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00:00 [Générique]
00:18 Bonsoir à tous, très heureux de vous retrouver pour un nouveau numéro de Made in Africa,
00:21 votre magazine économique 100% africain.
00:23 Ce numéro sera consacré à un secteur clé de notre économie, le cacao.
00:28 La Côte d'Ivoire en est le premier producteur mondial avec 2,4 millions de tonnes produites en 2022.
00:34 Un secteur confronté à de nombreux défis, notamment celui de la traçabilité.
00:39 D'ici fin 2024, une nouvelle réglementation européenne va interdire l'importation de matières premières issues de zones déforestées.
00:47 Un enjeu pour la Côte d'Ivoire qui exporte près de 70% de son cacao vers l'Union européenne.
00:53 Les acteurs du secteur sont désormais tournés vers un objectif, comment produire un cacao plus durable ?
00:59 Au sommaire ce soir, enquête sur les enjeux du cacao durable.
01:03 Ce cacao cultivé dans le respect de l'environnement,
01:05 un cacao qui contribue à améliorer les conditions de vie des agriculteurs.
01:09 En exclusivité, nous avons suivi le conseil Café Cacao dans ses efforts pour mettre en place un système national de traçabilité.
01:17 Objectif, tracer le cacao ivoirien des plantations jusqu'aux consommateurs.
01:22 Puis dans notre second reportage, vous découvrirez deux chocolatiers engagés.
01:28 Deux chocolatiers qui ont décidé de transformer le cacao localement en misant sur la durabilité.
01:33 Traçabilité de la fève, meilleure rémunération des planteurs, bonnes pratiques agricoles.
01:38 Autant de principes qui guident le travail d'Axel Emmanuel et de Viviane Coamé.
01:43 C'est une tendance mondiale, poussée notamment par les consommateurs de l'Occident.
01:47 Le souhait de savoir d'où viennent les produits que nous consommons et le chocolat ne fait pas exception.
01:52 Pour faire face à ce défi, la Côte d'Ivoire est en train de se doter d'un système national de traçabilité.
01:58 Nous sommes allés sur le terrain, au cœur des coopératives du pays,
02:01 pour mieux saisir les enjeux et les défis d'un tel projet dont l'objectif principal est de limiter la déforestation.
02:08 Cacao sur la voie de la traçabilité, un reportage de Jean Hutin, Sarah Sisman et Romane Emili-Coffi.
02:16 À quelques kilomètres de Divo, au centre de la Côte d'Ivoire, c'est l'heure de la récolte pour Paul Licachet.
02:22 Quand on vient dans le champ, on voit la moitié des cabots qui sont tous les jaunes.
02:26 Tout est mu. Après, on voit ce qui est sur le tronc, ce qui est dans le feuillage.
02:32 On utilise ça pour pouvoir cueillir.
02:35 Chaque année, ce planteur récolte environ 750 kg de fèves.
02:40 Il ramasse les cabots pour en extraire les fèves qu'il vend dans une coopérative d'un grand industriel du chocolat.
02:47 Il reçoit une prime de 100 francs supplémentaires par kilo par rapport au prix borchand.
02:52 On transforme ce cacao en 6 mois.
02:56 Il pèse le cacao.
02:59 On nous donne l'argent qu'on nous donne. On peut avoir 500 000 francs ou bien plus.
03:04 C'est là où nous savons que non, c'est une bonne année parce qu'avec l'argent, nous sommes très à l'aise.
03:09 Le chocolatier Sémua paye le cacao plus cher car il est considéré comme durable.
03:15 La parcelle de ce planteur a été géolocalisée afin de connaître la provenance exacte de son cacao.
03:21 Cet homme est chargé du suivi de la traçabilité.
03:25 Sémua ne produit pas du cacao provenant d'un forêt classée.
03:29 Donc il faut géolocaliser toutes les plantations pour voir si la plantation est dans un forêt classée.
03:38 S'assurer que le cacao ne provient pas de forêts classées où les plantations sont interdites,
03:43 un enjeu pour les industriels afin notamment d'exporter leurs fèves auprès de clients en Europe.
03:51 Si la traçabilité est un enjeu clé, c'est parce que d'ici quelques mois,
03:55 une nouvelle réglementation européenne va s'appliquer sur les produits importés.
04:00 Elle interdit la vente de tout produit issu d'une zone déforestée après le 31 décembre 2020.
04:07 Parmi ces produits, le cacao.
04:10 Les pays producteurs comme la Côte d'Ivoire doivent se mettre aux normes
04:13 s'ils veulent continuer à vendre leurs précieuses fèves sur le marché européen.
04:18 Des exportations qui génèrent chaque année en moyenne 2 000 milliards de francs CFA pour le pays.
04:25 Tracer le cacao ivoirien, un défi de taille.
04:28 Il existe plus d'un million de planteurs.
04:31 En exclusivité, nous avons suivi le Conseil Café Cacao dans ses tentatives
04:36 pour rendre l'or brun ivoirien plus durable.
04:39 Pour connaître chaque producteur et chaque parcelle qui se trouve derrière chaque fève de cacao,
05:01 il faut d'abord les identifier.
05:03 Dans ce village situé à 30 kilomètres de Daloa, c'est l'heure de la distribution des cartes de planteurs.
05:10 Une carte professionnelle mise en place par le Conseil Café Cacao.
05:14 Ses agents sont sur le terrain pour expliquer son fonctionnement.
05:17 Une petite révolution.
05:19 Voici votre carte de producteur.
05:21 Maintenant, à partir de la carte qui est là, c'est à travers la carte que vous allez vendre votre cacao.
05:26 Quand l'acheteur va arriver à votre niveau, vous lui remettez la carte, il va scanner.
05:29 Après avoir scanné, il va peser le cacao.
05:31 Il finit de peser le cacao, il vous montre le poids.
05:34 Une fois que vous êtes d'accord, il l'insère dans la machine.
05:36 Le montant que vous devez peser, on va s'afficher sur l'écran de la machine.
05:39 Et pour que le procédé soit bien clair, la distribution se fait dans différentes langues.
05:45 La carte est là, c'est une carte de vendeur.
05:47 Donc, c'est un vendeur.
05:49 C'est le vendeur qui va faire la distribution.
05:51 Parfois, on parle de Baoulé, parfois on parle de Lagné, on parle de Malinke, de Bété, tout ça.
05:58 Il faut être un homme de terrain pour comprendre tout ça.
06:00 Pour délivrer ces cartes, il a d'abord fallu recenser chaque planteur et chaque champ de cacao.
06:06 Un processus fastidieux qui a duré plusieurs mois et qui n'est pas encore tout à fait terminé.
06:12 Donc, votre date de recensement, 04-12-1970.
06:19 Il y a eu deux étapes pendant le recensement.
06:22 La première étape a consisté à interroger les paysans à la maison, à leur domicile.
06:32 Et la deuxième étape, les agents de recensement sont même partis au champ,
06:38 effectivement au champ, avec témoin, pour attester que cette plantation, effectivement, appartient à la personne.
06:45 Et avec le GPS, on était doté de GPS.
06:49 Et c'est au vu de GPS qu'on a fait le tour.
06:52 On a fait le tour de chaque plantation et c'est le GPS qui a déterminé la cartographie du champ.
06:59 S'il y a des gens parmi vous, au moment où on faisait l'opération 2019-2020,
07:05 ils n'étaient pas présents ou encore il y en a qui étaient là, mais ils ont refusé de faire.
07:11 On vous donne encore une occasion aujourd'hui de se faire enrôler.
07:17 Pour le régulateur de Lorbrain, qui expérimente ce nouveau système national,
07:21 il est primordial que les 1 million de planteurs soient recensés.
07:25 Un moyen de mieux contrôler la quantité de cacao vendu et surtout sa provenance.
07:32 Direction le village de Megadia.
07:35 Pour la première fois dans cette section, les planteurs vont vendre leur cacao grâce à leur carte.
07:40 Cette fois-ci, pas d'argent liquide, tout se passe de manière électronique.
07:45 Le cacao est d'abord pesé sous le regard d'Adama, le planteur, qui expérimente ce système pour la première fois.
07:52 - Monsieur Kabore, je peux avoir votre carte ? - On va la scanner.
07:56 Identité du planteur, poids de la marchandise, code barre qui permet d'identifier le sac de fève,
08:02 tout est scanné minutieusement. Les scellés sont placés.
08:06 Sorte de carte d'identité du sac de cacao permettant de le tracer jusqu'en Europe.
08:11 - Le poids ça fait 111. Vous êtes d'accord ? - Oui, c'est ça.
08:15 - OK. La somme fait 98.100 francs.
08:21 Le jeune homme reçoit ensuite le paiement sur sa carte.
08:25 Auparavant, lors de ces transactions, l'argent liquide était la règle. Un risque pour les planteurs.
08:31 - Il voit qu'avec la carte, nous sommes plus en sécurité par rapport au temps passé.
08:40 Parce qu'avec la carte, tu n'es pas obligé d'empocher ton argent sur toi-même et puis de te promener.
08:47 L'argent est sur la carte. Le jus, tu en as besoin, tu peux aller faire le retrait.
08:51 Et puis la somme dont tu as besoin, tu fais le retrait de ça. Le reste, il reste dans la carte.
08:56 Pour retirer l'argent, il est possible de passer par une banque. Mais il y en a peu dans les villages.
09:02 Alors certains planteurs comme Abou optent pour le retrait via une application de paiement par téléphone.
09:08 Un fonctionnement qui n'est pas aisé pour tout le monde.
09:11 Même avec l'aide de l'opérateur, ça ne fonctionne pas tout de suite.
09:31 Après plusieurs tentatives, le planteur peut finalement empocher son dû.
09:36 10 000 francs. Ok. Merci beaucoup.
09:39 Ok. Merci.
09:41 Cette carte permet donc de rendre le processus d'achat plus sûr en identifiant le planteur et sa plantation,
09:48 mais aussi par extension d'empêcher le cacao de venir de forêts classées.
09:53 Pour comprendre comment, nous avons rencontré le directeur général du conseil café cacao.
09:59 Je voudrais vous informer qu'en faisant le recensement de nos producteurs,
10:06 nous avons également fixé le potentiel de production de chaque plantation.
10:12 Donc si votre plantation a un potentiel de production de 2 tonnes,
10:18 si vous nous présentez une production de 3 tonnes, ça veut dire que votre production, une part de la production vient d'ailleurs.
10:26 Elle ne sera pas prise en compte.
10:28 D'accord. Donc là, pour vous, il ne pourrait pas y avoir de tricherie avec ce système.
10:32 Tout à fait.
10:33 En d'autres termes, si la quantité de fèves qu'un planteur souhaite vendre excède son potentiel de production,
10:39 cela veut dire aux yeux des autorités que ce cacao provient peut-être d'une plantation illégale dans une forêt classée.
10:46 Ce cacao ne pourra donc pas être vendu.
10:49 Pour le régulateur, cela permet de garantir qu'avec le nouveau système national,
10:56 aucun cacao issu de la déforestation ne pourra désormais être exporté.
11:01 Il y a 15% de cacao qui est produit dans la forêt. C'est connu, les cartes sont connues.
11:06 Les plantations sont connues, elles sont dans notre système désormais.
11:10 Si les gens continuent, à partir du moment où ces cacaos ne sont pas dans notre système,
11:16 je ne vois pas comment ils peuvent exporter.
11:19 Désormais, à l'effet de créer des plantations au détriment de la forêt,
11:23 c'est une chose qui ne va pas exister encore désormais.
11:26 Pour parfaire le système national de traçabilité, les coopératives elles aussi sont impliquées.
11:33 Jusqu'à présent, lorsque le cacao arrive dans une coopérative, s'il n'est pas totalement sec, il est séché sur place.
11:41 Les fèves provenant de différentes plantations sont alors mélangées les unes aux autres.
11:46 Impossible donc de connaître précisément leurs provenances.
11:50 Une pratique que le nouveau système, encore en phase pilote, entend changer.
11:55 Chaque sac dispose désormais de scellés que Sanata, la directrice, doit scanner et enregistrer.
12:02 Un moyen de s'assurer là encore d'une bonne traçabilité.
12:05 Donc là, du coup, c'est un seul que l'on vient de scanner.
12:10 J'ai encore le numéro du scellé.
12:13 Vous allez voir qu'on a le scellé qui se termine par 13.
12:17 C'est le même numéro de scellé et automatiquement j'ai le poids du contenant.
12:22 Chaque sac est enregistré avant d'être envoyé à l'acheteur qui exportera le cacao.
12:27 Donc on a un total de 1333 kilos réceptionnés au magasin.
12:34 Donc on va initier maintenant un chargement de 1200, donc une tonne de 100 de cacao.
12:42 Donc on va passer maintenant à la demande d'initiation d'un connaissement tracé.
12:47 Le connaissement, c'est le document essentiel qui permet de centraliser toutes les informations concernant les sacs de fèves.
12:55 Tout ce qu'il y a ici, c'est l'information sur le producteur.
12:57 Tout ce qui est là, c'est l'information sur la transaction.
13:00 Qu'est-ce que vous avez comme information sur le producteur ?
13:02 Le numéro de la carte du producteur, qui est là, le nom et le prénom, son numéro de téléphone,
13:07 date de naissance et son lieu d'habitation.
13:12 Et le type d'opération qui a été faite ce jour-là.
13:15 Ici, on a la quantité, la valeur, le nom du délégué qui a fait l'opération.
13:20 Avant, le connaissement était réalisé à la main et était loin d'être aussi précis.
13:25 Avec la digitalisation, la coopérative de Sanata y trouve certains avantages.
13:31 Ça sécurise au niveau du prix. Parce que là, tu ne peux pas falsifier le prix.
13:37 C'est impossible de falsifier les prix.
13:39 Donc là, ils se disent qu'on n'a plus... Avec les pistons qui venaient,
13:43 on leur dit non, donne, je te donne, non, c'est pas bien séché, donc je te fais...
13:47 Tu te payes plus du jour, moins de temps. Ça, c'est plus possible.
13:50 Donc eux aussi, ils ont une pression face à l'aide du producteur de faire le chaos qui répond au nom de la coopérative.
13:55 Donc si ma coopérative va acheter d'enchant, si ça ne répond pas tout de suite au nom,
13:59 c'est parce que c'est pas bien séché, bien trié, bien, on ne prend pas.
14:02 Mais une chose l'inquiète, le coût. Car scanner chaque scellé et vérifier les informations,
14:08 c'est du temps en plus à consacrer.
14:10 Il faut savoir qu'une coopérative a trois mois pour faire le deux tiers de son chiffre d'affaires.
14:15 Et les autres six mois, tu fais un tiers restant.
14:19 Donc si tu dois perdre le temps dans une procédure que tu ne maîtrises pas, tu perds de l'argent.
14:23 Pour les coopératives, un défi, apprendre à utiliser ce nouveau système de manière efficace.
14:30 Mais qu'en est-il côté exportateur ?
14:33 La traçabilité des fèves est-elle assurée jusqu'au bout avant de partir vers l'Europe ?
14:38 Direction Cargill, acteur américain incontournable du cacao, l'un des géants mondiaux du secteur.
14:47 A l'usine de San Pedro, le responsable est présent pour vérifier l'arrivée de ce camion chargé de fèves.
14:53 Tout est passé au peigne fin pour s'assurer de la provenance du cacao.
14:58 Alors ici, l'opérateur remet le connaissement du camion en question au pont bascule,
15:03 qui fait son checking et qui va faire appel au camion pour la première pesée déjà.
15:07 C'est le tout premier chargement qu'on reçoit avec le nouveau système de traçabilité Conseil Café Cacao.
15:16 Le traitement du cacao, il n'y a pas de changement.
15:19 Depuis la pesée jusqu'au déchargement, les procédures restent les mêmes.
15:23 Il n'y a rien qui va changer à ce niveau-là.
15:25 C'est juste question administrative, question traçabilité où il faudra faire la part des choses.
15:29 En effet, depuis plusieurs années, les industriels du cacao présents en Côte d'Ivoire, comme Cargill,
15:36 ont mis en place leur propre système de traçabilité,
15:39 afin de rassurer des consommateurs toujours plus exigeants.
15:43 Ils utilisent des scellés similaires à ceux du Conseil Café Cacao.
15:47 Voilà, ça c'est plutôt les scellés Cargill.
15:50 On a aujourd'hui du verre à l'intérieur, mais là, vous avez par contre les scellés Cargill ici.
15:54 Et ça, c'est du cacao certifié.
15:56 Il est effectivement tracé aussi, depuis l'origine, comme je l'ai dit, des sections,
16:00 les producteurs avec lesquels il a été acheté.
16:02 Avec ce système de code bas, là, scanné, on peut retrouver la provenance de ce sac.
16:08 C'est-à-dire le producteur qui l'a sorti et qui l'a vendu dans sa section à la propriété en question.
16:14 Mais actuellement, Cargill, comme tous les autres acteurs du secteur,
16:18 ne parvient pas à tracer l'intégralité de son cacao.
16:22 Le nouveau système national entend donc aller plus loin.
16:26 S'ils ne respectent pas la nouvelle législation européenne,
16:31 les exportateurs comme Cargill risquent gros.
16:34 Ils encourtent une amende allant jusqu'à 4% du chiffre d'affaires de l'entreprise dans l'Union européenne.
16:40 Mais la pression est aussi et surtout sur l'État ivoirien,
16:45 car 70% du cacao produit dans le pays part en direction de l'Europe.
16:50 Donc, le Parlement européen a voté une loi qui interdit l'exportation de tout produit
16:57 issu de la déforestation à partir du 30 décembre 2024.
17:01 Est-ce que c'est un ultimatum envoyé par Bruxelles ?
17:05 Je ne parlerai pas en termes d'ultimatum, mais l'Union européenne a ses règles.
17:11 Et c'est nous qui voulons vendre sur le marché européen.
17:15 Nous sommes obligés de répondre aux règles européennes.
17:21 Nous allons faire dans la mesure possible ce que nous pouvons pour répondre à nos règles européennes.
17:28 Mais naturellement, s'il y a des contraintes qui nous sont posées et qu'on ne peut pas répondre,
17:32 vous savez, l'Europe n'est pas le seul endroit où on peut vendre du cacao.
17:37 On conduit, on vend le cacao, on consomme le cacao sur les autres continents.
17:42 Nous allons faire ce que nous pouvons.
17:44 Nous aviserons si on estime un moment donné qu'on ne peut pas vendre sur le continent européen.
17:49 Vous vendrez ailleurs ?
17:50 On vendra ailleurs.
17:53 Ailleurs, comprenez les États-Unis, l'Asie ou encore le Moyen-Orient.
17:59 Aujourd'hui, l'industrie du cacao pèse plus de 100 milliards de dollars dans le monde.
18:05 Retour sur le plateau de Medinafrica et pour débattre ce soir, j'ai le plaisir d'accueillir
18:15 Françoise-Marie-Anne Bédier, directeur exécutif du GPEC Structure,
18:19 qui regroupe les exportateurs et les broyeurs de cacao.
18:22 Jérémy Coissy, directeur chargé du développement agricole du conseil Café-Cacao.
18:27 Stéphane Brossard, chef d'équipe Croissance Inclusive Durable à la délégation de l'Union Européenne en Côte d'Ivoire.
18:33 Et Bakary Traoré, directeur exécutif de l'ONG IDEF,
18:36 par ailleurs membre de la plateforme ivoirienne pour le cacao durable.
18:40 Madame, messieurs, bonjour.
18:42 Alors, il y a une nouvelle réglementation.
18:44 A partir de fin 2024, tout produit issu de la déforestation
18:49 ne pourra plus entrer sur le territoire européen.
18:52 Question pour vous, pourquoi c'est important d'agir dans ce sens ?
18:56 C'est important d'agir parce que, pour respecter ce délai, on l'a compris à travers le reportage,
19:01 l'enjeu pour la Côte d'Ivoire est très important.
19:03 Il est très important aussi pour l'Union Européenne.
19:05 Nous sommes dans une relation de dépendance mutuelle.
19:08 Nous avons besoin de ce cacao, la Côte d'Ivoire a besoin de le vendre.
19:11 Donc il faut qu'on tous ensemble, on travaille pour pouvoir être prêts pour cette date.
19:15 Et j'ai envie de dire, nous avons la chance d'être assez bien organisés dans ce secteur.
19:20 Il y a plusieurs années que nous discutons et que nous travaillons.
19:22 Donc les choses sont bien engagées.
19:25 Alors, est-ce qu'il y a des risques que les opérateurs ne soient pas prêts d'ici là ?
19:31 La question est à vous, Marie-Helene Bédié.
19:34 Des risques, oui, bien sûr qu'il y a des risques.
19:36 Mais comme l'a dit M. Brossard, ça fait plusieurs années que nous sommes en discussion.
19:42 Et par rapport à ces discussions, ça fait plusieurs années que nous nous organisons.
19:46 Et surtout, le reportage l'a confirmé, chez les grands exportateurs,
19:50 il y a déjà un système de traçabilité qui est en place depuis plusieurs années.
19:55 Et donc oui, moi personnellement, je ne doute pas que nous serons prêts.
19:59 Alors, ça veut dire quoi concrètement ?
20:01 Zéro déforestation pour produire du cacao ?
20:03 Ce que les Européens disent dans leur règlement, c'est que, après le 31 décembre 2020,
20:08 le cacao qui est produit, quel que soit le droit où c'est produit,
20:12 on ne peut pas faire du cacao sans détruire la forêt.
20:14 Donc, ce cacao-là ne pourra pas être vendu dans une chaîne d'approvisionnement qui va dans le marché européen.
20:20 C'est une contrainte essentielle.
20:23 Mais pour les pays comme la Côte d'Ivoire, j'ai envie de dire que c'est plutôt une bonne chose.
20:28 Parce que nous, on n'a plus vraiment de forêt en Côte d'Ivoire.
20:32 On n'a plus vraiment de forêt.
20:33 On a déjà nos zones de production.
20:35 Là où nous, on doit vraiment accentuer le travail,
20:39 c'est comment on arrive à mettre en place des outils robustes
20:42 pour ne pas que d'autres pays qui ont encore beaucoup de forêt puissent inonder le marché avec le cacao.
20:47 Cette réglementation, elle n'a pas l'ambition d'empêcher les gens de faire de l'agriculture.
20:50 Elle dit juste qu'il y a certaines pratiques agricoles qui ne nous semblent plus nécessaires.
20:55 La discussion, et ce qu'on dit tout le temps, c'est qu'aujourd'hui, par exemple, dans la Côte d'Ivoire,
20:59 il y a suffisamment de terres qui ont déjà été défrichées et mises en valeur
21:02 pour produire du cacao pour les 50 prochaines années.
21:05 Nous n'avons pas besoin de déforester de nouveaux espaces.
21:08 Il suffit de transformer les méthodes de production sur ce qui existe déjà comme plantation
21:13 en améliorant les pratiques, en modernisant les installations, en faisant de la formation, etc.
21:18 Je pense que c'est ça la discussion, c'est de transformer la manière de faire de l'agriculture
21:23 pour être plus dans une intensification agricole et des meilleures pratiques.
21:28 – Alors Bakary disait tout de suite que c'est les productions à partir du 31 décembre 2020,
21:37 donc tout ce qui est produit avant peut continuer d'être exporté.
21:41 – La réglementation dit que le produit doit être légal dans le pays d'origine
21:46 et conforme à la nouvelle réglementation de l'UNOPM.
21:50 Conforme veut dire qu'on ne doit plus couper de nouvelles parcelles de forêts
21:54 selon la définition de la FAO.
21:56 Mais vous pouvez régénérer ou utiliser des vieilles hachères pour créer votre plantation.
22:01 Donc à partir du 31 décembre 2020, toutes les nouvelles plantations qui vont être créées
22:06 doivent donc se faire dans des vieilles hachères.
22:09 – En fait, je pense que ce qu'on peut dire pour compléter,
22:12 pour que nos téléspectateurs comprennent bien, c'est que la réglementation de l'Union européenne
22:17 s'applique à une cartographie qui a été figée dans le temps à partir de 2020.
22:22 Donc on a regardé l'état de la forêt ivoirienne en 2020 et c'est sur cette base-là
22:27 qu'on a dit à partir de maintenant, on ne doit plus perdre de la forêt supplémentaire.
22:32 Et donc c'est cette cartographie qui sert de repère.
22:36 Et donc quand vous demandez, est-ce que le cacao issu d'une forêt classée est illégal ?
22:41 – Est-il légal ?
22:42 – Oui, c'est illégal si en 2020 elle était considérée comme telle.
22:46 Mais il faut savoir qu'il y a très peu de forêts classées aujourd'hui.
22:50 – OK, une autre question pour vous.
22:53 Si on n'arrive pas à tenir tous ces délais et tout ça, il y a le risque de subir des amendes.
22:59 Donc comment vous anticipez ça ?
23:01 – Alors en fait déjà il faut savoir que contrairement à ce que les gens s'imaginent,
23:05 dans le cacao les marges sont très réduites, dans l'exportation du cacao.
23:09 On fonctionne, vous l'avez dit je pense tout à l'heure, quelqu'un l'a dit,
23:12 on fonctionne dans un barème.
23:14 Ce barème c'est comme un compte d'exploitation prévisionnel
23:16 qui ne prévoit pour les exportateurs que 1,25% du total de la valeur CAF, c'est-à-dire très peu.
23:22 Et donc en réalité on ne peut pas envisager de continuer de fonctionner avec des amendes
23:28 qui de toute façon dépasseront largement les marges qui sont prévues dans le barème.
23:32 Donc l'idée au contraire c'est de faire en sorte qu'on soit complètement en phase
23:39 et aligné avec la réglementation de l'Union Européenne
23:42 parce qu'il faut savoir aussi que l'Union Européenne va s'en prendre aux produits.
23:47 En d'autres termes, le produit qui sera importé en Europe,
23:50 s'il est considéré comme étant issu de zones déforestées,
23:54 c'est l'exportateur qui sera tenu pour responsable et non pas la Côte d'Ivoire.
23:59 J'ai une question. Le directeur général du conseil Café Cacao nous dit
24:03 "s'il y a trop de contraintes on ira ailleurs". Vous pouvez vendre à qui d'autre ?
24:06 En dehors de l'Europe vous voulez dire ?
24:08 On a des clients aux Etats-Unis, on a des clients en Asie, on a des clients un peu partout.
24:12 Mais en réalité c'est vrai que l'Union Européenne est le plus grand consommateur de notre cacao
24:19 et qui est très prisé par les industriels.
24:22 Parce qu'on n'a pas parlé de la qualité même de notre cacao.
24:25 C'est un cacao qui est neutre en goût et donc qui est absolument recherché par tous les grands industriels.
24:31 C'est ce qui va vous permettre d'une barre de chocolat à une autre
24:34 d'avoir exactement le même goût qui est neutre et qui plaît à tous les palais
24:40 qu'ils soient européens, asiatiques ou autres.
24:42 Et donc pour répondre à votre question, je pense que nous on n'est pas dans la démarche de chercher de nouveaux débouchés
24:49 puisqu'on est déjà submergé par les demandes.
24:52 Il n'y a pas un kilo de cacao qui reste en Côte d'Ivoire.
24:54 Tout le cacao est exporté du premier au dernier kilo produit.
24:59 Alors vous avez parlé du système national de ?
25:01 Traceabilité.
25:02 Alors ce système national de traceabilité, Bakary Traoré,
25:06 est-ce que vous avez le sentiment que ça avance bien, votre regard extérieur ?
25:11 On n'a pas attendu le règlement européen pour commencer à mettre en place la traceabilité en Côte d'Ivoire.
25:16 Et on peut dire que le règlement c'est un accélérateur.
25:18 Nous au niveau de la société civile, on est favorable à un système national de traceabilité.
25:22 Dans la faisabilité du système, ça a été dit dans le reportage,
25:26 comme on dit que c'est un système qui est toujours en cours de mise en place,
25:28 ça veut dire qu'il y a des gaps à rattraper des parts et d'autres
25:32 en termes d'enregistrement de tous les planteurs,
25:34 l'identification de toutes les parcelles.
25:36 Il y a beaucoup de challenges.
25:38 Moi je dis que c'est un travail qui est bien lancé,
25:40 qu'il faut que l'ensemble des acteurs puissent travailler dedans.
25:43 Sur le million de producteurs, on est à quel pourcentage en ce moment à peu près ?
25:47 Nous sommes à 1 000 037 000 producteurs déjà identifiés.
25:51 La première étape c'était le recensement.
25:54 La deuxième étape c'est donc la confection des cartes de producteurs et leur distribution.
25:58 Et la troisième c'est le déploiement du système.
26:01 Aujourd'hui nous avons distribué 650 000 cartes de producteurs.
26:05 Il y a 850 000 qui ont été déjà fabriquées, qui ont été livrées par l'opérateur.
26:09 Et nous sommes à 650 000 cartes qui sont déjà arrivées chez les producteurs.
26:13 L'année dernière, la campagne dernière, nous avons fait des tests
26:17 avec deux sociétés coopératives par région de production, à 13 régions.
26:21 Et cette année, à partir de cette campagne, nous avons identifié 500 nouvelles coopératives
26:27 qui vont donc recevoir le système de traçabilité
26:30 pour que l'octobre 2024, le système soit lancé sur l'ensemble des sociétés coopératives.
26:35 On est en train d'aller rapidement, 2024 c'est demain.
26:38 On a rendez-vous en avril pour le lancement,
26:42 en octobre pour la généralisation du système.
26:46 Est-ce que vous avez le sentiment que le système qui est mis en place,
26:50 tel qu'il est, va correspondre aux attentes et aux exigences de l'Union européenne ?
26:55 Alors bien sûr, bien sûr. Et d'ailleurs, je pense que c'est important d'insister
26:59 pour dire que dans ce processus de mise en place de la réglementation,
27:02 l'Union européenne n'est pas restée en dehors de ce qui se fait sur le terrain.
27:05 On est dans une démarche de construire avec la Côte d'Ivoire
27:09 pour quelque part assumer notre part de responsabilité
27:12 dans le fait que 1) la Côte d'Ivoire puisse défendre ses intérêts
27:16 et aussi que ça puisse répondre au nôtre, à nos demandes.
27:19 Cela dit, est-ce qu'à un moment donné, vous allez, comme on ditait,
27:22 une forme d'audit du système ?
27:25 Je ne pense pas que ça va se passer sous forme d'audit.
27:28 Ça va s'incarner…
27:29 Évaluation ?
27:31 Plus exactement, c'est à travers les contrôles qui seront faits
27:34 dans les douanes dans les pays européens.
27:36 On va voir les niveaux d'interception.
27:38 C'est le jargon technique qui parle d'interception, ce que disait Madame Bédié.
27:42 À ce stade, objectivement, vu que nous travaillons beaucoup avec les autorités
27:46 pour que leur système corresponde à ce qui est demandé,
27:50 il n'y a pas de raison de s'alarmer inutilement, j'ai envie de dire.
27:54 Juste une petite question rapide.
27:56 Ça vous coûte combien, le système national de traçabilité ?
28:00 La vraie question.
28:02 Je pense qu'on n'est pas encore à la fin de notre système.
28:05 Oui, mais on comprend.
28:06 On ne peut pas vous dire aujourd'hui le chiffre exact.
28:09 En tout cas, ça coûte cher parce que les cartes de producteurs, par exemple,
28:12 c'est comme les cartes bancaires, c'est 5 000 francs.
28:15 Donc quand vous imaginez un million de producteurs...
28:17 Et c'est qui qui supporte ces coûts ?
28:19 C'est le Conseil du café-cacao qui supporte l'ensemble des coûts aujourd'hui,
28:23 la traçabilité, autres.
28:25 Mais aujourd'hui, l'Union Européenne a tout apporté,
28:27 elle n'a plus de budget pour soutenir le système de traçabilité.
28:30 On n'a pas encore reçu l'argent.
28:32 Alors vous appuyez sur ce système qui va coûter, j'imagine, plusieurs milliards,
28:37 parce que déjà si on a 5 000 francs une carte,
28:39 pour un million de producteurs, on a 5 milliards.
28:41 Il n'y a pas que ça, il y a tout le système à mettre en place,
28:44 les personnes à former.
28:45 Où on en est avec l'appui, puisque vous vous positionnez en partenaire,
28:48 c'est l'expression que vous avez utilisé, avec l'appui de l'Union Européenne ?
28:52 Alors, ça a été dit, il y a des appuis budgétaires qui sont déjà en place.
28:55 Il y a eu un premier décaissement l'année dernière
28:58 et on travaille sur le deuxième pour cette année.
29:00 Il y a d'autres programmes qui sont en instruction
29:03 pour continuer ces appuis dans les années à venir.
29:05 Le travail est un peu plus loin, ce n'est pas encore un engagement aujourd'hui.
29:08 Mais je pense que ce qu'il faut aussi avoir en tête,
29:10 c'est ce qu'on fait en Europe pour transformer le marché européen.
29:14 Afin justement que le cacao qui est produit conformément à la réglementation
29:19 puisse être considéré différemment et vendu différemment.
29:22 Ce qu'on dit tout le temps, c'est que nous devons travailler chacun de notre côté.
29:26 Nous à transformer le marché et la Côte d'Ivoire a transformé
29:29 la manière dont elle produit ce cacao.
29:31 Et si le produit change, le prix aussi doit changer.
29:34 – Pourquoi j'ai envie de poser la question à Bakary Traoré,
29:37 finalement, qui va payer le prix de cette traçabilité ?
29:42 Le coût finalement de ces efforts de durabilité ?
29:46 Est-ce que c'est le producteur ?
29:48 – Quand on regarde actuellement la traçabilité,
29:51 oui d'une certaine façon c'est les producteurs qui paient tout en ce moment.
29:55 En fait le secteur cacao fonctionne de cette façon
29:58 que les risques sont 100% supportés par les producteurs.
30:02 Parce que quand les prix sont hauts,
30:04 souvent la limite c'est qu'ils gagnent.
30:07 Et quand les prix sont bas, ça s'applique direct à eux.
30:09 Et on continue de le dire, si on doit produire de façon durable,
30:12 effectivement il faut que le prix du durable soit mis sur la table.
30:15 – On va voir ça, Stéphane Brossard.
30:17 – Ce que nous on peut faire, c'est faire en sorte que ce produit-là
30:20 soit considéré, classé, vendu différemment sur le marché européen.
30:24 Et de toute façon, ce qu'on sait tous déjà,
30:29 le produit final sera plus cher très probablement.
30:33 Donc après la question c'est comment ça va redescendre jusqu'aux producteurs.
30:37 Et j'ai envie de dire, c'est l'ensemble des acteurs de la chaîne
30:40 qui ont une responsabilité dans ça, et pas tellement l'Union Européenne.
30:44 – On vous a bien compris, et là je vous propose de suivre notre deuxième sujet.
30:47 On vient de le voir, tracer le cacao ivoirien est un enjeu clé
30:50 pour continuer à exporter nos fèves vers l'Europe
30:53 et satisfaire des consommateurs toujours plus exigeants.
30:56 Cette exigence, Axel Emmanuel et Viviane Coamé l'ont bien compris.
30:59 Ces deux chocolatiers ivoiriens mènent un combat,
31:02 produire localement un chocolat plus durable.
31:05 Et cela passe avant tout par de bonnes pratiques agricoles,
31:08 mais aussi une meilleure rémunération des planteurs.
31:10 "Chocolatiers engagés pour un chocolat durable",
31:13 un reportage signé Jean Hutin et Romane Coffy.
31:16 [Musique]
31:19 – Dans toute la côte d'Ivoire, le mois d'octobre sonne le début
31:22 de la grande récolte de cacao.
31:25 Pour le chocolatier Axel Emmanuel, c'est l'heure de rendre visite
31:28 à son ami et fournisseur Ambroise Nko à Azaguier.
31:32 – Alors mon Doyenko !
31:34 – Ah ! Quel plaisir !
31:36 – Je te retrouve en pleine vigueur.
31:39 – Oui, ce samedi sera bien. Tu vois toute la sueur.
31:42 Depuis ce matin, je suis en plein boulot.
31:44 – Waouh !
31:45 – Si tu peux venir avec moi, tu vas voir ce qu'on te réserve cette année
31:49 comme fèves de cacao.
31:51 – Les deux hommes travaillent ensemble depuis plusieurs années.
31:54 Ambroise Nko, cacao culteur reconnu dans le secteur,
31:58 fournit des fèves au chocolatier.
32:00 Malgré les fortes pluies, il place de grands espoirs dans cette récolte.
32:05 – Avec la saison, on aura une qualité organoleptique et sensorielle
32:12 vraiment exceptionnelle.
32:14 – Oh père !
32:15 – Je pense que pour le salon du chocolat, on va leur en mettre plein les yeux
32:21 avec tous les senteurs, les sensibilités et tout ça.
32:26 – Ben voilà !
32:27 – Car d'ici quelques jours, Axel Emmanuel représentera la Côte d'Ivoire
32:31 lors du salon du chocolat à Paris.
32:34 Un enjeu de taille pour lequel il doit sélectionner les meilleures fèves.
32:39 Celles-ci ont été cultivées sans pesticides, la marque de fabrique d'Ambroise Nko.
32:45 – Avec la pelle bongo, on peut servir.
32:48 – Ben voilà, merci !
32:51 – Hum, c'est très bon !
32:53 – Il est citronné.
32:55 – Oh là là, c'est une belle...
32:57 Les arômes d'agrumes vraiment qui nous prennent.
33:00 – Pour le chocolatier, il ne s'agit pas seulement de choisir les fèves
33:04 les plus savoureuses, mais surtout de choisir les fèves produites
33:08 de la meilleure manière possible.
33:11 Axel Emmanuel est un chocolatier engagé.
33:14 – On ne fait pas du chocolat ordinaire.
33:16 Chez nous, c'est un chocolat militant.
33:18 Donc il y a énormément de belles choses qui rentrent en ligne de compte
33:22 dans notre sélection.
33:24 Ici, nous sommes en agroforesterie.
33:26 Il y a 80 grands arbres à l'hectare.
33:28 Ici, il y a une traçabilité.
33:30 La plantation est géolocalisée.
33:32 Ici, vous êtes certifié biologique.
33:34 Beaucoup de choses.
33:35 Ici, nous sommes en agro-pastoral.
33:37 Vous avez vu les canards qui nous font que nous suivre.
33:39 Ce sont des vraies tondeuses à gazon.
33:41 Tout ça, c'est très déterminant dans le choix de mon chocolat.
33:44 Et c'est ce que je vais aller présenter à Paris.
33:46 Un choix qui n'a rien d'anodin en France et plus globalement en Europe.
33:51 L'exigence des consommateurs pour un chocolat
33:54 produit dans des conditions respectueuses de l'environnement
33:57 n'a jamais été aussi élevée.
33:59 En Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao,
34:06 des hommes et des femmes ont décidé de se lancer
34:09 dans l'aventure du chocolat durable.
34:12 Engagés, militants.
34:14 Ils veulent changer la donne,
34:17 meilleure rémunération des planteurs,
34:19 traçabilité assurée de la fève à la tablette,
34:22 pratiques agricoles respectueuses de l'environnement,
34:25 transformation locale.
34:27 Des principes que des chocolatiers comme Axel Emmanuel
34:31 et Viviane Coamé ont décidé de mettre en pratique
34:35 avec la volonté de révolutionner à leur niveau
34:39 l'industrie du chocolat.
34:41 Portrait de deux entrepreneurs
34:44 du chocolat durable en Côte d'Ivoire.
34:46 À Azaguier, dans la plantation d'Ambroise Nko,
34:54 tout est mis en place pour obtenir le meilleur cacao possible.
34:58 Après la fermentation, les fèves de cacao
35:01 sèchent au soleil pendant plusieurs jours.
35:03 - Ici, on a combien de jours de séchage au soleil ?
35:06 - Ici, on a 4 jours de séchage au lieu de 8 jours.
35:10 Ambroise a reçu le prix du meilleur cacao
35:13 il y a deux ans au International Cacao Awards.
35:17 Et si ces fèves sont particulièrement belles,
35:20 c'est grâce aux bonnes pratiques agricoles.
35:22 - Alors, moi, quand je vois ces fèves comme ça,
35:24 toutes craquelées, même au 4e jour,
35:26 elles n'ont quasiment pas d'amertume.
35:28 Je suis tout heureux parce que je sais
35:30 que je vais faire un chocolat de bonne facture avec ça.
35:33 Ça, ça me met en transe, en griffe.
35:36 Ce cacao, Axel Emmanuel l'achète une fois trié,
35:40 décortiqué et torréfié.
35:42 Il le paye 3 000 francs le kilo,
35:45 soit trois fois plus que le prix Borchand, tout juste récolté.
35:49 Un moyen pour lui de lutter contre la pauvreté des planteurs.
35:54 Et pour défendre son idée jusqu'au bout,
35:56 il va improviser un atelier de fabrication de chocolat
36:00 en pleine plantation.
36:02 - Alors, dans le prix du chocolat,
36:04 il y a moins de 6 % qui revient au pays producteur,
36:07 dont 3 % revient au cacao culteur,
36:09 dans le prix d'une tablette de chocolat.
36:12 Franchement, c'est une dixième du prix de la tablette
36:14 qui revient aux planteurs.
36:16 L'argent est du côté de la transformation.
36:18 Donc, dans la plantation, il doit y avoir de la transformation.
36:21 C'est une suite logique.
36:23 C'est la seule manière de sortir de la pauvreté et de la misère.
36:26 - Pour sortir les planteurs de la misère,
36:29 il faut donc, selon lui, que la valorisation du cacao
36:32 ne s'échappe pas à l'étranger, mais reste ici, dans le pays.
36:36 Montrer que le chocolat peut être fabriqué
36:38 au sein même d'une plantation, c'est toute une symbolique.
36:41 Un moyen d'alerter sur une urgence.
36:44 Si la culture du cacao n'est plus assez rémunératrice,
36:47 les cacao culteurs se détourneront de cette activité.
36:51 - C'est les multinationales qui devraient encore prendre garde.
36:55 Parce que beaucoup d'experts s'accordent à dire
36:57 qu'en 2050, si on continue de la même manière
37:01 qu'on voit les paysans payer à 1 euro le kilo le cacao,
37:05 le chocolat va disparaître.
37:07 Et si on y prend garde, les paysans vont abandonner la cacao culture.
37:11 Il y a le réchauffement climatique, c'est ce qui a commencé déjà.
37:14 - Au profit du poivre.
37:16 - Voilà. Et actuellement, c'est au profit de l'immobilier.
37:21 - Si on y prend garde, le chocolat va se raréfier et il va disparaître.
37:24 - Pour ce passionné, impossible d'accepter la disparition de cet or brun.
37:30 Alors, il met toute son énergie pour défendre les planteurs.
37:35 Se battre pour un futur meilleur dans le cacao,
37:40 c'est aussi le combat de Viviane Kwame.
37:42 À Kokodi, nous retrouvons la première femme chocolatière de Côte d'Ivoire,
37:47 dans son atelier, en pleine préparation.
37:50 - Donc là, on voit qu'elles sont vraiment belles.
37:55 Parce que je sais que ça a été bien fait.
37:57 Les consignes ont été respectées de bout en bout.
38:00 Et voilà, je suis contente.
38:02 - Car Viviane a choisi de faire du chocolat, de la plantation à la tablette.
38:07 Chaque étape de la production est vérifiée.
38:10 - Nous, on commence par la plantation.
38:12 Donc, c'est des plantations où on n'a pas de produits de synthèse.
38:15 Donc, c'est naturel. Et puis, il y a le traitement pour ce recorde,
38:19 ce qu'on appelle les bonnes pratiques agricoles,
38:21 qui nous permet d'avoir des cacao de grade 1 et de qualité sensorielle.
38:25 Donc là, par exemple, là, au stade où on est,
38:27 on a déjà un décontiqué, trié et autres.
38:30 Je vérifie déjà le parfum.
38:32 Dès que je m'approche, ça me permet de savoir si c'est bien fait ou pas.
38:35 - Les fèves sont broyées directement dans l'atelier.
38:38 Comme pour Axelle-Emmanuelle, pour la chocolatière,
38:42 une meilleure rémunération des planteurs est essentielle.
38:45 Pour ces fèves-là, elles déboursent entre 1 200 et 1 500 francs le kilo.
38:51 Un prix plus élevé que celui fixé par le conseil du Café Cacao à 1 000 francs le kilo.
38:57 - Pour moi, c'est un coût qui est normal.
38:59 Pour certains, ils diront que c'est un peu élevé, mais pour moi, c'est normal.
39:03 Parce que c'est le travail que je demande.
39:05 Et normalement, un bon travail doit être renuméré correctement.
39:09 Et comme je vous ai dit en début, je suis petite fille de planteur.
39:12 Donc pour moi, renumérer correctement le planteur, c'est aussi ça,
39:16 le combat que je mène, au-delà de la valorisation du cacao et autres.
39:21 - Pour être en mesure de produire un chocolat non seulement durable,
39:25 mais aussi de qualité, la chocolatière a dû se former en Europe
39:29 et investir dans ces machines sophistiquées.
39:32 Celles-ci, importées d'Italie, servent à broyer le cacao.
39:36 - A l'origine, ça se faisait à la pierre.
39:38 Et ça permet d'avoir une qualité meilleure, selon moi, bien sûr.
39:42 Donc cette machine a été conçue en se basant sur les premiers systèmes
39:47 de transformation de cacao.
39:49 - Une fois le chocolat broyé, il peut être transformé en tablette.
39:53 Tout est fait à la main avec une grande délicatesse.
39:56 - Donc quand il tapote, ça fait remonter les bulles d'air sur la surface.
40:00 Et ça va permettre d'avoir un chocolat uniforme quand on va démouler l'arrière,
40:04 pour que tout ce qu'il y a comme design sur le moule
40:06 se refraite exactement sur la tablette de chocolat.
40:09 - Chaque jour, entre 300 et 600 tablettes sont produites.
40:13 Une fois prêtes, elles sont directement emballées dans la boutique.
40:18 Certaines ne sont pas de forme classique,
40:21 comme celle-ci, qui représente la Côte d'Ivoire.
40:25 - Dessus, c'est écrit "Côte d'Ivoire, capitale du cacao".
40:29 Parce que la Côte d'Ivoire est la capitale du cacao,
40:32 c'est le premier pays producteur de cacao.
40:34 Aussi pour pouvoir montrer, raconter mon histoire différemment, en fait.
40:38 Parce que dans l'emballage, par exemple, vous avez la carte de Côte d'Ivoire,
40:42 avec toutes les zones productrices de cacao.
40:45 - L'ambition de Viviane Kouamé est aussi d'éduquer les consommateurs de chocolat.
40:50 - Après mon premier salon à l'international,
40:53 je me suis rendue compte que beaucoup de personnes, déjà,
40:55 n'avaient jamais vu de cacahuiller.
40:57 D'autres ne savaient même pas où est-ce qu'on plantait les cacahuillers.
41:02 Et puis, c'était pas mal d'informations qui n'étaient pas véhiculées.
41:04 Et je me suis dit, à travers cette tablette, je pouvais communiquer différemment,
41:08 toucher pas mal de personnes.
41:10 - La chocolatière n'hésite pas à associer les produits du terroir
41:14 dans différentes variétés qu'elle présente aux clients.
41:17 Du chocolat noir au piment, au gingembre, en passant par la cajou.
41:22 Elle propose un packaging spécial,
41:25 toujours dans l'optique de faire découvrir aux consommateurs l'histoire du cacao.
41:30 - Celui-là, par contre, le port autonome de San Pedro.
41:33 On l'a mis parce que c'est le premier port d'exploitation de cacao au monde.
41:37 Le plus gros port d'exploitation de cacao.
41:40 - Jouer la carte du "Made in Côte d'Ivoire" est un pari gagnant pour la chocolatière.
41:45 L'année dernière, l'entreprise a transformé 2 tonnes de fèves de cacao.
41:50 Ajouter une touche d'africanité à ses produits,
41:54 c'est aussi le credo d'Axel Emmanuel.
41:57 Nous le retrouvons dans son atelier d'emballage à Cocody.
42:01 - Nos tablettes aussi, quand on avait démarré,
42:04 on a décidé de les habiller dans du pagne.
42:07 Quand je faisais les tablettes, beaucoup de personnes disaient que ce sont des tablettes importées.
42:11 Ils n'étaient même pas sûrs qu'un Ivoirien pouvait faire du chocolat.
42:14 On a commencé à faire ces tablettes en pagne.
42:16 Et en un mois, on a vendu 10 000 tablettes, sans être dans un supermarché.
42:22 Mais pour Axel Emmanuel, il n'y a pas seulement l'esthétique qui compte.
42:26 Fabriquer du chocolat "Made in Côte d'Ivoire"
42:29 implique aussi d'assurer la traçabilité des fèves utilisées.
42:33 Pour le prouver, il a été le plus loin possible avec cette tablette.
42:37 - C'est-à-dire que ce chocolat vient d'une seule et unique plantation.
42:42 La plantation de M. Boncougo Emmanuel.
42:45 Et donc là, voilà la photo du planteur dans son plus simple appareil.
42:49 Vous avez les informations sur la coopérative.
42:51 Vous avez aussi la superficie de la plantation de ce monsieur-là.
42:55 Donc 2,74 hectares.
42:58 Et vous pouvez géolocaliser la plantation sur Google Earth
43:01 à travers les coordonnées GPS que vous voyez là.
43:04 Un moyen de rapprocher le consommateur d'un lieu de production.
43:08 - Alors là, vous avez, via Google Earth,
43:12 la géolocalisation de la plantation directe
43:16 dans le fin fond de l'ouest montagneux de Côte d'Ivoire.
43:20 Cette tablette est vendue 3 000 francs en Côte d'Ivoire
43:23 et jusqu'à 7 000 francs en France.
43:26 Un coût important, mais ce chocolat,
43:29 produit de manière durable et écologique,
43:32 permet de garantir la sauvegarde des forêts ivoiriennes.
43:35 - Aujourd'hui, 80 % de la forêt de Côte d'Ivoire a été détruite
43:40 à cause de la culture du cacao.
43:43 Pourtant, le cacao, il est plutôt ami de la forêt,
43:46 plutôt que d'être un ennemi.
43:48 Et quand vous avez toute cette traçabilité,
43:51 avec cette géolocalisation, vous pouvez voir si cette plantation
43:54 n'est pas dans une zone de forêt classée.
43:57 Donc vous pouvez voir que cette plantation
44:00 respecte les normes écologiques et environnementales.
44:03 Donc ça permet de vérifier.
44:05 - Préserver les richesses agricoles et environnementales
44:08 de la Côte d'Ivoire, une idée défendue aussi
44:11 lors du dernier Salon de l'agriculture,
44:14 qui se tenait à Abidjan, le Sahara.
44:17 Au milieu des stands de fruits, de noix de cajou
44:20 et autres matières premières ivoiriennes,
44:23 l'occasion de faire découvrir ces produits
44:26 auprès des clients ivoiriens et de mettre en avant
44:29 les producteurs avec lesquels elles travaillent,
44:32 comme pour ce chocolat au poivre.
44:34 - Moi, par exemple, ce poivre-là, Awati, c'est le nom du village.
44:37 Et c'est des femmes qui font ce poivre.
44:40 Donc on a sorti ce chocolat pour valoriser.
44:43 C'est une trentaine de femmes.
44:46 Donc ça permet de valoriser le travail des femmes,
44:49 l'autonomisation de la femme.
44:51 - Les femmes ont été reconnues par le label Fairtrade.
44:54 - On est la première unité de transformation
44:57 à avoir le certificat Fairtrade en Afrique.
45:00 Parce qu'on est sur toute la chaîne de valeur.
45:03 Donc tout ce qui est durabilité, agroforesterie.
45:06 Donc on a fait du reboisement, accompagnement avec les femmes,
45:09 comme je dis, autonomisation des femmes,
45:12 les luttes contre le travail des enfants et tout cela.
45:15 - Son travail attire l'attention de certaines personnalités.
45:18 Elle reçoit la visite du maire de Kokodi,
45:21 mais aussi celle du directeur d'exploitation de Prozouma.
45:24 - Si vous permettez, je vais vous donner une carte.
45:27 - D'abord, et après on vous donnera le chocolat total.
45:30 - Non, il n'y a pas de souci.
45:33 - Mais pourquoi vous voulez les mettre uniquement dans le non-fil?
45:36 Pourquoi on ne les référence pas en grande surface?
45:39 - J'avais pas eu l'occasion de le faire,
45:42 mais je pourrais éventuellement, après le Sarah,
45:45 vous donner votre permission et changer avec vous.
45:48 - A la clé, peut-être une distribution de chocolat
45:51 dans des supermarchés de l'enseigne.
45:54 - En fait, celui-là, c'est une fontaine.
45:57 C'est le chocolat classique, les tablettes, mais sous forme liquide.
46:00 - Une fois le Sarah terminé, un autre salon attend Viviane,
46:03 celui du chocolat à Paris.
46:06 Avec 70% du cacao ivoirien exporté en Europe,
46:09 c'est l'un des plus gros marchés,
46:12 avec des clients et des institutions
46:15 toujours plus en demande de cacao durable.
46:18 - Retour sur le plateau de Made in Africa.
46:27 Et pour ce second débat, j'ai le plaisir d'accueillir
46:30 Asata Dumbia, présidente du conseil d'administration de ECAM.
46:33 Il s'agit de la coopérative des agriculteurs de Meagui.
46:36 Bonsoir. - Bonsoir.
46:39 - Alors, petite réaction déjà sur ce reportage.
46:42 Qu'est-ce que vous en dites? Qu'est-ce que ça vous a inspiré?
46:45 - Ça fait 30 ans que je suis dans le cacao.
46:48 J'ai hérité du champ de mon oncle.
46:51 Et on n'avait jamais imaginé qu'un jour qu'on allait transformer le cacao.
46:54 - Wow! - Parce qu'en fait, la consommation
46:57 du chocolat, ce n'est pas dans nos mains.
47:00 Et là, voir qu'aujourd'hui, mes frères,
47:03 c'est tout nouveau, ce produit-là,
47:06 on va faire la transformation, moi, c'est une fierté.
47:09 Et d'encourager aussi mes frères à continuer comme ça.
47:12 C'est le bon chemin pour nous de nous en sortir, nous, les producteurs.
47:15 - Alors, on va parler justement du chocolat durable.
47:18 Mais avant, vous nous avez manqué sur le premier plateau
47:21 où on parlait de traçabilité. Vous, vous êtes agricultrice.
47:24 On va dire ça comme ça. Vous êtes à la tête d'une coopérative.
47:27 Est-ce que vous avez le sentiment que le système national
47:30 de traçabilité, est-ce que vous avez le sentiment que ça pèse
47:33 sur les producteurs et sur les coopérateurs?
47:36 - Cette traçabilité que l'industrie a mise en place
47:39 nous a permis aujourd'hui de nous organiser,
47:42 de savoir qui sont nos producteurs,
47:45 les plantations à travers la géolocalisation.
47:48 Tout à l'heure, mes frères le disaient, à travers la géolocalisation.
47:51 Mais le constat que nous avons aujourd'hui, c'est que
47:54 je travaille avec trois chocolatiers
47:57 et les trois chocolatiers ont... - Leur système.
48:00 - Donc je dois renseigner chaque chocolatier
48:05 ou bien chaque industrie. Mais aujourd'hui,
48:08 ce travail-là, on pense que ça pouvait être
48:11 plus facile pour tout le monde que d'informiser le système,
48:15 que chacun ait une traçabilité unique.
48:18 Ça aurait été un peu plus facile pour nous.
48:21 Le travail, malheureusement aussi, on le fait,
48:24 mais ce n'est pas assez payé. Ce n'est pas bien payé.
48:27 - C'est ça. - Il faut employer plusieurs personnes.
48:30 Nous, on a non seulement deux personnes,
48:33 trois personnes qui font la traçabilité.
48:36 On a un comité de gestion de la traçabilité.
48:39 On a des comités de gestion de la traçabilité depuis la Bourse.
48:42 - Alors, ça pèse sur le travail des coopératives, tout ça, finalement.
48:46 Tout ce système de traçabilité. Mais on ne peut pas faire autrement.
48:50 - Oui, mais il y a quand même un partenariat,
48:53 parce que pour qu'une coopérative soit certifiée,
48:56 il faut aussi qu'elle ait des débouchés auprès d'un exportateur qui est certifié.
49:00 - Oui. - Il faut également évoquer
49:03 les aspects durables du cacao, parce que les programmes de durabilité
49:07 sont souvent déportés sur des investissements sociaux,
49:12 par exemple la construction d'écoles,
49:15 l'amélioration des conditions de vie des producteurs
49:18 qui vont bénéficier de ces programmes de durabilité.
49:21 Donc, ils ne sont pas quantifiables,
49:24 comme peut l'être la prime de certification,
49:27 mais ils vont contribuer à l'amélioration du niveau de vie des producteurs concernés.
49:31 - Alors, il y a beaucoup de travail. Le cacao, c'est précieux pour nous.
49:34 Il va falloir que tous les acteurs se donnent la main,
49:37 comme ça a déjà commencé depuis longtemps, pour qu'on puisse avancer sur le sujet.
49:41 Alors, la durabilité, c'est bien que les producteurs veuillent continuer de produire.
49:45 Donc, il faut qu'ils gagnent de l'argent.
49:47 Et justement, Axel Emmanuel propose une voie.
49:50 Selon lui, on l'a vu, il achète du cacao décortiqué, torréfié, il l'achète plus cher.
49:55 Lui, son idée, c'est d'encourager la transformation sur la plantation,
49:59 qu'il présente comme étant le seul moyen pour les planteurs de sortir de la pauvreté.
50:04 Quel est votre avis ?
50:05 - Bon, je peux dire que c'est l'un des moyens, pas le seul moyen.
50:09 Parce que tous les cacaoculteurs ne peuvent pas se permettre de faire la transformation,
50:13 même si on se met ensemble.
50:15 Moi, en tant que coopérative, ça fait près de 4 ans,
50:17 on est en train de faire la transformation aujourd'hui.
50:20 Nous ne sommes pas passés forcément par le chocolat,
50:23 parce qu'on s'est dit qu'il faut gagner de l'argent autrement.
50:27 - Vous faites un fou, vous transformez en quoi ?
50:29 - En le savon, le cosmétique en général.
50:31 Donc, on prend les résultats du cacao, ça marche très bien.
50:34 - Le Conseil Café Cacao a fixé le prix à 1 000 francs aujourd'hui.
50:39 Est-ce que vous avez le sentiment que c'est suffisant ?
50:42 On va demander l'avis des producteurs.
50:44 Vous auriez aimé gagner un peu plus que 1 000 francs ?
50:46 - Bien sûr, on voulait gagner plus.
50:48 - Mais vous voulez toujours gagner plus ?
50:50 - Non, parce que tout à l'heure, quand j'entendais Mme Béthia,
50:52 on m'entendait dire que ça n'a jamais été haut jusqu'à 50 ans.
50:57 - 40 ans.
50:58 - 40 ans, et ça n'a pas été haut.
51:00 On sait qu'on a eu le prix de 1 000 francs il n'y a pas longtemps.
51:03 - Pas si longtemps.
51:04 - On a eu le prix de 1 000 francs.
51:05 Donc, nous, quand on entend ça, ça nous dit qu'on ne pouvait gagner plus que ça.
51:09 Mais moi, je ne m'arrête pas sur le prix forcément.
51:11 Parce qu'au-delà de tout à l'heure, vous avez posé la question,
51:14 il y a la transformation.
51:15 Mais nous, les producteurs, on s'est dit, ce qu'on s'est fait,
51:18 c'est de cultiver, on a la terre.
51:21 On a tellement de moyens pour pouvoir gagner notre vie,
51:26 en plus du cacao.
51:27 Moi, j'encourage aussi mes pairs à faire la diversification.
51:33 - Est-ce que ça fait partie de la stratégie, justement, au niveau du Conseil,
51:36 de pousser les cacao-culteurs à varier également les productions
51:40 et donc les sources de revenus ?
51:42 - Je pense que vous abordez un sujet très sensible.
51:44 C'est pour ça que je vous observe depuis.
51:46 Le revenu des producteurs.
51:48 Vous avez vu le chiffre ?
51:49 100 milliards de dollars générés dans l'indice du cacao.
51:52 - Plus.
51:53 - Seulement 5 à 6 % reviennent au pays producteur
51:56 et autour de 3 % qui viennent directement au producteur.
51:59 C'est vraiment très faible.
52:01 C'est pour ça que nous, en tant que société de régulation,
52:04 nous nous battons pour que les prix puissent être rehaussés.
52:08 Parce que dans cette répartition, il y a une inégalité.
52:11 Vous regardez bien le marché.
52:12 On vous parle de marché.
52:14 Mais en réalité, le marché ne fonctionne pas comme il doit fonctionner.
52:17 Offre et demande.
52:19 Normalement, le marché devait être impulsé par l'offre ou la demande.
52:24 Mais le cacao, ce n'est pas ça.
52:26 C'est un petit groupe de métiers nationaux qui plafonne le prix
52:30 et qui fait qu'on ne peut pas payer correctement les producteurs.
52:33 Ça aussi, il faut le dire ici, pour que tout le monde commence à comprendre.
52:36 Et si on ne fait pas attention, les cacao-culteurs vont disparaître.
52:40 Madame dit qu'elle va rester dedans.
52:42 Mais combien de personnes vont le faire ?
52:44 Vous allez dans des zones entières où les gens ont transformé le cacao en EVA,
52:48 en manioc, parce qu'ils ne le pensent pas.
52:51 – Oui, il y a un risque que les planteurs se détendent du cacao.
52:54 – Et là, nous le disons haut.
52:56 C'est pour ça que tout à l'heure, j'ai parlé avec le monsieur de l'Union Européenne.
53:00 Nous l'exprimons aux régulateurs,
53:02 enfin aux gens qui font les lois aujourd'hui en Europe
53:05 pour nous imposer la déforestation, les directives sur le travail des enfants.
53:09 Il faut qu'ils comprennent que le troisième pilier
53:11 qui concerne le revenu des producteurs,
53:13 si on ne prend pas ça en compte, les cacao-culteurs vont disparaître.
53:16 – Et vous avez le sentiment que votre voix n'est pas encore entendue sur ce sujet ?
53:19 – Ce n'est pas entendu.
53:20 – Oui, tout. On veut comprendre.
53:21 – Je vais quand même vous prendre un exemple.
53:23 Nos présidents, son Excellence M. Lassalle Ouattara et son homologue du Ghana, Nnana Addo,
53:29 ont décidé que nous nous mettions ensemble pour constituer une force.
53:32 C'est pour ça que nous avons mis en place ce qu'on appelle l'initiative "Cacao Côte d'Ivoire Ghana".
53:37 Et dans ce cadre-là, nous avons poussé les pions jusqu'à ce qu'on obtienne ce qu'on appelle aujourd'hui le DRD.
53:42 Mais la structure du coût du cacao.
53:43 – Qui veut dire différentiel ?
53:44 – Il y a le prix du marché, il y a le différentiel d'origine
53:49 qui consacre la qualité du cacao qui vient de chaque pays, et puis il y a le DRD.
53:53 Aujourd'hui c'est les trois.
53:54 Mais vous avez vu quand on a commencé à mettre en place,
53:57 tout le monde a affiché "je paie le DRD, je paie le DRD", il paie.
54:00 Et puis bon, on commence à émousser, à éroder le différentiel pays.
54:04 De sorte que finalement on se retrouve au même niveau de prix.
54:07 – Oui, mais ce sujet…
54:08 – C'est correctement si les gens ne jouaient pas, aujourd'hui on était à un niveau plus élevé.
54:12 – Ce sujet doit être traité.
54:13 Ça veut dire qu'il y a plusieurs poches de rémunération.
54:17 Quand le DRD est arrivé, eh bien ils ont décidé de réduire d'autres…
54:20 – D'éroder le différentiel pays.
54:23 – Alors, il faut vraiment que les partenaires puissent s'aligner, c'est extrêmement important.
54:27 Qui ne joue pas le jeu ?
54:28 – En fait, dans la chaîne de valeur, il y a les acteurs qui sont installés localement,
54:33 dans les pays producteurs.
54:34 Donc nous sommes tous réunis ici autour de la table.
54:37 Et puis vous avez ceux qui sont les acheteurs.
54:40 Donc ils sont de l'autre côté, qui ne sont pas représentés autour de ce plateau.
54:45 Mais ce sont eux qui achètent ce cacao, qu'il soit transformé ou non d'ailleurs.
54:50 Qu'il soit exporté sous forme de fèves ou sous forme de produits semi-transformés.
54:54 – Donc c'est vous en fait qui n'arrivez pas à récupérer ce but-là après ?
54:57 – Alors nous, effectivement, on a des difficultés à trouver des acheteurs
55:01 au prix que le conseil du café cacao voudrait obtenir.
55:05 – C'est ça que je ne comprends pas.
55:06 – Et effectivement, moi je l'entends tous les jours, des exportateurs qui me disent
55:11 "je veux acheter du cacao", donc un droit d'exportation auprès du conseil du café cacao,
55:17 mais mes acheteurs, mes clients, les destinataires finales de ce cacao
55:21 trouvent que pour le moment, je suis trop chère.
55:23 Et là je dis "je" en me mettant à la place des exportateurs, ici installés localement.
55:28 – Alors petite question pour vous, est-ce que finalement quand les cours montent,
55:30 c'est vous qui gagnez, les exportateurs ?
55:32 – Absolument pas.
55:33 – Mais finalement qui gagnez à l'encontre ?
55:35 – Absolument pas parce que…
55:36 – En tout cas ce n'est pas les producteurs.
55:37 – Absolument.
55:38 – Mais moi j'ai entendu tout à l'heure que le marché n'a jamais été aussi haut.
55:41 – Non mais justement je vous dis une chose.
55:44 On vous parle de vente anticipée.
55:46 Ça veut dire que ce qu'on vend maintenant, l'année prochaine, que nous allons payer.
55:51 Donc si aujourd'hui le prix est bon, ça ne veut pas dire qu'immédiatement,
55:54 tu vas le percevoir maintenant.
55:56 – Concrètement, on a bien compris qu'il faut donner plus de revenus aux producteurs.
56:02 On a vu qu'il y a plusieurs pistes.
56:03 Une des pistes, c'est le prix borchant.
56:06 Une autre, c'est le différentiel qui devrait s'ajouter à l'argent qu'ils reçoivent.
56:11 Une piste, c'est la transformation.
56:13 Et aussi une autre, c'est la diversification des sources de revenus.
56:17 À partir du moment où on a dit ça, il faut qu'on revienne sur la question
56:21 de ces deux chocolatiers qu'on a vus.
56:23 Axel Emmanuel et Viviane Kwame qui sont engagés pour défendre la durabilité.
56:29 Est-ce qu'on peut les appuyer ?
56:32 Si oui, comment est-ce qu'on les appuie aujourd'hui ?
56:35 Question au Conseil Café Cacao.
56:38 – Aujourd'hui nous sommes à pratiquement 900 000 tonnes de capacité de broyage.
56:42 Mais généralement, c'est les grosses entreprises, c'est les multinationales.
56:46 Mais cette marge-là ne revient pas aux Ivoiriens.
56:48 Aujourd'hui, notre stratégie, c'est de mettre en place des champions ivoiriens.
56:52 Donc nous mettons en place une école de formation
56:54 pour tous les gens qui vont vouloir faire de la transformation.
56:56 Donc ça, c'est le départ.
56:58 Après, on va les accompagner par des équipements et autres pour qu'ils puissent s'installer.
57:02 Et que donc, les liens qui sont créés avec le producteur
57:05 puissent permettre de payer les prix que nous avons vus tout à l'heure,
57:07 1 200, 3 000, c'est ça qu'on attend.
57:10 – Question pour vous, Aseta Dumbia, et ce sera le mot de la fin.
57:14 Vous êtes engagée pour la durabilité, c'est ça la voie ?
57:18 – Il faut qu'on fasse quelque chose pour les producteurs.
57:22 On n'a qu'à arrêter de parler du prix, ça va venir.
57:25 Aujourd'hui, on nous dit que le prix est comme ça.
57:27 Moi, je ne crois plus rien à cette histoire du prix qui va aller plus haut.
57:31 Je m'engage dans la diversification, je m'engage dans la transformation
57:34 et j'ai besoin de mon Etat pour m'accompagner dedans.
57:37 – Ça sera le mot de conclusion, il faut augmenter la valeur des cacaoculteurs
57:42 par la transformation, la diversification.
57:44 Merci chers invités d'avoir été là pour cet important numéro
57:48 de Made in Africa sur la durabilité du cacao.
57:50 Merci à vous aussi fidèles téléspectateurs d'avoir suivi ce numéro.
57:54 Je vous donne rendez-vous dans 15 jours pour un tout nouveau numéro de Made in Africa.
57:57 N'oubliez pas que vous pouvez retrouver cette émission sur notre site internet,
58:00 c'est www.rti.ci ou alors sur l'application RTI mobile.
58:05 Vous pouvez aussi suivre nos activités sur les réseaux sociaux
58:08 Made in Africa pour Facebook et Made in Africa TV pour Instagram et Twitter.
58:13 Merci à tous ceux qui m'ont aidé à préparer cette émission,
58:15 tant aux équipes d'Eléphant Africa pour la production
58:18 qu'aux équipes de la RT pour la réalisation.
58:20 Et quant à moi, je vous souhaite une excellente suite de programmes sur RTI.
58:24 [Musique]
58:37 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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