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Grand témoin : Franz-Olivier Giesbert, éditorialiste au Point et auteur de « Tragédie française » (Gallimard)
GRAND DÉBAT / 10 ans de plus pour le glyphosate : faut-il s'inquiéter ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Jeudi 16 novembre 2023, la commission européenne a validé sa propre proposition de reconduction de l'autorisation du glyphosate. Résultat : les agriculteurs européens pourront continuer à utiliser cet herbicide pendant au moins 10 ans. Les Etats membres de l'UE auraient pu éviter cette décision mais ils ne sont pas parvenus à se mettre d'accord. 17 pays ont voté pour la reconduction du glyphosate, 3 ont voté contre (Luxembourg, Autriche et Croatie) et 7 se sont abstenus. La France s'est abstenue mais dit officiellement regretter cette décision européenne qui est bien plus permissive que les normes en vigueur dans l'Hexagone. Le glyphosate a été labellisé comme « cancérogène probable pour l'Homme ». Les écologistes militent pour son interdiction depuis des années. Dans quelle mesure les lobbys ont-ils influencé cette décision européenne ? Le glyphosate est-il totalement dangereux pour la santé ?

Invités :
- Valérie Hayer, députée européenne Renaissance, coprésidente de la délégation « L'Europe Ensemble » au Parlement européen,
- Eva Sas, députée écologiste de Paris,
- Jean-Baptiste Moreau, consultant indépendant, agriculteur en cours de reconversion et ancien député LREM,
- Emmanuel Vandame, paysan en agriculture biologique dans le plateau de Saclay, membre de la confédération paysanne,
GRAND ENTRETIEN / Franz-Olivier Giesbert démolit les démolisseurs.

Quel point commun rassemble Mitterrand, Chirac, Balladur, Jospin, Sarkozy, Hollande et Macron ? Pour Franz-Oliver Giesbert, ces sept personnages de la Vème république ont tous contribué à l'enlisement de la France. Dans le troisième et dernier volume de son « Histoire intime de la Ve République », l'ancien directeur des rédactions du Figaro et du Point retrace les faits qui ont conduit la nation tricolore dans une « Tragédie française ». À travers des anecdotes intimes, l'auteur propose un voyage dans le passé qui retrace l'ensemble des décisions ayant fait passer la Vème République d'une époque fleurissante à une période de délitement.

Grand témoin : Franz-Olivier Giesbert, éditorialiste au Point et auteur de « Tragédie française » (Gallimard)

LES AFFRANCHIS
- Yaël Goosz, éditorialiste politique et chef du service politique à France Inter,
- Nathan Devers, philosophe,
- « Bourbon express » : Marco Paumier, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:05 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver.
00:08 Notre grand témoin, vous le reconnaissez ce soir, c'est Frans Olivier Gisbert.
00:11 Bonsoir.
00:12 Bonsoir, merci d'être avec nous.
00:14 On va passer l'heure en direct et on a dévoré le troisième tome de votre histoire intime de la 5ème République
00:21 qui cartonne déjà, il y a d'ailleurs en librairie "Tragédie française" chez Gallimard
00:25 où l'histoire de ces 7 démolisseurs qui ont conduit la France dans le mur, selon vous.
00:30 Il n'y a pas que eux.
00:31 5 présidents, 2 premiers ministres responsables de la déliquescence du pays,
00:35 les mots sont forts, c'est féroce, comme toujours.
00:38 Un poil réac quand même, on en parlera, mais pas des clinistes, vous nous direz,
00:43 pourquoi tout n'est pas foutu tout à l'heure.
00:45 Notre grand débat ce soir, vous reprendrez bien un peu de glyphosate.
00:50 La décision est tombée ce matin, faute d'accord des 27, la Commission européenne renouvelle
00:55 l'autorisation de cet herbicide controversé pour 10 ans supplémentaires.
01:00 Bruxelles a-t-elle cédé au lobby ? Quelles conséquences sur la santé ?
01:04 Nous en débattons dans un instant avec nos invités, enfin nos affranchis ce soir.
01:10 Le billet politique de Yael Ghos, le billet philo de Nathan Devers
01:15 et puis Bourbon Express, l'histoire du jour à l'Assemblée signée Marco Pommier.
01:19 Nous reprenons le menu ce soir, on y va.
01:21 France, François-Olivier Gisbert, une heure en direct, ça commence maintenant.
01:24 Quelle semble loin la promesse présidentielle de sortir du glyphosate en 3 ans.
01:41 La Commission européenne a donc autorisé l'utilisation de cet herbicide pour 10 ans de plus.
01:46 Erreur monumentale pour les écologistes, ou sage décision pour nos agriculteurs.
01:52 Bonsoir Valérie Heyer, bienvenue à vous, vous êtes députée européenne, députée Renew,
01:58 c'est le groupe Renaissance, le groupe macroniste à Bruxelles.
02:01 Vous débattez ce soir avec Eva Sass, bonsoir.
02:03 Merci d'être là, vous êtes députée écologiste de Paris.
02:06 Bonsoir Jean-Baptiste Marteau, Moro, pardon, je suis sûre qu'on vous l'avait déjà dit.
02:12 Jean-Baptiste Moro, consultant indépendant, agriculteur en reconversion et ancien député,
02:18 bien connu de ce plateau, député La République en marche de la Creuse.
02:22 Enfin, bonsoir Emmanuel Vendamme, bienvenue à vous, vous êtes paysan en agriculture biologique
02:28 sur le plateau de Saclay dans les Saônes et membre de la Confédération paysanne.
02:33 Inutile de préciser, François-Olivier Gisbert, que vous pouvez intervenir quand vous le souhaitez dans ce débat.
02:37 On va commencer par planter le décor, comment la Commission européenne est parvenue à cette décision,
02:42 c'est avec Stéphane Blakovski, dans son chrono, tout de suite.
02:45 Bonsoir mon cher Stéphane, je me retourne comme chaque soir pour vous accueillir.
02:50 Bonsoir, Aurélien, bonsoir à toutes et tous.
02:52 Alors, cette décision.
02:53 Donc, l'Union européenne a décidé d'autoriser le glyphosate pour 10 ans de plus.
02:57 Il va y avoir un débat, ça sera très animé, mais avant d'en arriver là,
03:01 peut-être qu'on peut essayer de comprendre comment la décision a été prise.
03:05 Alors évidemment, avant de proposer de prolonger l'usage du glyphosate,
03:09 la Commission a commandé une enquête scientifique à l'Agence sanitaire européenne.
03:14 Vous voyez, c'est EFSA, c'est un acronyme anglais, donc un rapport rendu en juillet.
03:18 80 expériences ont participé, ça repose sur 2400 études.
03:22 Le rapport fait au total 180 000 pages.
03:25 Oulah !
03:26 Je ne sais pas qui a lu les 180 000 pages.
03:28 Ah, je crois que Jean-Baptiste Moreau est arrivé à la 170 000e.
03:31 Oui, c'est ça, j'ai fini sur les 10 000 dernières.
03:34 Je vous montre malgré tout le titre du rapport, qui dit d'une part
03:38 qu'il n'y a pas de risque à utiliser le glyphosate,
03:42 mais cependant qui reconnaît aussi qu'il y a un certain manque dans les données.
03:46 Donc le résultat, c'est que Pascal Canfin, qui est un député européen à Renew,
03:50 donc Renaissance, mais qui est surtout le président de la Commission environnementale
03:54 au Parlement européen, il estime que la Commission aurait dû être beaucoup plus prudente
03:58 avant de renouveler l'autorisation. On l'écoute.
04:03 C'est le problème de la décision de la Commission,
04:06 qui n'a pas tenu compte de la complexité de l'avis de l'EFSA.
04:09 Elle s'est contentée de prendre le premier message,
04:12 elle a ignoré tout le reste, et ce n'est pas équilibré.
04:15 Ce n'est donc pas acceptable.
04:17 Alors, cela dit, les déparlementaires montrent du dos de la Commission,
04:21 mais la Commission ne prend pas la décision toute seule.
04:24 La décision est soumise au vote des États membres.
04:26 Donc le vote a eu lieu ce matin. Voici le résultat.
04:29 17 États se sont prononcés pour, donc la prolongation de l'utilisation du glyphosate.
04:33 3 étaient contre, le Luxembourg, la Croatie et l'Autriche,
04:36 pas des grandes puissances agricoles, et 7 se sont abstenus.
04:40 Donc simplement, c'était un vote à la majorité qualifiée.
04:43 Donc pour avoir la majorité, il faut qu'au moins 15 États soient pour,
04:46 donc c'est bon, il y avait 17 États, mais il faut que la population de ces 15 États
04:50 corresponde à au moins 65% de la population européenne.
04:53 Et là, ça ne marche pas, parce que parmi les 7 pays qui se sont abstenus,
04:57 il y a les pays les plus peuplés de l'Union européenne, l'Allemagne, l'Italie et la France.
05:02 Donc résultat, comme les États membres n'ont pas réussi à se mettre d'accord,
05:06 c'est la Commission qui a pris la décision de renouveler l'autorisation.
05:10 Alors évidemment, côté français, on peut s'étonner qu'on se soit simplement abstenus,
05:14 puisque souvenez-vous, en 2017, le président Macron voulait être un pionnier
05:18 de la lutte contre le glyphosate. Il avait dit "d'ici trois ans, ça sera interdit".
05:23 Mais le président peut se tromper. En tout cas, il a reconnu son erreur en disant
05:26 "non, là, sur ce coup-là, c'est une erreur, parce qu'on ne peut pas interdire le glyphosate
05:31 aux agriculteurs si on ne leur offre pas un produit aussi efficace en échange".
05:37 Bon, alors dans ce cas-là, évidemment, en France, on dit "oui, l'usage du glyphosate
05:41 a quand même été beaucoup restreint". Même le ministre dit qu'il a diminué de 30%
05:47 ces dernières années. Sauf que pour ceux qui veulent une interdiction totale,
05:51 la France n'aurait pas dû s'abstenir. Elle aurait dû voter contre le renouvellement
05:54 de l'autorisation. On écoute Aurélie Trouvé, LFI.
05:58 Le gouvernement a été lâche, hypocrite et cynique. La première chose à faire,
06:02 c'était de voter contre. Par une énorme lâcheté et hypocrisie, il s'est abstenu.
06:08 Lâche, hypocrite, je ne sais pas. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que le gouvernement
06:12 est quand même très embarrassé. Parce que, sur le principe, le gouvernement aimerait
06:16 pouvoir interdire le glyphosate, reprendre ce flambeau du pionnier de la lutte
06:21 contre les pesticides. Sauf que si on est les seuls à interdire le glyphosate,
06:25 pendant que d'autres pays continuent à l'utiliser, ça va poser de nouveaux problèmes.
06:29 C'est en tout cas ce que disait Olivier Véran sur France Info, c'était il y a un mois.
06:33 La France considère qu'il n'y a pas vocation à reconduire pendant 10 ans,
06:37 en faisant comme s'il n'y avait pas des alternatives qui se développent,
06:40 l'utilisation du glyphosate. Mais encore faut-il qu'il y ait des alternatives partout.
06:43 Parce que si vous laissez les agriculteurs sans alternative, vous me réinviterez pour me dire
06:47 que la France n'est plus capable de fournir des fruits et légumes, et on achète des produits
06:50 au Maghreb remplis de glyphosate. Comment est-ce que vous expliquez ça ?
06:53 - Bon ben voilà, vous avez les éléments pour suivre le débat qui va commencer.
06:57 Un débat où tout le monde ne sera pas d'accord, mais à quoi ça sert d'être d'accord
07:00 dans un débat français ? - Eh ben justement, merci beaucoup.
07:02 On va y aller dans ce débat. Merci Stéphane. Valérie Ayé, c'est vrai que la France,
07:06 en 2017, votait contre l'utilisation du glyphosate au niveau européen.
07:10 Cinq ans plus tard, elle s'abstient. Est-ce que vous pensez que les Français
07:14 peuvent comprendre cette volte-face ? - Les Français comprennent la situation
07:18 aussi du droit en France aujourd'hui. Depuis 2018, on a une ligne qui est absolument claire,
07:22 qui est en faveur de la sortie progressive du glyphosate,
07:26 c'est-à-dire interdiction du glyphosate dès lors qu'il existe une alternative naturelle ou mécanique.
07:32 Et cette abstention aujourd'hui de la France par rapport à la proposition de la Commission,
07:36 elle est évidemment dans l'esprit de la position de la France.
07:39 A la fois, elle ne voulait pas, évidemment, voter en faveur de la proposition de la Commission,
07:43 c'est-à-dire pas de réouverture sans condition, pas de réautorisation sans condition du glyphosate.
07:47 - Mais voter contre, clairement, ce serait quoi ? Nous tirer une balle dans le pied par rapport à nos voisins européens ?
07:51 - Non, c'est s'abstenir, c'est aussi envoyer le message à la Commission et aux partenaires européens
07:55 que la France est ouverte à la discussion et que, d'ailleurs, elle souhaitait
07:59 que l'Union européenne s'inspire du modèle français pour faire une nouvelle proposition.
08:03 La Commission, elle aurait pu mettre une nouvelle proposition sur la table.
08:06 - Donc vous regrettez la décision d'aujourd'hui de la Commission ?
08:09 - Je regrette totalement la décision de la Commission. Je pense que c'est une erreur de forme et de fond.
08:15 De forme, elle a pris cette décision, elle était en droit de le faire,
08:18 dès lors qu'il n'y avait pas de majorité qualifiée qui se dessinait au Conseil.
08:22 - C'est vrai que ça nous fait revisiter un peu les traités, parce que c'est pas très démocratique,
08:26 les commissaires ne sont pas élus, les Etats sont souverains, le Parlement est élu.
08:31 C'est la procédure ?
08:33 - Oui, c'est la procédure. Donc voilà, sur cette question-là, la Commission pouvait prendre la décision seule,
08:37 dès lors qu'il n'y avait pas de majorité qualifiée au Conseil.
08:40 Elle l'a fait sans avoir le soutien des trois principales puissances agricoles.
08:44 Pas le soutien de la France, pas le soutien de l'Allemagne, pas le soutien de l'Italie.
08:48 Donc voilà, pour la forme, c'est regrettable.
08:50 Et puis pour le fond, elle avait une occasion extraordinaire de faire une proposition
08:53 qui permette à la fois de protéger l'environnement et de protéger nos agriculteurs
08:57 pour leur garantir une concurrence équitable et loyale partout en Europe.
09:01 En s'inspirant du modèle français, elle a choisi de laisser les Etats décider chacun.
09:06 Donc on aura 27 modèles différents.
09:08 - Si on s'arrête, votre position, c'est tous ensemble, mais pas séparément.
09:12 Pour résumer, Eva Sass, pour vous, c'est une faute, cette décision de la Commission européenne ?
09:16 - Oui, c'est évidemment une faute, mais j'admire l'habileté avec laquelle ma collègue députée européenne
09:23 essaye de se sortir de ce mauvais pas, parce qu'il y a quand même une intense contradiction
09:27 entre les discours qui ont été tenus en France avec un Emmanuel Macron qui, en 2017,
09:32 dit "on sortira au plus tard dans trois ans du glyphosate", qui, en 2021, dit "ah mais j'ai fait une erreur,
09:39 il faut le faire au niveau européen", et qui, là, en 2023, la France s'abstient sur cette décision.
09:45 C'est incompréhensible, c'est des revirements, et on a vraiment l'impression que vous capitulez devant les lobbies
09:50 et que, comme chaque fois en matière d'écologie, en fait, au final, il y a des discours,
09:55 mais il n'y a jamais d'actes derrière.
09:57 Donc moi, je pense que c'est une faute de la Commission, mais c'est aussi une faute de la France
10:00 de ne pas avoir voté contre. Il fallait être clair dans notre position pour faire progresser ce sujet,
10:05 parce que là, on a encore, malheureusement, ce glyphosate qui a des conséquences sur la santé humaine,
10:11 qui est maintenant avéré.
10:13 Alors, Jean-Baptiste Moreau, est-ce qu'il n'y a pas un peu d'hypocrisie, quand même, dans cette abstention française ?
10:17 D'un côté, la France s'impose des contraintes plus fortes dans l'utilisation du glyphosate par rapport à l'Europe,
10:24 mais de l'autre, elle s'abstient au niveau européen.
10:27 Je suis le seul ici qui était député en 2017, à l'époque du tweet du président de la République.
10:31 Je peux vous dire que ce tweet a donné lieu à quelques échanges, un peu salés, entre moi et lui,
10:35 mais aussi entre lui et d'autres personnes.
10:37 Celui de la promesse d'une interdiction en trois ans.
10:39 Oui, d'une interdiction. Parce qu'à l'époque, j'étais rapporteur de la loi EGalim,
10:43 et un certain nombre de députés ont voulu inscrire cette interdiction dans la loi.
10:47 Et je m'y suis opposé en tant que rapporteur. Stéphane Travert, qui à l'époque était ministre,
10:50 s'y est opposé en tant que ministre aussi, parce qu'on n'est pas des soldats d'un dogme
10:56 ou d'une croyance. Enfin, moi, je ne l'étais pas, en tant que député.
11:00 Et donc, je voulais avoir tous les éléments avant de décider, et pas uniquement faire une interdiction
11:05 pour le prix d'un symbole, alors qu'on mettait un certain nombre de nos agriculteurs
11:09 et un certain nombre de pratiques agricoles actuelles dans de grandes difficultés.
11:12 Donc, on a enclenché une mission. J'ai été co-rapporteur avec Jean-Luc Fugit,
11:16 à l'époque, de cette mission parlementaire, qui a travaillé pendant deux ans,
11:18 qui a auditionné des chercheurs. Alors, travail moins complet que celui qui a pu faire l'EFSA,
11:22 parce que l'EFSA s'est allé sur beaucoup plus d'agences européennes.
11:24 -Européennes, de santé et de l'alimentation.
11:26 -Européennes de santé et de l'alimentation, qui a fait un rapport que j'ai lu en grande partie,
11:29 pas de totalité, pas les 180 000 pages, je le concède, mais en grande partie.
11:33 Mais nous, on avait aussi fait un rapport sur la base duquel sont tombées
11:37 des interdictions d'usage du glyphosate en 2018, avec tous les usages, justement,
11:41 où il y avait des alternatives, comme l'a dit Valérie tout à l'heure,
11:44 qui étaient interdits. Mais on a un certain nombre d'usages, aujourd'hui,
11:47 où il n'y a pas d'alternative pour les agriculteurs.
11:49 -On va y venir.
11:50 -On a déjà une agriculture qui ne produit plus suffisamment pour nourrir les Français,
11:53 il faut le savoir. On importe un certain nombre de produits agricoles,
11:56 que ce soit de la viande, des fruits et légumes,
11:58 un certain nombre de productions. Diminuer encore nos productions agricoles,
12:01 c'est ouvrir encore plus la porte aux importations.
12:04 -Quelles contraintes vont s'appliquer ? C'est ça qu'on n'arrive pas à comprendre.
12:08 Il y a, d'un côté, des contraintes qui pèsent au niveau européen,
12:12 parce que ce n'est pas une reconduction, une prolongation sur 10 ans
12:15 sans quelques contraintes, mais elles sont beaucoup moins fortes
12:18 que celles que s'impose la France.
12:20 -Nos agriculteurs, qu'est-ce qu'ils vont faire ?
12:22 -C'est la loi française qui s'impose.
12:24 La deuxième proposition de la Commission était plus dure que la première,
12:27 puisqu'ils ont interdit la utilisation du glyphosate dans la dissication,
12:31 pour faire sécher les plantes sur pied.
12:33 -Les agriculteurs français ou les viticulteurs français
12:36 seront moins contraints que les Espagnols ?
12:38 -Plus contraints que les Espagnols. -Beaucoup plus contraints.
12:41 -Ou les Allemands, bien sûr, parce que l'Allemagne, le Luxembourg,
12:44 ont voté contre, Luxembourg a voté contre la résolution,
12:47 mais ils l'ont pas interdit. -Emmanuel Vandamme,
12:50 la Confédération paysanne, je l'ai lu aujourd'hui,
12:53 dénonce une erreur monumentale de la Commission.
12:56 -Oui, moi, je dis, quelle belle marche arrière,
12:59 franchement, vraiment.
13:01 C'est atterrant. Moi, je suis agriculteur,
13:05 je travaille sans glyphosate, on peut travailler sans ces produits.
13:09 J'entends ce que vous dites, et je comprends pas,
13:12 sans rentrer dans le débat technique,
13:14 pour les fruits et légumes et pour la viticulture,
13:17 je vois pas où intervient le glyphosate,
13:20 pour l'alimentation animale, je vois mal,
13:23 pour les céréales, la partie céréalière, je vois bien,
13:26 mais les alternatives, sans rentrer dans le débat,
13:29 elles existent, c'est super facile.
13:31 -Sauf qu'on condamne des pratiques,
13:33 comme l'agriculture de conservation des sols,
13:36 qui doit être l'avenir de la culture,
13:38 et qui n'est pas possible à faire sans glyphosate.
13:41 C'est quelque chose qui permet de piéger le carbone,
13:44 d'éviter l'érosion, et je suis polyculteur,
13:46 moi non plus, j'utilise pas de glyphosate.
13:48 -C'est quoi le pourcentage d'agriculteurs
13:50 qui font de l'agriculture de conservation ?
13:53 -Aujourd'hui, trop faible, beaucoup trop faible,
13:55 par rapport à ce qu'il devrait être.
13:57 -Ce sont pas ceux-là qu'on entend, on est bien d'accord,
14:00 on parle de tous les autres.
14:02 -L'interdiction, c'est pour tout le monde.
14:04 -J'entendais ça tout à l'heure en venant dans l'auto,
14:07 l'agriculture de conservation des sols,
14:09 nous, en bio, on essaye aussi, c'est encore plus compliqué.
14:12 -Pour bien comprendre, parce que c'est un débat technique,
14:15 et tout le monde n'a pas la chance d'avoir une exploitation comme vous,
14:18 les interdictions, elles pèsent partout où il existe
14:21 une alternative non chimique, c'est ça, aujourd'hui, en France,
14:24 c'est interdit pour l'épandage, c'est-à-dire la dispersion
14:27 dans des champs quand ils sont près des habitations, 5-10 m,
14:30 il y a d'autres interdictions en France,
14:32 dans les ronds de vignes, dans les arbres fruitiers ?
14:35 -Je sais pas où c'est interdit et où c'est autorisé,
14:38 ça doit être ça, les bordeurs de champs, de maisons, etc.
14:41 Enfin, voilà, mais je veux dire, nous, on travaille,
14:44 moi, je suis agriculteur céréalier, donc je fais partie du groupe
14:48 des agriculteurs qui souhaitent que le...
14:52 Pardon, je suis dans le même groupe que les autres agriculteurs
14:56 céréaliers qui aimeraient continuer d'utiliser du glyphosate
14:59 et qui vont avoir le droit de l'utiliser pendant 10 ans,
15:02 alors que nous, on l'utilise pas, et moi, ça fait plus de 15 ans
15:05 que je suis en agriculture biologique et ça va très bien.
15:08 -On va regarder ça sur le terrain.
15:10 -Quand je dis une belle marche arrière,
15:12 c'est-à-dire qu'on a un gouvernement qui nous prône
15:15 l'écologie sans arrêt, mais qui fait marche arrière
15:18 sur tout, même sur le soutien à l'agriculture biologique.
15:21 Il y a un moment, on va dans quel sens, c'est quoi la direction ?
15:24 -Justement, pour se figurer les choses sur le terrain
15:27 et puis dans les exploitations, regardez ce sujet,
15:31 pourquoi certains arrivent à se passer du glyphosate
15:34 et d'autres non, reportage dans La Vienne.
15:37 Augustin Arnal, Ariane Morisson pour France Télévisions.
15:40 -À l'approche des semis, Sébastien Berger contrôle l'état de son champ.
15:49 Il y a quelques jours, il a désherbé sa parcelle
15:52 en pulvérisant un produit chimique puissant, du glyphosate.
15:56 -Sous 15 jours, 3 semaines, on va commencer à avoir une plante
16:00 qui dessèche et on va obtenir ce genre de chose,
16:03 une plante qui est caput chlorophylle.
16:06 -Depuis 3 ans, cet agriculteur a divisé par 2 sa consommation
16:10 de glyphosate grâce au désherbage mécanique.
16:13 Un complément efficace, mais impossible, selon lui,
16:16 de se priver totalement du puissant herbicide.
16:19 -On a des plantes résistantes, qui sont plantes invasives.
16:22 Et ces plantes-là, à part la molécule du glyphosate
16:25 pour la réguler, aujourd'hui, j'ai rien d'autre.
16:28 -Ce sont des herbicides dilués par hectare de culture.
16:31 -Donc là, j'ai du bon côté droit la fameuse molécule du glyphosate.
16:35 -Malgré la dangerosité du produit, il continue d'utiliser la molécule
16:39 pour assurer ses récoltes, faute d'alternatives efficaces.
16:43 -C'est pas parce qu'on a employé une molécule
16:46 qu'on l'emploiera demain.
16:48 La preuve en est que nos pratiques vont baire
16:51 des pratiques plus vertueuses.
16:53 J'en prends, chez moi, j'en consommais 800 litres
16:56 et j'en suis rendu à 400 sur ma ferme.
16:58 Demain, ça ira peut-être encore en diminuant.
17:01 -A quelques kilomètres de là, pendant 12 ans,
17:04 Damien Savoyan a aussi pulvérisé du glyphosate sur ses champs.
17:07 En 2016, il a renoncé aux produits chimiques
17:10 et s'est converti à l'agriculture biologique.
17:13 A présent, il ne compte que sur des outils mécaniques pour désherber.
17:17 -Les repousses de tournesol sont arrachées
17:20 et les quelques mauvaises herbes qui sont présentes dans le champ
17:23 sont également arrachées.
17:25 -Un procédé plus long et plus coûteux
17:28 qu'il amortit avec un prix de vente plus élevé de sa production.
17:31 L'absence de recours au glyphosate est avant tout un moyen
17:34 pour lui de protéger l'environnement.
17:37 -Aujourd'hui, il y a des études qui le montrent.
17:40 On sait que ça coûte moins cher d'aider l'agriculteur
17:43 que de dépolluer l'eau.
17:45 -Le glyphosate demeure encore l'herbicide le plus utilisé en France.
17:48 En 2021, près de 7 800 tonnes ont été vendues
17:51 sur le territoire national,
17:53 un chiffre en légère baisse ces dernières années.
17:56 -Valérie, on le voit bien dans le reportage,
17:59 on peut s'en passer, on peut restreindre l'utilisation du glyphosate.
18:03 Le frein, c'est toujours le même, il est économique,
18:06 puisque faire du bio sans glyphosate, ça coûte plus cher.
18:09 Qu'est-ce qu'on peut faire ?
18:11 -Il y a l'enjeu de la productivité, et puis, par ailleurs,
18:14 on ne peut pas imaginer de passer
18:17 toutes nos exploitations agricoles en France dans le bio,
18:20 il faut que les consommateurs soient au rendez-vous.
18:23 -En période d'inflation, le bio s'effondre.
18:25 -Il faut continuer d'accompagner l'agriculture biologique
18:29 et accompagner au mieux toujours l'agriculture traditionnelle,
18:33 raisonnée, conventionnelle, pardonne-moi.
18:36 Et vraiment, la position de la France,
18:38 quand j'entends parler de volte-face, de marche en arrière,
18:41 effectivement, c'est pragmatisme de la part du président de la République,
18:45 lui-même l'a reconnu en 2018.
18:47 Je voudrais réagir à ce que vous avez dit,
18:49 je n'ai pas réagi sur le coup, pardonnez-moi,
18:52 mais l'abstention de la France, si la France avait voté contre,
18:55 ça n'aurait rien changé à la décision de la Commission.
18:58 -Ah ben non. -Il aurait fallu,
19:00 il aurait fallu, si les trois pays...
19:02 On a trois pays qui ont voté contre,
19:04 on en a sept qui se sont abstenus.
19:06 Si les sept qui s'étaient abstenus avaient voté contre,
19:09 on n'aurait pas eu la majorité.
19:11 -Vous anticipez le rapport de force,
19:13 et l'abstention permet, au fond,
19:15 d'éviter des difficultés de concurrence ?
19:17 -Vous demandez à la Commission de revoir sa copie
19:20 pour soutenir l'ensemble des agriculteurs
19:22 et accompagner les agriculteurs dans cette sortie progressive ?
19:25 -Oui. Alors, la question, maintenant,
19:27 c'est qu'est-ce qu'on sait de façon claire
19:30 et vérifiée sur les conséquences sur la santé ?
19:34 Parce que là, on assiste à des batailles...
19:37 -C'est toujours la même histoire.
19:39 C'est une histoire très ancienne.
19:41 2015, il y a longtemps, le rapport de l'OMS.
19:44 -Tout à fait. -Il y a très longtemps.
19:46 Rien n'a avancé depuis.
19:48 Est-ce que c'est vraiment si dangereux ?
19:50 J'aurais tendance à être contre les insecticides et les herbicides,
19:54 mais c'est vrai que je comprends tout à fait la position.
19:57 Je ne suis pas suspect d'être macroniste.
19:59 -Quand on lit votre livre, il n'y a pas de doute.
20:02 -Franchement, dans cette affaire, il faut y aller modérément,
20:06 parce qu'il y a un monde agricole
20:08 qui est quand même en danger en France.
20:10 On était le jardin de l'Europe.
20:12 On est de moins en moins ce jardin, vous le savez très bien.
20:15 Nous consommons de plus en plus de fruits et légumes
20:18 qui viennent de nos voisins.
20:20 Il faut quand même...
20:22 Donc si on se sépare du glyphosate,
20:24 si on arrête le glyphosate,
20:26 il faut le faire progressivement.
20:28 C'est sans doute dangereux,
20:30 mais ce n'est pas absolument avéré.
20:32 -Il y a deux questions.
20:34 -Il faut le faire, principe de précaution.
20:36 Mais est-ce qu'il faut arrêter tout d'un coup ?
20:39 -C'est quand même compliqué pour la agriculture française.
20:42 Il y a tout un passé, il y a des traditions,
20:45 et c'est quand même une grande partie de la France.
20:48 On a l'impression qu'on fait, on arrête, c'est terminé.
20:51 -Deux choses.
20:53 La question de la santé publique et la question des alternatives.
20:56 On va les prendre dans l'ordre.
20:58 Sur la santé publique, c'est vrai qu'on a cette étude de l'OMS,
21:01 Organisation internationale,
21:03 et puis maintenant, c'était giga-étude, si j'ose dire,
21:06 de l'EFSA, l'Agence européenne de santé et d'alimentation,
21:10 qui disent deux choses différentes.
21:13 Cancérogène d'un côté, et pas assez de données,
21:16 mais a priori, pas de risque sur les fameux cancers
21:19 qu'on a pu rencontrer avec des actions en justice
21:22 en cas d'utilisation du glyphosate.
21:24 Est-ce que pour vous,
21:26 certaines de ces agences sont contestables ou pas ?
21:29 -En 2015, vous l'avez dit,
21:32 ça a été reconnu, cancérogène par l'OMS.
21:35 Il y a ensuite eu l'étude de l'Inserm, en 2021,
21:38 qui a montré qu'il y avait des effets neurotoxiques
21:41 perturbateurs endocriniens.
21:43 Récemment, il y a eu une décision
21:45 du Fonds d'indemnisation des victimes
21:47 qui a indemnisé un jeune garçon,
21:49 il est handicapé parce que sa mère
21:53 a été en contact avec le glyphosate pendant la grossesse.
21:56 Il y a une reconnaissance du caractère dangereux du glyphosate.
22:00 Aux Etats-Unis, il y a énormément...
22:02 -Ca varie, parce qu'il y a eu de très gros procès
22:05 avec des condamnations à Monsanto-Bayer,
22:07 plusieurs millions d'euros, on pense à ce jardinier,
22:10 mais récemment, c'est l'inverse.
22:12 Faute de preuve, acquittement.
22:14 C'est compliqué. Qu'est-ce que vous répondez sur la dangerosité ?
22:17 -C'est pas parce qu'une ânerie a pété des milliers de fois
22:20 à longueur de plateau télé que ça devient une vérité.
22:23 L'agence de l'EFSA, c'est 2000 études.
22:25 Il y en a 2000 qui disent la vérité.
22:27 Je suis un scientifique. La science, c'est pas de la croyance.
22:30 Le fait scientifique, c'est, en principe,
22:32 quand 2000 études disent la même chose,
22:34 elles ont plus de chances d'être justes
22:36 que les 3 qui disent le contraire.
22:38 -Les données prises en cause par l'EFSA,
22:40 on peut lire que ces données sont fournies par les fabricants.
22:43 -Quand la science est de notre côté...
22:45 -Je pose la question. J'ai aucune religion.
22:48 -Je dis, quand la science est de notre côté, c'est bon,
22:51 c'est de la science.
22:52 Quand elle est pas de notre côté, c'est les lobbies.
22:55 Cette vision binaire de la société décrédibilise la science.
22:58 La science, c'est la science.
23:00 Je suis un bête ingénieur agronome.
23:02 J'ai étudié pendant mes études
23:04 tout un tas de choses scientifiques qui sont avérées.
23:07 La science peut évoluer.
23:08 Il peut y avoir des mises à jour de données.
23:10 Mais sur un aussi grand nombre de données...
23:12 Quand on parle de la santé des agriculteurs,
23:14 il faut protéger les agriculteurs.
23:16 Ils n'utilisent pas les produits phytosanitaires par plaisir,
23:19 mais parce qu'ils doivent les utiliser
23:21 pour pouvoir vivre de leur métier.
23:23 Ce qui n'est pas une injure.
23:25 Mais quand on regarde l'étude agricane
23:28 qui prend en compte des milliers de données d'agriculteurs,
23:32 de la MSA, depuis les années 80 jusqu'à aujourd'hui,
23:35 et qui montre que les agriculteurs sont moins sujets au cancer
23:39 et à différentes pathologies que la moyenne de la population.
23:42 On peut dire que les produits phytosanitaires
23:44 sont dangereux,
23:45 mais l'étude agricane prouve le contraire.
23:48 -Valérie Heillet, sur la question des risques,
23:50 sur la santé humaine,
23:51 vous, qu'est-ce qu'on doit dire ?
23:54 Conviction, vérité, c'est pas évident.
23:56 -C'est une étude des analyses scientifiques très sérieuses
23:59 qui ont été produites par l'EFSA,
24:01 et je crois en la science,
24:02 et je fais confiance à l'analyse de l'EFSA.
24:04 Ce qu'elle dit, c'est qu'à priori,
24:06 il n'y a pas de danger pour la santé humaine,
24:08 mais il y a des zones grises sur la question de la biodiversité
24:11 et quelques éléments sur le biotope humain
24:15 qui posent quelques questions,
24:17 d'où nos interrogations aussi encore
24:19 qui persistent sur la question.
24:21 C'est cette zone grise aussi qui explique notre position,
24:24 à savoir, soyons quand même...
24:26 Les études sont intéressantes et rassurantes sur la santé humaine,
24:29 mais il y a quand même des zones grises
24:31 qui existent pour la protection de l'environnement et le biotope humain,
24:34 donc soyons vigilants,
24:35 et d'où cette position maintenue de sortie progressive du glyphosate.
24:39 -Où en sont les recherches en matière d'alternatives au glyphosate ?
24:43 On a l'Inrae, dont on est très fiers en France,
24:46 Emmanuel Vendamme.
24:47 Est-ce qu'il existe des alternatives précises
24:50 pour les agriculteurs ?
24:51 -Je ne vais pas répondre à votre question,
24:53 je ne suis pas chimiste, je ne suis pas chercheur,
24:55 et vous me posez cette question à moi...
24:57 -Quelqu'un peut répondre ? Allez-y.
24:59 -Vous me posez cette question à moi, qui suis agriculteur biologique,
25:02 mais j'aurais à revenir de quoi on parle.
25:04 On parle juste d'interdire un pesticide parmi tant d'autres.
25:07 Et si on prend un petit peu de hauteur,
25:09 avec ce qui se passe aujourd'hui dans notre monde,
25:13 avec ce qu'on sait sur tous les pesticides en règle générale,
25:16 on a envie de quoi ?
25:17 On a envie de les arrêter les uns après les autres,
25:19 mais tous les 10 ans, parce qu'il faut y aller doucement,
25:22 ou on prend une vraie décision et on montre l'exemple
25:25 à la Commission en disant non, plutôt que de dire
25:27 "je ne sais pas, je ne vais pas le faire,
25:29 "car j'ai peur des lobbies, de la FNSEA, de tout le monde."
25:32 De quoi on parle ?
25:34 -Depuis 20 ans, on interdit un grand nombre
25:36 de produits phytosanitaires, ce qui nous met en concurrence
25:39 par rapport à la plupart des pays du monde.
25:41 -La betterave, par exemple. -Oui, bien sûr.
25:43 -Sur la betterave. -Oui, on interdit...
25:45 -Sur la carotte, sur tout un tas de produits.
25:48 -Donc on mange des betteraves étrangères.
25:50 -Qu'est-ce qui est le plus important
25:52 sur la betterave sucrière, puisqu'on a interdit
25:54 ce fameux insecticide ?
25:56 Qu'est-ce qui est le plus important ?
25:58 C'est d'avoir du sucre et de faire vivre
26:00 une filière de 45 000 personnes, ou c'est d'avoir
26:02 des abeilles dans les champs ? -Vous avez raison.
26:04 -Mais je cherche à savoir. -On est d'accord là-dessus.
26:06 -On est forcément d'accord là-dessus.
26:08 En même temps, est-ce qu'il ne faut pas
26:10 prendre un peu de temps... On voit très bien
26:12 ce qui se passe. -On a déjà interdit
26:14 un paquet de molécules toutes les plus dangereuses.
26:16 On était interdits depuis 20 ans.
26:18 Les décisions sont prises sur avis de l'ANSES
26:20 par les différents ministres de l'Agriculture.
26:22 Ça ne demande pas cette majorité, mais toutes les précédentes
26:24 l'ont fait aussi. -Le temps de la recherche,
26:26 c'est long. Quelles sont les alternatives ?
26:28 -Le temps de l'agriculture, c'est long aussi.
26:30 On ne transforme pas un modèle agricole
26:32 en claquant des doigts. Et on ne le transforme pas
26:34 parce qu'on le décrète. On peut passer
26:36 à 100 % en bio demain, si personne ne l'achète.
26:38 -C'est pas une idée. -A vous suivre,
26:40 on a l'impression que c'est devenu un totem.
26:42 On va faire les mêmes bêtises qu'on a faites
26:44 avec l'agriculture conventionnelle.
26:46 On produit, on ne sait pas s'il y a un consommateur
26:48 au bout pour l'acheter. C'est ce qu'on a fait
26:50 avec le bio depuis des années.
26:52 Je suis favorable à l'agriculture biologique.
26:54 Son développement, à condition qu'on ait un marché au bout
26:56 et qu'on ne mette pas des agriculteurs dans la panade
26:58 parce qu'on les emmène vers un modèle agricole
27:00 qui n'a aucune rentabilité économique. -Valérie Ayer,
27:02 c'est important. C'est l'agriculteur qui parle.
27:04 Qu'est-ce que vous lui répondez ? -Il a totalement raison.
27:06 Il y a de la place pour tous les modèles
27:08 en France et en Europe. Il faut accompagner
27:10 le développement des agricultures biologiques.
27:12 Il faut que les consommateurs soient prêts à l'acheter.
27:14 On a vu la chute du niveau de consommation.
27:16 Il faut aussi accompagner l'agriculture conventionnelle.
27:18 -Ce n'est pas fini.
27:20 -En complément de ce qui a été dit la semaine prochaine
27:22 au Parlement européen, on vote sur un texte
27:24 pour fixer des objectifs
27:26 de réduction des produits phytosanitaires.
27:28 Comme l'a dit Jean-Baptiste, il n'y a pas
27:30 un agriculteur qui a du plaisir
27:32 à utiliser des produits phytosanitaires.
27:34 Là encore, l'allie ne jamais opposer
27:36 agriculture et écologie,
27:38 ne jamais opposer les modèles
27:40 et sortir progressivement,
27:42 dans la mesure du possible,
27:44 d'un point de vue technique et économique,
27:46 réduire progressivement
27:48 l'utilisation des produits phytosanitaires.
27:50 -Eva Sass.
27:52 Progressivité,
27:54 y aller pas à pas, accompagnement
27:56 des agriculteurs pour ne pas
27:58 aussi perdre totalement nos marchés.
28:00 C'est important.
28:02 -C'est pas ce à quoi je suis...
28:04 Il y a quelque chose que je ne comprends pas
28:06 dans votre discours. Soit vous pensez que c'est dangereux
28:08 et qu'il faut l'interdire,
28:10 soit vous pensez que c'est pas dangereux
28:12 et alors, à ce moment-là, c'est pas la peine
28:14 de faire cette politique de restriction
28:16 et de recherche d'alternatives.
28:18 Il y a une incohérence dans votre discours.
28:20 Nous, nous sommes clairs, nous pensons
28:22 que c'est dangereux, ça a été avéré.
28:24 Vous parliez de l'étude de l'EFSA,
28:26 mais il a été dit à plusieurs reprises
28:28 que, prenez en compte que
28:30 certaines études scientifiques... -2 000.
28:32 -Et pas du tout l'intégralité,
28:34 comme le fait d'ailleurs plutôt l'Agence américaine.
28:36 Donc elle est très parcellaire
28:38 et donc, en l'occurrence,
28:40 il y a d'autres études et si vous contestez
28:42 la solidité scientifique
28:44 de l'OMS ou de l'INSERM,
28:46 je pense que le débat
28:48 va effectivement commencer à devenir compliqué.
28:50 Donc nous, on pense qu'il faut être
28:52 clairs, qu'il faut effectivement
28:54 changer de modèle agricole, mais changer de modèle
28:56 agricole, et ce n'est pas la politique que vous menez
28:58 en ce moment en France, en tout cas.
29:00 -Mais ça, ça prend du temps. -Ah oui, puisque...
29:02 -C'est une coexistence. -Vous parlez des cultures,
29:04 vous parlez globalement de modèle agricole.
29:06 -Changer de modèle agricole, c'est une expression
29:08 de bureau parisien, enfin, je veux dire, je sais pas
29:10 vers quel modèle agricole on va emmener.
29:12 -Vous savez de quoi on parle, vraiment, là ?
29:14 -Allez-y, parce que c'est la fin de ce débat,
29:16 donc il faut conclure. -On parle d'économie, là,
29:18 mais pour utiliser du glyphosate,
29:20 ça coûte, le glyphosate, de mémoire,
29:22 coûte entre 5 et 6 euros le litre,
29:24 on en utilise entre 1 et 3 litres hectares, d'accord ?
29:27 Donc si on met la dose maximum,
29:29 c'est 15 litres, c'est 15 euros.
29:31 15 euros plus le passage du pulvérisateur,
29:33 qui doit consommer à peu près un litre de gazole à l'hectare,
29:36 et qui va faire largement 30 hectares par heure,
29:39 donc ça va revenir à, allez, 20, 25 euros maximum de l'hectare.
29:43 Le pendant de ça, c'est d'avoir un grand râteau, large,
29:47 voilà, qui est tiré par un tracteur,
29:49 qui, lui, va faire 6 hectares à l'heure
29:51 et pas 20 ou 30 hectares comme un pulvérisateur,
29:53 et le tracteur de vent va consommer 6 litres hectares, d'accord ?
29:56 6 litres hectares, donc oui, on a un petit surcoût,
29:59 mais quand vous dites la concurrence déloyale...
30:01 -Sur de l'isron, vous faites ça avec un râteau ?
30:03 -Vous concluez, vous répondrez.
30:05 -La concurrence déloyale par rapport aux autres agriculteurs européens,
30:09 nous, on est agriculteurs bio, on utilise ça et on vend nos produits,
30:12 et en plus, on les vend de moins en moins cher,
30:14 mais on s'en sort, monsieur.
30:16 -Tout va bien, alors pourquoi en même temps,
30:18 on nous explique que le bio est en crise
30:20 et que ça se vend pas et que les agriculteurs bio
30:22 n'arrivent plus à vivre ?
30:24 -J'adore ces réponses à l'emporte-pied.
30:26 -C'est vrai que le marché du bio est en crise,
30:29 est en difficulté, là.
30:31 -Le bio va moins bien parce qu'il y a une inflation
30:33 et que les gens se ré...
30:35 La première chose dont les consommateurs font,
30:37 c'est l'économie sur l'alimentaire, on est d'accord,
30:39 mais je suis d'accord avec monsieur,
30:41 ça va remonter. -Ca va remonter.
30:43 -Bien sûr. -Je veux pas rentrer dans la technique,
30:45 mais le râteau, c'est bien,
30:47 pas sur toutes les plantes, pas sur tous les types de ça.
30:49 -Sur des sujets comme ça, ce que je comprends pas,
30:51 c'est des solutions violentes et rapides.
30:53 Je pense qu'il faut parler avec lui
30:55 pour respecter les agriculteurs.
30:57 -Voilà une conclusion. C'est fini.
30:59 -Vous faites un métier magnifique.
31:01 Il faut simplement, vous écoutez vous, les bio,
31:03 écouter les autres,
31:05 et puis essayer de faire évoluer les choses.
31:07 Ca ne se fera pas rapidement.
31:09 -En tout cas, on a essayé de le faire sur ce plateau.
31:11 -Il faut aussi en finir avec la tartufferie écologiste,
31:13 je parle pas pour vous, je parle pour la politique,
31:15 qui consiste,
31:17 parce que j'ai trop envie de vous dire...
31:19 -Il commence à nous parler de son cas,
31:21 il marche sur les plates-mandes.
31:23 -Ce qu'on a fait avec les bassines de Saint-Sauline,
31:25 regardez un petit peu,
31:27 circulez dans Paris, si ça vous arrive de marcher à Paris,
31:29 et vous verrez tous ces caniveaux avec de la flotte,
31:31 ça peut couler pendant une journée,
31:33 mais des bassines de Saint-Sauline,
31:35 il y en a plein à Paris,
31:37 qui gouvernent Paris, ce sont des écolos.
31:39 -C'est pas le sujet, Saint-Sauline.
31:41 On en a fait plein des débats.
31:43 -Tartuffe présidente, tartuffe maire,
31:45 mais attendez. -On l'aime bien, Fogg,
31:47 mais il est inarrêtable. -Vous soutenez
31:49 les pseudo-écologistes
31:51 à Saint-Sauline,
31:53 et vous laissez l'eau couler
31:55 pendant des journées entières
31:57 dans les caniveaux parisiens.
31:59 -Vous aurez encore
32:01 plein de temps pour nous faire des belles sorties.
32:03 On s'arrête là. Merci beaucoup.
32:05 On a dit plein de choses, chacun se fera
32:07 son opinion. Allez,
32:09 vous restez avec moi, France, dans une dizaine
32:11 de minutes, on va retrouver nos affranchis
32:13 pour leur parti pris, Nathan Devers
32:15 et son billet philo qui va se demander
32:17 s'il existe un échappatoire à l'affrontement
32:19 binaire, camp contre camp,
32:21 de quoi nous parlez-vous ce soir,
32:23 Marco Pommier, dans Bourbon Express ?
32:25 -Chauffe qui peut, Myriam, on va parler
32:27 d'une proposition de loi sur les discriminations capillaires.
32:29 -A tout à l'heure, les amis, vous serez
32:31 rejoints d'ailleurs par Yael Ghos, de France Inter,
32:33 pour son parti pris politique.
32:35 Mais d'abord, on va plonger, France,
32:37 on y va, dans vos 500 pages.
32:39 Eh bien, après le sursaut,
32:41 après la belle époque, voici
32:43 le tome 3 de votre histoire intime de la
32:45 Vème République, et il est, comme toujours,
32:47 absolument féroce
32:49 et réjouissant, même si le titre mérite
32:51 une vraie explication, "Tragédie
32:53 française", c'est l'histoire
32:55 d'un pays qui ne s'aime plus, tout simplement,
32:57 qui n'est plus fier de son histoire, la faute
32:59 au club des démolisseurs.
33:01 Regardez, c'est dans "L'invitation"
33:03 de Stéphanie Despierre, et on en parle tous les deux
33:05 tranquillement et longuement, juste après.
33:07 -Si on vous invite,
33:13 France-Olivier Gisbert, c'est parce
33:15 qu'on ne se lasse pas de votre regard féroce
33:17 et de votre plume acérée pour
33:19 croquer cette classe politique française
33:21 que vous avez étroitement côtoyée.
33:23 Vous êtes éditorialiste au point,
33:25 journaliste radio, télé,
33:27 et patron, vous avez dirigé plusieurs
33:29 titres et écrit des biographies.
33:31 Voici donc "Tragédie française",
33:33 3e et dernier volume de votre histoire
33:35 intime de la Vème République,
33:37 qui mêle souvenirs personnels et confidences
33:39 des politiques. Vous essayez
33:41 de vous inscrire dans les pas de
33:43 Château-Briand. Dans "Tragédie française",
33:45 le récit commence en 1981.
33:47 Vous fustigez
33:49 ce que vous appelez
33:51 les "Sept chevaliers du déclin".
33:53 Cinq présidents de la République,
33:55 deux premiers ministres, Mitterrand,
33:57 Chirac, Balladur, Jospin,
33:59 Sarkozy, Hollande, Macron,
34:01 tous coupables, selon vous, d'avoir
34:03 laissé filer les déficits et
34:05 s'opérer un grand dérèglement migratoire.
34:07 De François Mitterrand,
34:09 vous écrivez...
34:11 Chirac est, dites-vous,
34:13 un roi fainéant,
34:15 un président malheureux
34:17 et rendu impotent dès le départ
34:19 par les grèves de l'automne 1995.
34:21 À coups de phrases drôles
34:23 et méchantes, d'anecdotes consignées
34:25 dans vos carnets,
34:27 vous dénoncez 40 ans de crise
34:29 de la volonté politique.
34:31 De Lionel Jospin, vous dites...
34:33 Vous confiez vos regrets d'avoir
34:39 participé à une campagne
34:41 anti-Hollande. Vous osez rêver
34:43 d'un tandem Sarkozy-Hollande
34:45 qui aurait allié leur qualité.
34:47 Il n'y a qu'avec Emmanuel Macron que vous n'avez pas
34:49 de lien privilégié, notamment
34:51 car dès sa campagne en 2017,
34:53 une de ses déclarations vous fait
34:55 bondir. "Il n'y a d'ailleurs pas
34:57 une culture française.
34:59 Il y a une culture
35:01 en France. Elle est diverse,
35:03 elle est multiple."
35:05 Malgré votre proximité avec ses chefs d'Etat,
35:07 aucun ne trouve grâce à vos yeux.
35:09 Alors,
35:11 François-Olivier Gisbert, des sept chevaliers
35:13 du déclin, qui a fait le plus de mal au pays ?
35:15 - Je peux pas répondre
35:17 à cette question. - Réponse !
35:19 - Je peux pas répondre. - Quel est le principal responsable ?
35:21 Tout commence avec François Mitterrand.
35:23 - Mitterrand, ça commence avec lui,
35:25 effectivement. Mitterrand a beaucoup de qualités.
35:27 Mitterrand, c'est un homme d'Etat.
35:29 - Vous l'avez admiré longtemps.
35:31 - Oui, toujours.
35:33 L'homme privé était sensationnel.
35:35 Il y avait toute une partie de Mitterrand
35:37 sur la France, la façon de voir la France,
35:39 la géopolitique.
35:41 Tout ça, il sentait bien. Le problème,
35:43 c'est l'économie. Il a plombé complètement.
35:45 C'est-à-dire que De Gaulle a fait
35:47 un travail formidable, 1958.
35:49 Il remet tout d'équerre.
35:51 Et puis, regardez, dans les années 70,
35:53 la France est un modèle à l'étranger.
35:55 L'étude de l'Ulster Institute,
35:57 tous ces amérolocs qui arrivent ici, en France,
35:59 pour regarder, c'est là que se dessine l'avenir du monde.
36:01 C'est formidable, le modèle français.
36:03 Mais dans les années... C'est 1970.
36:05 Et puis, en 80... - Et puis, on ouvre le carnet de chèques.
36:07 - Il y a beaucoup d'argent dans les caisses.
36:09 Et on vit tout et on pense...
36:11 Idiocie totale !
36:13 On pense qu'en dépensant plus,
36:15 on va créer de la croissance.
36:17 On a vu le résultat.
36:19 C'est l'été, il est fondrement.
36:21 - Vous lui en voulez terriblement, pour ça.
36:23 Mais vous épargnez votre ami Pierre Moroy,
36:25 qui a essayé de limiter la casse.
36:27 - Je ne l'épargne pas.
36:29 Pierre Moroy, il a résisté.
36:31 Il aimait Mitterrand,
36:33 parce que Mitterrand, c'est quelqu'un qu'on pouvait aimer.
36:35 Donc, il était très loyal.
36:37 Mais en privé, avec Mitterrand,
36:39 avec ses conseillers,
36:41 il était extrêmement violent.
36:43 Et il a fait la rigueur,
36:45 le célèbre tournant de la rigueur.
36:47 C'est lui seul qui l'a imposé.
36:49 D'ailleurs, à un moment donné,
36:51 après les municipales de 1983,
36:53 il a dit, de toute façon,
36:55 "Je m'en vais, moi.
36:57 "Je ne vais pas faire cette politique idiote.
36:59 "Je ne veux pas faire ça."
37:01 Et finalement, Mitterrand l'a écouté.
37:03 - Erreur fondamentale de la gauche.
37:05 Vous en parlez longuement sur l'économie.
37:07 Déni aussi de cette gauche sur la question migratoire.
37:09 Vous parlez même d'un terrorisme intellectuel de la gauche,
37:11 dans cette scène incroyable
37:13 où Jean Daniel, patron du Nouvel Observateur,
37:15 se fait très clairement remettre à sa place
37:17 par François Mitterrand.
37:19 - Oui, qui lui dit, à un moment donné,
37:21 "Vous parlez comme Le Pen."
37:23 Parce que, évidemment, Jean Daniel dit,
37:25 "Mais attendez, ça va poser un problème."
37:27 Moi-même, je vois bien,
37:29 dans cette époque-là...
37:31 - On vous tombe dessus quand vous en parlez.
37:33 - Il y a plein de choses qu'on n'a pas le droit de dire.
37:35 C'est vrai que ça commence,
37:37 cette espèce de chape de plomb qui va tomber,
37:39 mais sur l'économie aussi. Il ne fallait jamais critiquer.
37:41 - C'est cité. - Je me souviens...
37:43 Qu'est-ce que je n'ai pas entendu
37:45 quand Jospin a fait cette... Enfin, Jospin,
37:47 c'est surtout Aubry, d'ailleurs,
37:49 cette absurde réduction du temps de travail
37:51 qui devait créer des emplois,
37:53 pas un seul emploi, rien, il n'y a pas eu un seul emploi de créer.
37:55 Et vous savez, les Français sont beaucoup moins cons
37:57 que les politiques de l'époque qui ont fait ça.
37:59 Ils sont beaucoup moins bêtes.
38:01 Parce que les Français, vous faites tous les sondages,
38:03 c'est la même chose. Les Français disent
38:05 très, très mauvaise mesure économique.
38:07 - Mais on ne veut pas changer. - Surtout, on ne change pas.
38:09 Parce qu'évidemment, on en profite tous.
38:11 - Cette cécité de la gauche,
38:13 vous en parlez aussi
38:15 sur la question de la montée de l'islamisme
38:17 que vous situez dans les années 90
38:19 avec les années de plomb, d'ailleurs en Algérie.
38:21 D'ailleurs, vous aussi, vous dites,
38:23 "J'ai pas compris." - Ah oui, il y a beaucoup de choses.
38:25 - "J'ai pas voulu croire que la République
38:27 "ne permettrait pas d'absorber tout ça."
38:29 - Moi, j'ai toujours cru
38:31 que tout ça se passerait assez bien.
38:33 Après, c'est vrai que les flots migratoires,
38:35 l'idée de ne pas contrôler les flots migratoires,
38:37 parce que c'est un peu comme ça
38:39 avec tous les clandestins, etc.,
38:41 tout ça, ça commence dans les années 80-90,
38:43 c'est dément. Ca, je le trouve.
38:45 En même temps, je me dis,
38:47 "La machine va absorber tout ça."
38:49 Mais aussi, parce que je suis très républicain
38:51 et je suis partisan de la laïcité.
38:53 Moi, je suis fils de prof,
38:55 ma mère, prof de philo, mais c'était...
38:57 - À qui vous rendez un très bel hommage.
38:59 - Ma mère était... C'était dingue.
39:01 C'est-à-dire, la religion n'avait pas le droit
39:03 de rentrer... Elle était gâteau.
39:05 Elle n'avait pas le droit de rentrer dans l'y-sé.
39:07 Elle pétait les plombs. La politique non plus.
39:09 Elle était militante politique, rocardienne.
39:11 Elle militait beaucoup. La politique, pas de politique.
39:13 Ca, c'est un autre temps.
39:15 Et si vous voulez, ce temps-là...
39:17 Alors, on voyait bien, tout ça commençait
39:19 à être sapé. Et moi,
39:21 c'est vrai que je croyais aussi
39:23 que ça pouvait peut-être marcher,
39:25 mais en même temps, je voulais défendre cette République.
39:27 Elle commençait à chanceler.
39:29 Et là, c'est vrai qu'avec le dernier président,
39:31 on est rentré dans un truc qui ressemble un peu au communautarisme.
39:33 Mais regardez ce qui se passe...
39:35 - On continue les présidents. Il faut qu'on avance.
39:37 - Mais regardez ce qui se passe aujourd'hui. C'est très intéressant.
39:39 Parce qu'aujourd'hui, on voit, quand on voit ce qui se passe
39:41 en Grande-Bretagne, on voit très bien
39:43 que le modèle républicain, qui est très attaqué,
39:45 y compris par beaucoup de macronistes,
39:47 c'est quand même 100 fois mieux que le modèle communautariste.
39:49 On n'a pas des foules énormes
39:51 qui scandent "mort aux Juifs" comme ça
39:53 dans les rues de Paris. - Quand on se compare,
39:55 on se console. - C'est mieux.
39:57 - Jacques Chirac. - Ça va pas bien du tout en France,
39:59 mais quand on se compare, on se console.
40:01 - Jacques Chirac, dont vous adoriez
40:03 la compagnie, vous l'avez écrit
40:05 sur de nombreuses pages,
40:07 "sympathique, aussi sympathique
40:09 que lâche", écrivez-vous.
40:11 Il vous confie, après l'abandon de la réforme
40:13 des régimes spéciaux en 1995,
40:15 "la France n'a plus, je cite,
40:17 "qu'une ambition, rester plantée
40:19 "jusqu'à la nuit des temps, à écouter
40:21 "l'herbe pousser." Lui non plus
40:23 n'a fait preuve d'aucun courage politique.
40:25 - Ah non, il était capable de courage politique ?
40:27 - Sur l'international ?
40:29 - Sur l'international, sur l'Irak,
40:31 ça, c'est lui. On a fait croire que c'était Villepin,
40:33 mais c'est lui. J'ai des conversations, d'ailleurs,
40:35 je cite, ses phrases, mais ils étaient d'une violence
40:37 absolument incroyable. Il voyait bien,
40:39 parce qu'il se sentait très bien. Lui, son grand problème,
40:41 c'était l'islamisme. On peut pas dire
40:43 qu'il avait pas vu le truc venir. C'est pour ça
40:45 qu'il défendait tous les régimes, d'ailleurs.
40:47 C'est pour ça qu'il défendait Saddam Hussein,
40:49 Ben Ali, même s'il l'a pas trop défendu sur la fin.
40:51 C'est pour ça qu'il était très copain
40:53 avec Moubarak. - Il préférait les dictatures.
40:55 - Pour lui, il préférait les dictatures
40:57 ou le régime dur, parce qu'il disait
40:59 "le vrai danger, c'est l'islamisme."
41:01 Et il disait "c'est le guerrière."
41:03 Et sur plein d'autres sujets, regardez,
41:05 sur l'histoire du Veldiv... Il y a 50 discours
41:07 de Chirac où on voit, quand même,
41:09 comment il se réveille. - Mais encore l'économie.
41:11 - L'économie, c'est compliqué, Chirac.
41:13 C'est qu'à un moment donné,
41:15 il y a une forme d'abandon.
41:17 On peut pas y arriver avec ses Français.
41:19 Je l'entends parler,
41:21 si vous voulez, quand j'entends Chirac
41:23 et que je relis les phrases de De Gaulle,
41:25 il y a un peu de ça. On peut rien faire
41:27 avec ces gens-là. - C'est les Français,
41:29 c'est pas ça. - Oui, le côté,
41:31 comment dire, ventard,
41:33 un peu lâche, tout ce qu'on lit
41:35 dans "La guerre des Gaules", César.
41:37 Vous avez cette formule que j'ai trouvée géniale.
41:39 "Jusqu'à Sarkozy,
41:41 "la droite n'est qu'une gauche
41:43 "qui aime les agriculteurs et la police."
41:45 - C'est vrai ? - Nicolas Sarkozy va changer ça ?
41:47 - Il essaye.
41:49 - Vous avez toujours autant de haine
41:51 contre lui, moins qu'avant ?
41:53 - C'est-à-dire que Nicolas Sarkozy,
41:55 j'avoue que j'étais très violent
41:57 pendant son cacana,
41:59 et quand on prend un peu de recul,
42:01 ce que j'essaye de faire, et j'essaye d'être honnête,
42:03 je suis là avec mes mâles
42:05 pleins de dossiers,
42:07 de notes que j'avais prises,
42:09 de journal, même à une époque, c'est extraordinaire,
42:11 je te dis mon journal, et je vois très bien,
42:13 j'avais trop de passion,
42:15 et en fait, il a essayé.
42:17 Il a été bloqué dans plein d'endroits,
42:19 mais il a quand même fait quelques choses,
42:21 quelques petites choses. - Vous le reconnaissez.
42:23 Quand on se souvient la dandure que vous avez vues
42:25 contre lui, vous avez quelques pages
42:27 pour dire, au moins en temps de crise,
42:29 il était là. - Il a été très bon,
42:31 il faut dire, sur la crise financière.
42:33 Il a beaucoup endetté la France à cette occasion,
42:35 mais quand même,
42:37 il a évité des catastrophes.
42:39 - Il nous reste François Hollande et Emmanuel Macron.
42:41 - Il a mené la stratégie internationale.
42:43 On voit très bien, regardez sur l'Europe,
42:45 parce qu'en fait, on a tout de suite été impactés
42:47 par cette crise, tout de suite,
42:49 on ne sait pas, d'ailleurs, c'est en travaillant sur celui
42:51 que j'en suis rendu compte, l'histoire de tout de suite
42:53 qui est arrivée avec la BNP, c'était un truc, c'était nous.
42:55 - Il a réussi ça,
42:57 notamment avec Angela Merkel.
42:59 François Hollande, pour qui vous aviez de l'estime au départ,
43:01 vous déçoit profondément.
43:03 Il y a cette scène qui est à peine croyable,
43:05 franchement, il faut la lire et la relire,
43:07 - Il y a plein de témoins.
43:09 - Vous lui prédisez, devant témoin,
43:11 la fin de son quinquennat,
43:13 "Ta présidence est foutue,
43:15 alors que tu crois qu'elle vient de commencer."
43:17 - Oui, une scène, c'était à l'Elysée,
43:19 une relise de prix, etc.,
43:21 et je voyais, comme j'étais dans le jury,
43:23 j'étais là à tout près, je voyais qu'il me regardait
43:25 tout le temps, je me suis dit "merde,
43:27 je sais affronter les choses".
43:29 Effectivement, dès que le truc est terminé,
43:31 il fonte sur moi, et il gueule...
43:33 - Oui, parce qu'il était très, très énervé
43:35 contre vos unes, avec la montre à l'envers
43:37 et t'illus dans le coin.
43:39 - Des éditos que j'avais faits qui étaient horribles,
43:41 des photos qui n'étaient pas sympas,
43:43 des titres qui étaient "alors on se réveille",
43:45 "alors on continue avec les bêtises",
43:47 ce genre de trucs, très violents, quoi.
43:49 Et c'est le point qui avait commencé, d'ailleurs,
43:51 alors que, après, la presse a suivi,
43:53 parce qu'il voyait que ça marchait très bien,
43:55 mais moi, j'étais assez énervé, parce que je me disais
43:57 "il arrive au pouvoir et il fait rien,
43:59 "or on sait très bien que si on veut changer un pays,
44:01 "il faut le faire dans les 100 premiers jours".
44:03 Et donc, il commence à me gueuler dessus,
44:05 et je lui réponds "oui, effectivement,
44:07 "ce que vous avez dit, c'est-à-dire..."
44:09 - Et qu'est-ce qui vous répond, finalement ?
44:11 La main sur l'épaule ?
44:13 - Il est très intelligent.
44:15 Non, mais il est très intelligent. Je me souviens, Olivier Dassault,
44:17 qui était tout près, il y avait pas mal de chefs d'entreprise,
44:19 il m'a dit "mais ce type, il est quand même...",
44:21 il était fasciné, il disait, par l'intelligence aussi,
44:23 c'est-à-dire qu'il met la main sur l'épaule
44:25 et il me dit "je crains que tu n'aies raison".
44:27 - "Je crains que tu n'aies raison".
44:29 - Je crains que tu n'aies raison.
44:31 - Alors, il nous reste une poignée de secondes.
44:33 On va passer sur Emmanuel Macron, d'ailleurs,
44:35 il ne vous intéresse qu'à moitié, vous dites qu'il est narcissique,
44:37 qu'il se suffit à lui-même, vous n'avez pas vraiment
44:39 cherché à le rencontrer.
44:41 - Je le connaissais.
44:43 - J'aimerais vous montrer, parce que tout n'est pas foutu,
44:45 c'est ça qui est intéressant.
44:47 Vous avez quand même un tout petit peu d'optimisme,
44:49 pour un sursaut, je vais vous montrer quatre.
44:51 On en a choisi quatre.
44:53 La beauté ne meurt jamais.
44:55 On a choisi, après réflexion avec mon équipe,
44:57 quatre personnalités qui peuvent avoir un destin à venir,
45:01 on verra, qui, sur ces quatre-là,
45:03 Edouard Philippe, Bernard Cazeneuve,
45:05 Éric Zemmour, François Ruffin,
45:07 a le bon diagnostic sur le pays, selon vous ?
45:11 - Je pense que d'abord, Edouard Philippe,
45:13 c'est le candidat des journalistes, des médias,
45:17 et des patrons, du patronat.
45:19 - Pas le vôtre ?
45:21 - Non, ils sont toujours plantés, ceux-là.
45:23 Ça ne marche pas.
45:25 En général, c'est, regardez, dans le passé,
45:27 c'est Béré Grosbois, Baladur, etc.
45:29 Éric Zemmour, moi je lui ai dit,
45:31 il n'est pas fait pour faire de la politique.
45:33 C'est un chroniqueur.
45:35 Bon, il a voulu changer de métier.
45:37 En plus, il ne faut jamais changer de métier trop tard.
45:39 Il aurait dû commencer à 30 ans.
45:41 Cazeneuve, il est sur un bon créneau,
45:43 c'est quelqu'un de tout à fait intelligent,
45:45 de remarquable, je dirais,
45:47 c'est une personnalité remarquable,
45:49 et pourquoi ça ne prend pas ?
45:51 Parce que je pense qu'il ne fait pas les efforts.
45:53 Il faut qu'il fasse un peu les traiteaux.
45:55 - Et le petit jeune, le petit dernier,
45:57 vous intéresse ou pas ?
45:59 - Lui, il est intéressant,
46:01 mais il a affaire à très forte partie
46:03 parce que Mélenchon, encore,
46:05 la presse... - Va le dévorer ?
46:07 - Non, Mélenchon n'est pas mort du tout.
46:09 Mélenchon, il a une stratégie,
46:11 15 %, je vole votre musulman, etc.
46:13 J'agglomère des trucs autour,
46:15 et à partir de 15 %, je suis très fort.
46:17 La succession de Mélenchon,
46:19 ça peut être qu'une histoire de santé,
46:21 à un moment donné,
46:23 mais je pense qu'il est encore là,
46:25 et qu'il souhaite se présenter à la prochaine présidentielle.
46:27 Mais bon, il peut attendre.
46:29 - C'est dit. Tragédie française.
46:31 Au singulier.
46:33 Personne n'a vraiment grâce aux yeux de France,
46:35 mais pas complètement, parce que vous êtes tendre.
46:37 - C'est pas vrai. - C'est vrai, je vais dire.
46:39 - Regardez, Occard, Maurois...
46:41 - C'est vrai. Vous n'êtes jamais méchant.
46:43 - Regardez Chirac en 86 et 88.
46:45 - C'est vrai.
46:47 - Il a été battu... - Il faut s'arrêter,
46:49 sinon vous n'aurez plus le temps de réagir à nos chroniqueurs.
46:51 - Il y en a plein d'autres.
46:53 - C'est-à-dire, c'est Gallimard.
46:55 - A droite comme à gauche. - Ça cartonne, même sans promo.
46:57 - René Monnory, regardez. - Oh mon Dieu, René Monnory.
46:59 - Non mais attendez, je remonte.
47:01 "Ça fait rêver", je vais vous dire.
47:03 - Non, il faut s'arrêter. - Sacré bonhomme, garagiste.
47:05 D'accord, mais il savait compter.
47:07 - Allez, on s'arrête là. Vous allez pouvoir réagir
47:09 à nos parties, nos affranchis. On les accueille tout de suite.
47:13 Allez, Yael Ghose, il va falloir faire vite
47:15 si vous voulez le laisser réagir, parce qu'il est prolique.
47:17 Yael Ghose de France Inter, le billet
47:19 politique, bien sûr,
47:21 et le billet philo avec Nathan Devers.
47:23 Installez-vous. On va commencer par Bourbon Express.
47:25 Chaque soir, une histoire
47:27 à l'Assemblée nationale qui a marqué l'actu du jour.
47:29 Marco Pommier, bonsoir, c'est vous qui nous la racontez ce soir.
47:31 - Bonsoir, Myriam. Ce soir,
47:33 je vous raconte une histoire capillaire.
47:35 Alors, pas question de parler
47:37 de franges, de dégradés ou même de perruques.
47:39 D'abord, je ne suis pas spécialiste.
47:41 Ça serait un peu tiré par les cheveux sur LCP.
47:43 Non, ce soir, je vous parle
47:45 des injustices capillaires. C'est le combat
47:47 d'Olivier Servat, député
47:49 Lyot de Guadeloupe. Il veut en finir
47:51 avec les discriminations liées
47:53 à la texture, la longueur, la couleur
47:55 ou la coupe de cheveux.
47:57 C'est très sérieux, Myriam. Il porte
47:59 une proposition de loi sur le sujet.
48:01 - Moi, ça me parle, écoutez, forcément.
48:03 - C'est fondamental, c'est le moment. - Avec mes cheveux.
48:05 - Oui, bien sûr. - Olivier Servat,
48:07 soutenu donc par une cinquantaine de députés
48:09 de la gauche aux Républicains, en passant
48:11 par la majorité, et il organise
48:13 en ce moment même à l'Assemblée
48:15 un colloque sur la question.
48:17 Écoutez ce témoignage. - C'est un peu, en ce moment,
48:19 c'est bien, ça. - Vous, vous avez été discriminée
48:21 pour vos cheveux ? - Exactement. Ça m'est arrivé
48:23 à plusieurs choses, que ce soit à l'école,
48:25 au travail également. Ça m'est arrivé qu'on m'ait refusé
48:27 de venir avec mon cheveu détaché, qu'il fallait
48:29 l'attacher, puisque c'était pas professionnel.
48:31 Ou alors, on m'a dit de venir la prochaine fois, avec un entretien
48:33 d'embauche, les cheveux attachés, ou lissés.
48:35 Puisque, soi-disant, mon cheveu est considéré
48:37 comme sauvage, sale, négligé.
48:39 J'ai l'impression qu'on me demandait de changer mon identité
48:41 ou mon ADN.
48:43 - Bon, Claire Myriam, son visée, les femmes afros,
48:45 les blondes,
48:47 les chauves aussi. Le point de départ
48:49 du combat d'Olivier Servat, et bien c'est
48:51 la condamnation d'Air France. Après dix ans
48:53 de bataille juridique, la compagnie aérienne
48:55 avait interdit le port de
48:57 tresse afro à l'un de ses stewards.
48:59 - Bon, alors, il y a des exemples. Est-ce qu'on peut
49:01 vraiment mesurer l'ampleur de ces
49:03 discriminations ? - Eh bien, on peut au moins
49:05 s'appuyer sur des études menées au Royaume-Uni
49:07 et aux Etats-Unis. Deux tiers des
49:09 femmes noires américaines disent changer
49:11 de coupe de cheveux avant un entretien
49:13 d'embauche. Près de la moitié se
49:15 sentent obligées de les lisser, sinon vous êtes perçus
49:17 comme moins professionnels par les employeurs.
49:19 Plus inquiétant encore,
49:21 les femmes qui utilisent des produits pour
49:23 se défriser les cheveux auraient trois fois
49:25 plus de risques de développer des cancers
49:27 de l'utérus. Et puis, chers messieurs,
49:29 si vous n'avez plus grand-chose sur le caillou,
49:31 eh bien, sachez que vous avez
49:33 moins de chances d'obtenir des entretiens
49:35 d'embauche. Bref, Myriam, pour Olivier Servat,
49:37 eh bien, c'est bien la preuve qu'il y a un
49:39 problème universel.
49:41 - Sociologiquement, devoir s'aplatir
49:43 les cheveux, c'est aplatir sa
49:45 personnalité, s'aplatir soi-même et donc
49:47 ne pas être bien pour la société. Quand on n'est pas
49:49 bien pour la société, ça n'est pas bon pour le
49:51 bien vivre ensemble. - La loi, elle permet
49:53 déjà, aujourd'hui, de punir
49:55 les discriminations pour apparence physique. - Oui,
49:57 ça c'est le principe, mais la réalité
49:59 est tout autre. J'ai identifié un trou
50:01 dans la raquette législative et indéniablement.
50:03 Quand je vous regarde,
50:05 je regarde votre visage et ce que vous avez au-dessus
50:07 du visage. Ça se voit plus qu'autre
50:09 chose. Et donc, ce trou dans la raquette
50:11 nous demande de mettre un focus
50:13 particulier sur cette discrimination
50:15 évidente. - Bon, Olivier Servat
50:17 espère un consensus sur la question.
50:19 Feu vert, en tout cas, du côté de la présidence
50:21 de l'Assemblée, reste à inscrire la
50:23 proposition de loi à l'agenda lors d'une
50:25 semaine dédiée aux propositions des députés
50:27 en janvier prochain, espère Olivier Servat.
50:29 - D'un mot ? - Ça fait plaisir,
50:31 c'est un moment pour rire, dans une période
50:33 un peu difficile, parce que c'est une séquence comique,
50:35 mais j'ai beaucoup ri. - Vive les bouclés,
50:37 je dis, et les frisés, comme moi.
50:39 - Et tout le monde est une victime !
50:41 - Je m'y attendais. - Les chauves et ceux
50:43 qui ont trop de cheveux. - Bon, on enchaîne
50:45 avec vous. Vous voulez nous parler de ces
50:47 rencontres en format Saint-Denis,
50:49 c'est le nom désormais
50:51 d'Emmanuel Macron. Il y en a une demain.
50:53 Trois chefs de parti ont décliné
50:55 l'invitation, et le président,
50:57 depuis la suite, a été extrêmement dur.
50:59 Il parle même de faute politique
51:01 majeure. Les absents
51:03 ont-ils vraiment tort ? - Pour la France
51:05 insoumise, on va dire qu'on n'est pas surpris,
51:07 parce que c'est la conflictualisation permanente,
51:09 ils sont antisystèmes, donc la couleur avait
51:11 été annoncée depuis plusieurs jours. Là, on est plus
51:13 surpris, c'est voir deux
51:15 leaders de deux anciens
51:17 partis de gouvernement, socialistes et républicains,
51:19 Eric Ciotti et Olivier Faure, qui vont sécher
51:21 ce rendez-vous. Là, ça interroge davantage,
51:23 parce que les deux chaises vides,
51:25 les leurs, vont laisser symboliquement encore plus
51:27 de place à qui ? Au RN,
51:29 à Jordan Bardella, qui sera là et qui pourra,
51:31 lui, se targuer d'être la première
51:33 opposition présente, responsable
51:35 à Emmanuel Macron. C'est l'incohérence sur la forme.
51:37 - Et sur le fond ? - Ils ont tort aussi,
51:39 selon moi, car en quoi
51:41 l'ordre du jour fixé par le président
51:43 serait incompatible avec
51:45 leur formation politique ? Il s'agit de faire
51:47 un point sur la situation
51:49 entre Israël et le Hamas,
51:51 sur notre action diplomatique, sur nos otages,
51:53 et surtout d'évoquer un
51:55 grand sujet, l'élargissement du référendum.
51:57 Alors, article 11, ça, ça parle
51:59 vraiment aux républicains, ils portent ce sujet,
52:01 et le RIP, référendum d'initiative
52:03 partagée qu'on pourrait simplifier, ça, c'est une réforme
52:05 poussée par les socialistes. Ils ne seront pas là.
52:07 Ils ont même tort, Myriam,
52:09 une troisième fois, parce qu'ils sont venus déjà la dernière
52:11 fois, il n'y a pas de cohérence, notamment, au sein
52:13 de la NUPES, puisque vous aurez l'écologiste
52:15 Marine Tendelier et le communiste Fabien Roussel
52:17 à la table. Et puis, je ne sais pas si vous avez vu,
52:19 Olivier Faure, il fait des propositions intéressantes
52:21 dans un nouveau livre sur les inégalités
52:23 de patrimoine en France. C'est l'occasion
52:25 de dire les choses, d'exposer, d'aller face au président
52:27 dire des choses. Marine Tendelier, elle vient
52:29 pour parler climat, alors que ce n'est pas l'ordre
52:31 du jour, mais elle vient avec son thème.
52:33 - Alors donc, si on vous suit, le président peut légitimement
52:35 se poser en victime de
52:37 leur sectarisme. - Antithèse, le problème
52:39 c'est que depuis 2018 et les Gilets jaunes,
52:41 le président Emmanuel Macron
52:43 brille dans le concours Lépine de l'innovation
52:45 démocratique permanente, Grand débat
52:47 national, cahiers de doléances,
52:49 convention citoyenne, climat, fin de vie,
52:51 conseil national de la refondation
52:53 et maintenant le format Saint-Denis,
52:55 séminaire. Pour quels résultats
52:57 à chaque fois ? Combien de fois
52:59 il y a eu un filtre, finalement, du président ?
53:01 Ou alors classé sans suite ?
53:03 Où sont les cahiers de doléances ? Où est le projet
53:05 de loi fin de vie ? Y a-t-il eu un scénaire
53:07 sur les retraites ? Non. Donc la confiance
53:09 ne peut pas être totale. Cette manière
53:11 d'associer pour retrouver du consensus,
53:13 pourquoi pas, mais ça signe aussi
53:15 et surtout en ce moment
53:17 sa difficulté à gouverner
53:19 sans majorité absolue, en oubliant
53:21 au passage que c'est au Parlement que tout ça
53:23 est censé se passer et se débattre,
53:25 pas entre chefs de parti. Ce boycott
53:27 demain met en lumière la solitude
53:29 croissante d'Emmanuel Macron, sa perte
53:31 d'influence, condamnée à ne pas pouvoir
53:33 rempiler, mais c'est pas une raison
53:35 pour dès maintenant, dès 2023,
53:37 refuser l'échange, la discussion, sans savoir
53:39 à l'avance s'il est désempipé ou si
53:41 au contraire tout ça peut déboucher un peu sur du
53:43 commun. Il n'y en a pas beaucoup en ce moment
53:45 dans les jeux politiciens. D'accord avec l'analyse.
53:47 J'aime beaucoup Yael Ghosn, mais là je suis pas d'accord
53:49 avec lui. Non, non, parce que
53:51 je suis pas d'accord sur la chute et puis je suis pas d'accord
53:53 non plus sur le début. Pourquoi ? Parce que
53:55 d'habitude, c'est vrai qu'il y a une
53:57 bonne façon de ne pas se tromper trop,
53:59 j'ai remarqué en politique, c'est de dire un peu
54:01 le contraire des journalistes et des médias.
54:03 Regardez, ils disent "grosse
54:05 erreur de Ciotti", mais je trouve
54:07 pour une fois, enfin peut-être pas pour une fois,
54:09 c'est très malin.
54:11 C'est-à-dire qu'ils laissent
54:13 Macron seul face
54:15 à Bardella. Et il y a que vous qui croyez que c'est
54:17 un truc sérieux. C'est de la con. C'est bidon
54:19 cette histoire de... C'est totalement bidon.
54:21 Allez, vous allez découvrir Nathan Devers, si vous le connaissez
54:23 pas déjà. Moi je pense qu'ils doivent travailler ensemble
54:25 et se voir souvent. C'est-à-dire que le président de la République
54:27 doit recevoir, comme ses prédécesseurs,
54:29 il doit recevoir souvent
54:31 les chefs de partis,
54:33 dès qu'il le peut, à chaque occasion.
54:35 Ce truc-là, c'est un grand barnum
54:37 pour faire des images à la télé,
54:39 c'est de la con.
54:41 Et la con, ça tue la politique.
54:43 - Vous vouliez nous parler ce soir d'un mot
54:45 qui vous a interpellé, je sais pas si je vais y arriver,
54:47 la notion de "what aboutisme".
54:49 - Oui, déjà il faut le prononcer.
54:51 "What aboutism", "whataboutisme",
54:53 je ne sais pas comment j'ai découvert
54:55 cet anglicisme cette semaine,
54:57 à la faveur d'un débat public qui tend de plus en plus
54:59 à se crisper, comme ça, et à devenir une sorte
55:01 d'affrontement binaire,
55:03 un antagonisme entre deux camps qui refusent
55:05 de s'écouter, que ce soit sur le conflit israélo-palestinien,
55:07 sur les retraites, sur l'Ukraine,
55:09 sur je ne sais quel sujet, et donc j'ai vu que sur les réseaux sociaux,
55:11 cette tendance commençait à naître,
55:13 avec deux camps qui s'accusent mutuellement, très souvent,
55:15 de faire du "whataboutisme".
55:17 Je vais le dire à la française parce que j'ai un mauvais accent anglais,
55:19 donc je l'assume. Alors qu'est-ce que c'est le "whataboutisme" ?
55:21 Exemple concret, imaginez que je vienne demain
55:23 dire à un de mes amis qu'il a tort de fumer
55:25 parce que c'est mauvais pour sa santé, et qu'il me réponde
55:27 que je suis très mal placé pour lui dire ça,
55:29 parce que je suis moi-même un grand fumeur.
55:31 Ce serait du "whataboutisme" total.
55:33 C'est quand, si vous voulez, quand quelqu'un fait une réfutation
55:35 ou une objection, qu'on vient attirer l'attention
55:37 sur le fait qu'il est mal placé
55:39 pour donner cette objection.
55:41 Conflit israélo-palestinien, c'est par exemple de dire
55:43 "le 7 octobre a été une horreur, oui, mais regardez à Gaza,
55:45 les civils meurent aussi".
55:47 Autre exemple de "whataboutisme" politique, très intéressant
55:49 dans la rhétorique de Vladimir Poutine.
55:51 Je ne respecte pas les droits de l'homme,
55:53 mais l'Occident a lui-même soutenu
55:55 la guerre en Irak, et donc il est très mal placé
55:57 pour me donner cette pression.
55:59 - C'est vrai qu'effectivement, c'est très présent dans le débat public.
56:01 - Je confirme, j'ai en permanence, moi, sur ce plateau.
56:03 Alors, est-ce qu'il est seulement possible
56:05 d'échapper à ce "whataboutisme" ?
56:07 - Oui, il me semble que ce "whataboutisme",
56:09 cet art de renvoyer la balle,
56:11 cet art de la rhétorique, de la discussion en boomerang,
56:13 en fait, il naît d'une conception
56:15 belliqueuse du débat
56:17 et d'une sorte d'allergie à la réfutation.
56:19 Ça veut dire que la réfutation est perçue
56:21 comme une attaque, exactement comme dans un combat de boxe,
56:23 une attaque qu'il s'agit absolument de renvoyer,
56:25 d'éviter, comme si c'était la grande menace du débat.
56:27 Alors, c'est ce qu'on appelait dans la Grèce antique
56:29 l'héristique, la croyance que la rhétorique est un combat.
56:31 Contre cela, il y a une autre vision,
56:33 qui est notamment la vision du dialogue,
56:35 du débat philosophique, que Socrate promeut,
56:37 notamment dans un texte très important
56:39 qui est le Gorgias, où, affrontant les grands maîtres
56:41 de la rhétorique grecque, il dit,
56:43 je le cite littéralement,
56:45 "Veux-tu savoir quel type d'homme je suis ?
56:47 Je suis quelqu'un qui estime qu'il y a plus grand avantage
56:49 à être réfuté que de réfuter,
56:51 dans la mesure où se débarrasser du pire des mots
56:53 fait plus de bien qu'en délivrer autrui."
56:55 - Magnifique.
56:57 On va méditer,
56:59 on va méditer Socrate.
57:01 Merci beaucoup.
57:03 Je vous propose de répondre à Nathan,
57:05 en dehors de ce studio, parce que le temps
57:07 qui nous est imparti s'achève maintenant.
57:09 - Merci, Nathan. - Tragédie française.
57:11 C'est le troisième tome, il y en aura un autre ?
57:13 - Peut-être, oui, oui.
57:15 Il y aura peut-être une suite à un moment donné,
57:17 mais bon, oui, oui.
57:19 - Histoire intime de la Ve République.
57:21 - J'ai plein de chutes, vous savez, comme on dit,
57:23 j'ai plein de choses encore. - Il y a toujours à dire.
57:25 - C'est un pays magnifique. - On va pas.
57:27 - La France n'est jamais finie.
57:29 - Jamais finie. On sera d'accord.
57:31 - Ça va très mal, c'est sûr.
57:33 - Mais on a des raisons d'espérer.
57:35 - Au fond du fond.
57:37 - Vous entendez la petite musique ? - On va revenir.
57:39 - C'est fini. On se quitte là-dessus.
57:41 Très belle soirée sur LCP, soirée documentaire
57:43 avec Jean-Pierre Gracien. A demain.
57:45 Merci de votre fidélité.
57:47 ...
58:00 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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