Emmanuel Kessler, directeur des rédactions économiques chez Prisma Média, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent à l'enquête de Capital intitulée "Et si on arrêtait de brûler l'argent public".
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00:00 Et si on arrêtait de brûler l'argent public ? Voilà le titre volontiers provocateur du dernier numéro du magazine Capital.
00:07 L'Etat cherche un milliard d'économies au minimum pour boucler son budget.
00:11 Il y a sans doute plus de marge que cela. Visiblement, l'enquête de Capital a permis de trouver
00:15 23 milliards à économiser sur nos donniers publics.
00:19 - Votre invité pour en parler sur Europe 1 Alexandre Lemaire, vous recevez Emmanuel Kessler, directeur des rédactions économiques de Prisma Média et donc de Capital.
00:27 - Bonjour Emmanuel Kessler. - Bonjour.
00:29 - Vous annoncez un dossier très riche que vous publiez ce mois-ci dans Capital.
00:33 Vous consacrez plus de 20 pages à ces dépenses publiques que vous avez épluchées et que l'Etat, concluez-vous, pourrait facilement s'épargner.
00:41 Ce qui vous fait dire à la une, et si on arrêtait de brûler l'argent public ?
00:45 Ça veut dire qu'on en est là ? Que l'Etat dilapide trop souvent ses ressources ?
00:49 - Ça veut dire qu'en fait l'effort il est beaucoup moins important qu'on ne le dit.
00:53 Parce que là on a entendu Bruno Le Maire nous dire l'année prochaine, là vous l'avez dit, péniblement on économise 2-3 milliards d'euros,
01:01 et l'année prochaine il va vraiment falloir y aller, on cherche 12 milliards.
01:04 Et on nous présente ça comme un Everest.
01:07 Et nous on a regardé, poste par poste, domaine par domaine, et on s'est aperçu que c'était pas si compliqué.
01:12 En France on est drogués à la dépense publique, résultat on a 3 000 milliards de dettes qui nous empêchent d'investir suffisamment, de développer l'économie.
01:21 Et en fait il y a une espèce d'habitude qui a été prise de laisser les dépenses s'accumuler sans aller regarder de près.
01:28 Et on s'est aperçu que finalement faire des économies c'était pas si compliqué en n'étant ni ultra-libéral,
01:35 comme le nouveau président argentin qui ferme tous les milliards de dollars,
01:38 ni en se disant que dès qu'on supprime quelque chose, ça y est les services publics vont pas marcher.
01:44 Non non c'est pas du tout comme ça, en fait c'est assez simple, les économies d'argent public ça se ramasse à la pelle.
01:50 - Alors, à la pelle, 23 milliards d'euros d'économies possibles, c'est la conclusion de votre dossier très fouillé,
01:56 vous avez sorti de la calculatrice, il y en a des chiffres.
01:59 Donc on va commencer par le secteur de la santé, puisque c'est la plus grosse source d'économies possibles selon votre dossier Emmanuel Kessler,
02:07 près de 12 milliards d'euros d'économies possibles, comment on y parvient ?
02:11 - Il y a énormément, vous savez les dépenses de santé c'est un des principaux postes de dépense de l'État,
02:15 globalement d'ailleurs la dépense sociale c'est plus de 750 milliards d'euros,
02:18 et en fait là aussi on a pris l'habitude d'accumuler des dépenses et puis le système a dératé.
02:23 Par exemple les dépenses de médicaments, là-dessus il y a énormément de mauvaises prescriptions,
02:30 de boîtes de médicaments qui restent dans les pharmacies sans être utilisées,
02:33 donc on peut économiser sur les dépenses de santé 11 milliards d'euros, c'est le chiffre qu'on a trouvé.
02:38 Ça n'a pas été très compliqué, on regarde les rapports de la Cour des comptes, les rapports parlementaires qui sont très riches,
02:43 quelques think-tanks qui ont épluché tout ça.
02:46 Et puis il y a aussi un autre domaine, c'est l'hôpital, il y a un système dans l'hôpital qui fait que plus vous faites d'actes,
02:54 plus vous faites d'examens, plus vous faites passer de radio, plus l'hôpital voit ses dotations se renforcer,
02:59 et ça c'est totalement pervers. - C'est une machine infernale, on dépense pour retrouver le même budget l'année suivante.
03:05 - Exactement, ça s'appelle la tarification à l'activité, ça a beaucoup d'effets pervers,
03:09 et donc ces 11 milliards franchement on les trouve sans remettre en cause le fonctionnement de nos hôpitaux,
03:15 et c'est ça qui est important si vous voulez, c'est qu'on peut faire des économies, rationaliser, être plus efficace, sans sacrifier les services publics.
03:22 - Alors autre domaine auquel vous vous intéressez, c'est celui du logement, vous pointez là un maquis d'aides,
03:27 en particulier pour la rénovation énergétique, des aides qui représentent près de 13 milliards de recettes en moins pour l'État,
03:33 vous dites quoi, que toutes ces aides ne sont pas justifiées, qu'elles ne sont pas efficaces ?
03:38 - Mais non, justement, là aussi c'est pareil, il y a au total 40 milliards d'euros d'aides au logement, à la construction dans ce pays,
03:46 résultat, il n'y a jamais eu autant de gens qui cherchent un logement social, on n'a jamais construit aussi peu,
03:52 ça coûte cher, ça pèse dans le budget des ménages, donc c'est un truc qui ne marche pas, donc il faut aller regarder.
03:57 Et je vais vous donner un exemple, c'est le système MaPrimeRénov', où on dépense 4 milliards d'euros chaque année
04:04 pour aider les gens à faire des travaux de rénovation énergétique, sauf que la plupart des systèmes,
04:09 et avec beaucoup aussi d'entreprises intermédiaires qui cherchent à profiter un peu de ça, ne font qu'une partie des travaux,
04:16 ils vont faire que l'isolation, ils vont remplacer la peau pas chaleur, mais ils vont pas faire les travaux d'isolation, donc ça sert à rien.
04:23 Donc ce qu'on dit simplement c'est "vous supprimez pas, mais vous regardez, vous faites un filtrage",
04:27 et là on a réussi à économiser sur ces 40 milliards, 8 milliards d'euros par an, sans sacrifier le secteur du logement.
04:34 Il y a eu aussi ce fameux dispositif Pinel, mais là le gouvernement est en train d'y revenir,
04:38 qui finalement a poussé les promoteurs à augmenter les prix et n'a pas vraiment servi le développement de la construction de logements.
04:45 - Bien, le train de vie de l'État, des administrations, du gouvernement, vous mentionnez des consultants à 1500 euros la journée
04:53 qui assurent des tâches de fonctionnaire, vous ciblez aussi le train de vie du gouvernement, les privilèges.
04:59 Emmanuel Kessler ? - On a 41 ministres, on a 2800 personnes qui travaillent autour des cabinets des ministères,
05:07 565 conseillers ministériels, c'est ce qui fait dire à Jean-Pierre Jouyet, qui est pas un ultra-libéral,
05:14 c'est l'ancien secrétaire général de l'Élysée, sous François Hollande, qu'on a le gouvernement le plus cher de la Ve République.
05:21 - Et quand même, les dépenses de l'Élysée, c'était 100 millions d'euros sous François Hollande, c'est 127 maintenant sous Emmanuel Macron.
05:28 Donc la rigueur, la bonne gestion, faut qu'elle s'applique à tout le monde.
05:32 - Il faut qu'elle s'applique à tout le monde, effectivement avec le projet de budget 2024, vous l'avez dit, Bruno Le Maire s'engage à réduire la dépense publique,
05:38 en tout cas il le cherche, on ne va pas s'en sortir d'un claquement de doigt, on a une dette qui dépasse 110% de notre PBI,
05:44 mais vous nous dites, sur Europe 1 et avec votre dossier dans Capital, Emmanuel Kessler, que c'est à portée de main.
05:50 Et si on arrêtait de brûler l'argent public, vous avez donc trouvé 23 milliards d'économies à faire,
05:55 c'est à lire dans votre dernier numéro de Capital qui sort aujourd'hui même en kiosque.
05:59 Merci Emmanuel Kessler, directeur des rédactions économiques de Prisma Media et donc du magazine Capital.
06:05 - Europe 1, il est 6h40.