"Il y a vraiment besoin de parler spécifiquement des pôles", estime le chercheur Guillaume Massé
"Il est grand temps qu'on soit concerné, que les chefs d'État se penchent sur la question des pôles", estime Guillaume Massé, chercheur à la station marine du Muséum national d'histoire naturelle, alors que s'ouvre à Paris le "One Planet-Polar summit", ce mercredi 8 novembre.
Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter
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Transcript
00:00 France Inter.
00:02 Mathilde Minos.
00:06 Le 5/7.
00:08 Il est 6h21. Partout dans le monde, les glaciers et les pôles fondent à une vitesse record en raison du changement climatique.
00:15 D'où l'organisation d'un premier sommet international sur le sujet, le One Polar Summit. C'est la France qui l'accueille.
00:21 Ça se passe au Muséum National d'Histoire Naturelle aujourd'hui, demain et vendredi. Bonjour Guillaume Massé.
00:27 Bonjour Mathilde.
00:28 Vous êtes océanographe, spécialiste des écosystèmes polaires, chercheur à la station marine du Muséum National d'Histoire Naturelle, station qui se trouve à Concarneau.
00:36 On peut encore les sauver, les glaciers et les pôles ?
00:39 Oui, si on s'y met maintenant et puis si on s'y met fort.
00:45 Parce qu'on nous a dit, il y a eu des études qui ont montré qu'à la fin du siècle, il n'y aura quasiment plus de glaciers.
00:49 C'est encore possible d'améliorer la situation ?
00:53 Je pense qu'outre les glaciers, il y a aussi les calottes et ainsi de suite.
00:58 Je pense que oui, effectivement, les glaciers vont fondre la plupart.
01:05 Mais en même temps, il est temps encore de renverser la vapeur.
01:10 Mais c'est sur les glaciers, sur les pôles que le réchauffement climatique se fait le plus sentir ?
01:14 Tout à fait. On a coutume de dire qu'à 1°C à Paris, c'est 7-8°C aux pôles.
01:20 Et pourquoi c'est gravissime que les glaciers et les pôles fondent ?
01:24 Je dirais qu'il n'y a pas que les glaciers et les pôles, mais effectivement, les pôles sont extrêmement importants.
01:34 J'entendais Olivier Poivre d'Arvore hier matin, qui nous parlait de la joue d'eau douce dans l'océan,
01:47 et donc de la montée de l'océan du niveau de la mer.
01:50 Mais en même temps, les pôles contrôlent une grande partie de notre climat.
01:57 Ce qui se passe aux pôles nous concerne ici, va nous toucher, va nous impacter ici aussi.
02:04 La circulation océanique...
02:09 Il y a toute une biodiversité aussi, tous les écosystèmes, les animaux qui vivent...
02:13 Ce ne sont pas des zones désertes, les pôles ?
02:14 Non, tout à fait, ce sont des endroits où la vie foisonne.
02:18 Et donc effectivement, ces organismes qui sont hyper adaptés sont très à risque.
02:26 Et pour en revenir aux glaciers, ce sont nos réserves d'eau ?
02:30 Tout à fait, ce sont des quantités colossales.
02:34 Donc on a besoin de ces glaciers, d'où l'importance de ce sommet.
02:40 Pourquoi un sommet spécifique ? Il y en a vraiment besoin ?
02:44 La COP28 qui va avoir lieu dans trois semaines ne suffit pas ?
02:47 Non, je ne pense pas.
02:49 Et je pense qu'il y a vraiment besoin de parler spécifiquement des pôles.
02:53 Ça démontre de leur importance pour nous ici à Paris, comme à Toulouse ou à Bordeaux.
03:00 Et il est grand temps que justement, on soit concerné,
03:06 que les chefs d'Etat se penchent sur la question des pôles.
03:11 Mais je pense qu'ils commencent à le comprendre.
03:14 Mais que les gens comprennent que ce qu'on fait ici à Paris,
03:19 ça va impacter les pôles et en retour, ça va nous impacter.
03:23 Et des chefs d'Etat, il y en aura une quarantaine de dirigeants étrangers.
03:26 Lors de ce sommet, il y aura aussi beaucoup de scientifiques, des ONG.
03:30 Qu'est-ce qu'on peut en attendre ?
03:32 Est-ce qu'il y aura des mesures concrètes ou juste un état des lieux, des études, des prises de conscience ?
03:38 Il va y avoir des mesures ? C'est au programme ?
03:41 Je pense. En tout cas, nous, scientifiques, on en attend.
03:46 Vous attendez quoi ? De l'argent ?
03:50 Trivialement, oui.
03:52 Puisque l'argent, c'est ce qui nous permet justement de continuer nos études.
03:57 Alors, en France, on trouve qu'on n'en a pas beaucoup.
04:01 En même temps, je pense que c'est important de rappeler qu'en France,
04:05 on est beaucoup de scientifiques à se pencher sur la question des pôles,
04:08 à étudier ce qui s'y passe, les processus qui contrôlent justement le maintien des écosystèmes,
04:15 la fonte des glaces et ainsi de suite.
04:18 Il faut rappeler qu'on a des bases en plus sur les pôles.
04:20 La France est une puissance polaire. Il y a des scientifiques sur place.
04:23 Tout à fait, en permanence.
04:25 En permanence, que ce soit à Dumont-Durville, la base côtière en Antarctique,
04:30 comme à Concordia, qui est une base au centre de l'Antarctique, en permanence.
04:35 Et alors, cet argent, il vous servirait à quoi, par exemple ? Justement, à les rénover, ces bases ?
04:39 Oui, à augmenter nos moyens, je dirais, nos capacités, surtout des capacités logistiques,
04:46 de pouvoir aller réaliser nos expérimentations, nos observations, là-bas, sur le terrain.
04:52 Parce qu'aujourd'hui, par exemple, vous, au Muséum National d'Histoire Naturelle, c'est compliqué.
04:55 Parfois, on vous dit non parce qu'il n'y a plus d'argent ?
04:57 Je dirais que ce n'est pas forcément parce qu'il n'y a plus d'argent,
05:01 c'est parce qu'on n'a plus de moyens, on n'a plus de capacités.
05:05 Et donc, de l'argent, on arrive éventuellement à en trouver pour réaliser nos recherches.
05:12 Mais en même temps, tout ce qui est support d'infrastructures et d'accueil de nos scientifiques,
05:19 pour l'instant, c'est réduit un peu à peau de chagrin.
05:23 Il faut le redire aussi. Donc, la France, puissance polaire.
05:25 Nous avons des glaciers. Et puis, il y a aussi cette fonte des glaces qui va élever le niveau de la mer.
05:31 Et là, ça concerne toutes les villes côtières de France.
05:33 - Tout à fait. - Donc, on est vraiment concerné à plusieurs titres par ce sommet et par cette fonte des glaces.
05:39 - Tout à fait. Je pense qu'on doit prendre conscience.
05:43 Mais encore une fois, c'est dans la bonne voie.
05:46 Je pense que les gens sont de plus en plus concernés par ce qui se passe au pôle.
05:50 - C'est rare d'avoir des scientifiques, on en a quand même régulièrement pour parler du réchauffement,
05:53 qui sont optimistes comme vous. Ça fait plaisir, non mieux. Il y a encore de l'espoir.
05:58 - En fait, moi, je dirais que mon credo, c'est qu'on ne peut pas continuer à se mettre la tête dans le sable
06:06 et de dire "c'est trop tard" ou quoi que ce soit. Non. Il faut agir.
06:10 Et comme je dis, il faut renverser la vapeur.
06:13 - Merci Guillaume Massé, chercheur au Muséum national d'histoire naturelle,
06:17 chercheur à la station marine du muséum.
06:19 Le muséum qui accueille aujourd'hui, demain et après-demain le One Polar Summit,
06:24 premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles.