Comment en finir avec le wokisme ?
Du lundi au jeudi, Helène Zelany reçoit un invité au centre de l'actualité.
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu
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00:00 *Sonnerie de téléphone*
00:02 Heureux Pinsoir !
00:04 19h20, Hélène Zellany.
00:06 19h45, voilà qu'on reparle de wokisme ces derniers jours,
00:10 cette manière radicale de concevoir la justice sociale
00:13 et de défendre les minorités, tout particulièrement dans les universités anglaises et américaines
00:18 depuis la guerre entre Israël et le Hamas, justement on en parlait avec le général Gomart juste avant la pause.
00:23 Bonsoir Sylvie Pérez.
00:25 Bonsoir Hélène Zellany.
00:26 Vous êtes journaliste et écrivain et vous publiez le livre "En finir avec le wokisme",
00:31 merci d'être en direct dans Heureux Pinsoir.
00:33 Votre livre raconte comment le mouvement wok a progressivement gagné du terrain dans le monde anglo-saxon
00:39 et au-delà de ce constat vous montrez surtout comment la bataille culturelle est lancée pour contrer ce mouvement.
00:44 Alors je voudrais d'abord qu'on évoque le lien entre le wokisme et les actes antisémites
00:48 qui explosent sur les campus américains avec même des violences physiques.
00:52 C'est assez intéressant, le wokisme est l'enfant du politiquement correct.
00:56 Il faut quand même expliquer ce que c'est en deux mots, c'est un ensemble de doctrines
01:00 qui envisagent toute relation humaine selon un rapport de pouvoir entre dominant et dominé.
01:06 Donc vous avez la théorie du genre, l'antiracisme, le néo-féminisme et le décolonialisme, pour donner un tableau.
01:14 Le wokisme c'est le politiquement correct à la puissance 10.
01:18 Je cite dans mon livre un article du New York Times de 1990,
01:24 c'est le moment où apparaît le politiquement correct.
01:27 Et le New York Times décrit un mouvement fort inquiétant
01:30 qui suppose qu'on se conforme, un mouvement aux allures staliniennes d'ailleurs, est-il précisé,
01:36 qui suppose qu'on se conforme à certaines opinions à propos des races, de l'écologie, du féminisme
01:43 et, devinez quoi, du conflit israélo-palestinien.
01:46 Donc vous voyez, on est en 1990 et alors à ce moment-là, on déplore cette nouvelle intolérance,
01:51 c'est la police de la pensée et ça va être un problème majeur pour les universités, on est inquiets.
01:56 Fast forward 20 ans plus tard, le politiquement correct a imposé ses interdits partout,
02:03 le New York Times est devenu la pravda du wokisme.
02:07 Avançons encore d'une dizaine d'années, on est en octobre 2023,
02:12 au lendemain des pogroms perpétrés en Israël et on a des étudiants wok
02:16 qui qualifient les massacres d'actes de résistance et qui héroïsent les terroristes.
02:22 Alors comment est-ce qu'on passe d'un mouvement qui se soucie que les maux ne soient pas blessants,
02:29 qui se soucie des plus faibles, à la justification décomplexée d'un massacre de civils ?
02:36 Telle est la question qu'on peut se poser aujourd'hui.
02:38 - Surtout que les juifs sont aussi une minorité, on pourrait imaginer que pourquoi ne pas défendre les juifs aussi ?
02:43 - Oui mais si vous voulez, le wokisme c'est une idéologie qui est très déconnectée de la réalité
02:49 et qui repose sur un récit figé.
02:52 Il y a d'un côté les bourreaux, de l'autre côté les victimes.
02:56 On est bourreaux de père en fils et on est victime par filiation.
02:59 Vous avez déjà entendu parler... - Très manichéen quoi.
03:03 - Très manichéen, exactement, sans aucune nuance, c'est sale drame.
03:05 Et c'est ce qui fait qu'on a maintenant des étudiants qui sont, pardon de le dire,
03:09 mais qui sont un petit peu esservelés et même déshumanisés.
03:14 Vous avez entendu parler du privilège blanc par exemple ?
03:17 Le privilège blanc c'est l'idée selon laquelle un SDF blanc de peau est un anti,
03:23 parce que justement il est blanc, parce qu'il est du côté des bourreaux, parce qu'il est blanc.
03:28 De la même façon, l'Occident est coupable, dans la vision wok du monde, l'Occident est coupable.
03:34 Israël est la figure de l'Occident au Moyen-Orient.
03:37 Donc Israël est coupable, y compris au moment où le pays subit les pires astrocités sur ses populations civiles.
03:45 - Et ce qui est fascinant, c'est que ce dont je parlais, cette violence, cette haine contre les Juifs,
03:50 ces inscriptions, évidemment ces portraits arrachés, on voit ça dans les meilleures universités américaines.
03:55 C'est vraiment l'élite et c'est dans ces fac élitistes qu'il y a les pires dérives.
04:00 - Oui, il y a eu, rien qu'à Harvard, 30 organisations étudiantes ont publié un communiqué
04:07 qui "contextualise" les pogroms et qui tient Israël responsable des atrocités perpétrées par le Hamas
04:16 et qui se range en gros du côté des terroristes.
04:19 Vous avez aussi un texte du même tonneau qui a été signé par 1700 professeurs de sociologie à ce moment-là.
04:26 Mais quelques jours après les massacres.
04:30 C'est vraiment à n'y rien comprendre et en même temps, ça montre quelque chose
04:37 dont on a vu l'évolution depuis une vingtaine d'années.
04:41 - Mais ça veut dire que, évidemment, ça concerne les élèves, mais ça concerne aussi évidemment les enseignants
04:47 et ça veut dire que les générations qui sont en train d'arriver dans la société
04:52 vont être totalement formatées par cet état d'esprit.
04:55 - Exactement, qui est un état d'esprit complètement rigide.
04:59 Et donc ce wauquisme qui au départ se souciait des plus faibles est violent.
05:04 Et il est d'autant plus violent, si vous voulez, qu'il est féroce au nom du bien.
05:08 C'est-à-dire qu'on se dit "il y a des choses qui sont tellement dangereuses à dire
05:13 qu'il faut les interdire pour arriver à une société idéale
05:17 et encore mieux, il faudrait peut-être éliminer les gens qui les disent".
05:21 - Vous pouvez nous donner des exemples concrets ?
05:24 - Oui, il y a aux Etats-Unis et en Angleterre des professeurs d'université
05:31 qui ont été obligés de démissionner parce que l'établissement ne pouvait plus assurer
05:36 leur sécurité physique face à des étudiants idéologues.
05:41 Je pense par exemple à Kathleen Stock.
05:44 Là, ça se passe en Angleterre, à l'université de Sussex.
05:47 Kathleen Stock est une professeure de philosophie féministe, lesbienne,
05:53 - Elle coche les cases.
05:56 - Elle coche quelques bonnes cases, exactement.
05:59 Elle a été poursuivie par des activistes transgenres
06:04 pour avoir réitéré la réalité du sexe biologique,
06:08 qui est en contradiction avec l'idée des activistes transgenres
06:13 selon laquelle le genre prime sur le sexe biologique.
06:17 Vous voyez ce que je veux dire ?
06:19 C'est le Sabir Walk, mais c'est très sérieux parce que...
06:23 - Ça a des conséquences graves.
06:25 - Ça a commencé en 2019 pour cette femme.
06:28 Elle a tenu bon en plus, crime de lèse-majesté, blasphème des blasphèmes.
06:35 Elle a dû donner ses cours par Zoom à un moment, sous protection policière,
06:41 et elle a fini par être obligée de démissionner
06:43 au bout de 18 ans de carrière dans la même université.
06:46 Mais vous avez aussi une professeure d'Histoire moderne à Oxford
06:50 qui a aussi été obligée de donner ses cours encadrées par deux gardes du corps à Oxford.
06:57 - Essayons d'être un peu positif, même si le tableau que vous dressez est très inquiétant.
07:03 Le sous-titre de votre livre, c'est "Chronique de la contre-offensive anglo-saxonne".
07:08 C'est quoi cette contre-offensive ?
07:11 - L'intérêt de se pencher sur le cas anglo-saxon,
07:17 c'est qu'il nous procure une sorte de retour d'expérience.
07:20 Puisqu'ils ont l'hobochisme là-bas à 10 ans d'avance sur ce qu'on vit ici,
07:25 ce qui fait qu'ils ont eu le temps de circonscrire ce mouvement qui est assez complexe,
07:30 il est vrai à plusieurs branches, qui est compliqué et qui est assez irrationnel au fond.
07:35 Donc ils ont eu le temps de le circonscrire et surtout de réfléchir à comment freiner ce train fou dont on voit les effets aujourd'hui.
07:45 - Justement, ils font quoi ? Quels sont les actes, les organisations qui luttent contre le wokeisme dans le monde anglo-saxon ?
07:53 - Il y a des outils qui sont mis en place, par exemple je pense à FIRE,
07:58 la Fondation pour les Droits de l'Expression, c'est une association qui a été fondée dès 1999,
08:08 parce que déjà le politiquement correct faisait des ravages sur la liberté d'expression.
08:12 Ce sont des avocats bénévoles qui défendent la liberté d'expression telle que dictée par le premier amendement de la Constitution américaine.
08:20 Ils étaient 14 au moment de la fondation de cette association, ils sont aujourd'hui une centaine.
08:26 On peut citer aussi les principes de Chicago, qui sont une charte pour la liberté académique,
08:35 qui a été conçue en 2014 à l'université de Chicago, d'où le nom,
08:40 et qui aujourd'hui, cette charte est signée par plus d'une centaine d'universités américaines,
08:46 l'idée étant que la mission de l'université inclut la mise en cause des idées reçues,
08:51 et que la bonne pensée n'a pas sa place dans l'académie.
08:53 Il y a un certain nombre d'outils comme ça qui ont été élaborés.
08:56 - Sylvie Pérez, en France, où la vague woke est déjà bien ancrée dans les universités,
09:02 est-ce que la contre-offensive a commencé ?
09:04 - On peut citer l'observatoire du décolonialisme, qui est une union d'une centaine d'universitaires,
09:12 ils ont un site internet, et qui lutte contre la déconstruction des savoirs,
09:17 et contre l'intrusion du militantisme woke à l'université française.
09:21 Ils avaient fait un colloque début janvier 2022,
09:24 justement pour attirer l'attention sur le danger du wokisme,
09:28 sur la recherche académique et la liberté d'expression.
09:31 - Je vous remercie beaucoup, Sylvie Pérez, d'être venue dans Europe Un Soir.
09:34 Journaliste, écrivain, je rappelle le titre de votre livre passionnant,
09:39 "En finir avec le wokisme", aux éditions du CERF.
09:43 Merci d'être venue dans ce studio. - Merci à vous.
09:45 à vous.