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Transcription
00:00 Notre invité ce soir, Ferdinand Haïté, journaliste togolais, lauréat du prix international de la liberté de la presse,
00:05 remis par le Comité pour la protection des journalistes à New York.
00:09 Ferdinand Haïté, bonsoir. Merci d'être avec nous.
00:12 Tout d'abord, félicitations pour votre prix.
00:15 Alors, je le disais, vous l'avez reçu à New York, c'est le prix international de la liberté de la presse,
00:19 un prix qui récompense vos reportages d'investigation sur la corruption au Togo.
00:23 Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
00:25 Alors merci. Ce prix a un double sens pour nous. C'est d'abord le couronnement de toutes les années de travail que nous avons eu à faire.
00:32 Au Togo, on n'a pas fait que de l'investigation. On a dénoncé la corruption, on a eu beaucoup de persécutions.
00:40 Donc c'est cette résilience-là aujourd'hui qui est couronnée par ce prix.
00:44 En même temps, ce prix symbolise une certaine inquiétude par rapport à la situation de la liberté de presse au Togo.
00:51 Et on sait aujourd'hui que la situation des journalistes au Togo, des journalistes indépendants, s'est énormément dégradée.
00:57 Il y a au moins trois journalistes en deux ans qui sont partis en exil. Il y en a un qui est décédé après la prison.
01:03 Il y a d'autres qui sont en prison actuellement.
01:05 On va en parler justement, mais avant cela, est-ce que vous pouvez nous expliquer qu'est-ce qui est le plus difficile dans votre métier ?
01:12 Le plus difficile, c'est d'abord la séance et ensuite notre sécurité personnelle.
01:19 Dans un pays où on ne sait jamais qui fait quoi, qui est qui, où la surveillance par les écoutes téléphoniques, la filature est vraiment présente.
01:32 Donc ce sont des conditions assez difficiles dans lesquelles on travaille.
01:34 Vous l'avez vécu, vous ?
01:35 Ah oui, je l'ai vécu, puisque j'ai été l'un des journalistes dont le numéro a été sectionné sur le logiciel Pegasus.
01:43 Donc vous imaginez le niveau de la gravité de la situation de la surveillance de ce que nous vivons au Togo.
01:50 Alors vous l'avez dit, vous avez commencé à en parler. Cela fait deux semaines que les journalistes Loïc Lawson et Anani Sosu sont détenus à la prison civile de Lomé
02:01 après une publication erronée sur les réseaux sociaux.
02:03 Vous-même, vous avez fait de la prison. Comment réagissez-vous à cela justement ? Sur la situation des confrères ?
02:09 Oui, alors, publication erronée, je ne pense pas trop. Mais par contre, c'est une situation dramatique, puisque il y a deux ans, nous avons vécu le même fait.
02:18 Aujourd'hui, deux ans après, ces deux confrères se retrouvent en prison sur la plainte de l'un des ministres qui nous avait déjà envoyés en prison.
02:28 Et c'est quand même inquiétant qu'on envoie facilement comme ça des lanceurs d'alerte, des journalistes en prison,
02:35 pendant que des gens qui sont soupçonnés d'avoir pris des libertés avec l'argent public circulent tranquillement.
02:42 Il faut quand même, à un moment donné, que cette situation s'arrête.
02:45 Et là, le monde entier, les organisations, tout le monde appelle à la libération de ces confrères-là.
02:51 Pour l'instant, rien n'est fait. Cette semaine, le président de l'UPF s'est rendu à Lomé pour essayer de parler avec les autorités togolaises.
02:59 Il dit qu'il a pu écouter tout le monde, il a pu rencontrer tout le monde. On attend.
03:04 Mais ce n'est pas une situation assez agréable pour les journalistes togolais, mais également pour le pouvoir de Lomé.
03:10 – Comment ça se fait qu'un journaliste peut se retrouver en prison à cause d'une publication ?
03:16 Le délit de presse relève du pénal, au Togo ?
03:20 – Oui, il y a un fameux article dans le Code pénal au Togo, qui s'appelle l'article 497,
03:26 qui envoie les journalistes systématiquement en prison s'ils font des publications sur des réseaux sociaux
03:31 et si ces publications sont révélées fausses.
03:34 Et donc c'est cet article-là qui est devenu une arme, une épée de Damoclès sur la tête de tous les journalistes au Togo.
03:40 Et lorsque nous avions été arrêtés il y a deux ans, nous avions attiré l'attention des autorités,
03:44 y compris même des journalistes, sur le danger de cet article-là.
03:48 Mais visiblement, même dans la corporation, certains n'ont pas pris conscience.
03:52 Aujourd'hui c'est le même article que les autorités utilisent pour envoyer ces journalistes en prison.
03:58 Pour nous, le journaliste qui continue de faire son travail sur les réseaux sociaux,
04:02 c'est dans le champ de son action, on ne peut pas interdire aujourd'hui…
04:06 – Donc la loi n'est pas la même sur les réseaux sociaux, c'est ça que vous êtes en train de nous dire ?
04:09 – Exactement, ils ont extrait les réseaux sociaux du Code de la presse
04:13 et ils l'ont mis dans le Code pénal, le procédé pénal.
04:16 Donc du coup, si vous faites des publications sur les réseaux sociaux en tant que journaliste,
04:20 que c'est une publication sur le Belfort et qu'il y a un plaignant, vous allez directement en prison.
04:24 C'est quand même une aberration en 2023, vous voyez.
04:26 Donc c'est ça que nous dénonçons et malheureusement c'est cet article
04:29 qui a conduit nos camarades en prison.
04:31 – Alors très rapidement, quels sont vos conseils aux jeunes journalistes
04:34 qui exercent sur le continent africain, qui sont amenés à rencontrer ces difficultés ?
04:38 – Alors je pense d'abord que le journalisme c'est le plus beau métier au monde,
04:43 il ne faut continuer pas à le faire parce qu'en voyant des gens aller en prison,
04:46 il y a ceux qui se découragent, il y a ceux qui abandonnent,
04:49 mais je pense qu'il y aura toujours des obstacles,
04:51 mais il faut s'armer de courage pour faire ce travail-là.
04:55 Quand vous n'êtes pas assez solide, vous n'êtes pas résilient, vous n'êtes pas courageux,
04:58 vous ne pouvez pas affronter tous les obstacles que nous affrontons régulièrement dans nos pays.
05:03 Vous voyez bien qu'aujourd'hui la situation se dégrade partout,
05:06 que ce soit au Sahel, en RDC, il y a des journalistes qui se retrouvent en prison.
05:10 – Stanis Boujakéra d'ailleurs.
05:12 – Exactement, et donc tout ça ne doit pas nous décourager.
05:14 – Merci beaucoup, merci infiniment d'être venu répondre à nos questions.

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