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00:00 - C'est la journée de lutte contre le harcèlement aujourd'hui.
00:03 Est-ce que ces questionnaires de sensibilisation contre le harcèlement scolaire justement distribué
00:08 dans les écoles vont dans le bon sens ? Qu'en pensez-vous ?
00:10 02 47 38 10 20.
00:12 Vous avez la parole ce matin, même si vous avez été vous-même victime de harcèlement,
00:16 si vous avez été témoin aussi de faits sur des élèves.
00:18 On peut en parler ensemble et votre parole est précieuse ce matin.
00:21 N'hésitez pas à nous appeler.
00:22 Le harcèlement justement, c'est une journée de lutte.
00:24 On en parle ce matin avec un Tourangeau qui a subi des brimades tout au long de sa scolarité.
00:29 Bonjour Jonathan.
00:30 - Bonjour.
00:31 Merci de m'avoir accepté justement pour mon témoignage contre le harcèlement qui est
00:35 pour moi justement hyper important aujourd'hui.
00:37 - Merci d'être avec nous, surtout sur France Bleu Touraine.
00:40 Ces réflexions, ces brimades, elles ont commencé pour vous dès l'école primaire, au collège
00:46 également jusqu'à ce désir d'en finir avec la vie.
00:50 Vous avez alors 14 ans.
00:52 Comment à 14 ans on arrive à avoir ces idées noires ?
00:56 - Alors je vous explique justement, c'est dans le contexte actuel.
01:00 J'étais au collège en fait si vous voulez et j'étais beaucoup en fait un gamin qui
01:05 était renfermé sur lui-même.
01:06 Il y avait beaucoup en fait de personnes qui étaient malveillantes contre moi.
01:11 J'ai subi beaucoup de violences physiques au collège pendant les cours de récréation
01:16 et à l'école.
01:17 - Sans raison ?
01:18 - Sans raison particulière.
01:21 Je pense qu'il y avait la tête de Turc, le bouc émissaire qui a fait qu'aujourd'hui,
01:25 j'ai quand même subi ce harcèlement-là.
01:28 Et en fait, d'où est venue justement mon envie de suicide ? Et bien justement c'est
01:34 par rapport à ça.
01:35 Je me suis dit le matin je me lève, je me dis pourquoi je n'irais au collège ? Et au
01:38 final j'avais envie de terminer ma vie à ce moment-là.
01:41 Et donc c'est pour ça que j'ai commencé à être dans ma chambre, à me renfermer sur
01:45 moi-même, à cacher à ma mère et à mon frère.
01:47 Et du coup c'est de là où j'ai commencé à mettre mes mains pour m'étrangler, pour
01:53 justement d'en finir une fois pour toutes.
01:55 - Les mains pour vous étrangler ?
01:56 - Oui, j'ai mis mes mains sur mon cou pour m'étrangler, jusqu'à devenir violé en fait.
02:01 - Et ça, à plusieurs reprises ?
02:04 - À plusieurs reprises, pour couper ma respiration.
02:08 Et après suite à ça, j'ai eu quand même des problèmes après par rapport à des séquelles
02:12 de respiration, pour vraiment mon cardio, mon cœur etc. se mettre en apnée si vous
02:20 voulez.
02:21 Donc oui, j'ai eu des séquelles par rapport à ça et donc c'est pas anodin aujourd'hui.
02:25 Donc voilà, c'est un fort message déjà.
02:28 - C'était intenable en fait ?
02:30 - C'était intenable et puis même le matin quand j'allais au collège, même si j'étais
02:34 avec mon frère, j'avais deux trois potes etc. pour vraiment compter sur eux.
02:37 Mais au final aujourd'hui, voilà, quand on tombe dans la création, on se fout de vous,
02:42 tout le temps les moqueries etc.
02:44 Franchement c'est pas agréable aujourd'hui.
02:46 Et moi aujourd'hui je suis là vraiment pour être là, témoigner devant des personnes
02:50 qui m'écoutent, qui sont au collège ou qui ont des adolescents.
02:53 Aujourd'hui, faites attention justement à vos adolescents et prenez en compte vraiment
02:58 le changement de comportement qu'ils pourraient avoir.
02:59 Voilà, c'est les premiers signes en tout cas de ce que je peux vous dire.
03:03 - Et parce que ce harcèlement, il a continué après le collège, il s'est même multiplié,
03:09 il a augmenté au lycée.
03:11 Quand vous dites "il faut voir les signes", vous, vous vous êtes renfermé le quotidien
03:18 justement de ce traumatisme que vous avez vécu.
03:21 C'était quoi quand vous étiez adolescent ?
03:22 - Alors du coup, comme je vous ai dit, au lycée, ça a été pour moi les pires années
03:27 de ma vie.
03:28 C'est-à-dire que normalement un lycéen, il est content d'aller au lycée parce que
03:33 c'est ses meilleures années, 15 ans, 16 ans, 17 ans.
03:35 Moi justement, j'ai très mal vécu.
03:37 Justement le matin, je me levais, j'avais une boule au ventre extrême, j'avais un stress
03:42 pas possible, j'étais méfiant de tout le monde.
03:44 Quand j'allais dans le bus, je mettais mes écouteurs pour m'évader, pour me mettre
03:48 dans ma bulle.
03:49 Et quand je rentrais au lycée, c'était en fait, je dirais pas rentrer en prison, mais
03:53 rentrer comme ça, rentrer dans un poulailler avec plein de personnes qui voulaient ta peau.
03:59 Et le fait d'avoir après des moqueries constamment tous les jours, forcément psychologiquement
04:06 et verbalement, verbalement, toujours dire la même chose, ça me stresse, ça me stresse,
04:11 j'ai de l'angoisse, j'ai de l'anxiété et forcément je me renferme.
04:14 - Et vous avez alerté ou pas l'Education nationale, le chef d'établissement, vos parents aussi ?
04:19 - Du coup, mon frère, j'en ai parlé parce que j'ai un frère jumeau et du coup je
04:23 l'ai beaucoup parlé avec lui et en fait c'est lui qui en a parlé à ma mère et ensuite
04:27 après il y a eu une discussion qui s'est passée derrière et forcément, forcément
04:32 fallait pas, en fait je me suis renfermé sur moi-même, j'ai pas parlé, en fait je
04:36 me suis beaucoup isolé.
04:37 Voilà c'est vraiment le cas.
04:38 - Mais rien n'a été fait ?
04:39 - En fait, avec ma mère, elle a beaucoup été parent d'élève au lycée et du coup
04:46 forcément, suite à ça, on avait déjà évoqué le harcèlement scolaire par rapport
04:52 au CPE principal et au proviseur, mais en fait, voilà, je vous parle de ça il y a
04:56 plus de dix ans, là on est encore aujourd'hui, je trouve pas qu'il y a eu autant, il y a
05:00 eu un gros progrès en tout cas par rapport aux luttes contre le harcèlement encore aujourd'hui
05:04 et on en parlait il y a vingt ans, il y a vingt ans c'est encore d'actualité.
05:09 Donc voilà, le but aujourd'hui c'est vraiment d'envoyer un message fort pour vraiment de
05:13 lutter contre le harcèlement et de pas prendre à la légère parce qu'au final aujourd'hui,
05:18 pour moi il y a certaines choses qu'on prend légère, ouais non c'est qu'une querelle,
05:21 oh non il a eu deux, trois trucs, mais en fait ils imaginent pas l'impact que ça peut
05:25 avoir sur un jeune homme au final.
05:27 Moi aujourd'hui j'ai 28 ans, je suis papa et j'ai deux garçons, bah voilà, pour se
05:31 construire, pour se construire, juste se construire, c'est énorme, franchement j'ai une blessure
05:36 psychologique qui était, je vais vous faire une métaphore, une image que je vous avais
05:41 dit, imaginez une porte blanche qui était propre et vous mettez des clous, vous prenez
05:46 un marteau, vous mettez des clous en fait dans la porte et vous enlevez en fait tous
05:49 les clous, mais en fait c'est moi, mon corps, mon physique, mon mental, etc.
05:53 Je suis marqué à vie par rapport à cette blessure là, même si je suis guéri de cette
05:57 blessure parce que c'était quand même fort, on est toujours marqué par rapport au verbal.
06:02 Et en fait moi j'ai recroisé deux, trois personnes qui étaient justement dans mon
06:07 lycée et qui me disent...
06:08 - Ils vous ont harcelé ?
06:09 - Oui, ils m'ont dit "je suis désolé, j'étais con d'avoir fait ça, mais au final c'était
06:14 trop tard, moi je peux pas accepter le désolé à ce moment là, donc du coup la personne
06:21 me remerciait de me revoir parce que tu m'as tellement blessé et en fait c'était tellement
06:24 dans un effet de masse, en fait c'est ça le harcèlement, le problème, c'est ça un
06:27 effet de masse, t'as une personne, deux personnes et toutes les personnes vont suivre la personne
06:31 pour détruire en fait la personne qui est en face d'elle et qui est démunie.
06:36 Et du coup moi ça, ça me touche.
06:38 Moi les personnes comme ça.
06:39 Et après comme je vous ai expliqué, à l'époque moi j'avais pas trop le côté cyberharcèlement
06:43 avec tous les réseaux sociaux qui sont vraiment amplifiés et je pense que beaucoup aujourd'hui,
06:48 les jeunes aujourd'hui, que ce soit au lycée, soit au collège, et même les parents, qu'il
06:52 faut vraiment attention à tout ça et même les signes, c'est pour être le comportement,
06:57 le comportement, le renfermement, la colère.
06:59 Moi j'avais beaucoup de colère, beaucoup de rancœur, j'avais envie d'exposer mais
07:04 j'exposais pas en fait devant mon lycée, j'exposais chez moi.
07:08 Et du coup c'est là où ça a pris une ampleur énorme par rapport à ça.
07:12 - Vous dites qu'il y a des ans, rien n'a été fait pour vous aider, vous soutenir
07:16 dans votre traumatisme qui est encore présent aujourd'hui, on l'entend, on parle aujourd'hui
07:21 d'un questionnaire qui sera diffusé pour l'ensemble des élèves des établissements
07:26 scolaires sur justement, amené à sensibiliser ou en tout cas à faire prendre conscience
07:31 peut-être de ces actes de harcèlement, vous en pensez quoi vous ?
07:34 - Alors moi comme je vous l'ai dit, je suis très mitigé par rapport au questionnaire.
07:38 Parce que quand quelqu'un est harcelé, moi j'imagine et je me remets à la place du gars
07:43 qui était, moi qui ai été harcelé à 16 ans, quand on est harcelé, on n'aime pas
07:50 trop dire les choses, on est vite renfermé.
07:53 Et même en question anonyme, je ne suis même pas sûr qu'il y a 10 ans j'aurais répondu
07:57 à ce questionnaire.
07:58 - On n'est pas capable à ce moment-là ?
08:00 - Je pense que j'aurais menti, je pense que je me serais menti en me disant que voilà
08:06 tout va bien.
08:07 Pour en final me dire, j'ai pas envie d'évoquer en fait ce sujet-là par peur du représailles,
08:12 par peur de juger, peur du jugement, peur de critiquer aussi.
08:16 Parce que l'harcèlement aussi, ce qui est fait c'est qu'on vous réprimande tout le
08:20 temps, tout le temps, tout le temps, jusqu'à vous dévaloriser, du coup il y a une perte
08:23 de confiance, etc.
08:24 Donc au final le questionnaire en lui-même, je ne le critique pas, mais je suis très mitigé
08:28 par rapport à qu'est-ce qu'ils vont faire après.
08:30 C'est-à-dire avec toutes les réponses qu'ils vont récolter, qu'est-ce qu'ils vont faire
08:33 après ? Le but aujourd'hui je pense c'est d'aller sur le terrain, c'est d'aller dans
08:37 les collèges, d'aller dans les lycées, d'aller voir en fait ce que c'est réellement et peut-être
08:40 aussi de voir une cellule peut-être psychologique, dans le sens vraiment de lutter contre le harcèlement,
08:46 mais il faut que ça soit vraiment clair et précis.
08:47 Parce que c'est vrai qu'il y a des psychologues dans les écoles, mais est-ce que vraiment
08:51 - Il y aura des référents aussi, mais il y en a - Voilà, il y a des référents, etc.
08:55 Mais après derrière, est-ce que les enfants passent à l'action ? C'est surtout ça.
08:58 Et moi le premier but aussi que j'aimerais évoquer dans un message, c'est que les parents,
09:03 ils devraient beaucoup plus communiquer, mieux communiquer avec leurs enfants.
09:06 Et des fois, voilà, parce que c'est beau le travail, le travail, mais la santé psychologique,
09:10 la santé mentale, pour moi c'est super important.
09:12 Jonathan, vous allez bien aujourd'hui ? Moi aujourd'hui, je vais bien.
09:16 Si je vous partage ça aujourd'hui, c'est que j'ai passé le cap aujourd'hui de ce long
09:22 combat pour moi, qui était très lourd et difficile, parce que je ne vous le cache pas,
09:27 et moi comme je vous ai dit, j'ai eu beaucoup de rejet face à tout ça.
09:32 Et du coup pour me construire, ça a été compliqué, donc face à la critique, face
09:35 au rejet, face en fait juste de m'aimer aussi.
09:39 Juste moi m'aimer, je ne m'aimais pas, je me dévalorisais, j'étais négatif, donc
09:44 c'est quand même quelque chose qui n'était pas anodin.
09:46 Et pour me construire aujourd'hui, comme je vous ai dit, je suis papa et j'ai deux garçons,
09:50 donc ça a été lourd pour moi en fait.
09:51 Quand on a deux garçons et qu'on est père et qu'on a du mal à se construire, c'est
09:55 compliqué.
09:56 Donc en fait, voilà, et moi j'ai pris ça dans la tronche beaucoup et maintenant c'est
10:01 pour ça que je lutte contre ce combat qui pour moi c'est un long combat, et aujourd'hui
10:05 c'est une victoire, parce que je suis là devant vous et témoigné justement de mon
10:09 harcèlement, donc pour moi c'est une grande victoire.
10:11 - À travers vous, on voit Jonathan que malgré tout ça, malgré ces brimades, malgré que
10:16 vous êtes marqué au fer rouge, on le comprend bien, on peut s'en sortir, on peut retrouver
10:20 une vie un peu plus sereine, sans oublier cette lutte, parce que vous voulez, on l'entend,
10:24 vous mobiliser.
10:25 Merci énormément d'être intervenu ce matin sur France Bleu Tourelle Jonathan.
10:29 - Merci, avec plaisir.