51:02 où je redirai cette position pour la France.
51:04 Donc là-dessus, on est très clair.
51:06 Après, il y a d'autres pistes,
51:09 certaines qui seront discutées, je pense,
51:11 dans les États généraux,
51:13 par rapport, par exemple, à la loi Bloche de 2016.
51:17 Est-ce qu'on peut renforcer les comités d'éthique
51:20 tels qu'ils avaient été proposés à ce moment-là ?
51:24 Par exemple, d'envisager la présence systématique
51:28 d'au minimum un journaliste.
51:30 Comment ça s'articule avec le Conseil de déontologie
51:33 journalistique et de médiation,
51:35 qui est une instance d'auto-régulation des médias
51:37 qui existe depuis 2019, si je ne me trompe pas,
51:41 qui peut être saisie aussi par les citoyens.
51:47 En fait, d'essayer de préserver cet espace informationnel
51:51 au maximum de toutes les ingérences.
51:54 Il peut y avoir concentration
51:56 sans ingérence éditoriale, d'ailleurs.
51:58 Il peut y avoir une ingérence éditoriale
52:00 sans concentration.
52:02 Tout ça est évidemment complexe.
52:04 Mais je pense qu'il y a un certain nombre d'ajustements
52:07 et de renforcements sur lesquels les États généraux
52:10 peuvent nous apporter des éclairages,
52:12 voir s'il y a des consensus qui émergent ou pas
52:15 sur certains sujets.
52:16 Parce qu'avant d'aller au Parlement avec un projet de loi,
52:20 il faudra déjà voir s'il y a un minimum de consensus
52:23 qui émerge de ces États généraux ou pas du tout,
52:25 ou si ce sont des débats qui auront besoin d'être poursuivis,
52:28 si l'arsenal législatif tel qu'il existe suffit.
52:32 Toutes ces questions, on a besoin de ce temps
52:34 et de ce comité d'experts indépendants
52:37 et de tout leur groupe de travail
52:39 pour travailler ces questions.
52:41 Super. Merci beaucoup.
52:43 Ça veut dire qu'on pourra en reparler l'année prochaine,
52:45 puisque d'ici là, Christophe aura fait l'essentiel du boulot.
52:48 Tu veux pas parler de la consultation avec le CESE,
52:52 ou c'est trop tôt ?
52:54 Si tout le monde ici veut contribuer et donner son avis.
52:59 La consultation avec le Conseil économique, social et environnemental
53:02 est en train de se terminer,
53:04 mais vous aurez beaucoup de modes de participation.
53:07 On aura un premier événement à Auxerre,
53:09 une agora des États généraux de l'information
53:11 où tout le monde est invité à participer,
53:13 professionnels et citoyens, le 29 novembre.
53:16 On va tourner en France sous chapiteau
53:19 avec des assemblées citoyennes.
53:21 Il y aura d'autres consultations en cours.
53:24 C'est pas que les acteurs qui parlent entre eux ?
53:26 Non, ce n'est pas que les acteurs précisément,
53:28 parce qu'on repart du citoyen.
53:30 Et c'est effectivement lui qui est le titulaire principal du droit à l'information.
53:34 Super. Donc Christophe, je te dis rendez-vous ici l'année prochaine,
53:37 Madame la Ministre aussi, j'espère.
53:39 Claire et Pierre aussi, bienvenue.
53:41 Je vous invite déjà pour la 7e édition de Média en Seine.
53:43 On pourra voir comment les États généraux ont progressé.
53:46 Merci à toutes et à tous.
53:47 Rendez-vous l'année prochaine.
53:50 [Musique]