• il y a 2 ans
Après avoir coécrit un livre avec les parents d’Alexia Daval, tuée par son mari le 28 octobre 2017, Thomas Chagnaud sort une série documentaire (Alexia, autopsie d’un féminicide) découpée en quatre parties dans lesquelles il donne largement la parole aux victimes. Thomas Chagnaud s’est confié sur son travail au micro de Yahoo.

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Transcription
00:00 Le documentaire s'appelle "Alexia, autopsie d'un féminicide".
00:03 Il est différent des autres parce qu'il prend le point de vue des victimes.
00:05 Derrière un meurtre, derrière un féminicide,
00:08 il y a une femme, il y a des parents, il y a une sœur, il y a un beau-frère,
00:12 il y a des cousins, il y a des oncles, il y a une famille qui est terrassée.
00:15 Ces trois ans de travail avec la famille d'Alexia,
00:20 avec Isabelle, Jean-Pierre, ses parents, mais aussi la famille au sens large,
00:24 d'abord parce que j'ai écrit un livre il y a deux ans
00:27 qui s'appelait "Alexia, notre fille", que j'avais écrit avec les deux parents,
00:30 exclusivement les parents, chez Robert Laffont.
00:32 Et là, c'est le prolongement de ça.
00:34 Ils ont accepté de parler parce qu'ils m'ont fait confiance,
00:36 parce qu'on se connaît depuis trois ans,
00:38 parce que ça fait trois ans que je vis avec eux qui font partie presque de ma famille.
00:42 Pourquoi les hommes tuent ?
00:43 C'est la question que pose ce documentaire, cette série documentaire.
00:47 Pourquoi un jeune homme d'une trentaine d'années
00:51 qui n'a pas la tête d'un tueur en série,
00:55 pourquoi ce jour-là, il a tué Alexia, sa femme ?
00:57 Pourquoi il l'a massacrée ?
01:00 C'est-à-dire qu'il ne l'a pas juste tuée, ce n'est pas un accident.
01:03 Il l'a volontairement tuée.
01:04 Il lui a donné 15 coups de poing, il l'a étranglée pendant quatre minutes,
01:08 il a traîné son corps, il l'a emmenée dans un bois,
01:11 il a mis son corps à feu, il est parti.
01:13 Et après, il a inventé une histoire pour essayer de sortir de sa responsabilité.
01:17 On est dans le schéma classique du féminicide.
01:20 Et on se dit pourquoi ce jour-là, c'est lui qui tue ?
01:24 Et ce n'est pas elle qui tue.
01:25 Pourquoi ce sont les hommes qui tuent ?
01:27 Pourquoi ce sont les hommes qui violent ?
01:29 Pourquoi ce sont les hommes qui abandonnent ?
01:31 C'est une question.
01:33 Ce qu'on sait de Jonathan Aval, c'est qu'on sait que c'est un garçon
01:36 qui est dans une famille qu'on appellerait aujourd'hui dysfonctionnelle.
01:40 Une famille avec un père qui décède assez tôt,
01:44 d'une mère qui se remarie, qui a sept enfants, je crois,
01:48 et qui est dans une situation économique incertaine, donc une fragilité.
01:54 Donc on est face à un enfant, un jeune homme qui manifestement
01:58 a manqué d'amour, a manqué de protection, a manqué d'assurance.
02:03 Et qu'est-ce qu'il va chercher quand il va dans la famille d'Alexien ?
02:07 On croit qu'il va chercher une femme.
02:09 On croit qu'il veut se marier.
02:10 On croit qu'il est tombé amoureux.
02:12 Mais est-ce qu'il est tombé amoureux de sa femme
02:14 ou est-ce qu'il est tombé amoureux de cette famille ?
02:16 Est-ce que c'est cette famille qu'il allait chercher plutôt que sa femme ?
02:19 Il allait certainement chercher une famille.
02:21 Il allait chercher certainement une protection.
02:24 Il allait chercher certainement l'amour qui lui avait manqué.
02:26 Ça n'explique pas, ça n'excuse surtout pas, évidemment.
02:29 Mais certainement qu'il y a ça dans la démarche.
02:32 Et la sœur d'Alexia, dans le documentaire, me le dit.
02:35 Et c'est l'un des fils rouges de cette série documentaire.
02:38 C'est cet homme, ce jeune homme qui ne voulait pas devenir un homme.
02:44 Ce jeune homme qui ne voulait pas devenir un père.
02:46 Ce jeune homme qui s'est marié pour rentrer dans une famille
02:50 plus que pour être marié et pour construire sa famille,
02:53 pour construire une famille.
02:54 Il était dans une famille, mais il ne voulait pas construire une famille.
02:57 Il était un enfant. Il ne voulait pas devenir père.
03:00 Et c'est quelque chose d'extrêmement incroyable.
03:03 C'est que
03:04 ils vont vivre dix ans ensemble.
03:07 Ils vont se marier.
03:08 À partir du moment où ils se marient, il disparaît.
03:11 Il n'est plus, à partir de ce moment-là, le mari d'Alexia.
03:14 Il ne s'occupe plus d'elle.
03:16 Il ne le joue.
03:17 Une anecdote qui est assez symptomatique, il y en a au moins deux.
03:22 Une fois qu'ils s'est mariés,
03:24 ils vont acheter une maison qui est la maison de la mère d'Alexia.
03:27 Il ne viendra pas signer l'acte de vente chez le notaire.
03:31 C'est pour ça un acte extraordinaire quand on vient de se marier,
03:35 de construire le démarrage de sa famille en achetant la maison
03:38 dans laquelle on va pouvoir protéger, loger sa famille.
03:41 Il ne viendra pas signer.
03:43 Quand sa femme souhaite un enfant, elle a des difficultés pour l'obtenir
03:47 et pour l'avoir.
03:48 Et donc, elle fait un parcours de PMA et c'est compliqué.
03:51 Un parcours de PMA, c'est contraignant.
03:53 Il faut aller chez le médecin tous les jours.
03:55 Et jamais Jonathan Daval n'accompagnera sa femme
03:58 dans cette démarche pour avoir cet enfant.
04:00 Il ne veut pas de cet enfant.
04:02 Il fuit cet enfant.
04:03 Et quand sa femme va tomber enceinte,
04:06 elle perdra cet enfant.
04:07 Alexia Daval enceinte, c'était manifestement pour lui une gêne.
04:12 C'était un problème.
04:14 Cet enfant à venir, c'était un concurrent.
04:17 C'était celui qui allait prendre sa place.
04:19 Il a tout fait pour que Alexia n'ait pas cet enfant.
04:22 Et quand elle l'a eu, elle a fait une fausse couche, dont on comprendra plus tard
04:26 que vraisemblablement, cette fausse couche, elle n'est pas accidentelle,
04:30 mais qu'elle est volontaire.
04:32 C'est à dire qu'elle a été provoquée par le comportement de Jonathan Daval,
04:36 qui a drogué vraisemblablement Alexia.
04:39 Et c'est cette drogue qui lui a été infligée contre son gré,
04:44 lui a vraisemblablement fait perdre son enfant.
04:47 Grégory, qui est le beau frère d'Alexia, va être accusé par Jonathan Daval
04:52 d'être lui-même le meurtrier d'Alexia, ce qui a toujours été faux.
04:56 Mais ça a été le dernier moyen de fuir ses responsabilités
04:59 de la part de Jonathan Daval, c'est d'accuser les autres.
05:03 Ces accusations, ce n'est pas une petite chose.
05:06 C'est des accusations qui vont faire la une de tous les médias pendant six mois.
05:11 C'est à dire qu'on va expliquer qu'il y a peut être Jonathan,
05:13 mais il y a aussi peut être Grégory.
05:15 Donc on est dans une affaire totalement folle avec l'avocat de Jonathan Daval,
05:20 qui fait tous les plateaux de télévision pour expliquer à quel point
05:24 il a tous les éléments dans le dossier pour accuser Grégory du meurtre d'Alexia.
05:29 Alors que rien dans le dossier, jamais, n'aura pu montrer quoi que ce soit.
05:34 Et donc, qu'est ce qu'il va faire, Grégory, qui est un mec extrêmement intelligent,
05:37 qui est ingénieur et donc il va travailler le dossier comme un ingénieur.
05:41 Et donc il va éplucher le dossier.
05:42 Il va éplucher le dossier.
05:43 Et le dossier, il est haut comme ça. Il va faire toutes les pages.
05:46 Il va découvrir quoi ?
05:47 Il va découvrir que Alexia, dans ses cheveux, dans son sang,
05:53 on a découvert des substances médicamenteuses interdites pour certaines,
05:58 dangereuses pour toutes et qui étaient en tout cas incompatibles
06:02 avec la volonté pour une femme comme Alexia d'avoir un enfant.
06:05 Et quand on sait la volonté qu'elle avait d'avoir cet enfant,
06:07 on ne peut pas imaginer qu'Alexia ait pu prendre ses médicaments seule.
06:13 Donc, vraisemblablement, Jonathan a forcément fait en sorte
06:19 que Alexia prenne ses médicaments contre son gré.
06:23 Est ce que la drogue a pu être à l'origine de la fausse couche d'Alexia ?
06:27 En tout cas, on peut le penser.
06:30 Ce qui est certain, c'est que quand on reprend l'analyse,
06:33 l'enquête qu'a fait Grégory, on voit que quelques jours la veille,
06:38 le jour de la fausse couche, jamais Alexia n'a eu autant de médicaments
06:43 dans le sang et dans les cheveux.
06:44 Donc, on peut tout imaginer.
06:46 Mais en tout cas, il y a des éléments objectifs qui permettent de le penser.
06:49 Pourquoi l'avoir tué ?
06:51 Évidemment, on ne le saura jamais.
06:53 Pour l'instant, Jonathan Daval a passé son temps à mentir
06:58 et à ne dire que la vérité quand elle était extrêmement imposée, partielle.
07:04 Il a dit le minimum de ce qu'il pouvait dire,
07:07 en tout cas sur les intentions, sur ce qu'on appelle un mobile.
07:09 Jonathan Daval n'a jamais expliqué pourquoi il avait tué Alexia.
07:13 Il explique un coup de colère, il explique un moment insupportable.
07:16 On peut aussi imaginer autre chose.
07:19 On peut imaginer que ce jour-là, Alexia, ce qui pour le coup est certain,
07:23 a fait un malaise le matin, a été
07:27 vraisemblablement droguée cette journée-là, ce matin,
07:31 juste avant la dernière soirée qu'elle a passée en famille.
07:33 Qu'est-ce qu'on peut imaginer ?
07:35 On peut imaginer que quand Alexia, le soir, quand il rentre de la maison,
07:40 quand il rentre du dîner de chez ses parents et que lui, peut-être la drogue,
07:45 peut-être qu'elle s'en rend compte, peut-être qu'elle se trouve dans un état anormal.
07:48 Peut-être qu'elle lui dit Jonathan, je sais que tu me drogues
07:52 et donc j'arrête, stop, je vais l'expliquer à mes parents et on arrête.
07:58 Et on peut imaginer que cette séparation ait provoqué le drame,
08:03 parce que tout s'effondre dans ce cas-là.
08:07 C'est-à-dire que si Jonathan d'Aval était révélé au grand jour auprès de sa famille,
08:12 sa belle famille, évidemment, il perdait et sa femme et sa belle famille.
08:17 Or, il était là, peut-être pas pour sa femme, mais il était là pour sa famille.
08:20 Jonathan voulait certainement être l'enfant d'Isabelle et Jean-Pierre,
08:26 les parents d'Alexia et certainement que,
08:30 en faisant disparaître Alexia, il prenait sa place.
08:33 Ce jeune homme a cherché une famille et cette famille, ça a été celle d'Alexia.
08:39 Et encore une fois, il ne pouvait pas être père, il ne pouvait pas être mari.
08:43 Il voulait être l'enfant.
08:46 Est-ce que Jonathan d'Aval a tué deux personnes,
08:50 c'est-à-dire l'enfant qu'il devait avoir avec Alexia ?
08:53 Et Alexia, ce qui est certain, c'est qu'il a tué Alexia.
08:57 Isabelle, la maman d'Alexia et Jean-Pierre, le père d'Alexia,
09:01 avaient pour Jonathan un amour absolu.
09:06 Ils le disent, Jonathan, c'était leur enfant.
09:09 En tout cas, ils le considéraient comme leur enfant.
09:11 Donc, quand ils apprennent que Jonathan est arrêté le 29 janvier 2018,
09:17 que le gendarme vient chez eux pour leur apprendre qu'ils arrêtent Jonathan
09:22 et qu'ils vont le mettre en garde à vue pour le meurtre de leur fille Alexia.
09:27 Isabelle et Jean-Pierre disent "mais vous faites une erreur,
09:29 vous êtes en train de refaire une affaire Grégory.
09:31 J'ai besoin de preuves, je ne vous crois pas, je ne veux pas vous croire".
09:35 Ils ne veulent pas accepter l'idée
09:38 que Jonathan puisse être le meurtrier de leur fille.
09:41 Pour une raison très simple, c'est qu'ils ont perdu leur fille.
09:44 Ils ne veulent pas perdre leur gendre et pour eux, c'est insupportable.
09:48 Ils vont passer presque six mois
09:50 à devoir accepter
09:54 que celui qui a tué leur fille est celui qui était leur fils.
09:59 En tout cas, leur fils,
10:02 dans leur cœur. Très longtemps, ils vont presque contester cette vérité.
10:08 Ils vont contester le fait que ça puisse être lui.
10:11 Ils vont y rêver qu'on puisse leur expliquer que ça n'était pas lui.
10:14 Ils auraient adoré que ça ne soit pas lui.
10:16 Malheureusement, c'était lui.
10:19 Isabelle et Jean-Pierre sont des gens extraordinaires.
10:23 Ils vont conserver une forme d'affection malgré tout pour lui.
10:27 Et quand il y a cette confrontation, qui est cette scène extraordinaire là aussi,
10:32 où Jonathan a accusé
10:36 Grégory et la famille d'être les auteurs du meurtre d'Alexia,
10:41 ils les accusent d'avoir tué leur fille.
10:43 Ils accusent Grégory, le beau-frère, d'avoir tué Alexia.
10:46 Alors en disant que ce n'est pas moi, c'est eux.
10:49 Et pour sortir de cette situation qui est là encore extraordinaire,
10:54 on organise une confrontation.
10:56 Isabelle se retrouve dans le bureau du juge d'instruction
10:58 face à Jonathan Naval.
11:01 Et quand elle rentre dans le bureau,
11:04 elle lui dit bonjour.
11:05 Bonjour Jonathan.
11:06 Comme si elle l'avait quitté la veille.
11:09 Et elle capte son regard et elle m'explique que
11:11 voilà, elle le tient et elle va essayer de conserver ça
11:16 pendant toute la durée de l'échange.
11:18 Et elle crée un lien comme si, encore une fois, il ne s'était rien passé.
11:22 Elle ne le fait pas par calcul.
11:25 Elle le fait par évidence, en fait.
11:28 Et cette proximité, cette vérité, cette sincérité
11:31 va faire qu'au fil de la discussion, il va se lever.
11:36 Il va s'effondrer par terre.
11:39 Il va craquer.
11:40 Il va pleurer.
11:41 Et elle me raconte en me disant c'est un peu con, mais c'est comme ça.
11:45 Je me suis baissé.
11:47 Je l'ai repris.
11:48 Je l'ai relevé.
11:48 Je l'ai serré dans mes bras et on s'est embrassé.
11:51 Elle a embrassé le meurtrier de sa fille.
11:55 Pas pour le pardonner,
11:58 presque pour le remercier d'avoir enfin dit la vérité.
12:02 [SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA]
12:04 Merci.

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