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00:00 7h46, la tempête Kiran qui a frappé la nuit dernière.
00:03 Un coup de vent hivernal précoce après Céline et avant Domingos.
00:06 Alors faut-il s'attendre à des conséquences à long terme ?
00:09 On en parle ce matin avec Nicolas Castaille, directeur du GIP Littoral,
00:13 l'organisme chargé de réfléchir à la gestion et la préservation des espaces côtiers en Nouvelle-Aquitaine.
00:18 Bonjour Nicolas Castaille.
00:19 Bonjour Marie. Bonjour Marie-Corine.
00:21 Est-ce que c'est inquiétant cette multiplication de coups de vent sur notre littoral en quelques jours récemment ?
00:28 Les tempêtes successives ont indéniablement un effet sur la côte de Nouvelle-Aquitaine et de la Gironde.
00:35 On a des stigmates visibles sur certaines communes, sur certaines portions du littoral.
00:41 Mais finalement ces tempêtes sont des événements habituels, assez classiques,
00:45 à l'approche de l'hiver ou pendant l'hiver, qu'on constate sur nos littoraux.
00:49 Donc d'une certaine manière on est vigilant, mais on est préparé.
00:54 Donc finalement une tempête à cette saison, c'est normal.
00:57 Ce qui vous préoccupe le plus, c'est les grands phénomènes qui agissent sur le long terme ?
01:02 Oui tout à fait. Les territoires littoraux font face à deux risques qu'on a l'habitude de distinguer de la façon suivante.
01:07 On a l'érosion côtière qui se traduit par une perte de matériaux, par une baisse du niveau des plages,
01:13 par une perte de matériaux sur les falaises côtières.
01:15 Et d'autre part on a la submersion marine avec l'incursion de la mer dans les terres
01:19 quand dans certaines conditions la météo, les conditions de mer le provoquent.
01:24 Récemment on a vu des images de plages grignotées, effectivement avec ces coups de vent.
01:28 Est-ce que ça accélère cette érosion marine que vous évoquez ?
01:31 Oui tout à fait. L'érosion marine a d'abord des origines naturelles.
01:37 C'est une diminution de l'apport de sédiments par les fleuves sur le long terme,
01:42 à l'échelle du temps géologique qui provoque l'érosion.
01:45 Mais elle peut être accentuée par des aménagements de l'homme sur certaines portions du littoral,
01:50 et puis par des conditions météo et marine particulières.
01:54 Les tempêtes en font partie. L'hiver on a tendance à reculer,
01:58 l'été ça peut un peu se ré-engraisser sur les plages.
02:01 Mais globalement on a une tendance au recul.
02:04 Et ce recul il se traduit de 1 à 3 mètres par an en moyenne
02:07 quand on considère les choses sur le temps long ici en Gironde.
02:10 C'est beaucoup ? 1 à 3 mètres par an ? On a du mal à se rendre compte ?
02:13 Alors c'est important, c'est un phénomène qu'il faut considérer.
02:17 On a réussi à estimer le nombre de biens qui pouvaient être impactés à l'horizon 2050.
02:23 Et si on ne tient pas compte des protections mises en place par les collectivités,
02:27 ou par certains particuliers, on peut atteindre 6 000 logements
02:31 et plus de 700 locaux d'activité directement impactés à 2050.
02:35 Donc il faut considérer ces phénomènes et il faut se préparer tout simplement.
02:40 Alors comment on s'en préserve justement Nicolas Castaï ?
02:42 Alors depuis une trentaine d'années, les acteurs publics avaient déjà mis en place
02:48 un système d'observation qui s'appelle l'Observatoire de la Côte Nouvelle-Aquitaine
02:51 qui permet avec l'intervention des scientifiques et des experts,
02:54 notamment le BRGM, l'ONF, de mesurer la position du trait de côte
03:00 et grâce à ces mesures de se projeter dans le temps.
03:03 Et puis depuis une dizaine d'années, les pouvoirs publics ont mis en place
03:06 un outil qui est le GIP littoral en Nouvelle-Aquitaine pour travailler sur l'ensemble de la région
03:09 et développer des politiques publiques d'intervention et que les collectivités,
03:13 les maires se sentent moins seuls, puissent intervenir de la meilleure façon possible
03:16 pour faire face à ces phénomènes.
03:17 Vous avez un rôle d'expertise, de conseil ?
03:19 Oui, tout à fait.
03:20 C'est vrai que c'est bien de dire que quand des choses marchent,
03:23 les décideurs, préfets, présidents de régions, départements
03:26 ont souhaité mettre en place ces outils pour accompagner les maires.
03:28 Et là on a à l'échelle de la région plus d'une dizaine de territoires
03:33 qui se sont lancés dans des démarches qui s'appellent les stratégies de gestion
03:35 de la bande côtière et qui permettent de définir la politique de gestion
03:39 la meilleure à adopter.
03:40 Alors on ne parle pas de protection de biens particuliers,
03:44 on parle bien de politique d'intérêt général qui consiste à,
03:47 là où il y a des impacts possibles sur les villes, sur les fronts de mer,
03:50 sur les activités économiques, mettre en place les investissements nécessaires
03:54 ou s'adapter par différents modes de gestion.
03:56 Alors sans entrer dans les détails, il y a beaucoup de choses qui se font
03:58 et depuis une dizaine d'années, c'est une dizaine de millions d'euros d'investissement
04:01 qui sont réalisés tous les ans pour mettre en sécurité les villes côtières de la région.
04:06 France Bleu Gironde, 7h50, Nicolas Castaille, directeur du GIP Littoral, est notre invité.
04:11 Chez nous en Gironde, l'emblème de l'érosion, évidemment,
04:13 c'est l'immeuble Le Signal à Soulac qui n'a pas été sauvé.
04:17 Il n'était pas possible de le protéger cet immeuble, Nicolas Castaille ?
04:20 Alors, il était difficilement envisageable de le protéger puisque le protéger
04:25 aurait conduit inévitablement à la fragilisation du front de mer de Soulac,
04:30 de la secteur la plus urbanisée de Soulac, de sa plage,
04:33 et donc les décisions ont été prises au niveau local,
04:37 ça relève de la compétence des intercommunalités,
04:39 donc là c'est la communauté de communes Médoc-Atlantique qui travaille à la ville de Soulac,
04:42 qui travaille aussi avec la ville de Lacanau, avec la ville de Montalivé,
04:44 sur ce problème de l'érosion,
04:46 et la décision a été prise de supprimer le bien
04:50 plutôt que de le protéger au risque de fragiliser le reste du littoral.
04:53 Donc c'était une solution plutôt vertueuse et qu'il faut envisager dans d'autres situations,
04:57 mais c'est une solution très locale, qui correspond à une situation locale
05:01 qui n'est pas la même par exemple sur l'Ège Capferré,
05:04 ou sur la Teste ou Lacanau, où d'autres solutions sont mises en place.
05:08 Justement vous parlez de Lacanau, c'est une ville où les aménagements sont très visibles,
05:11 il y a cet enrochement qui permet de protéger la station Balnéaire ?
05:15 Oui tout à fait, alors il y a un enrochement qui a été installé dans les années 90,
05:21 c'est un héritage, et il faut faire avec cet héritage,
05:24 la station a été implantée, développée à cet endroit-là,
05:27 et donc il faut gérer l'existant.
05:28 Ce que fait la ville de Lacanau, c'est notamment d'anticiper le long terme,
05:33 elle est en train de se transformer radicalement,
05:36 le mode d'accès quand vous êtes habitant girondin,
05:39 que vous fréquentez les plages de Lacanau, la Centrale ou les plages Océane,
05:42 vous pourrez continuer à aller sur les plages Océane au nord et au sud,
05:44 notamment en forêt domaniale, là où l'ONF gère l'accueil du public,
05:47 par contre sur la plage Centrale de Lacanau, ce sera plus compliqué à Maréhote,
05:50 on le voit déjà, il n'y a pas beaucoup de plages,
05:52 donc la ville est en train de se réorganiser pour accueillir les visiteurs à la journée,
05:56 ou les excursionnistes, sur les autres plages de la commune.
05:59 Et ça, ça passe par des actions d'aménagement sur le temps long,
06:01 à une dizaine d'années d'horizon,
06:03 et la ville est en train de réaliser ces aménagements-là depuis l'hiver dernier.
06:09 - On parle parfois de déménager le front de mer de Lacanau,
06:11 ça c'est un scénario plausible, ou en tout cas envisageable ?
06:15 - Alors, dans certains esprits,
06:19 il pouvait sembler plus simple de bouger une ville
06:23 que de mener des actions concrètes de gestion du risque.
06:27 Là, ce qui est en train de se mettre en place, c'est la gestion du risque,
06:31 la mise en sécurité des biens des personnes,
06:33 c'est la réorganisation de l'activité économique d'une station balnéaire comme celle de Lacanau,
06:38 mais à Sous-Lac c'est la même chose.
06:40 Et par contre, ces questions de déménagement de quartier entier sont encore à l'étude,
06:47 elles sont étudiées, ces solutions, un peu partout sur le littoral national,
06:51 mais ça passera par des investissements massifs
06:54 qui ne seront pas à la portée des communes, des budgets communaux.
06:59 Donc ça passe par des solutions nationales,
07:01 ces solutions nationales sont en débat en ce moment même,
07:03 il y a un comité national qui est animé par une députée du département,
07:07 on attend des réponses à ce niveau-là.
07:09 - Sachant qu'il n'y a pas de solution, miracle,
07:11 à chaque situation, chaque commune, sa solution ou son moyen de protection ?
07:14 - Oui, il y a un phénomène dont on a peu parlé,
07:17 c'est les effets du changement climatique,
07:19 l'élévation du niveau de la mer va conduire à une accélération du risque après 2050,
07:23 ce dont on est certain c'est que le niveau de la mer va augmenter,
07:25 on ne sait pas exactement de combien, horizon 2100 par exemple,
07:29 par contre c'est vrai qu'il faut anticiper ce phénomène-là,
07:33 qui va venir encore augmenter le risque,
07:35 l'érosion et le risque de submersion sur les territoires littoraux de la région.
07:39 - Merci beaucoup Nicolas Castaille, directeur du GIP littoral,
07:43 d'avoir été avec nous ce matin en direct sur France Bleu Girond, merci à vous.
07:45 - Merci pour votre accueil.
07:47 interview sur franceblue.fr