Cinq fusillades, deux morts, dont un petit garçon de dix ans. Et cette semaine, une série d'interpellations suivies de gardes à vue. Depuis le mois d'août, le quartier de Pissevin dans la banlieue de Nîmes vit au rythme des règlements de compte meurtriers et des descentes de police. Une équipe de Ligne Rouge a passé un mois et demi aux côtés des 16.000 habitants de cette cité. Mères de famille inquiètes, dealers, policiers de la BAC, marchands de sommeil... Vous allez découvrir la face cachée de ce quartier sensible, le cinquième le plus pauvre de France. "En immersion dans la cité de la drogue", un grand reportage signé Jérémy Normand, Clément Granon et Alexandre Funel.
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00:00 Dans la cité Pissevin, les petites mains du trafic de drogue sont de plus en plus jeunes.
00:05 Certains guetteurs ont à peine 14 ans.
00:08 L'argent qu'ils gagnent leur permet parfois d'aider leur famille.
00:13 - Qu'est-ce que vous faites avec cet argent que vous gagnez quasiment tous les jours ?
00:19 - Moi clairement l'argent sale, je n'arrive pas à le mettre de côté.
00:22 Pour moi, si je fais 200 euros la journée, 200 euros en même temps de journée, il n'y a plus rien.
00:28 Déjà je fais à manger pour la maison, après je régale mes collègues, deux, trois collègues.
00:33 Je donne de l'argent à ma tante, à ma famille.
00:36 - Ils ne vous demandent pas d'où vient cet argent ?
00:37 - Si, ils me demandent, mais ils le savent que j'ai fait ça depuis petit.
00:41 Du coup ils le savent que j'ai jobbé, voilà.
00:44 - Qu'est-ce qu'ils vous disent par rapport à ça ? J'imagine qu'ils préfèreraient que...
00:47 - Que j'arrête, parce que ça fait peur.
00:49 Ouais, c'est ça, parce que ça fait peur.
00:51 Pour eux, ils ont peur qu'on puisse attendre à n'importe quoi au jour d'aujourd'hui.
00:55 - Mais ils acceptent quand même l'argent que vous leur donnez ?
00:57 - Bah après, je ne vous ment pas, il n'y a pas le choix pour remplir le frigo.
01:00 Sinon, on ne peut pas manger.
01:02 Voilà, c'est l'argent, c'est facile à faire.
01:05 Plus que de l'argent facile, le deal apporte à ses adolescents le sentiment d'appartenance à un clan.
01:13 Avec ses codes, à commencer par le goût de la provocation des forces de l'ordre, qu'il n'hésite pas à mettre en scène sur les réseaux sociaux.
01:21 - Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !
01:26 - Oh putain ! - Patrick !
01:28 - Oh tchipou tchipou !
01:30 - Oh tchipelle hein !
01:32 - Oh tchipou tchipou hein !
01:34 - Oh tchipou arrête de filmer !
01:36 - Bonjour Jérémie Normand. - Bonjour.
01:39 - Reporter BFM TV Ligne rouge évidemment.
01:41 Comment vous avez pu tourner cette enquête ? On se dit que ça a dû être compliqué de convaincre.
01:45 - Parce qu'on a eu du temps. On a passé un mois et demi dans ce quartier de Pissevin avec mon gilet ric, Clément Granon.
01:51 Et ce temps nous a permis de passer du temps sans caméra, d'aller au contact des habitants, de nous faire reconnaître, identifier.
01:58 Et puis à partir de ce moment-là, ceux qui ne veulent pas nous parler s'en vont.
02:02 Et puis ceux qui ont des choses à dire parce qu'ils ont un message à porter, à partir de là on peut entamer la discussion.
02:07 Ce qu'on a cherché à faire aussi dans ce reportage, c'est évidemment de porter la parole des habitants qui subissent au quotidien les conséquences de ce trafic de drogue enquisté dans ce quartier.
02:14 Mais d'aller au-delà, d'aller aussi au contact, on vient de l'entendre, de certains dealers, de certains policiers de la BAC qui passent aussi beaucoup de temps dans le quartier.
02:21 Pour permettre de faire un peu une radioscopie de cette cité parce qu'elle est compliquée, il y a beaucoup de nuances.
02:28 Et ce dealer qu'on entendra aussi plus longuement dans le reportage, on va comprendre aussi pourquoi il a basculé et jusqu'où va cette violence.
02:35 Parce que quand on rejoint le trafic de drogue ici, on s'engage sans même s'en rendre compte, parce que quand on s'engage à 13 ans on n'a pas forcément conscience des enjeux.
02:42 On s'engage dans une guerre sanglante entre plusieurs quartiers d'Onym.
02:45 Et ce qui frappe quand on regarde ce reportage, c'est l'omniprésence du trafic. Cette cité c'est 16 000 habitants, on a l'impression que c'est partout.
02:51 C'est partout et ça a des conséquences directes. 16 000 habitants, vous le dites, il n'y a pas un seul supermarché.
02:55 Il n'y a pas de supermarché dans cette cité où il y a 16 000 habitants.
02:59 Pourquoi ? Parce que les commerces ont fermé les uns après les autres.
03:02 Ils ont baissé le rideau même pendant notre présence, parce que les marchands de ce commerce illicite sont omniprésents.
03:07 Ils ont pignon sur rue, ils obligent les habitants à changer leurs horaires pour faire leur course, soit plus tôt le matin, soit dans l'après-midi.
03:13 Mais surtout pas le soir lorsque la nuit tombe, parce qu'ils ont peur, pas forcément d'être agressés par les trafiquants, mais de prendre une balle perdue.
03:20 Parce qu'aujourd'hui ce commerce de la drogue, il attise les convoitises, il génère de la violence.
03:27 Et donc ces fusillades, et ce dont ont peur les habitants, c'est de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment, ce qui fut le cas du jeune Fayed, on s'en souvient, la fin du mois d'août dernier.
03:35 Dernière question, vous vous dites que vous êtes resté un mois et demi, 5 fusillades en un mois et demi, 5 fusillades en 6 semaines.
03:42 Exactement, malgré les renforts policiers annoncés par le ministre de l'Intérieur, monsieur Darmanin, qui était venu sur place justement,
03:47 malgré ces renforts policiers qu'on a vus, ils sont visibles jour et nuit, et bien cette guerre de la drogue, elle, elle continue,
03:53 parce que ce trafic génère tellement d'argent, il attise tellement de convoitises, et bien que ces affrontements à l'arme lourde, on parle de Kalachnikov,
04:01 se sont poursuivis, parce qu'à chaque fois en fait, les clans veulent montrer qu'ils sont armés, qu'ils savent s'en servir,
04:06 et donc cette guerre ne se fait fi de la présence des policiers, et s'est poursuivie tout au long de notre reportage.
04:12 Et ce qu'on va découvrir dans ce long format, et bien c'est comment ces fusillades, et bien nuisent au quotidien à la vie des habitants dans ce quartier.
04:19 - 20h50 ce soir sur BFM TV, en immersion dans la cité de la drogue. Merci et bravo Jérémy, merci également, et bravo à Clément Granon et à Alexandre Funal, merci beaucoup.