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C’est un film de 48 minutes documentant les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre en Israël, rassemblé par les autorités israéliennes à partir de vidéo de surveillance, de vidéos de victime mais surtout des caméras des terroristes. Montrés aux journalistes lundi, ce film a été aussi projeté hier devant des députés. Alors que contient ce film ? en quoi peut-il être utile ? Et faut-il montrer certaines de ces images au grand public ?

Retrouvez "La Question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-question-du-jour

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Transcription
00:00 -Avec Thomas Hill. C'est l'heure de la question.
00:02 -C'est un film d'une quarantaine de minutes
00:05 documentant les atrocités commises par le Hamas
00:08 le 7 octobre en Israël,
00:09 rassemblées par les autorités israéliennes
00:12 à partir de vidéos de surveillance, de victimes,
00:14 et surtout des caméras des terroristes.
00:17 Lundi, ce film a été projeté hier devant des députés.
00:20 Que contient ce film ?
00:22 En quoi peut-il être utile et faut-il montrer
00:24 certaines de ces images au grand public ?
00:27 On en parle avec Wilfried de Villers. Bonjour.
00:30 -Bonjour. -Reporter à Europe 1.
00:32 Vous avez passé 17 jours sur place depuis le début du conflit
00:35 et vous étiez à la projection lundi.
00:38 Christian Delage est avec nous. Bonjour.
00:40 Vous êtes historien et réalisateur.
00:42 Vous signez une tribune dans le monde hier
00:45 où vous vous interrogez sur le sens de ces projections.
00:48 On va en parler. Mais d'abord, Wilfried,
00:50 expliquez-nous comment ça s'est déroulé,
00:53 cette projection. Est-ce qu'on vous a dit des choses
00:56 ou est-ce qu'il y a un message particulier ?
00:59 -Alors, nous, quand on est arrivés...
01:01 La projection, c'était principalement des médias,
01:04 des journalistes, des rédacteurs en chef
01:06 qui étaient venus voir la projection lundi.
01:09 Vous l'avez dit, il y en a eu une autre
01:11 à l'Assemblée nationale.
01:13 Nous, celles à laquelle on a assisté,
01:15 il y a une personne, quand on arrive,
01:18 qui introduit un peu ce que l'on va voir
01:20 et surtout, avant la projection de la compilation de vidéos,
01:24 je ne sais pas si on peut appeler ça précisément un film,
01:27 on en reparlera,
01:29 avant cette projection,
01:30 il y a une petite introduction à l'écrit sur l'écran
01:34 où on nous explique dans quel contexte
01:36 ont été filmées, on va dire, ces images
01:39 et on nous explique ce que l'on va voir.
01:42 Après, le reste, les images,
01:44 ce sont des images brutes, sans montage.
01:46 -Est-ce qu'à la fin, il y a des questions qui sont autorisées ?
01:50 -Oui, certaines questions.
01:52 Moi, quand j'y étais, il y a eu deux questions seulement,
01:56 parce que je pense qu'après avoir vu ces images,
01:59 on est quand même assez sous le choc,
02:01 donc je ne sais pas si la séance de questions-réponses
02:04 c'est un peu délicat à ce moment-là,
02:07 mais c'est possible de poser des questions
02:09 à un représentant de l'ambassade,
02:11 celui qui est là et qui nous accompagne pendant la compilation de vidéos,
02:16 il nous dit où est-ce qu'on en est,
02:18 quel timing, etc., pour qu'on puisse se repérer,
02:21 et le but de ces projections dans des ambassades
02:24 à travers le monde, Christian Delage,
02:27 c'est de peser sur l'opinion internationale,
02:30 c'est aussi peut-être de lutter contre le danger de négation de ces crimes,
02:34 ça laisse une trace, peut-être.
02:36 -Il faudrait que le montage soit vraiment assumé comme tel,
02:40 puisque quand on lit ce que le réalisateur a fait,
02:43 parce qu'il y a un réalisateur,
02:45 il est réserviste de l'armée israélienne,
02:47 il est par ailleurs issu du monde du cinéma,
02:50 il existe d'ingénierie interface utilisateur,
02:53 donc ils ont choisi quelqu'un qui est censé savoir
02:56 comment s'adresser au public large.
02:59 Donc, soit on assume que c'est un montage,
03:02 donc c'est un documentaire, il a vu des centaines d'heures,
03:05 et il termine son film, je crois,
03:07 par la mention du nombre de morts qu'on voit à l'image.
03:10 -138 corps ont été montrés à l'écran, c'est à peine 10 % des victimes.
03:14 -C'est curieux de terminer par cette mention-là,
03:17 comme s'il fallait qu'on voit l'ensemble des morts
03:20 qui se trouvent sur le terrain.
03:23 Donc, je pense que d'abord, il faudrait assumer cela,
03:26 il faudrait dire, voilà, on a fait un montage,
03:28 c'est un point de vue à partir d'archives.
03:30 Parce que moi, en tant qu'historien, si je devais travailler sur ce montage,
03:34 je le remonterais à la source,
03:35 j'aurais envie de savoir d'où ça vient, qu'est-ce qu'il a choisi,
03:38 vous voyez, enfin, donc je pense que ça, c'est la première chose.
03:41 Et puis la deuxième, c'est que quand on a un petit peu
03:43 une expérience, qui est mon cas, de se confronter à des images d'horreur,
03:47 on sait qu'il faut prendre des protections.
03:49 Je veux dire, si moi, demain, en tant qu'enseignant,
03:51 je montrais, alors, non pas ce film,
03:54 puisqu'il faut dire quand même que ce film n'a pas de diffusion publique.
03:59 Il est réservé à la presse ou à certaines situations.
04:03 Vous avez évoqué l'ambassade d'Israël à Paris,
04:07 mais par exemple, la partie sur les enfants a été montrée
04:10 à Anthony Blinken, le secrétaire d'État américain,
04:13 uniquement cette partie-là pour lui, en privé.
04:15 Donc il y a une espèce comme ça de répartition, au fond,
04:18 des projections qui sont organisées.
04:21 Et donc, si je devais montrer, ne serait-ce que le début,
04:25 c'est-à-dire ces images que nous avons tous vues,
04:28 puisque c'est les premières,
04:29 ces images de l'arrivée des militants en voiture,
04:32 et cette voiture qui est fusillée, et on voit qu'elle s'arrête,
04:35 et bon, floutée sur les visages,
04:38 et souvent interrompue avant la commission du crime.
04:41 Ça, c'est ce que les médias ont fait.
04:43 C'est ce que j'appelle une forme de protection.
04:45 Là, il n'y en a aucune.
04:47 Et donc, moi, j'ai dit dans ma tribune,
04:49 cela ne va provoquer que de la sidération.
04:52 Et quand je vois ce matin, dans Libération,
04:54 les réactions des députés, j'entends sidérer, bouleverser, etc.
04:58 C'est-à-dire, j'entends des réactions qui sont toutes
05:01 des réactions qui ne correspondent pas, si vous voulez,
05:03 à un travail de connaissance.
05:04 C'est-à-dire, si on vous dit, vous allez apprendre quelque chose
05:07 en regardant ces images, c'est une chose,
05:09 et je l'accepte parfaitement,
05:10 mais la réaction des journalistes, ce n'est pas du tout ça.
05:13 - Oui, donc ce qui vous inquiète, c'est qu'on en reste,
05:15 à ce stade de la sidération.
05:16 On va faire une courte pause et on se retrouve dans un instant
05:18 pour poursuivre la discussion.
05:19 A tout de suite sur Europe 1.
05:21 - Culture Média sur Europe 1 avec la suite de la question
05:25 "Média du jour, faut-il montrer les images des atrocités
05:27 commises le 7 octobre en Israël ?"
05:29 On en parle avec vos invités,
05:30 Thomas-Yves Wilfried de Villers, reporter à Europe 1,
05:33 qui a vu ces images,
05:35 et Christian Delage, historien et auteur du livre
05:39 "Filmer, juger, de la Seconde Guerre mondiale à l'invasion de l'Ukraine".
05:42 Wilfried, pourquoi vous avez décidé de vous rendre à cette projection,
05:46 vous qui avez déjà côtoyé l'horreur sur place,
05:48 puisque je rappelle que vous êtes allé passer 17 jours en Israël.
05:51 - Moi, je trouvais ça important d'y aller en tant que journaliste
05:54 parce que quand on parle de l'horreur, on parle de l'atrocité.
05:58 Pour moi, c'était important de savoir exactement de quoi je parlais.
06:03 Après, c'est sûr, comme l'a dit M. Delage,
06:06 parfois les images, on ne sait pas dans quel contexte elles ont été montées,
06:11 quelles images ont été choisies,
06:12 mais moi, je trouvais ça important de savoir de quoi je parle,
06:15 et c'est pour ça, principalement, que j'ai décidé d'y aller.
06:18 Après, évidemment, on n'y va pas par gaieté de cœur,
06:20 on s'attend déjà à ce qu'on va voir.
06:24 Après, quand on est en face des images,
06:27 c'est pire que ce qu'on imaginait, forcément.
06:29 C'est plus de 40 minutes de personnes tuées, de massacres,
06:34 donc c'est vrai que c'est difficile à supporter,
06:36 mais c'est important en tant que journaliste, je pense,
06:38 quand on parle de la guerre, quand on parle du conflit,
06:41 de savoir exactement ce qui s'est passé ce jour-là.
06:43 - Est-ce que ça a changé la perception que vous aviez de ces événements ?
06:47 - Alors, pas vraiment, parce que je pense qu'on parle d'un conflit,
06:52 on parle d'une guerre.
06:53 Ce jour-là, moi, en Israël, on me l'a beaucoup raconté
06:57 avec des gens à qui j'ai parlé, des survivants du festival Nova,
07:02 par exemple, ou des survivants des kibbouts,
07:03 donc j'avais déjà ces images d'horreur,
07:06 mais je ne les avais pas exactement en tête,
07:09 mais j'imaginais une sorte de scénario,
07:11 donc ça n'a pas forcément changé ma perception des événements.
07:15 - Christian Delage, est-ce que ces images,
07:17 elles ne peuvent pas aussi être utiles un jour
07:19 pour confronter les terroristes à la justice,
07:21 comme ça a été fait à Nuremberg en 1945 avec les criminales nazis ?
07:25 - Oui, alors ça, c'est vraiment l'hypothèse que je présente
07:28 comme étant la plus intéressante, la plus pertinente.
07:31 Moi, je n'ai aucun problème à ce que les journalistes voient cela,
07:34 au contraire, je veux dire, ça fait partie de votre métier,
07:37 et après tout, ça peut vous donner un élément d'information,
07:40 mais du coup, nous, on attendrait, en tant que lecteur ou auditeur,
07:43 à quel retour ça procure,
07:46 c'est la question qui vient de vous être posée.
07:48 Donc, confronter les criminels à leur crime,
07:51 c'est ce qui avait été fait au procès de Nuremberg,
07:52 c'était une première à travers un film qui durait aussi environ 55 minutes,
07:57 mais qui était un film de montage assumé,
07:59 avec un commentaire, avec une présentation de chacune des séquences,
08:02 voilà, on ne masquait pas le fait que c'était l'accusation
08:05 qui présentait ce document à partir d'images majoritairement faites par elle,
08:09 au moment de la libération des camps.
08:11 Donc, ça, c'est un élément intéressant aussi à souligner,
08:13 c'est-à-dire que là, on n'est pas sur l'après,
08:16 c'est-à-dire qu'on n'est pas sur les caméras qui arrivent après pour voir.
08:20 Ce qui me paraît curieux au passage,
08:21 c'est pourquoi il n'y a aucun témoignage des survivants,
08:24 tel que vous les avez évoqués.
08:25 Après tout, moi, ça m'aurait intéressé d'avoir aussi ce point de vue-là,
08:29 donc ça, c'est une question peut-être qui aurait pu être posée.
08:32 Et puis, ça, c'est un argument que j'ai donné aussi,
08:36 c'est que le problème, pour moi, essentiel,
08:39 c'est que plus de 50 % de ces images en durée
08:41 sont faites par les criminels eux-mêmes.
08:43 Et donc, ce n'est pas des images qu'ils prennent comme ça,
08:45 comme ça a pu arriver, vous voyez,
08:47 en passant, on est en train de commettre le crime et on...
08:50 Non, ils avaient la GoPro sur eux, ou sur les voitures, sur les pick-up,
08:54 ils ont vraiment filmé en même temps qu'ils commettent le crime.
08:57 Et donc, ça, nous, on a une qualification pour ça,
09:00 on appelle ça des images trophées,
09:02 c'est-à-dire qu'on assume le crime et on en est même fiers.
09:06 Et donc, on le montre. Et ça aussi, c'est très, très rare.
09:09 C'est-à-dire qu'en règle générale,
09:10 si vous prenez par exemple le massacre de Boucha en Ukraine,
09:13 les Russes sont immédiatement niés qu'ils l'avaient commis,
09:17 vous voyez, et masqués, toutes les preuves éventuelles.
09:19 Là, on est contraire dans l'affirmation,
09:21 dans la revendication de ce crime.
09:23 Et donc, comment, en tant que spectateur,
09:26 on a une place quand on est presque, si vous voulez,
09:29 dans la continuité de la commission du crime ?
09:32 Je trouve que ça pose un problème, un sérieux problème de réception.
09:38 - Est-ce que d'ailleurs, ce ne sont pas des images
09:39 qui ont déjà pu circuler sur les réseaux sociaux,
09:42 puisqu'elles étaient portées par les terroristes eux-mêmes ?
09:44 Ils les ont postées aussi, en partie, ces images.
09:47 - Alors, certaines images ont été utilisées par le Hamas
09:52 pour faire de la propagande sur les réseaux sociaux.
09:54 Après, les caméras qui étaient sur les combattants,
09:59 les terroristes du Hamas, celles qui ont été récupérées,
10:01 alors, je n'en suis pas sûr, mais on imagine quand même
10:03 que ce sont des terroristes qui ont été soit capturés, soit tués.
10:07 Donc, ce ne sont pas forcément les images qu'on a vues
10:09 qui ont été diffusées, mais c'est sûr que des images
10:11 des atrocités du 7 octobre, il y en a eu de nombreuses
10:15 qui ont déjà circulé sur les réseaux sociaux.
10:17 - Et en France, les médias, ils sont très prudents
10:19 sur les images violentes qui sont généralement floutées
10:22 dans tous les médias, mais on peut tomber quand même
10:24 assez facilement sur des images atroces sur les réseaux sociaux.
10:27 Et là aussi, sans aucune explication,
10:30 sans aucune vérification même.
10:32 Donc, on peut se demander si finalement,
10:34 on ne devrait pas présenter certaines de ces images
10:36 au grand public en les entourant d'explications.
10:39 Qu'est-ce que vous en pensez, Christian Dore?
10:41 - Oui, alors, il faut dire que sur ce conflit,
10:42 il y a quand même beaucoup d'images, non pas fausses,
10:44 comme ça a souvent été dit, mais des images qui viennent
10:47 d'autres terrains, d'autres dates, etc., ont été utilisées.
10:51 Alors, les médias font leur travail.
10:53 Ce qu'on appelle le "check news", ça se fait.
10:55 Simplement, le temps de faire pour chacune des images
10:58 dans le moment, si vous voulez,
11:01 où elle est diffusée sur la réseau social.
11:04 Bon, et avec la viralité des réseaux sociaux,
11:06 on passe très vite à d'autres images.
11:07 Donc, la course est un peu compliquée,
11:09 mais en tout cas, au moins, c'est fait.
11:11 Et je dirais que, bon, il y aura toujours une minorité de gens
11:14 qui pourront éventuellement ne pas croire
11:16 à la réalité de ce crime, mais globalement,
11:19 entre le "check news" et le travail des médias
11:21 et de tous ceux qui sont intervenus sur le sujet,
11:24 on a quand même pu établir l'effet d'une manière
11:25 qui ne soit pas contestable.
11:27 - Et je voudrais rajouter quelque chose
11:29 pour qu'on comprenne bien.
11:30 Ces images qui ont été diffusées, là,
11:31 oui, c'est des images brutes,
11:33 mais à chaque fois, c'est bien précisé,
11:36 dans 90% des cas, où les images ont été tournées,
11:39 enfin, où elles ont été capturées, pardon,
11:41 et surtout, par quel média ?
11:43 Est-ce que c'est une caméra embarquée ?
11:45 Est-ce que c'est une caméra de surveillance,
11:46 par exemple, dans un kibout ou à l'intérieur d'une maison ?
11:48 Donc, on a au moins cette information-là
11:51 pour pouvoir se situer
11:53 et savoir sur quel plan c'est filmé.
11:56 - Merci à tous les deux d'être venus ce matin
11:59 nous parler de ces images.
12:00 Wilfried De Villers, reporter d'Europe 1.
12:01 Vous repartez d'ailleurs en Israël la semaine prochaine ?
12:04 - Oui, la semaine prochaine, exactement.
12:05 - Et merci aussi à Christian Delahage, historien,
12:07 et je signale donc l'apparition de votre livre
12:08 "Filmer, juger, de la Seconde Guerre mondiale
12:11 à l'invasion de l'Ukraine",
12:12 c'est chez Gallimard. Merci beaucoup.

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