"L'Abbé Pierre, une vie de combats", c'est le titre d'un des films événement de cet automne, sorti avant-hier au cinéma avec RTL, film réalisé par Frédéric Tillier qui retrace le destin hors du commun de celui qui fonda les Compagnons d'Emmaus et qui fut longtemps la personnalité préférée des français. Pour en parler, celui qui incarne Henri Grouès à l'écran, Benjamin Lavernhe.
Regardez Le débat du 10 novembre 2023 avec Yves Calvi.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:05 RTL matin. Il est 8h23, bonjour Benjamin Lavergne. Bonjour. Merci d'être avec nous ce matin sur RTL. Vous êtes à l'affiche de "L'abbé Pierre, une vie de combat"
00:14 le film de Frédéric Tellier. C'est l'un des événements de cet automne
00:17 cinématographique en salle depuis mercredi avec RTL. Un film qui retrace le destin et les engagements hors du commun de celui qui
00:24 fonda les compagnons d'Emmaüs. Je rappelle que l'abbé Pierre a été pendant des années la personnalité
00:29 préférée des français. Nous allons parler de votre film "L'abbé Pierre, une vie de combat" avec Stéphane Boutsok, notre spécialiste cinéma, que je salue. Bonjour Stéphane.
00:36 D'abord d'un mot Stéphane, quels sont les premiers chiffres du box-office ? Eh bien ça a pas mal démarré du tout. On est à
00:41 90 000 entrées depuis mercredi avec un beau week-end
00:44 pluvieux, je parle sous le contrôle de Louis Bodin. Donc ça devrait bien se passer ce week-end en salle. Benjamin Lavergne, c'est vrai pour tout rôle et
00:50 pour toute interprétation, mais comment rentre-t-on quand même dans la peau de l'abbé Pierre ?
00:54 Ah oui, ça c'est un peu un mystère.
00:57 Je n'avais pas les clés de l'abbé Pierre au début, donc on a plongé. Frédéric Tellier m'a emmené dans une préparation
01:04 passionnante en plusieurs parties. Il m'a dit "voilà, lis ces bouquins,
01:07 voilà un gros dossier d'archives, tu as 5000 photos".
01:10 C'était un monstre médiatique, donc beaucoup beaucoup d'interviews.
01:16 Il y a un peu le cliché de "j'ai écouté sa voix trois heures par jour pendant trois mois". Donc ça
01:21 oui je l'ai fait, mais parce que non pas seulement forcément pour être dans un mimétisme, mais pour essayer de comprendre l'homme
01:27 et de l'infuser. Il faut infuser l'abbé Pierre et puis il est devenu un compagnon de prépa.
01:31 J'ai été très vite très ému par
01:36 cette rencontre. J'avais l'impression que c'était un ami, je rêvais de lui, il n'était pas loin là.
01:40 Vous rêviez de lui ? Oui. Il était présent dans vos rêves ? Oui, mais ça m'arrive même quand je fais
01:46 Gainsbourg à la comédie française, quand on tombe amoureux d'un artiste ou d'un homme qui vous inspire, parce que c'est ça l'abbé Pierre.
01:53 C'est un moteur, c'est quelqu'un qui déclenche des envies d'engagement et puis qui est
01:58 terriblement bouleversant, inspirant et intelligent aussi. Et puis qui est un grand grand orateur.
02:03 Donc on l'écoute, on l'écoute même en rêve. On se pose des questions préparant la vie d'un homme pareil et si oui lesquelles ?
02:09 Ouh là là, on se pose la question déjà, est-ce que je vais réussir à le jouer ? Est-ce que je vais être à la hauteur
02:15 du mythe ?
02:17 Heureusement Frédéric Tellier m'a amené aussi dans
02:20 cette incarnation qui était la recherche de l'homme derrière la figure consensuelle.
02:25 Comment cet homme est devenu l'abbé Pierre ? Quel adolescent il était ? Cette sensibilité hors normes d'où elle vient ?
02:32 Et comment lui il s'est vu en rêve à la tête d'une foule en marche ? Et comment il a obéi à ce destin, à cette vocation,
02:38 à cet appel ? Et comment ça a été irrépressible ? Et puis il avait une sur-empathie
02:42 qui faisait qu'il ne supportait pas la souffrance de l'autre puisqu'il la ressentait lui-même.
02:49 Et donc
02:50 il m'a amené faire des maraudes aussi Frédéric Tellier, il m'a eu solidarité. Il y a aussi tous les héritiers
02:54 aujourd'hui, tous les combattants parce que c'est bien beau de dire la misère continue, voilà c'est toujours la même chose mais en fait non il y a
03:00 énormément d'initiatives et
03:02 et ça c'est aussi très très important de parler de ceux qui agissent aujourd'hui, qui sont les enfants de l'abbé Pierre et qui font un
03:09 combat extraordinaire.
03:10 J'avais eu la chance Benjamin de venir vous voir sur le tournage il y a presque
03:13 deux ans par un froid, matin d'hiver quelque part en région parisienne et je me souviens qu'on avait fait des interviews entre les prises
03:18 et ce qui m'avait frappé c'est la manière dont vous étiez totalement
03:21 investi et dans le rôle, c'est-à-dire dans le costume, je me rappelle vous aviez la canne en permanence entre les prises,
03:27 vous étiez vraiment habité, c'est vraiment ce que moi j'ai ressenti à ce moment-là. - Oui c'était un homme habité
03:31 mais d'ailleurs de manière un peu mystérieuse, qu'est ce qui fait que ce petit garçon
03:35 inadapté au monde parce qu'il était une santé épouvantable,
03:39 il voulait même mourir à 7-8 ans parce qu'il disait le paradis a l'air extraordinaire et il en est mort à
03:45 94, il faisait souvent de l'humour là-dessus et d'ailleurs il s'écroulait et puis il renaissait de ses cendres, il s'écroulait donc il faut forcément être
03:51 habité, il faut que ça soit...
03:53 quand on parle de vocation, de mission,
03:55 donc j'essayais d'avoir aussi cette vérité, ce coeur
03:59 parce que la vérité de l'homme c'est pas juste avoir les mêmes oreilles et le même zozotement et de parler comme ça,
04:05 c'est vraiment, c'est pas que ça, c'est que ça soit insupportable
04:08 et puis d'ailleurs l'abbé Pierre jusqu'à 94 ans disait à tous les gens "mais vous vous rendez pas compte, vous ne comprenez pas
04:14 que les gens ne réalisent pas que c'est insupportable, il ne faut jamais jamais s'habituer"
04:18 et là Dieu sait qu'on est confronté à ça au fait de s'habituer, de se protéger et de se dire "bon bah de toute façon la vie est foutue"
04:24 et lui il dit "non, non"
04:25 - Alors c'est un travail quand même bien particulier pour un comédien
04:28 d'incarner un personnage sur toute sa vie et d'ailleurs le film est tourné dans son ordre chronologique
04:32 alors comment on grandit avec l'abbé Pierre si je puis dire ?
04:35 - Bah... - À un certain âge on se raccournit un peu aussi... - Oui oui oui, bah ça c'est tout la partie très très
04:43 tripante quoi, c'est à dire d'avoir à le jouer de 25 à 94 ans
04:46 au début c'est très casse-gueule, ça va être ridicule, ça va être grotesque et puis
04:53 c'est un challenge quoi, on pense aux américains qui font ça beaucoup plus facilement
04:58 donc j'ai quand même me dit "on est accompagné par qui au maquillage ?"
05:02 vous êtes sûr là ?
05:04 Atelier 69 à Montreuil sont des génies en fait, ils font... vous allez voir les maquillages
05:10 ne vont pas du tout vous sortir du film, au contraire vont vous aider à être bouleversé parce qu'ils font la coupe rose là,
05:14 les tâches de vieillesse, les petites veines... moi j'assistais à ça parce que j'étais maquillé pendant six heures
05:19 donc j'étais
05:21 levé à deux heures du mat, bon certains d'entre vous ici sont habitués, mais trois heures sur le siège
05:26 et un maquillage de trois heures à neuf heures
05:28 et donc parfois je faisais des petits roupillons, je m'endormais et je me réveillais puis j'avais pris 40 ans
05:33 et je me disais "waouh" et puis je commençais à jouer avec mon masque comme ça
05:36 et en fait la vieillesse c'est l'enfance, on commence à s'amuser
05:40 et ça me rappelait les cours du conservatoire et j'étais... et puis je regardais les discours parce que Dieu sait qui en a
05:45 apparemment j'ai même lu, Laurent Desmars, son dernier secrétaire particulier m'a dit qu'il faisait même des discours la nuit
05:50 et qu'il était impossible de dormir à côté de l'abbé Pierre parce que
05:54 il n'arrêtait pas, il était en boucle et il préparait
05:58 donc non c'était une préparation passionnante, costume, j'avais neuf looks différents, trois tailles d'oreilles, des tailles de boss aussi
06:05 donc ça c'est vraiment la partie très amusante, mais après il faut remplir le masque
06:09 c'est à dire qu'il suffit pas d'avoir juste la ressemblance, il faut l'habiter
06:12 j'avais même des lentilles de contact qui me prenaient tout l'oeil pour casser le blanc de l'oeil, la jeunesse et mettre une petite cataracte
06:19 donc ça a été...
06:21 ouais, ça aide énormément à jouer, d'avoir cet attirail, c'est pas que un poids, on se met à y croire
06:28 et on voit dans le regard des autres qu'ils ont l'impression de voir l'abbé Pierre, c'était très drôle.
06:33 Alors il y a une scène du film qui nous touche particulièrement ici à RTL, c'est celle de l'appel de l'hiver 54
06:39 lancé depuis les studios de Radio Luxembourg, on va en réécouter un extrait.
06:43 Mes amis, au secours !
06:45 Une femme vient de mourir, gelée, cette nuit à 3 heures sur le trottoir du boulevard Sébastopol
06:53 elle serrait sur elle le papier par lequel avant-hier on l'avait expulsée.
07:00 - Benjamin Lavergne, cet appel date de 70 ans, il pourrait très bien à nouveau lancer aujourd'hui
07:05 face à la pauvreté, la détresse ou les ravages de la guerre.
07:08 Que vous inspire la vie de cet homme à posteriori après avoir vécu avec lui pendant des mois ?
07:13 - Bah que c'était un visionnaire, qu'il était d'une modernité extraordinaire, il était libre,
07:20 c'était un révolutionnaire aussi, un rebelle, c'est-à-dire qu'il avait peur de rien, il n'appartenait à aucun parti politique,
07:27 Emmaüs est libre et indépendant et cette liberté lui donnait le droit d'avoir tous les mots.
07:33 Il y avait un évêque qui était très jaloux de l'abbé Pierre, parce qu'il dit "mais comment vous faites, dès que vous parlez, personne ne vous tape sur les doigts, on vous écoute".
07:40 Et même les politiques, ils connaissaient tous les présidents de la République, les ministres du logement,
07:44 je pense qu'ils fatiguaient les gens, mais les gens l'écoutaient.
07:47 Ils disaient "parce que j'ai l'instinct de l'insolence mesurée, je sais jusqu'à quel point je peux gueuler,
07:51 au-delà je me ferais plaisir, mais ça ne servirait à rien parce que ceux qui m'écoutent ne sont pas prêts à en entendre davantage".
07:58 Donc il avait quand même un sacré talent.
08:00 On vous a écouté sans fatigue, merci beaucoup.
08:03 Merci d'avoir été en directeur.
08:05 Après challenge.
08:07 Le film "L'abbé Pierre, une combats" réalisé par Frédéric Pékin,
08:10 avec Emmanuel Berco, extraordinaire, Lucie Coutaz,
08:12 et Michel Guillermoz, en salle depuis mercredi avec Ertel.
08:15 Très bonne journée à vous, merci d'être venu.
08:17 [SILENCE]