« Les femmes doivent être jolies et fraiches comme si elles n’avaient ni enfants, ni travail. » Dans son film adapté de son roman “La Tresse”, Lætitia Colombani rend hommage aux femmes à travers trois destins croisés. Pour Lou, elle nous raconte ses trois héroïnes : Smita, Giulia et Sarah. En salles dès aujourd’hui.
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00:00 J'aimerais que les femmes se sentent valorisées,
00:02 qu'elles soient heureuses, qu'elles soient fières
00:04 de l'image que leur renvoie le film.
00:07 J'aimerais que les hommes qui les entourent
00:09 les regardent avec plus d'admiration.
00:12 Bonjour, Lou.
00:13 Je suis Laetitia Colombani.
00:15 Je suis l'auteur du roman "La Tresse"
00:17 et la réalisatrice du film qui sort aujourd'hui au cinéma.
00:19 -Tu es un peu comme ta mère,
00:22 mais tu es plus intelligente.
00:24 -Bonjour, maman.
00:26 -Papa est venu, il est déjà au laboratoire.
00:28 -Ciao.
00:29 -Hey, boule.
00:30 -Le jour où j'ai eu cette idée de roman,
00:41 c'est le jour où j'ai accompagné une de mes très proches amies
00:44 dans un magasin de perruques.
00:45 Elle venait d'apprendre qu'elle était malade
00:48 et elle devait suivre une chimiothérapie.
00:50 Et j'ai eu cette idée de trois destins de femmes
00:53 sur trois continents,
00:54 avec ce fil rouge des cheveux,
00:57 puisque pour moi, pour beaucoup, depuis l'Antiquité,
01:00 la chevelure est associée à une certaine forme de féminité.
01:03 Le livre et le film relatent l'histoire de Smita, en Inde,
01:07 qui est intouchable de cette non-caste,
01:10 celle des personnes qu'on ne doit pas toucher
01:12 parce qu'elles sont considérées comme impures,
01:14 qui vit dans un village
01:16 où elle vide les latrines des fermiers à main nue.
01:19 Il y a Giulia, en Italie, qui est une jeune femme de 20 ans
01:22 qui travaille dans l'atelier de traitement des cheveux de son père.
01:24 Et puis il y a Sarah, au Canada,
01:26 qui est une brillante avocate,
01:29 maman de trois enfants,
01:30 et en même temps, elle va se retrouver fauchée par la maladie
01:32 au moment même où on lui propose le poste de managing partner
01:36 à la tête de son cabinet.
01:38 Quand j'ai commencé à écrire le roman, je me suis demandé
01:40 ce qui allait pouvoir me rapprocher de chacune,
01:43 qu'est-ce qui peut me lier à une intouchable du nord de l'Inde
01:46 qui vide les latrines du village ?
01:48 Eh bien, c'est en abordant le personnage, par exemple, pour Smita,
01:51 sous l'angle de la maternité, en me disant "Elle aussi, elle est maman".
01:54 Et quand on touche à sa fille,
01:56 je peux me sentir proche d'elle.
01:58 Qu'est-ce que je ferais, moi, si on touchait à ma fille ?
02:00 Les femmes, en Inde, elles doivent se battre
02:13 pour leur intégrité physique.
02:15 Elles sont, dans la très, très grande majorité des cas,
02:18 victimes de la violence des hommes.
02:19 Je parle des violences conjugales, dues à l'alcoolisme,
02:22 qui est un fléau de santé publique en Inde.
02:25 Et puis, le Canada, c'est un pays intéressant
02:26 parce qu'il est à mi-chemin
02:28 entre la civilisation européenne et américaine.
02:30 Et il me semblait intéressant d'y placer ce personnage de Sarah
02:34 qui est, elle aussi, écartelée entre deux vies, je peux dire,
02:38 sa vie professionnelle, sa vie familiale.
02:40 Elle illustre un peu l'écart tellement permanent
02:42 que vivent un certain nombre de femmes dans nos sociétés.
02:44 J'ai cette phrase que j'ai lue un jour sur Internet
02:47 qui, pour notre société, résume parfaitement
02:50 la position de la femme en Occident.
02:52 Les femmes doivent travailler comme si elles n'avaient pas d'enfants,
02:55 doivent élever leurs enfants comme si elles ne travaillaient pas,
02:58 doivent être jolies et fraîches
03:00 comme si elles n'avaient ni enfants, ni travail.
03:02 Et j'admire les femmes qui m'entourent
03:05 et c'est elles qui me donnent envie d'écrire.
03:07 Et je crois que c'est pour ça que j'ai envie de raconter des histoires.
03:11 C'est pour les mettre en avant, quelque part, pour leur rendre hommage.
03:14 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]