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Replay de la table ronde Doc en Stock à la Sofcot 2023.
Bien sûr c’est presque un cliché tellement on l’entend, l’administratif étouffe l’hôpital. Oui mais, à qui la faute ? Faut-il donner plus d’autonomie aux médecins comme pendant le Covid ? Mais les médecins sont ils capables et surtout, ont-ils envie d’élargir leur vision pour être plus au cœur des décisions ? Est-ce que ce n’est pas la faute d’une trop grosse centralisation ? L’administratif étouffe l’hôpital, donnons lui de l’air. Avec Dr Pomme Jouffroy, qui a été présidente de CME et chef de service en Espic, avec le Pr Rémy Nizard, qui a été président de la CME à Lariboisière et qui s’y est usé, et avec Christophe Lannelongue ex directeur de l’ARS Grand Est...

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01:40 Eh bien bon après-midi à tous. On reprend
01:54 le Dock of Stock du Kuala Sovkot 2023.
01:57 Et donc on est sur l'administratif étouffe l'hôpital.
02:00 Et donc y a-t-il des idées pour respirer ?
02:02 Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour que ça aille mieux ?
02:04 Alors c'est presque un cliché de parler de l'administratif
02:06 qui étouffe l'hôpital. On en a parlé,
02:08 ça se dit, ça se répète.
02:10 Mais à qui la faute ? Alors est-ce qu'il faut plus
02:12 d'autonomie aux médecins, comme pendant le Covid ?
02:14 Est-ce que les médecins sont capables aussi,
02:16 ou ont envie d'élargir leur vision
02:18 pour être plus au cœur des décisions ?
02:20 Parce que c'est peut-être pas le cas de tous non plus.
02:22 Est-ce que c'est pas la faute à une trop grosse centralisation,
02:24 une direction générale trop dure ?
02:26 Voilà. En tout cas, l'administratif
02:28 étouffe l'hôpital et il faut lui donner de l'air.
02:30 Et nous allons discuter de ça avec la docteure
02:32 Pomme Jouffroy, qui a donc été
02:34 présidente de CME et qui a été
02:36 chef de service en ESPIC,
02:38 et qui peut donc comparer
02:40 ces différents exercices et voir à quel point
02:42 l'administratif lui a bouffé la vie ou pas.
02:44 A priori, non. J'avais un souvenir
02:46 que pas tellement, mais vous le direz vous-même.
02:48 Avec le professeur Rémi Nizar,
02:50 qui a été président de la CME
02:52 de la Réboisière et qui s'y est
02:54 quand même un peu usé la santé, on peut le dire.
02:56 En tout cas, qui a passé beaucoup de temps
02:58 et c'était pas si simple.
03:00 Et avec Christophe Lanelong, qui était
03:02 un ex-directeur de l'ARS Grand Est,
03:04 qui était donc peut-être pas la grande amie des médecins.
03:06 Parce que l'ARS et les médecins, on n'est pas normalement...
03:08 Là, ça se parle gentiment,
03:10 mais je sais pas si c'est toujours le cas.
03:12 Et donc, on va commencer peut-être avec vous,
03:14 Pomme Jouffroy, du coup.
03:16 Pour vous, qui avez donc été patronne de CME,
03:18 qui a été chef de service...
03:20 Chef de service, tout court.
03:22 Donc, on sait que ça a de l'administratif,
03:24 que ça a beaucoup de choses à gérer,
03:26 des plannings, des gens, des remplacements,
03:28 tout ce qu'on veut. Est-ce que, justement,
03:30 dans votre exercice, l'administratif a pesé
03:32 et dans vos responsabilités...
03:34 - Alors, peser, je sais pas,
03:36 a pris de la place, sûrement.
03:38 Mais une place...
03:40 Alors, c'est bien particulier,
03:42 le rôle de chef de service.
03:44 Je pense que quand on décide d'être chef de service,
03:46 on décide forcément
03:48 de se préoccuper,
03:50 je dirais pas
03:52 de l'administratif.
03:54 Quand on travaille dans une entreprise,
03:56 quelle qu'elle soit, en fait,
03:58 on a un outil de travail
04:00 qui est administré
04:02 et qui vous permet de faire votre métier.
04:04 Nous, notre métier,
04:06 c'est d'être chirurgien et de faire de la chirurgie,
04:08 de prendre en charge
04:10 des malades, pas seulement d'opérer,
04:12 de consulter, de les accueillir,
04:14 de les opérer, de les suivre.
04:16 C'est un drôle de métier,
04:18 ce métier de chirurgien, par rapport à
04:20 un ingénieur dans une boîte normale.
04:22 Un ingénieur, il fait pas toute la chaîne.
04:24 Les médecins et les chirurgiens,
04:26 ils font toute la chaîne. Ils recrutent,
04:28 ils fabriquent
04:30 et puis ils assurent le service après-vente.
04:32 Donc c'est un gros job.
04:34 Mais d'un autre côté,
04:36 quand on dit, ce que vous avez dit,
04:38 l'administratif, ça bouffe l'hôpital,
04:40 non.
04:42 Il y a forcément une administration
04:44 qui doit gérer
04:46 cet outil de travail qui est l'hôpital.
04:48 Et si nous, les chirurgiens
04:50 et les médecins, on veut pouvoir faire notre métier,
04:52 il faut que cette administration,
04:54 elle fonctionne. Et le meilleur
04:56 moyen pour qu'elle fonctionne
04:58 à notre profit, pour pouvoir
05:00 faire notre métier, c'est de collaborer.
05:02 Je ne vois pas d'autre
05:04 possibilité que de collaborer.
05:06 C'est quelquefois difficile.
05:08 On n'est pas toujours d'accord.
05:10 Au moins, il faut qu'il y ait, à mon sens,
05:12 un dialogue permanent.
05:14 Et donc, forcément, de la part d'un chef
05:16 de service, un travail
05:18 permanent
05:20 avec l'administration pour
05:22 comprendre les données de gestion
05:24 et d'autres choses.
05:26 Et être capable, y compris
05:28 parfois d'être un arbitre,
05:30 de dire, ça c'est bien, ça non, on ne va pas
05:32 le faire. Mais pour ça,
05:34 il faut être en relation les uns avec les autres.
05:36 Il faut que cette relation, elle soit équilibrée.
05:38 Il faut que l'administratif, il respecte
05:40 le fait qu'on est chirurgien et qu'on
05:42 fait ce métier. Et puis, il faut que nous,
05:44 on respecte les gestionnaires qui nous aident
05:46 à ce que l'hôpital fonctionne.
05:48 Moi, j'ai travaillé en ESPIC.
05:50 C'est une unité qui est certainement
05:52 beaucoup plus souple et beaucoup
05:54 plus facile dans la gestion
05:56 que le monstre,
05:58 assistance publique ou que les monstres
06:00 que sont les hôpitaux publics, quelquefois,
06:02 dans les grandes villes. C'est vrai que l'ESPIC,
06:04 c'est une façon de
06:06 gérer, privée,
06:08 de gérer l'argent public qui est à
06:10 une échelle qui est un petit peu plus souple.
06:12 Cela dit, mon hôpital, c'est un gros
06:14 hôpital, c'est un hôpital de 650
06:16 lits. Ce n'est pas un petit
06:18 truc dans un coin. Et donc, l'administration,
06:20 oui,
06:22 elle compte
06:24 et il faut travailler avec elle.
06:26 - Comment un médecin, justement, comme vous le dites,
06:28 vous avez déjà votre métier de
06:30 parler aux patients, d'opérer, de faire
06:32 le post-opératoire, de gérer
06:34 la médecine, la clinique, et d'un coup,
06:36 vous devez vous retrouver gestionnaire
06:38 où vous devez parler de budget, etc.
06:40 Après tout, vous n'avez pas appris ça à la fac non plus.
06:42 Est-ce que vous êtes formée ? Comment vous avez fait ?
06:44 Où est-ce qu'il faut former les médecins ?
06:46 - On n'est pas formés. C'est une
06:48 certitude. On se forme sur le tas
06:50 et ce n'est pas bien.
06:52 D'ailleurs, je crois
06:54 savoir que les directeurs d'hôpitaux
06:56 ne sont pas tellement formés
06:58 à la médecine non plus. Je ne connais
07:00 aucun d'entre nous qui
07:02 interviennent à l'école de Rennes.
07:04 Vous pouvez faire une
07:06 enquête ici dans la sauvecote.
07:08 Il n'y en a aucun d'entre nous qui a
07:10 jamais été à qui on a demandé
07:12 de venir intervenir à l'école de Rennes.
07:14 Ça n'existe pas.
07:16 Nous, on n'est pas formés et
07:18 je pense que ce qui serait
07:20 logique, c'est que ce soit notre société
07:22 savante qui nous forme, par exemple,
07:24 qu'il y ait des propositions. Il ne faut pas exagérer.
07:26 La gestion,
07:28 c'est quand même un rat de pâquerette.
07:30 C'est des additions, des soustractions et des divisions.
07:32 Et si les financiers nous font croire
07:34 que c'est plus compliqué que ça,
07:36 c'est qu'ils n'expliquent pas bien.
07:38 Quand un médecin ne comprend pas un tableau
07:40 de finances, c'est que ce n'est pas bien expliqué.
07:42 On doit pouvoir comprendre. Il n'y a aucune
07:44 raison. Et ça ne doit pas pouvoir prendre
07:46 tant de temps que ça.
07:48 Mais il faut forcément comprendre.
07:50 Je vais vous expliquer ça avec un exemple.
07:52 Il y a quelques années,
07:54 dans notre hôpital, on a été
07:56 les premiers à mettre au point la gestion des lits.
07:58 La gestion des lits, c'est très simple.
08:00 Un hôpital,
08:02 ça dépense 60% de son argent
08:04 à payer du personnel.
08:06 Si vous ne mettez pas de malades
08:08 dans des lits où il y a du personnel,
08:10 vous perdez votre temps et votre argent.
08:12 Notre directeur,
08:14 il a fait une enquête à un point donné.
08:16 Il y avait, dans l'hôpital, 100 personnes
08:18 qui s'occupaient de gérer les lits,
08:20 dont moi, le chef de service,
08:22 qui dit, s'il y a une fracture du côtîle
08:24 qui traîne et qu'il n'y a pas de lit,
08:26 je vais le mettre dans mon bureau,
08:28 ce qui est un excès total,
08:30 et d'autres chefs de service qui gardent des lits vides
08:32 pour aider d'éventuelles entrées du lendemain.
08:34 Résultat des courses,
08:36 à 4h de l'après-midi, la moitié de l'hôpital est vide.
08:38 Ça, c'est pas logique.
08:40 Donc, de mettre en place
08:42 4 personnes qui gèrent les lits
08:44 de tout l'hôpital et un ensemble
08:46 de médecins et de chirurgiens
08:48 qui acceptent qu'on va mettre les malades
08:50 là où il y a des lits vides
08:52 et qu'on réorganisera les choses le lendemain matin,
08:54 parce que c'est faisable,
08:56 ça, c'est du bon sens,
08:58 c'est pas de la gestion, ça ne nécessite pas de chiffres,
09:00 c'est juste que
09:02 c'est prendre conscience de l'intérêt collectif
09:04 dans l'hôpital.
09:06 - Oui, mais c'est accepter en tant que chef de service
09:08 de pas être complètement le maître chez soi
09:10 et d'être dans une unité plus globale,
09:12 de dire, on va réquisitionner
09:14 3 lits, je sais pas, pour l'intérêt commun,
09:16 mais il faut le faire comprendre, quoi.
09:18 - Bah, oui, mais je pense
09:20 que c'est très important.
09:22 Et c'est pas forcément
09:24 quelque chose d'intuitif
09:26 que de dire, bah oui,
09:28 on va faire comme ça,
09:30 après, le côté,
09:32 moi, ça m'arrive, des gens qui me demandent,
09:34 mais combien ça t'a pris de temps, l'administratif ?
09:36 Je ne sais pas.
09:38 Je ne sais pas, je pense que Rémi, t'auras
09:40 le même genre de réponse, on sait pas combien de temps ça nous prend.
09:42 Ça prend du temps,
09:44 ça prend surtout du temps et de l'énergie de penser à 4 choses
09:46 à la fois. Voilà.
09:48 Parce que c'est forcément la 4ème chose.
09:50 Il y a les malades, il y a les collaborateurs,
09:52 il y a la médecine, il y a nos malades.
09:54 Je pense qu'on n'est
09:56 jamais un meilleur gestionnaire
09:58 que quand on reste un très bon clinicien.
10:00 C'est-à-dire que c'est pas bien
10:02 de détacher un chirurgien de son rôle
10:04 chirurgical pour en faire
10:06 un gestionnaire, parce que ça, on sait pas
10:08 faire et c'est pas bien. En revanche,
10:10 si on reste un bon clinicien, qu'on est à l'écoute
10:12 de ce qui se passe, on peut transmettre
10:14 à l'administration les vrais soucis
10:16 qu'on a dans notre vie de chirurgien.
10:18 - Mais justement, Rémi Nizar,
10:20 vous qui avez
10:22 géré la CME de l'Arrivoisière
10:24 et qui avez du coup participé
10:26 à tous ces travaux, à ce projet
10:28 du Grand Larivoisière qui va arriver
10:30 dans 2-3 ans, si Dieu veut,
10:32 et qui est là depuis 15 ans.
10:34 Donc vous avez bossé sur ce projet, etc.
10:36 Et vous m'avez dit
10:38 quand on a préparé cette table ronde
10:40 que c'était compliqué aussi
10:42 de faire comprendre aux médecins d'être un peu plus...
10:44 Tout le monde n'est pas comme Pomme Jouffroy
10:46 qui prend les intérêts d'un établissement complet.
10:48 Certains sont un peu plus centrés sur eux-mêmes.
10:50 - Mais je pense que ce qu'elle a exprimé
10:52 c'est exactement ça. C'est-à-dire
10:54 qu'il y a une première chose qui est
10:56 d'avoir le rapport avec l'administration
10:58 en tant que président de CME
11:00 et de l'autre côté d'avoir
11:02 à faire à ses collègues de différentes spécialités
11:04 avec différents caractères,
11:06 différentes visions.
11:08 Et il s'agit dans ce type de poste
11:10 d'essayer de faire une cohésion
11:12 de tout ça pour faire émerger
11:14 les projets importants.
11:16 Donc effectivement, c'est ce qu'on a réussi
11:18 nous à faire sur l'Ariboisière-Saint-Louis
11:20 parce que les deux hôpitaux
11:22 étaient unis, à faire émerger
11:24 le projet d'un nouvel hôpital
11:26 sur l'Ariboisière parce qu'on avait
11:28 une communauté médicale qu'on avait
11:30 réussie avec l'administration
11:32 et pas seulement moi tout seul.
11:34 C'est vraiment un travail
11:36 collectif avec les collègues médecins
11:38 pour essayer d'avoir une réelle
11:40 vision sur l'avenir.
11:42 Parce que si vous n'avez pas cette vision,
11:44 vous ne pouvez pas construire.
11:46 Et des projets comme ça, ils se construisent.
11:48 Maintenant, au jour le jour,
11:50 ça veut dire, tous les jours,
11:52 soit faire comprendre
11:54 à une administration
11:56 quelles sont les problématiques
11:58 qui existent pour accueillir
12:00 les malades et faire le nécessaire pour eux
12:02 et de l'autre côté,
12:04 expliquer à nos collègues médecins
12:06 qu'ils ne peuvent pas faire
12:08 tout et n'importe quoi
12:10 parce que ça leur fait plaisir.
12:12 Il y a des impératifs économiques
12:14 qu'on ne peut pas
12:16 ignorer. C'est impossible d'ignorer
12:18 les éléments économiques
12:20 sinon on ne survit pas.
12:22 Et même si...
12:24 Pardon, excusez-moi.
12:26 Et même si la PHP avait
12:28 parce qu'aujourd'hui c'est peut-être un peu moins le cas
12:30 mais avait ce sentiment d'immortalité,
12:32 rien ne peut
12:34 nous arriver.
12:36 Moi, ce que je me suis efforcé
12:38 de faire comprendre, c'est que
12:40 toutes les structures peuvent mourir.
12:42 Toutes les structures peuvent mourir
12:44 si elles ne sont pas
12:46 bien gérées,
12:48 bien cohésives et
12:50 ne voient pas l'avenir. Toutes les
12:52 structures peuvent mourir, y compris la PHP.
12:54 Y compris une grande maison comme la PHP
12:56 avec ses dizaines
12:58 d'hôpitaux et ses milliers de lits.
13:00 Donc c'est vraiment
13:02 essayer de faire comprendre
13:04 que tout ça
13:06 est...
13:08 L'unité, comme disait Pomme,
13:10 l'unité entre un administratif
13:12 qui fait ce que vous ne savez pas faire
13:14 et faire comprendre à un administratif
13:16 ce qu'il ne peut pas forcément comprendre,
13:18 eh bien ça c'est absolument
13:20 fondamental
13:22 pour essayer de faire avancer les choses.
13:24 Sinon vous ne les faites pas avancer.
13:26 - Oui mais du coup, vous, justement, vous vous êtes...
13:28 Vous vous avez arrêté. C'est-à-dire que vous avez
13:30 fait, vous l'avez fait pendant 10 ans, pendant 15 ans,
13:32 à un moment donné vous avez dit "j'arrête".
13:34 "J'en ai marre, j'en suis à mon 5e
13:36 EDG, à qui il faut que je réexplique, que je sache..."
13:38 Parce qu'il y a ça, il y a aussi ce côté, quand on dit
13:40 que l'administratif est ouf l'hôpital, c'est aussi que
13:42 les EDG font une carrière
13:44 différente, ils vont rester 4 ans, ils ont un petit
13:46 projet, ils vont l'arrêter, ils vont le reprendre.
13:48 Et vous, vous êtes là, vous continuez, vous repartez
13:50 à zéro à réexpliquer ce que vous avez déjà expliqué au précédent
13:52 et ça, ça use. - Alors j'ai longtemps
13:54 milité, j'ai totalement échoué
13:56 sur le fait que les directeurs
13:58 ne devaient pas rester en place
14:00 3 ou 4 ans.
14:02 On avait l'expérience
14:04 de directeur en Belgique
14:06 qui avait un hôpital extrêmement
14:08 performant, qui travaillait le Lean
14:10 Management par exemple depuis
14:12 une vingtaine d'années, mais il l'avait
14:14 installé sur le temps. Et à ce moment là
14:16 je me suis retrouvé vers ma directrice
14:18 de l'époque, je dis "il va falloir
14:20 rester 20 ans", ce qui l'a fait éclater
14:22 de rire. Parce que la
14:24 gestion humaine
14:26 pour eux, c'est
14:28 de faire 4, maximum
14:30 5 ans, et puis
14:32 d'évoluer dans un autre poste.
14:34 Et nous, notre mission
14:36 c'est de suivre nos malades
14:38 pendant 25, 30 ans
14:40 et si cela nous fait encore plus plaisir
14:42 pendant plus longtemps.
14:44 Donc ce côté là,
14:46 cette différence là, elle est absolument
14:48 fondamentale aussi
14:50 pour comprendre quelles sont les divergences
14:52 qui s'installent. Et cette
14:54 vision de court terme
14:56 des administratifs, parce qu'ils ont un double
14:58 objectif. Je n'ai pas de doute si vous
15:00 voulez sur leur
15:02 ambition pour le service public,
15:04 parce que moi je parle du service public,
15:06 ils ont une ambition pour le service public
15:08 mais à cette ambition sur le service
15:10 public est liée leur propre
15:12 ambition. Et leur propre
15:14 ambition c'est d'avoir un but
15:16 à 5 ans. Et le but à 5
15:18 ans n'est pas forcément
15:20 le but à 20 ou 25 ans.
15:22 D'accord ? - Moi j'ai eu la chance
15:24 de travailler en
15:26 continu à la fois comme chef
15:28 de service puis comme présidente de CME
15:30 avec le même directeur pendant 15 ans.
15:32 - C'est peut-être pour ça que ça s'est bien passé.
15:34 - Pas toujours !
15:36 Pas toujours ! Il y a des jours où on se frite.
15:38 Je vous le dis. Et puis l'avantage de
15:40 cet homme là, tout le monde sait qui c'est,
15:42 il s'appelle Jean-Patrick Lajoncher,
15:44 c'est que c'est un homme avec lequel on pouvait se friter
15:46 grave et continuer de travailler.
15:48 Et ça m'est arrivé de me
15:50 fâcher très fort. Et je peux vous donner
15:52 un exemple, ils ont décidé
15:54 d'informatiser la totalité
15:56 de l'hôpital et d'en faire un hôpital zéro papier.
15:58 Les médecins étaient
16:00 debout sur les freins.
16:02 Finalement, personne ne voudrait revenir
16:04 en arrière parce que c'était formidable.
16:06 Et dans cette affaire,
16:08 ils ont intégré
16:10 de la reconnaissance vocale pour nos
16:12 consultations. Et la DRH
16:14 Philmouth a décidé que puisque
16:16 on faisait de la reconnaissance vocale, on avait
16:18 diminué le nombre de secrétaires par 2.
16:20 Alors là, quand on en est là,
16:22 il faut être capable
16:24 d'être suffisamment courageux, à la fois
16:26 physiquement et moralement, parce que je peux vous dire
16:28 qu'il m'a fallu beaucoup d'énergie
16:30 pour défendre le métier des secrétaires,
16:32 pour défendre le nombre qu'elles étaient,
16:34 pour montrer qu'elles étaient capables de faire
16:36 autre chose que de la frappe, et qu'on allait
16:38 transformer leur métier, qu'il fallait qu'elles
16:40 aient un métier évolutif. Et ça,
16:42 ça, ça se fait pas en claquant
16:44 des doigts, c'est impossible.
16:46 Il faut une bataille, et puis il faut mettre
16:48 la DRH en défaut. Et la DRH,
16:50 c'est l'âme damnée du directeur,
16:52 faut pas se leurrer. Si elle le fait, c'est parce qu'il
16:54 lui a dit de faire. Et donc,
16:56 il y a des moments dans ces rapports
16:58 à l'administration, où nous,
17:00 on doit être les garants d'une certaine éthique
17:02 pour le personnel, et pas seulement pour
17:04 le personnel médical, aussi
17:06 pour le personnel paramédical. C'est
17:08 une chose qu'on a faite pendant le Covid. Moi, j'étais
17:10 présidente de CME pendant le Covid,
17:12 j'ai dit au directeur, mais là,
17:14 une infirmière pour 12 malades, c'est pas possible.
17:16 Maintenant, il faut une infirmière pour 5.
17:18 Ça nous a ruinés d'ailleurs, au passage.
17:20 Mais,
17:22 moi, j'aimerais bien avoir
17:24 l'opinion de M. Lanelong.
17:26 - C'est pour ça. Donc, Christophe Lanelong,
17:28 justement, vous qui avez dirigé l'ARS,
17:30 qui êtes du côté, justement, des "décideurs",
17:32 en tout cas, c'était
17:34 votre carrière tout le long. Déjà, est-ce que vous avez
17:36 été confronté à beaucoup de médecins
17:38 quelque part pragmatiques
17:40 et avec du bon sens, comme les deux
17:42 qu'on a aujourd'hui ? Ou est-ce que vous avez eu
17:44 beaucoup de médecins qui étaient contre toute forme d'administration
17:46 et qui voulaient
17:48 gérer leur truc comme ils voulaient, sans vous ?
17:50 Voilà. Comment ça s'est passé ?
17:52 - Moi, j'estime que ça s'est plutôt bien
17:54 passé. C'est vrai que c'est
17:56 encore une période
17:58 très difficile, avec beaucoup de contraintes.
18:00 Bon,
18:02 moi, j'ai essayé de tenir un discours
18:04 de vérité, mais un discours de progrès
18:06 et de progrès partagés. Comment est-ce
18:08 qu'on construit ensemble ? Et comment
18:10 est-ce qu'on fait évoluer ensemble les thèmes de santé ?
18:12 Donc, je me sens pas, si vous voulez,
18:14 en décalage
18:16 par rapport à ce que sont
18:18 ce qui vient d'être exprimé,
18:20 les attentes, les projets.
18:22 Après, je crois que vous avez
18:24 employé le mot, la crise Covid, ça a été
18:26 un révélateur, quand même, parce que la crise Covid
18:28 elle a montré que quand on met
18:30 les gens autour de la table, quand on leur fait
18:32 confiance, quand on leur donne des responsabilités,
18:34 des objectifs clairs,
18:36 eh bien, on
18:38 a des progrès rapides.
18:40 Et donc,
18:42 c'était une conviction que j'avais
18:44 depuis longtemps, mais
18:46 elle s'est renforcée, c'est-à-dire l'idée que
18:48 c'est pas simplement
18:50 à l'intérieur de l'hôpital que ça se passe,
18:52 c'est entre l'hôpital et les autres
18:54 acteurs du système de santé,
18:56 et c'est entre tous ces acteurs qu'il faut
18:58 créer un espace de dialogue
19:00 et de construction de projet. Et là,
19:02 le rôle des professionnels, il est essentiel.
19:04 Moi, j'ai toujours vu,
19:06 et je pense, par exemple,
19:08 aux difficultés qu'on a sur
19:10 les urgences, sur les soins non programmés, des choses comme ça,
19:12 j'ai toujours vu la possibilité,
19:14 quand on met les gens autour de la table,
19:16 et qu'on leur dit "ben voilà le problème",
19:18 "qu'est-ce que vous en pensez ?"
19:20 Quand on leur donne des moyens, sans leur
19:22 dire ce qu'il faut faire, mais en leur disant "ben voilà,
19:24 nous, on pourrait dégager un peu d'argent
19:26 si vous le souhaitez pour mener des
19:28 projets", on a des bons résultats.
19:30 Alors, qu'est-ce qui ne va pas de mon point de vue ?
19:32 C'est que c'est un système qui reste
19:34 extrêmement centralisé,
19:36 qui reste très
19:38 cloisonné, c'est-à-dire qu'il y a
19:40 des offreurs qui sont
19:42 soumis à des règles très différentes,
19:44 entre l'hôpital, le public,
19:46 le privé, le médico-social, la ville,
19:48 et le résultat, c'est qu'on perd
19:50 en capacité à travailler
19:52 ensemble, on perd en capacité
19:54 à bien utiliser les ressources médicales,
19:56 notamment, mais paramédicales aussi,
19:58 et on perd dans la capacité
20:00 à construire des projets
20:02 d'amélioration de la réponse
20:04 aux besoins des personnes. Si vous prenez,
20:06 par exemple, la session des personnes âgées aujourd'hui
20:08 en France, vous voyez qu'une
20:10 des grandes difficultés qu'on a, c'est
20:12 de faire travailler ensemble l'hôpital, les EHPAD,
20:14 l'aide à domicile, les médecins généralistes,
20:16 et de brancher tout ça
20:18 sur des projets qui vont être
20:20 bien utiliser les ressources,
20:22 parce que les ressources,
20:24 c'est partiellement vrai en gériatrie,
20:26 elles sont rares, elles sont très contraintes,
20:28 et puis aussi bien penser
20:30 à ce qu'est l'orientation des patients,
20:32 le parcours des patients, et le partage
20:34 d'un diagnostic,
20:36 le partage d'une réponse, entre tous les acteurs
20:38 de la chaîne. Et donc, voilà,
20:40 dans le cadre des échos, du think tank
20:42 des échos,
20:44 on fait chaque année une recommandation
20:46 pour le gouvernement. Cette année,
20:48 on a fait une recommandation
20:50 de méthode,
20:52 ça s'appelait
20:54 le pari de la confiance, c'était de dire
20:56 dans chaque département, on va créer
20:58 un espèce de cadre de travail collectif
21:00 pour les professionnels, avec l'appui
21:02 de la RRS, de la science maladie, mais ce sera un cadre
21:04 où ce sont les professionnels qui décideront,
21:06 et on va leur donner un budget
21:08 libre d'emploi, une somme,
21:10 et on va leur dire, qu'est-ce que vous pourriez faire
21:12 avec ce budget pour améliorer
21:14 la réponse aux urgences, la réponse sur les
21:16 grandes filières de soins.
21:18 Mais est-ce que ça ne vient pas en doublant avec les CPTS,
21:20 qui font déjà un peu ça ?
21:22 Non, je crois que les CPTS, et on le voit
21:24 de plus en plus, c'est un grand progrès,
21:26 parce que le problème pour l'hôpital, souvent, c'est qu'il n'y avait pas
21:28 d'interlocuteur organisé en ville.
21:30 Les CPTS, c'est un début
21:32 d'organisation, et un début d'organisation
21:34 sur, effectivement, l'accès
21:36 aux soins, les parcours, la prévention,
21:38 et c'est extraordinairement
21:40 important pour l'hôpital d'avoir
21:42 une capacité de dialogue avec
21:44 des acteurs organisés. Parce que
21:46 si l'hôpital se retrouve avec
21:48 un espèce de
21:50 no-man's land autour de lui,
21:52 on ne peut pas construire des projets. Les projets, c'est
21:54 un dialogue, c'est effectivement
21:56 un minimum de
21:58 moyens, de ressources
22:00 qu'on va dédier à ces projets.
22:02 Je trouve qu'aujourd'hui,
22:04 le défi de travailler
22:06 ensemble, il est effectivement à l'hôpital,
22:08 vous l'avez bien rappelé,
22:10 et il est entre...
22:12 Mais il est aussi
22:14 dans
22:16 la relation entre l'hôpital,
22:18 qu'il soit public ou privé, d'ailleurs, avec
22:20 son environnement. Et de ce point de vue-là,
22:22 moi, je trouve, enfin, moi, la
22:24 grande leçon que j'ai, c'est que
22:26 le management, c'est d'abord
22:28 de rendre responsable des gens.
22:30 Et de leur fixer des objectifs
22:32 clairs. Et leur donner les moyens d'atteindre ces objectifs.
22:34 Le management, c'est pas de faire à la place
22:36 des autres. C'est de leur dire, moi,
22:38 je sais que vous êtes capable d'arriver
22:40 à un meilleur résultat.
22:42 On a fait une table ronde ce matin,
22:44 déjà, sur ce côté libéral,
22:46 public, etc. Et les chirurgiens
22:48 orthopédistes qui étaient là, avec moi,
22:50 ils me disaient, pour la plupart,
22:52 il y a plus d'ARS, par exemple. Je voudrais
22:54 que ce soit l'hôpital qui gère,
22:56 qui s'auto-gère avec un directeur en gestion,
22:58 etc. Et qu'on enlève ces ARS.
23:00 Il m'a même dit, l'ARS, il y a la gestapo,
23:02 machin, enfin, il était très remonté contre l'ARS.
23:04 Donc,
23:06 à un moment donné,
23:08 c'est ça, c'est qu'il y a quand même
23:10 des médecins qui trouvent que, justement,
23:12 que ce millefeuille administratif,
23:14 enfin, là, si vous voulez rajouter
23:16 un petit, oui,
23:18 un niveau
23:20 d'organisation, mais si on rajoute ça,
23:22 plus la CPTS, plus l'ARS,
23:24 plus le ministère, plus, enfin,
23:26 il y a un moment donné, le médecin libéral
23:28 pur et dur ne va pas tellement aimer,
23:30 parce qu'il n'aime pas faire partie de ce genre de choses.
23:32 - Je pense que, on n'est pas tous égaux
23:34 devant
23:36 l'appétence qu'on a
23:38 à la fonction administrative.
23:40 C'est sûr. Ceux
23:42 dans les hôpitaux qui n'ont pas d'appétence
23:44 pour ça, il ne faut pas qu'ils choisissent le chef de service.
23:46 C'est une certitude.
23:48 Et malheureusement, dans nos hôpitaux,
23:50 parfois, la carrière
23:52 hospitalo-universitaro,
23:54 elle se confond avec
23:56 la gloire, avec tout un tas de trucs un peu
23:58 bizarres qui font qu'arrivent au poste de chef
24:00 de service des gens qui n'ont pas d'appétence
24:02 pour ça. C'est dommage.
24:04 Je pense qu'il faut avoir de l'appétence pour ça.
24:06 Et après, chacun
24:08 doit voir le niveau
24:10 d'appétence qu'il a,
24:12 et qu'est-ce qu'il va consacrer comme temps
24:14 à son activité professionnelle et à
24:16 cette activité administrative.
24:18 Ça, c'est sûr.
24:20 Maintenant, que l'ARS ou l'ARH
24:22 puissent être
24:24 fachos, puisque on a
24:26 parlé de la Gestapo, moi,
24:28 je l'ai connu.
24:30 L'ARH,
24:32 de l'époque, a voulu détruire l'hôpital
24:34 Saint-Michel, dans lequel je travaillais,
24:36 et on a été obligés de se battre comme des chiens
24:38 parce qu'il n'y avait aucune raison de faire ce truc-là,
24:40 et qu'ils se sont très, très
24:42 mal conduits avec nous,
24:44 les professionnels de santé, et avec
24:46 le personnel non médical, à lequel ils ont dit
24:48 "de toute façon, vous pourrez aller travailler ailleurs".
24:50 Ben oui, voyons, c'est sûr.
24:52 Donc, ça peut arriver, bien sûr que ça peut arriver.
24:54 Ça peut aussi arriver
24:56 que l'ARS ait une vision
24:58 globale de la région,
25:00 des besoins de la région.
25:02 Enfin, on peut pas
25:04 penser que le monde
25:06 soit "youpi,
25:08 les petits amis, vu ce qui est en train
25:10 de nous arriver un peu partout dans le monde,
25:12 on est un peu terrorisés". C'est sûr que
25:14 il doit y avoir des gens dans les ARS
25:16 qui sont pas bienveillants, c'est sûr.
25:18 Ça peut arriver.
25:20 Mais oui, l'accession à la responsabilité,
25:22 des choses comme ça, il y a des gens qui sont pas
25:24 forcément bienveillants.
25:26 Il faut veiller au grain.
25:28 Voilà, je suis pas sûre
25:30 qu'il faille supprimer les ARS.
25:32 C'était une idée de la Surange, c'était pas la mienne.
25:34 Je suis pas certaine, je sais pas ce que t'en penses.
25:36 Est-ce que ça vous aurait aidé ? Je crois pas.
25:38 Mais évidemment, ça peut arriver
25:40 des gens qui sont en excès de pouvoir.
25:42 Après les ARS, c'était pour décentraliser
25:44 les gens qui étaient japonais, plus autonomiques.
25:46 Il y a des chefs de service qui sont en excès de pouvoir
25:48 vis-à-vis de leurs équipements aussi, ça existe.
25:50 Faut pas
25:52 noircir les uns, blanchir les autres.
25:54 On est pas tous propres, tous.
25:56 Mais je suis pas sûre qu'il faille supprimer les ARS.
26:00 Il me semble que quand vous
26:02 arrivez à des responsabilités de ce type-là,
26:04 il faut partir avec une idée
26:06 de ce que vous
26:08 envisagez d'avoir,
26:10 de faire, de réaliser.
26:12 Et quand vous êtes à l'hôpital
26:14 public, il faut
26:16 savoir quelle place vous voulez
26:18 donner à vos hôpitaux publics
26:20 dans la région
26:22 parce que vous pouvez pas faire autrement,
26:24 parce que rien,
26:26 même le CHU n'est rien
26:28 d'autre qu'un hôpital de proximité,
26:30 en grande partie. Donc
26:32 il faut s'intégrer là-dedans,
26:34 c'est indispensable,
26:36 mais en même temps
26:38 avoir l'idée
26:40 des limites que vous ne voulez pas qu'on dépasse.
26:42 C'est-à-dire que,
26:44 comme le disait Pomme tout à l'heure,
26:46 on est aussi là quelque part
26:48 et moi je trouvais que c'était important
26:50 pour donner la place aux
26:52 personnels paramédicaux parce que sans
26:54 personnels paramédicaux, pas de service.
26:56 On ne s'occupe
26:58 pas des malades. Donc
27:00 tout ça, ça doit être un petit peu
27:02 élaboré dans la pensée
27:04 avant
27:06 d'avoir ce type de responsabilité.
27:08 Une connaissance
27:10 minimale de la sociologie
27:12 des entreprises, pour ce qui
27:14 est de l'hôpital public, une connaissance
27:16 minimale de
27:18 la sociologie des entreprises
27:20 publiques, parce que finalement
27:22 ceci a été très bien étudié,
27:24 y compris depuis les années 70
27:26 par Michel Crozier.
27:28 Donc lui, il avait parfaitement décrit
27:30 ce qu'était un organisme public
27:32 de façon générale et comment fonctionnait
27:34 un organisme public.
27:36 Donc avant de prendre ce type de responsabilité,
27:38 j'ai essayé
27:40 effectivement, moi, à mon échelle
27:42 avec mon cerveau,
27:44 aussi limité qu'il soit,
27:46 j'ai essayé d'avoir
27:48 cette espèce de
27:50 vision, entre guillemets,
27:52 de ce que je voulais
27:54 obtenir pour
27:56 l'hôpital public, y compris pour
27:58 l'assistance publique. Et je me suis battu
28:00 avec l'assistance publique sur, par exemple,
28:02 la place de la chirurgie orthopédique
28:04 dans l'assistance publique, où je me suis
28:06 fâché avec plusieurs directeurs
28:08 généraux, sur la place de la
28:10 chirurgie orthopédique, qui
28:12 a été, pour le coup, à mon
28:14 sens,
28:16 en grande partie abandonnée
28:18 par l'hôpital
28:20 public. Cette
28:22 spécialité a été
28:24 détruite par l'hôpital
28:26 public, parce qu'elle
28:28 n'avait pas de vision, parce que
28:30 l'hôpital public pouvait
28:32 penser, par certains de leurs acteurs,
28:34 que, finalement, ça pouvait bien
28:36 se faire ailleurs. Et pourquoi
28:38 payer des gens comme ça ? On est devenus intéressants,
28:40 très honnêtement, on est devenus
28:42 intéressants un peu grâce
28:44 à la tarification à l'activité. On s'est
28:46 d'abord su, tiens, les chirurgiens orthopédistes,
28:48 ils travaillent, ils travaillent,
28:50 ils ont des malades, on fait,
28:52 ouais, on opère beaucoup de malades,
28:54 etc. Et donc, entre guillemets,
28:56 on "rapporte". D'accord ?
28:58 Et après, quand il faut faire les investissements
29:00 nécessaires pour à la fois faire
29:02 la traumatologie, faire l'orthopédie,
29:04 etc., il y a des investissements à faire
29:06 que ce soit sur le plan humain
29:08 et sur le plan
29:10 technologique ou
29:12 bâtimentaire,
29:14 et bien ça, ils sont beaucoup moins d'accord.
29:16 Et donc, c'est là-dessus qu'il faut se battre, toujours
29:18 avec cette idée derrière
29:20 qu'est-ce que je veux,
29:22 moi, à ce moment-là, aussi, pour ma
29:24 spécialité, parce que j'étais aussi
29:26 dans une certaine mesure
29:28 représentant, enfin, représentant
29:30 dans une certaine mesure de la spécialité.
29:32 Et j'ai eu plusieurs échanges
29:34 extrêmement
29:36 durs, parfois
29:38 violents, parfois
29:40 méchants,
29:42 avec certains directeurs de l'assistance
29:44 publique, sur le sujet, par exemple,
29:46 de la chirurgie orthopédique publique.
29:48 Mais en même temps, vous étiez
29:50 président de CME, donc vous aviez "accès"
29:52 entre guillemets, au directeur généraux,
29:54 etc. Alors que, quand j'ai discuté
29:56 tout à l'heure avec d'autres chirurgiens orthopédistes
29:58 qui sont à la PHP, et me disent
30:00 "Mais moi, à la PHP, je suis chirurgien, j'opère,
30:02 j'ai mon directeur d'unité, qui est
30:04 un directeur de machin, qui est un directeur de truc", avant d'arriver
30:06 au directeur de la PHP, il sait pas
30:08 que j'existe, on se connaît pas, on se parle pas,
30:10 et il a rien à foutre, il ne sait pas de savoir comment je m'y mets.
30:12 - Oui, mais c'est bien pour cela...
30:14 - Il a amené le feuille trop grand. - Oui, c'est tout à fait.
30:16 - Parce que c'est énorme. - C'est en
30:18 partie vrai, et c'est bien pour cela
30:20 que j'ai fait la démarche
30:22 d'être président de CME,
30:24 parce que, encore une fois,
30:26 j'avais l'ambition,
30:28 peut-être démesurée, peut-être déraisonnable,
30:30 peut-être complètement idiote,
30:32 enfin, tout ce que vous voulez, comme
30:34 qualificatif négatif, parce que
30:36 j'avais envie... - Utopique, idéaliste.
30:38 - Utopique, idéaliste, si vous voulez, mais j'avais cette ambition
30:40 de me dire "Je veux un hôpital
30:42 public qui ressemble à ça,
30:44 et je veux que ma spécialité
30:46 à l'intérieur de l'hôpital
30:48 public ressemble à ça."
30:50 J'ai pas eu beaucoup de succès,
30:52 j'en ai eu quelques-uns,
30:54 mais pas beaucoup. - Je pense que Rémi,
30:56 c'est extrêmement
30:58 important ce qu'il dit.
31:00 C'est notre responsabilité
31:02 éthique et morale
31:04 qui est en jeu
31:06 dans ce qu'on a
31:08 comme idée de ce
31:10 qu'est le service rendu au public,
31:12 et dans nos ESPIC,
31:14 les ESPIC sont des hôpitaux publics,
31:16 souvent on a eu des directeurs
31:18 de l'AP qui ont essayé de nous mettre sur le côté
31:20 en faisant comme si on faisait pas de la chirurgie
31:22 ou de la médecine publique, mais les ESPIC, c'est des hôpitaux
31:24 publics. C'est de la gestion privée
31:26 de fonds publics, mais c'est des hôpitaux publics.
31:28 Et quand on a, c'est
31:30 très important ce qu'il dit, cette notion
31:32 à la fois du service public en général
31:34 et du service rendu
31:36 aux malades, et de ce qu'on doit faire,
31:38 c'est ça notre rôle
31:40 éthique et moral. Moi je l'ai
31:42 défendu par exemple dans notre hôpital à un moment,
31:44 il y a eu une manne que tout le monde
31:46 connaît qui était se mettre à opérer des malades
31:48 étrangers. Ça rapporte
31:50 de l'argent à l'hôpital, c'est du cash et tout,
31:52 mais les malades étrangers, c'est quoi ?
31:54 C'est des malades qui prennent le lit,
31:56 la place, d'un malade
31:58 français, j'ai rien contre les étrangers,
32:00 il s'agit pas de raciste ni de quoi que ce soit,
32:02 mais qui a payé 6% de son salaire
32:04 pendant toute sa vie, et qui a droit
32:06 à ce service public qu'on lui offre.
32:08 Et donc, premièrement, ces malades
32:10 étrangers, en tout cas dans notre hôpital,
32:12 1) ils n'auront pas de statut particulier,
32:14 il n'est pas question qu'ils aient une hôtellerie de luxe
32:16 ni quoi que ce soit, ils ont déjà bien de la chance
32:18 d'être opérés là, et donc on va les opérer
32:20 mais comme les autres. Ils n'auront pas
32:22 plus de chambre particulière, de service
32:24 à domicile, ni rien de tout ça,
32:26 et 2) on limite le nombre de malades
32:28 qu'on va prendre en charge dans ces conditions.
32:30 On ne va pas devenir un
32:32 hôpital qui va s'occuper que des
32:34 richissimes
32:36 gens de l'Arabie Saoudite
32:38 qui veulent bien venir se faire opérer
32:40 chez nous, ça n'est pas possible.
32:42 Vraiment, cet aspect
32:44 de l'éthique et de la morale
32:46 dont je pense, oui, on est garant
32:48 de ça, on est garant de faire
32:50 des urgences, on est garant d'opérer
32:52 des prothèses totales de hanches sans
32:54 dépassement d'honoraires,
32:56 d'opérer des gens qui n'ont pas les moyens
32:58 de pouvoir se faire opérer de leurs prothèses
33:00 de hanches et de genoux à l'hôpital
33:02 sans que ça leur coûte un sou, et
33:04 si on n'est pas
33:06 garant de ça, et bien on n'est garant
33:08 de rien, et ça,
33:10 si, par ailleurs,
33:12 on est dans le refus total de s'occuper
33:14 de quoi que ce soit, de gestionnaire
33:16 et d'administratif, il n'y a pas de dialogue
33:18 établi et on
33:20 n'a pas l'autorité.
33:22 Cette autorité qu'on a, que Rémy
33:24 décrit, elle est fragile,
33:26 ce n'est pas facile,
33:28 et puis ça demande du courage physique,
33:30 il faut aller au charbon.
33:32 Et ça,
33:34 de temps en temps, le directeur
33:36 il peut déraper, il y a un truc qui lui échappe,
33:38 il faut lui dire "non monsieur, non, non, ça,
33:40 on ne va pas faire comme ça, là, ça ne va pas être possible,
33:42 parce qu'on ne va pas le faire".
33:44 On a, voilà,
33:46 un directeur qui décide, au moment
33:48 du Covid, qu'il y a des activités
33:50 qu'on ne reprendra pas parce qu'elles
33:52 ne sont pas indispensables.
33:54 Moi, j'ai des collègues en province
33:56 à qui on a dit "l'orthopédie, ce n'est pas indispensable,
33:58 vous n'avez pas besoin de reprendre".
34:00 Mais ça ne va pas, ça, ce n'est pas possible.
34:02 Et ça, c'est le collectif qui doit
34:04 suivre et qui doit dire "ben non,
34:06 tout le monde va reprendre avec une proportion
34:08 de salles qui lui sera donnée,
34:10 puisqu'on ne peut pas tout rouvrir".
34:12 Quand on a arrêté le Covid, c'est important
34:14 de défendre que chacun,
34:16 y compris l'orthopédie,
34:18 on nous a quand même fait penser
34:20 pendant le Covid, et ce n'était pas très facile à vivre,
34:22 que ce qu'on faisait ne servait à rien.
34:24 Il y a un certain nombre de collègues
34:26 qui se sont vu prendre leur L,
34:28 leur machin, ce n'était plus de l'orthopédie,
34:30 c'était du Covid, voilà.
34:32 Et l'orthopédie, ça sert à quelque chose.
34:34 Et donc, quand on a arrêté le Covid
34:36 et qu'il a fallu reprendre,
34:38 on a récolté plein de malades qui avaient pris
34:40 beaucoup de retard, qui étaient dans des situations
34:42 fonctionnelles très difficiles.
34:44 Donc, il faut en permanence être vigilant.
34:46 Et cette vigilance,
34:48 ce n'est pas toujours facile
34:50 à organiser.
34:52 Moi, j'ai eu l'impression,
34:56 plus qu'une impression, que quand ça marchait bien,
34:58 c'est parce que tout le monde travaillait ensemble
35:00 au sein de l'hôpital, que les projets étaient vraiment
35:02 portés par l'hôpital.
35:04 Et je crois que j'ai
35:06 jamais vu une ARS
35:08 bloquer pour bloquer.
35:10 J'ai vu au contraire des ARS
35:12 soutenir des projets,
35:14 d'amélioration de la prise en charge, de réponse aux besoins.
35:16 Après,
35:18 l'ARS est dans un cadre
35:20 où beaucoup de choses lui échappent.
35:22 Lui échappent, par exemple,
35:24 les systèmes de rémunération,
35:26 les systèmes de tarification.
35:28 C'est clair, si vous voulez,
35:30 qu'aujourd'hui,
35:32 à l'hôpital public, on a un système
35:34 de tarification, enfin de rémunération d'abord,
35:36 qui ne prend pas en compte
35:38 effectivement la diversité des activités
35:40 et des carrières.
35:42 Le système de rémunération des praticiens
35:44 publics, il ne
35:46 distingue pas ce qui est une activité
35:48 de soins, de recherche,
35:50 une activité en urgence,
35:52 une activité pour
35:54 accompagner la gestion de l'hôpital, etc.
35:56 Il ne reconnaît pas les responsabilités.
35:58 C'est un système
36:00 qui est beaucoup trop uniforme
36:02 et qui est
36:04 géré de manière très centralisée.
36:06 On ne peut pas,
36:08 hôpital par hôpital, essayer
36:10 de moduler en fonction
36:12 d'une évolution
36:14 de carrière dans la vie.
36:16 Quand on est jeune, on fait peut-être plus de recherches
36:18 que quand on est vieux.
36:20 Je me suis dit dans les vieux.
36:24 Ça veut dire que
36:26 les ARS, avec
36:28 d'une certaine manière toute leur bonne volonté,
36:30 n'étaient pas toujours en situation
36:32 de soutenir comme il leur est fallu
36:34 les projets. Après, il y a
36:36 la coupure publique-privée.
36:38 Il y a des règles de financement
36:40 et je pense à la
36:42 tarification de l'activité.
36:44 On savait qu'il y avait des activités
36:46 qui étaient sous-tarifées et sous-financées.
36:48 On savait que c'était
36:50 d'autant plus dommage que ces activités-là
36:52 correspondaient à des besoins très importants
36:54 dans la population.
36:56 Quand on est dans un contexte
36:58 comme ça, avec ce cadre
37:00 qui est assez centralisé,
37:02 on ne souhaite qu'une chose.
37:04 C'est qu'au niveau local, on ait un peu
37:06 plus d'air pour respirer, on ait un peu plus
37:08 de latitude pour décider, on ait un peu plus
37:10 de capacité à faire des projets.
37:12 Si on a
37:14 aujourd'hui autour de la table
37:16 les orthopédistes du public,
37:18 les orthopédistes du privé,
37:20 la CPTS
37:22 ou les CPTS dans un département
37:24 ou dans une agglomération,
37:26 on va améliorer les choses.
37:28 Parce qu'on va commencer par regarder
37:30 concrètement c'est quoi les problèmes
37:32 dans les parcours de soins des gens.
37:34 Pourquoi est-ce qu'ils ont autant de mal à accéder à certaines choses ?
37:36 Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer la réponse ?
37:38 - Mais concrètement, qu'est-ce qu'on pourrait enlever ?
37:40 Est-ce qu'il y a une couche administrative qu'on peut enlever ?
37:42 - Moi je ne raisonne pas comme ça.
37:44 - Pourquoi on a
37:46 justement ce cliché de dire "administrative,
37:48 on tient la trou à l'hôpital, les gens croulent sous les papiers" ?
37:50 - Non, il ne faut pas
37:52 encourager l'immobilisme.
37:54 Il faut par contre soutenir ceux qui ont des idées
37:56 et des projets. Ce n'est pas la même chose.
37:58 L'hôpital doit changer.
38:00 L'hôpital doit changer profondément.
38:02 Moi j'ai vécu les énormes difficultés
38:04 pour soutenir le développement de la chirurgie ambulatoire
38:06 à l'hôpital. Il a fallu
38:08 qu'on crée des observatoires,
38:10 qu'on fournisse l'information, qu'on fasse évoluer
38:12 des pratiques. Et pourquoi ?
38:14 Parce que c'est l'intérêt des patients, c'est l'intérêt
38:16 des praticiens, c'est l'intérêt de l'hôpital.
38:18 Bon. Ça ne veut pas dire qu'il faut
38:20 considérer que tout va bien
38:22 comme ça. Non.
38:24 Il faut par contre qu'il y ait une capacité
38:26 à soutenir et à soutenir
38:28 ceux qui innovent, ceux qui poussent,
38:30 ceux qui préparent des projets
38:32 avec les autres. Et c'est ça qui
38:34 je trouve est le plus désolant.
38:36 C'est qu'il y a des problèmes, il y aura toujours des problèmes.
38:38 C'est très très
38:40 compliqué le pilotage d'un système de santé,
38:42 surtout le nôtre, qui est
38:44 très ouvert malgré ce qu'on dit.
38:46 Qui a une promesse
38:48 qui est de faire accéder tout le monde
38:50 à des soins de qualité. Bon. Pour que cette
38:52 promesse soit tenue, c'est un petit peu compliqué.
38:54 Donc je ne crois pas sur
38:56 le thème de la... Les pays qui
38:58 ont choisi de libéraliser
39:00 la santé, ils sont aujourd'hui dans
39:02 une situation désastreuse. L'espérance
39:04 de vie, elle a reculé
39:06 sans arrêt aux Etats-Unis depuis 15 ans.
39:08 Pour une large partie de la population,
39:10 c'est-à-dire ceux qui ne sont pas les plus favorisés,
39:12 le recul est spectaculaire.
39:14 Il ramène les Etats-Unis à la fin des
39:16 années 60.
39:18 Et c'est un système
39:20 qui occupe 17%
39:22 du PIB. A côté de ça,
39:24 vous avez en Suède, 8 ans
39:26 de plus d'espérance de vie en bonne santé
39:28 qu'en France.
39:30 Vous avez des systèmes qui sont bien régulés,
39:32 bien organisés et qui fonctionnent
39:34 bon. Et puis, bah, vous avez
39:36 comme nous, des systèmes
39:38 où effectivement, moi je
39:40 comprends très bien ce que disent les praticiens.
39:42 Je pense que c'est insupportable.
39:44 Tout ce que vous avez dit me paraît effectivement
39:46 insupportable. Dire à quelqu'un
39:48 qu'on va lui supprimer son activité parce qu'on
39:50 a trouvé mieux à faire de ses
39:52 ressources, c'est insupportable.
39:54 C'est pas comme ça qu'on gère une organisation.
39:56 Gérer une organisation, c'est faire
39:58 partager une stratégie et un diagnostic
40:00 d'abord. Et avant de
40:02 partager le diagnostic, de construire...
40:04 - Il y a une chose qui est vraie quand même,
40:06 c'est que l'hôpital et le
40:08 système public hospitalier
40:10 allemand fonctionnent avec
40:12 beaucoup moins d'administration
40:14 que nous. Avec beaucoup moins
40:16 de personnel administratif.
40:18 Ça c'est une réalité aussi.
40:20 Et pour le coup,
40:22 avec à la fois une espérance de vie
40:24 qui est équivalente à la nôtre,
40:26 avec
40:28 une dépense en PIB
40:30 qui est de l'ordre de 11 points de PIB,
40:32 entre 11 et 12 points de PIB selon les années,
40:34 et donc effectivement, avec
40:36 ça, eux ont choisi
40:38 de moins administrer le système.
40:40 Donc,
40:42 ça veut dire que nous, nous avons
40:44 un tout petit défaut probablement,
40:46 un tout petit défaut
40:48 de surutilisation de
40:50 l'administration. Et ceci,
40:52 encore une fois, est directement
40:54 lié à ce que décrivait
40:56 Crozier dans les années 70.
40:58 Complètement vrai,
41:00 encore une fois. C'est-à-dire que quand vous êtes
41:02 chef d'un endroit
41:04 dans le public, vous voulez des sous-chefs.
41:06 Et quand vous voulez des sous-chefs,
41:08 vous voulez une équipe plutôt importante.
41:10 Etc. Etc. Et ça fonctionne
41:12 comme ça. Et ceci nous rapproche
41:14 de ce que
41:16 décrivait
41:18 David Graeber,
41:20 regretté David Graeber,
41:22 sur les "bullshit jobs". C'est-à-dire
41:24 sur les boulots qui
41:26 consistent à produire de la donnée,
41:28 mais de la donnée qui n'est pas
41:30 utilisée. Simplement
41:32 pour utiliser des gens.
41:34 Simplement pour qu'ils aient un salaire.
41:36 Simplement pour qu'ils aient
41:38 l'impression d'être utiles.
41:40 Mais en fait, ceci n'est pas utile
41:42 et quelquefois freine un
41:44 bon fonctionnement. Donc il faut trouver
41:46 cet équilibre entre cette juste
41:48 administration et
41:50 l'excès d'administration dans lequel
41:52 on est. Et quand je parle d'excès d'administration,
41:54 je parle bien
41:56 d'un pourcentage
41:58 de gens dédiés
42:00 à l'administration
42:02 de l'hôpital public, en particulier
42:04 de l'hôpital public. C'est sûr
42:06 qu'on est très au-dessus des Allemands.
42:08 On est presque deux fois plus que les Allemands.
42:10 Je pense que
42:12 pour y avoir beaucoup vécu,
42:14 le modèle ESPIC,
42:16 qui d'ailleurs est désigné dans le monde
42:18 entier comme le meilleur modèle
42:20 pour la santé,
42:22 puisque je vous rappelle que la Mayo
42:24 Clinique est un ESPIC,
42:26 donc c'est que
42:28 justement dans les ESPIC,
42:30 je n'ai jamais
42:32 fait le calcul du taux
42:34 d'administratif qu'il y a à l'assistance
42:36 publique par rapport à ce qu'il y a
42:38 chez nous à Saint-Joseph, mais
42:40 je pense qu'on est
42:42 à peine à un tiers.
42:44 Et les relations entre
42:46 le corps médical et l'administration
42:48 en sont d'autant plus
42:50 facilitées. C'est-à-dire que
42:52 le comité de direction, c'était
42:54 moitié médecin, moitié
42:56 administratif, et on se réunissait
42:58 tous les lundis soirs
43:00 pour examiner les affaires courantes
43:02 et donc le dialogue, il était
43:04 permanent. Et il était à ce point
43:06 permanent, pour donner
43:08 un exemple qui peut prêter à rire,
43:10 mais que le matin
43:12 quand je sortais du parking et que
43:14 je m'apercevais que
43:16 les jardiniers qui étaient en train de planter
43:18 le jardin qui allait aller avec
43:20 la morgue, avaient planté des arbres morts.
43:22 En allant
43:24 jusqu'à mon service, j'ai décroché le téléphone,
43:26 j'ai appelé le directeur, je lui ai dit "c'est normal
43:28 de planter des arbres morts ?"
43:30 Et il m'a dit "bah non,
43:32 pourquoi ? Ils sont vrais."
43:34 Et lui, il se trouve qu'il n'allait jamais jusqu'au parking
43:36 et qu'il ne voyait pas ce truc-là. Bon, résultat,
43:38 le lendemain matin, les arbres ont été
43:40 enlevés, ils ont mis des vivants, c'était quand même un peu
43:42 mieux. Mais ça signe
43:44 la simplicité éventuelle de
43:46 relations qui peut y avoir, où il y a
43:48 un truc qui ne va pas, on le dit.
43:50 Et puis ça avance et on
43:52 n'en parle plus.
43:54 Je pense que sur
43:56 les projets, et sur l'ARS, et sur
43:58 l'attention de l'ARS,
44:00 vous avez parlé
44:02 de la difficulté à faire avancer
44:04 l'ambulatoire. C'est vrai que ça n'a pas été
44:06 très facile, c'est vrai qu'il a fallu
44:08 beaucoup de travail, mais
44:10 c'est normal, on n'est pas un lastarax,
44:12 ça ne se fait pas en tirant une sonnette de
44:14 passer en ambulatoire un certain nombre
44:16 de choses. D'autre part,
44:18 il a fallu, nous, qu'on dise
44:20 "on ne va pas faire de l'activité
44:22 pour pouvoir être en ambulatoire".
44:24 Parce que ça, ce n'était pas tout de suite bien entendu.
44:26 L'ARS nous a donné des gongs
44:28 en disant "vous allez faire tant de pourcents d'ambulatoire".
44:30 Ben non, on ne va pas faire tant de
44:32 pourcents d'ambulatoire, parce que moi je fais
44:34 des fractures du cotyle et qu'elles ne vont pas être en ambulatoire.
44:36 Point. Voilà.
44:38 Et à part ça, les ARS n'ont aussi
44:40 pas été très réactives, parce que
44:42 moi j'ai été une des premières en France à faire de la
44:44 prothèse totale de hanches en ambulatoire,
44:46 avoir renoncé assez rapidement,
44:48 et à faire de la prothèse totale de hanches
44:50 en protocole une nuit,
44:52 et pendant au moins
44:54 6 mois ou 1 an, ça a coûté de l'argent
44:56 à l'hôpital. Parce que ce n'était pas prévu.
44:58 On ne pouvait pas faire de la
45:00 prothèse, ça ne faisait pas partie
45:02 des comptes. Aujourd'hui,
45:04 et c'est là où c'est intéressant
45:06 de s'attacher à la gestion,
45:08 aujourd'hui, si vous regardez,
45:10 qu'est-ce que c'est la marge d'une prothèse totale de hanches
45:12 que vous opérez en protocole une nuit ?
45:14 C'est 43%. Qu'est-ce que c'est la marge
45:16 de celle que vous opérez
45:18 en 4 jours ? Vous tombez à 23%.
45:20 Qu'est-ce que c'est la marge
45:22 d'un service d'orthopédie
45:24 qui permet à l'hôpital de vivre à l'équilibre ?
45:26 C'est 25-26.
45:28 Donc, si vous faites
45:30 des prothèses de hanches à 43%,
45:32 et si vous ne faites que ça,
45:34 vous allez remplir les caisses de votre hôpital.
45:36 Sauf, comme dit Rémi, qu'on n'est pas là pour ça.
45:38 Voilà. On est là
45:40 pour opérer les gens qui ont besoin...
45:42 Parce que ces prothèses de hanches en protocole une nuit,
45:44 c'est vrai qu'elles sont très bien opérées à la clinique.
45:46 Mais sauf que celles qui sont
45:48 en insuffisance cardiaque,
45:50 qui ont besoin éventuellement d'une réapostop,
45:52 celles-là, elles ne vont pas être opérées à la clinique.
45:54 Et celles-là, elles vont coûter de l'argent.
45:56 Donc, mon directeur avait une phrase
45:58 que j'aimais bien. Il dit "Il faut faire des FIAT
46:00 pour pouvoir faire des Ferrari."
46:02 On est d'accord. Donc, à l'hôpital,
46:04 on fait de la FIAT
46:06 et on fait des choses simples qui permettent
46:08 que l'hôpital vive. Et puis,
46:10 ça permet de faire tous ces malades difficiles.
46:12 Mais c'est indispensable.
46:14 Et donc, ce qu'il faut, c'est aussi
46:16 défendre la Ferrari. C'est extrêmement
46:18 important que l'hôpital public
46:20 soit là pour ça, pour faire des choses
46:22 qui ne peuvent pas se faire ailleurs.
46:24 Parce qu'on a des gros moyens, parce que l'outil de travail
46:26 est magnifique. Mais,
46:28 pour ça, il faut un fonctionnement.
46:30 Moi, je n'ai pas été
46:32 confrontée dans ma carrière, à part quand j'étais
46:34 interne et chef de clinique, à la lourdeur
46:36 de l'administration de l'assistance publique.
46:38 Mais je la connais. Et puis, je connais
46:40 la souffrance de Rémi
46:42 et de mes collègues
46:44 qui sont chefs de service à l'assistance publique.
46:46 Quand ils en parlent, ils disent que, parfois,
46:48 c'est très décourageant de s'intéresser
46:50 à tout ce que fait l'administration,
46:52 parce que c'est tellement lourd que ça ne répond pas à leurs besoins.
46:54 Le système de l'ESPIC,
46:56 qui rend parfois les gens jaloux,
46:58 à tort. Il ne faut pas être jaloux.
47:00 Il faut juste se dire, si on allait y regarder,
47:02 et si on faisait un peu pareil,
47:04 et si on allégeait la structure
47:06 de façon à ce que le rapport à l'administration
47:08 soit un rapport beaucoup plus simplifié,
47:10 ce serait mieux.
47:12 - Juste un point. Ce dont je parlais
47:14 tout à l'heure, et qui va
47:16 dans le sens de l'irritabilité
47:18 du chirurgien de l'assistance publique.
47:20 Le problème, c'est que lui,
47:22 quand il est chef de service, finalement,
47:24 il va s'adresser au N-3,
47:26 N-4, et donc,
47:28 le temps que ça remonte au N-2,
47:30 au N-1, voire au N,
47:32 et bien, là, ça ne marche plus.
47:34 C'est-à-dire qu'il y a tellement d'intermédiaires
47:36 que les informations se perdent,
47:38 que les informations ne sont pas transmises
47:40 avec la finesse
47:42 qu'on voudrait
47:44 ou pourrait y mettre.
47:46 Et ça, c'est difficile.
47:48 - Oui, c'est vrai.
47:50 - Ça, c'est difficile pour les chefs de service.
47:52 - Oui, c'est vrai.
47:54 - Oui, c'est sûr.
47:56 Et donc, ça, c'est difficile pour des chefs de service
47:58 qui n'ont pas des responsabilités
48:00 proches
48:02 d'une administration centrale,
48:04 comme à l'assistance publique.
48:06 C'est plus difficile.
48:08 C'est plus compliqué.
48:10 - Donc, il faut qu'on conclue quand même un peu.
48:12 On pourrait se dire qu'il faudrait essayer
48:14 de faire en sorte que l'hôpital public
48:16 se rapproche d'une gestion un peu plus rationnelle
48:18 et un peu plus directe, comme ça, il en explique, quelque part.
48:20 Avec moins de chefs et peut-être plus de vétérins.
48:22 - Il faudrait,
48:24 vraiment,
48:26 c'est extrêmement prétentieux.
48:28 - Ce serait bien, si.
48:30 - Il y aurait probablement
48:32 un intérêt
48:34 à diminuer ce nombre
48:36 de directeurs,
48:38 sous-directeurs, et machins.
48:40 - Je pense qu'une
48:42 communication plus directe
48:44 à l'intérieur de l'hôpital
48:46 serait nécessaire en éliminant,
48:48 pas en éliminant, c'est méchant comme mot,
48:50 mais en faisant en sorte
48:52 de diminuer
48:54 les bullshit jobs
48:56 qui n'apportent que de la donnée
48:58 pas forcément très utile.
49:00 - Ce que j'ai imaginé, et moi j'avais déjà pensé
49:02 à ça au moment où ils ont voulu supprimer
49:04 Saint-Michel, c'est de dire
49:06 voilà, l'unité
49:08 hospitalière,
49:10 "idéale", celle qui va pouvoir
49:12 faire fonctionner un gros
49:14 service de radiologie, une grosse réa,
49:16 qui va, elle est
49:18 de l'ordre de, allez, 600, 700
49:20 lits, ça représente
49:22 à peu près
49:24 l'unité gérable. Cette
49:26 unité gérable, de quoi a-t-elle besoin
49:28 sur le plan administratif pour pouvoir avancer ?
49:30 Et on va lui
49:32 consacrer ça, et on va
49:34 supprimer les autres strates. Parce que
49:36 Saint-Michel, par exemple, on nous avait reproché
49:38 c'était un trop petit hôpital, alors il fallait le supprimer.
49:40 Et puis, bon, finalement,
49:42 la fusion avec Saint-Joseph, etc.,
49:44 ça a fait...
49:46 Qu'est-ce que c'est cette unité ?
49:48 Ça représente à peu près ce qu'est Georges Pompidou
49:50 aujourd'hui. Je sais pas ce que ça va être
49:52 votre nouveau Larry Boisier, mais ça va être de cet ordre.
49:54 - 489 lits. - Voilà.
49:56 Donc, on est dans une unité
49:58 gérable. On est dans quelque chose qui a
50:00 la dimension humaine. Et cette dimension
50:02 humaine, on va
50:04 lui donner les moyens
50:06 au lieu d'accumuler
50:08 les choses et d'accumuler les strates.
50:10 Et c'est ce qui est en train de se faire
50:12 au CHU de Nice.
50:14 - Au CHU de Nice, ils font l'hôpital magnétique.
50:16 - Non, ils sont en train de faire
50:18 un petit peu la même chose que ce qu'on a fait à Saint-Jo.
50:20 C'est le directeur de Valenciennes
50:22 qui est venu et qui fait ça.
50:24 Il fait ça dans un CHU.
50:26 - C'est le premier CHU.
50:28 - Oui. - Si ça marche. - S'il y arrive,
50:30 ça peut commencer. - C'est ça.
50:32 - Et il est exactement dans votre philosophie.
50:34 C'est-à-dire de dire, on rend les gens responsables.
50:36 - C'est ça. Et on met les administratifs
50:38 au service des médecins quand ils ont des idées.
50:40 On leur dit, ils viennent dans les services
50:42 et on s'organise comme ça. Et ça remonte.
50:44 - Plus vite.
50:46 - Ça va plus vite, exactement. Mais il est en train
50:48 d'essayer de le mettre en avant. Enfin, il est en train d'essayer.
50:50 Il le met en place à Nice. Ce sera le premier
50:52 CHU. - Il le met.
50:54 Parce que moi, j'ai discuté avec mon collègue
50:56 qui est président de l'ACME là-bas. - Il le met tous ensemble.
50:58 - C'est pas le directeur
51:00 qui est en train de le faire. C'est l'ensemble
51:02 du corps médical et lui dans un...
51:04 - Tous les trois. Il y a le doyen,
51:06 le président de l'ACME. - Un accord où ils ont décidé
51:08 de tenter de faire ce truc-là. - Le directeur général, oui.
51:10 - Voilà. - Et apparemment, pour l'instant,
51:12 il faut suivre parce qu'il y a des étapes.
51:14 Ils sont en train de lancer les premières.
51:16 Ils ont créé l'épaule et tout ça. C'est en cours.
51:18 Et c'est peut-être aussi une piste où vous avez raison.
51:20 Et je pense qu'on va rester là
51:22 pour cet après-midi parce qu'on ne va pas sauver
51:24 l'hôpital ce soir, mais bon, c'est en cours.
51:26 - Merci.
51:28 Merci à tous !
51:30 Merci à tous !

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