L’actrice-réalisatrice québécoise revient sur les trois longs métrages qu’elle a signés, de “La Femme de mon frère”, à “Simple comme Sylvain”, en salles, en passant par “Babysitter”.
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00:00 C'est drôle parce qu'il y a des gens qui disent « on ne peut plus draguer, on ne peut plus… »
00:04 Mais je fais « ouais, je ne suis pas sûre ».
00:06 Je pense que c'est des gens qui étaient lourds aussi, qui n'ont pas idée de comment aborder l'autre ou la draguer.
00:12 Un fleuve à découvrir encore.
00:16 Nous aimer comme si l'amour c'était la mort.
00:19 C'est qui en train de dire « il est beau » ?
00:22 Chassardou.
00:29 C'est beau Québec. C'est romantique.
00:31 J'ai repassé une fin de semaine là-bas avec ma blonde à l'époque.
00:34 On avait fait un tour de Calèche, on avait mangé dans une place de fondue bien fancy
00:38 et on en est venu par faire un trip à Troyes-Clauss-Herbeuse.
00:40 Ah ?
00:41 Ouais.
00:42 Une autre époque.
00:44 Ce film-là s'appelle « Seigne comme Sylvain » et j'ai voulu le traiter avec une…
00:47 En fait, il est complexe dans leur rapport et dans leurs émotions.
00:51 Mais fondamentalement, je voulais que les premières scènes avec Sylvain soient d'une simplicité désarmante.
00:59 Cette scène-là a quelque chose de très banal.
01:02 Oui, il raconte un peu.
01:05 C'est comme une rencontre assez classique de cinéma, ou de vie même.
01:12 « J'étais si, j'ai fait ça. Toi, tu viens d'où ? »
01:15 Et puis c'est cette grande simplicité qui permet la rencontre entre les deux.
01:25 Le point de départ était, entre autres, pourquoi le couple m'étouffe ?
01:29 Pourquoi l'amour me plaît, mais que le couple m'étouffe ?
01:32 Et c'est pour me rendre compte que le couple, c'est un système social,
01:35 c'est un système fabriqué, c'est un système social, économique, familial, politique,
01:41 mais qui a longtemps eu rien à voir avec l'amour.
01:44 C'est dur de le conjuguer avec un sentiment qui est très volatil,
01:52 qui fait appel à une sensibilité.
01:55 On ne peut pas faire entrer l'amour dans un code ou dans un cadre.
01:59 Et c'est ce qu'on essaie de faire, ce qu'on essaie de faire,
02:02 dans l'intégration de l'amour dans le couple,
02:04 qui est très récent dans l'histoire de l'humanité.
02:06 Mes références étaient des films des années 70-80,
02:11 bien évidemment « Love Story », puis il y avait les films de Lelouch,
02:15 il y avait les films de Sautet.
02:17 Ces films-là, d'amour des années 70-80,
02:20 en fait, ils sont dénués de tout cynisme.
02:22 Il y a quelque chose de très fleur bleue.
02:24 Puis je me suis dit, c'est intéressant de prendre ces codes-là,
02:27 en tout cas de les avoir un peu consciemment ou inconsciemment dans la tête.
02:31 Donc, dans l'œil du spectateur, même au niveau de la musique,
02:34 on plonge tout de suite dans un film d'amour.
02:37 Tout de suite, on le sait, notre inconscient, il rentre là-dedans en disant,
02:40 « Ah, c'est un film d'amour, je vais pleurer, je vais aimer, je vais être triste, je vais rire. »
02:44 Puis en même temps, ça insufflait d'énormément de vies contemporaines.
02:49 Donc, il y a quelque chose qui, en dessous, qui est quand même un peu caustique.
02:52 Donc, c'est ça le clash, en fait, que je voulais créer avec ce film-là.
02:56 Ce que je trouve beau, c'est qu'au départ, on se dit, on y croit, en fait.
03:01 Puis la vérité, c'est qu'on ne tombe pas vraiment amoureux
03:04 de gens qui ne sont pas dans notre classe sociale.
03:06 Même si on pense que l'amour est hasardeux, il n'est pas tellement.
03:11 Puis les statistiques le prouvent,
03:15 donc une écrasante majorité de gens sont en couple avec des gens qui viennent du même milieu qu'eux.
03:21 Donc l'amour est encore un système, en tout cas, le couple est un système inégalitaire encore.
03:27 L'amour ne l'est pas, parce que l'amour fait appel au chaos et à l'anarchisme,
03:35 mais le couple fait appel à la structure du capitalisme.
03:39 Donc, c'est très difficile de les conjuguer.
03:43 Dans mon monde, je parle très normalement.
03:45 Ça veut dire quoi, ça, dans ton monde?
03:47 On est dans un monde qui a été créé par les hommes, pour les hommes.
03:50 Vous savez, c'est un peu l'idée que quand on va chez quelqu'un d'autre,
03:55 il faut avoir les règles de la personne.
03:57 Si la personne nous dit, tu enlèves tes chaussures chez moi,
04:00 en fait, on est poli quand on est chez l'autre, on ne veut pas dire un mot plus haut que l'autre.
04:04 On essaie de, vous voyez, on attend que l'autre nous offre un verre d'eau.
04:08 C'est un peu ça, des fois, je trouve, pour les femmes dans ce monde-ci,
04:11 j'ai l'impression qu'il faut qu'on demande la permission pour exister.
04:14 Et comment vous vous êtes rencontrés?
04:16 Par un ami commun.
04:18 Ça me touche énormément de voir une famille soudée comme la vôtre.
04:21 Parce que moi, j'ai pas eu de frère et sœur, donc ça me manque beaucoup.
04:25 Mais tu veux des enfants?
04:26 Ah oui, des tonnes!
04:27 Oh là là, Hicham, c'est son rêve d'avoir des petits-enfants.
04:30 C'est pas qu'on n'en veut pas.
04:31 J'en veux moins.
04:32 Ah bon, c'est nouveau?
04:33 Pourquoi tout le monde demande à tout le monde s'il veut des enfants?
04:35 Comme si on était en pénurie d'êtres humains.
04:37 Pour quelles raisons valables est-ce qu'on ferait des enfants aujourd'hui
04:39 sinon celle de se narcissiser?
04:41 Citation de mon frère.
04:42 J'ai jamais dit ça.
04:43 Oui.
04:44 Non.
04:45 Oui.
04:46 Non.
04:47 La planète est sur-couplée.
04:48 On a certainement pas besoin de nouveaux abrutis qui vont flasher 10 litres d'eau potable
04:49 à chaque fois qu'ils vont faire pipi.
04:50 Ben, moi, je trouve que ça donne un sens à la vie.
04:52 Oui, il n'y en aura plus trop de sens à la vie
04:54 quand on va tous s'exterminer dans une guerre nucléaire.
04:56 C'est drôle parce que je vois toute l'adolescence que j'avais en moi dans l'écriture aussi.
05:01 J'ai pris plus de...
05:03 Je me suis adoucie, disons, dans les dernières années.
05:07 Mais ça me fait rire quand même de revoir ça.
05:10 Et surtout, c'est un bonheur de les voir jouer ensemble.
05:14 Moi, j'adore écrire les scènes de souper, de dîner.
05:17 Je trouve ça assez jouissif d'écrire ça comme une partition de musique, en fait.
05:23 Et puis ça prend du temps.
05:25 C'est des scènes qui me prennent énormément de temps à écrire, de précision,
05:28 de trouver le mot juste, de revenir là-dessus.
05:31 C'est les scènes sur lesquelles je m'acharne le plus en écriture, assurément.
05:34 Les scènes, évidemment, de groupe, pour trouver le bon équilibre,
05:38 pour avoir la précision de la pensée.
05:40 « La femme de mon frère », c'est un hommage à ma famille, évidemment,
05:44 mais à comment on se construit dans l'amour.
05:47 Et je voulais prendre aussi hommage à cet amour-là qui m'avait transmis,
05:52 comment on s'aime et comment on s'aide à traverser les épreuves de la vie.
05:57 Après, ce n'est pas mon histoire,
05:59 mais c'est vrai qu'il y a des éléments concomitants avec moi.
06:03 Il n'y a que les escrocs qui sont enterrés dans ce système.
06:06 Câlisse, papa, on peut tous sentir quelque chose
06:08 sans que ce soit automatiquement la faute du capitalisme.
06:10 S'il te plaît, arrêtez de s'accréter.
06:12 Moi, je n'y dis plus rien.
06:13 Je vais m'éteindre jusqu'à la fin des temps
06:15 parce que mes enfants me crient sur la tête tout le temps.
06:17 Il n'est pas proche.
06:18 Eh oui, je pense que c'est à cause en grande partie du système.
06:21 Je n'y dis plus rien.
06:23 On a dans ce système de peur un système féodal qui a anéanti la classe moyenne.
06:28 Mais je ne vais plus vous parler.
06:30 Une époque de protectionnisme xénophobe,
06:33 de leader démagogue, autocrate.
06:35 Et on perd un à un les acquis du bon gagné.
06:38 Papa, la hôte.
06:39 Quoi ?
06:40 La hôte !
06:41 Je ne suis pas sourd !
06:42 La lutte des classes, le questionnement des classes sociales,
06:45 ça vient vraiment aussi de ma famille, de mes parents,
06:47 qui étaient des militants communistes,
06:51 qui sont devenus, comme je dis toujours,
06:53 qui sont glissés vers une douce social-démocratie bourgeoise,
06:56 qui se joue les enjeux de la société autour d'une table.
07:01 C'est là où j'ai appris à débattre, à réfléchir sur le monde aussi.
07:05 Je pense que c'est pour ça que c'est fondateur
07:07 et fondamental dans l'écriture de mes films.
07:09 Je vais écrire avec toi ton livre.
07:13 Sérieux ?
07:14 À deux, on va ratisser encore plus d'art.
07:15 Je sais, les téléos, les sportifs.
07:17 Ils ne se font pas me vanter, mais si je me vante,
07:19 ça va me vanter plus.
07:20 Émissions de télé, radio, Salon du livre.
07:22 Salon du livre ?
07:23 Cochon, signature.
07:24 Salon du livre ?
07:25 Je connais tout le monde.
07:26 Showbiz.
07:27 Pourquoi tu vas-tu écrire une lettre à Chantal Tremblay ?
07:29 Rendu là, ça dépasse, Chantal Tremblay.
07:32 On parle d'un problème social historique.
07:34 Ça peut-tu quand même s'appeler « Sexy Story » ?
07:36 « Sexy Story », lettre d'excuse à Chantal Tremblay.
07:39 Lettre d'excuse à nos mères, à nos sœurs, à nos filles.
07:44 À nos secrétaires, à nos maîtresses, à nos cousines.
07:46 C'est l'écriture de Catherine Léger.
07:48 Quand j'ai vu la pièce de théâtre, ça m'a vraiment...
07:51 D'abord, j'ai trouvé ça extrêmement intelligent et très drôle.
07:54 Donc, j'ai vraiment eu envie de le mettre à l'écran.
07:57 Ce que j'aime dans la vie, dans mon écriture,
07:59 ou quand je suis face à l'écriture des autres,
08:02 c'est que j'aime les auteurs qui ne sont pas manichéens,
08:05 qui ne sont pas morales.
08:09 Catherine n'est pas moralisatrice dans son écriture.
08:13 Elle pose des questions, elle regarde le monde,
08:16 elle l'observe, elle regarde nos travers,
08:19 ou elle se questionne elle-même sur le monde.
08:21 Aussi, j'ai tenté de faire ça dans ma propre écriture,
08:24 de poser plus de questions que d'y répondre
08:27 pour pouvoir alimenter ma réflexion
08:31 et pour pouvoir alimenter celle des autres par le fait même.
08:34 Donc, c'est ce que je trouve intéressant dans Baby-Store aussi,
08:38 c'est que justement, on ne donne pas des clés très précises.
08:41 On fait juste dire, ben, voici le constat du monde dans lequel on est.
08:45 Elle a un constat très acide, Catherine, mais très intéressant, je trouve.
08:49 Une femme sur trois qui est victime d'agression sexuelle dans sa vie.
08:52 Genre, à quel moment t'as senti que ton rapport aux femmes est devenu problématique?
08:56 Café?
08:58 Non.
08:59 Un misogyne.
09:00 [Musique]
09:05 [Silence]