"Les EHPAD ne sont pas des mouroirs" : Bernadette Ojardias défend une loi sur le droit de visite en maison de retraite
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00:00 - Dr Moulcar, on vous écoute ce matin sur France Bleu Saint-Etienne-Loire.
00:03 Faut-il recourir à la loi pour pouvoir voir ses proches en EHPAD ?
00:07 C'est à ce que recommande un rapport remis au gouvernement,
00:10 car trois ans après le Covid, c'est toujours parfois compliqué
00:13 de rendre visite à ses parents ou à ses grands-parents en maison de retraite.
00:17 On en parle au 04 77 10 00 10 et avec votre invitée, Louise Thoman.
00:22 - Bonjour Bernadette Ojardias.
00:24 - Oui bonjour et merci de votre invitation.
00:27 - Je vous en prie, vous êtes la cofondatrice de l'association rouannaise EHPAD Familles 42,
00:31 fondée en 2020 pendant la pandémie de Covid.
00:34 Je vous propose pour commencer d'écouter le témoignage de Muriel,
00:36 qui a eu le sentiment de laisser tomber son amie Madeleine pendant l'épidémie,
00:40 car elle ne pouvait plus lui rendre visite.
00:42 - Quelque part on les a abandonnées. On peut parler d'abandon.
00:46 Je n'ai pas pu la voir, Madeleine, elle est restée en chambre isolée bien trois semaines.
00:52 On m'a interdit la visite.
00:53 Quelle tristesse, je l'avais au téléphone mais je sentais très bien que le moral était en bas,
00:58 donc je prenais sur moi pour la remonter.
01:00 Il ne faut pas qu'on retombe dans l'isolement,
01:03 que ça soit dans les EHPAD, dans les hôpitaux, plus jamais ça, non.
01:08 - Vous aussi vous pouvez témoigner au 04 77 10 00 10.
01:13 Bernadette Ojardias, il faut vraiment aller jusqu'à la loi
01:15 pour que le droit de visite soit assuré, pour qu'on ne vive plus jamais ça, comme nous disait Muriel ?
01:20 - Oui, tout à fait. Je rejoins son témoignage.
01:24 Pendant le premier confinement, nos parents ont été enfermés deux mois
01:28 dans des chambres de 13 à 15 mètres carrés.
01:30 Alors bien sûr qu'il faut une loi,
01:31 puisqu'actuellement il y a encore des restrictions d'horaire de visite dans certains établissements.
01:38 Et je pense que seule une loi ferait que ce droit soit appliqué.
01:43 Et dans son rapport, Laurent Frémont parle de droit de visite
01:47 et aux assises des EHPAD à Paris où nous assistions, il a évoqué un droit de recevoir.
01:53 Et je crois qu'effectivement, même en établissement,
01:56 toute personne a droit de recevoir qui elle veut.
01:59 - Oui, c'est ce que nous disent aussi Renée et sa petite fille Catherine.
02:03 Les visites sont vraiment indispensables à la santé des résidents et des résidentes.
02:07 - J'ai les visites de mes filles pour l'instant, mais j'ai eu quand même pas mal de visites.
02:14 C'est sûr, tout d'un coup on se sent bien, c'est la première fois que je suis au soleil comme ça.
02:18 - Mais oui, les visites, bien sûr que c'est essentiel.
02:21 C'est le lien, elle avait toute son autonomie d'un seul coup, plus d'autonomie.
02:26 Donc c'est l'extérieur qui vient.
02:29 Les liens fondamentaux, ce sont les liens avec les gens.
02:32 Et ça, c'est précieux.
02:33 - Bernadette Aujardias, pour vous, le droit de recevoir, c'est un droit fondamental ?
02:38 Ça veut dire pouvoir accueillir ses proches quand on veut, au final, même quand on est en EHPAD ?
02:43 - Oui, bien sûr.
02:44 Être en EHPAD, ça ne veut pas dire être dans un mouroir.
02:47 Et comme le disaient vos derniers témoins, c'est ce qui relie les personnes en EHPAD.
02:53 C'est le lien, c'est ce qui leur donne envie de vivre.
02:57 Quand il n'y a plus cette envie, la personne s'éteint.
03:00 Et le confinement a été terrible pour les personnes atteintes de troubles cognitifs
03:05 parce qu'elles ne comprenaient pas, en perdant la mémoire immédiate,
03:10 elles ne comprenaient pas les consignes.
03:12 Et au bout de quelques jours, quand on ne comprend pas, quand on ne réclame plus, on s'éteint.
03:17 - L'argument principal quand même des EHPAD, c'est de dire que ce sont des établissements de soins,
03:23 d'où des visites contraintes. C'est quelque chose que vous entendez ?
03:27 - Alors, on l'entend, mais au niveau EHPAD, c'est un établissement médico-social.
03:34 Et il ne faut pas oublier le mot "social" qui signe de lien.
03:38 On a bien compris lors du premier confinement, on ne savait pas ce qui arrivait.
03:44 Il y avait beaucoup de décès. D'ailleurs, on ne saura jamais le nombre de décès de personnes
03:48 par syndrome de glissement. Mais les leçons n'en ont pas été tirées
03:52 puisqu'il y a eu 2, 3, 4, 5 confinements. Et dernièrement, en septembre,
03:58 un EHPAD hospitalier a encore confiné 8 jours les résidents.
04:02 - C'est faisable ? On l'entend dans le contexte de la COVID, qu'on puisse restreindre l'accès
04:08 pour la santé des personnes. Mais est-ce que tout simplement, c'est faisable
04:12 d'ouvrir un peu plus les EHPAD ? Est-ce qu'on connaît les problématiques de personnel ?
04:18 Ce sont des établissements de santé. Vous pensez que c'est faisable d'ouvrir comme ça
04:22 les portes plus largement, jusqu'à 22 heures, même plus, pour que les proches puissent voir leurs parents ?
04:28 - Oui, bien sûr, puisqu'il y a des EHPAD qui le font. Pourquoi ça ne serait pas faisable ?
04:34 Vous savez, souvent en EHPAD, les personnes sont couchées autour de 19h, 19h30.
04:40 C'est long, hein ? Après la nuit, sachant que les petits déjeuners ne sont servis parfois
04:46 qu'à 8h ou 9h. Le soir, venir passer un petit moment avec son proche, regarder quelque chose
04:54 à la télévision, faire une lecture. S'il y a vraiment un dialogue entre les directions et les familles.
05:01 Les familles ne sont pas en rivalité des directions et des soignants. Nous les considérons,
05:06 nous nous considérons comme aidants. Et nous avions travaillé une charte d'inclusion,
05:12 de reconnaissance des aidants familiaux en EHPAD, comme ils le sont actuellement à domicile.
05:18 - Et le dialogue avec les directions n'est pas suffisant pour vous ?
05:21 Ce n'est pas possible de convaincre l'établissement d'ouvrir un peu plus ses portes tard le soir ?
05:26 Il faut vraiment qu'il y ait une loi qui dise "vous devez recevoir les proches, quel que soit l'heure".
05:32 - Alors attention de ne pas généraliser. Nous, au niveau du collectif, nous recevons que des témoignages
05:38 compliqués dans les relations avec les directions. Et heureusement, ça se passe mieux ailleurs.
05:44 Mais effectivement, convaincre, on l'a dit, on l'a redit, et si on n'arrive pas à convaincre par le dialogue,
05:52 par une médiation, il faut souligner l'importance des CVS, des conseils de la vie sociale,
05:57 où ces problèmes se doivent d'être discutés. Or actuellement, il y a de nombreux conseils de la vie sociale
06:03 qui fonctionnent mal. Donc s'il faut en arriver par une loi, arrivons-en par une loi,
06:08 mais qu'on puisse aller voir nos parents.
06:10 - C'est votre message, on l'entend Bernadette Aujardias ce matin sur France Bleu, Saint-Etienne, Loire.
06:14 Merci d'avoir été avec nous. Je rappelle que vous êtes la co-fondatrice de l'association rouennaise EPAD42.
06:21 Et on va continuer d'en parler du grand âge, puisque le projet de loi "Bien vieillir" arrive lundi à l'Assemblée nationale.
06:28 Je vous souhaite une bonne journée Bernadette Aujardias.
06:30 - Merci à vous les médias.