Éric Brocardi, porte parole de la fédération nationale des sapeurs pompiers de France est l'invité de Télématin, il revient sur les dégâts causé par la tempête Ciaran.
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00:00 Bonjour Eric Brocardi, merci beaucoup d'être avec nous.
00:03 Alors, la tempête a commencé cette nuit dans le Carr Nord-Ouest,
00:06 plus de 3 200 pompiers étaient mobilisés.
00:10 On parle d'une personne décédée ce matin,
00:13 il y a plus d'un million de foyers qui sont privés d'électricité.
00:16 Maintenant, comment s'est passée la nuit pour les équipes ?
00:18 La nuit a été très compliquée pour les équipes,
00:20 notamment dans les salles opérationnelles,
00:21 puisqu'on a vu des pics d'appels, on va dire de secours,
00:24 ou tout simplement d'alertes auprès des salles opérationnelles 1812.
00:28 On prend l'exemple simplement du Finistère,
00:30 il y a eu entre 2 700 et 3 000 appels durant toute la nuit,
00:33 notamment avec un pic de plus de 700 appels à partir de 5 heures du matin.
00:36 C'est pour vous dire l'engagement qui a été fait
00:38 et la réception des appels qui a été amortie justement
00:41 par le fait de pouvoir renforcer ces centres opérationnels
00:44 et en même temps les casernes en préventif,
00:46 ce qui a été efficace et redoutable pour justement essayer de contrer
00:49 toute cette demande de distribution des secours.
00:52 Alors, on vous a appelé pour quel type d'intervention ?
00:54 C'est essentiellement des inquiétudes déjà dans un premier temps
00:57 et puis des nécessités de faire des reconnaissances
00:59 et des nécessités aussi de rassurer les gens
01:01 parce que quelque part quand on a un branchage qui tombe
01:04 ou tout simplement des lignes électriques qui sont coupées
01:06 par le fait de chutes d'arbres ou de branches,
01:09 tout simplement il va falloir, un, signaler au travers du centre opérationnel départemental
01:13 qui est en lien avec les autres institutions comme ERDF, Enedis ou autres,
01:17 de permettre justement le réétablissement de ces lignes
01:19 et pouvoir localiser et ensuite prioriser sur le terrain
01:21 les actions à mener de manière juste et efficace.
01:24 Parce qu'il ne s'agit pas d'envoyer tous les moyens sur une zone
01:27 alors que nous pourrions en avoir besoin d'ailleurs,
01:28 c'est surtout d'ajuster la commande de les opérations
01:32 par rapport à la demande effectuée sur le terrain.
01:34 Je prends un exemple très simple,
01:36 la préfecture de la Manche vient de faire une demande massive de matériel,
01:40 de tronçonnage et de déblément pour justement essayer de dégager les routes
01:44 parce qu'aujourd'hui ce qui prime, c'est des actions d'interservice
01:46 avec l'ensemble des acteurs des municipalités,
01:49 des conseils départementaux, des préfectures et des sapeurs-pompiers.
01:51 Justement Valérie Maurice le disait, la tempête n'est pas terminée,
01:54 il y en a d'ailleurs une autre qui arrive derrière.
01:56 Est-ce qu'on est assez bien préparé ?
01:57 Est-ce que les mesures de précaution ont été prises ?
02:01 Alors, les mesures de précaution ont été prises.
02:02 Il y a eu des facteurs très favorables par rapport à cette mesure de prévention
02:06 qui ont été menées par rapport à l'information destinée au grand public,
02:09 par rapport à vous aussi au niveau des médias
02:11 qui ont pu donner le ton à un moment donné de la vigilance à apporter.
02:14 Vous avez fait une case là-dessus, c'était extrêmement important.
02:16 Il y a eu beaucoup de prévention.
02:17 Exactement.
02:18 Mais néanmoins, on était dans une phase bénéfique.
02:19 Pourquoi ? Parce qu'on était sur un jour férié.
02:21 Sur le reste du territoire national, il ne faisait pas forcément très beau.
02:24 Ça s'est passé la nuit, donc les gens restaient chez eux.
02:26 Donc c'était presque facile d'appliquer, d'être réceptif aux informations.
02:29 C'est plus compliqué la journée.
02:30 Exactement.
02:31 Mais néanmoins, nous avons toujours des comportements aujourd'hui
02:33 qui sont assez décalés par rapport aux demandes de vigilance à avoir.
02:37 Il faut quand même se souvenir de la tempête Patricia
02:39 où il y a eu malheureusement une personne décédée
02:42 malgré une vigilance orange et d'interdiction noyade.
02:44 Mais justement, vous le dites, on l'a vu dans les journaux,
02:46 les gens qui restent, qui prennent des photos, qui vont se promener,
02:49 qu'est-ce que vous avez envie de leur dire à ces gens alors que pourtant on les a prévus ?
02:52 La curiosité doit rester au garage.
02:54 Ils doivent rester chez eux.
02:56 Parce que vous, ça vous met également en danger ?
02:58 En permanence.
02:59 Il faut bien comprendre que lorsque les sapeurs-pompiers s'engagent pour sauver quelqu'un,
03:03 quelque part la personne s'est mise en danger dans des situations comme celle-ci.
03:07 Donc il est évident aujourd'hui, quand on donne les consignes de rester chez soi, d'être à l'abri,
03:10 oui, vous avez des chutes d'arbres parfois qui arrivent dans les maisons,
03:13 qui arrivent sur les maisons, mais pour autant, pas de blessés.
03:16 Bien entendu, vous avez des branches qui arrivent directement et qui tombent dans votre jardin.
03:20 Ce n'est pas une priorité pour les sapeurs-pompiers.
03:21 Il ne faut pas y aller tout de suite.
03:22 Il ne faut pas y aller tout de suite.
03:23 Vous avez encore des risques de chutes d'arbres et de branchages
03:26 parce que ça a été gorgé d'eau pendant la nuit au niveau des sols.
03:28 Et en même temps, les branches ont été parfaitement affaiblies par le sujet des vents.
03:32 Alors qu'est-ce qu'il ne faut surtout pas faire ?
03:34 Ce qu'il ne faut surtout pas faire, c'est de jouer encore une fois les curieux,
03:37 d'appeler les sapeurs-pompiers alors qu'il n'y a pas de mesure invitale,
03:40 de danger imminent en particulier.
03:42 Donc pas d'urgence, on n'appelle pas les pompiers.
03:43 Exactement.
03:44 Mais de toute façon, dites-vous bien que les actions des sapeurs-pompiers,
03:47 ce sont des actions de reconnaissance qui sont en cours
03:49 et des actions d'intervention qui sont liées à ces reconnaissances pour ajuster les moyens.
03:53 Vous savez, en France, c'est 14 minutes en moyen entre le moment où vous appelez les secours
03:58 et le moment où ils arrivent en bas de chez vous.
03:59 14 minutes ?
04:00 Oui, d'une manière générale.
04:01 Il faut garder cet optimum, on va dire, de distribution des secours.
04:05 Ça veut dire qu'il y aura toujours quelqu'un, à un moment donné,
04:06 pour faire une reconnaissance et vous verrez une présence.
04:08 Mais le COD, le centre opérationnel départemental autour du préfet,
04:12 en lien avec les maires, les sapeurs-pompiers, les institutions,
04:14 sont là pour coordonner les secours et de donner une réponse en fonction des besoins.
04:19 Le 112 reste le numéro d'urgence.
04:20 Vous le savez, il y a des coupures d'électricité.
04:22 Le moyen le plus sûr, c'est de faire le 112
04:24 parce que ça va venir taper sur l'ensemble des réseaux téléphoniques
04:27 et quelque part arriver sur le…
04:28 Seulement en cas d'urgence.
04:29 Seulement en cas d'urgence.
04:30 Comment vous vous préparez-vous aujourd'hui ?
04:31 Est-ce qu'il y a un dispositif particulier ?
04:33 Parce que concrètement, il y a de plus en plus de tempêtes.
04:36 Alors, de plus en plus de risques naturaux.
04:37 Plus de risques… Est-ce que vous êtes formé aujourd'hui à ça ?
04:40 Bien sûr qu'on est formé.
04:41 Et vous le voyez déjà à la télé, il y a deux niveaux.
04:43 Il y a un niveau déjà où on se forme au travers des retours d'expérience que l'on a fait.
04:46 Vous avez évoqué pas mal d'éléments en termes de chronologie.
04:49 On a parlé des tempêtes de 87, de 99.
04:51 La 99, il y a aussi Cynthia.
04:53 Exactement.
04:53 On a oublié, c'était en 2010.
04:55 Cynthia. Il faut se souvenir aussi des inondations de 2015.
04:57 Il faut aussi parler des feux de forêt.
04:58 Il faut aussi parler de ce qui s'est passé avec la tempête Alex et la tempête Aline.
05:02 Donc, nécessairement aujourd'hui, quand vous voyez des images de sapeurs-pompiers,
05:05 ce sont des moyens qu'on utilise aussi en feux de forêt.
05:07 Pour travailler.
05:08 Pour travailler.
05:08 Donc, ça veut dire que 1. on s'est équipé.
05:10 2. on s'est spécialisé avec le temps.
05:11 Mais néanmoins, aujourd'hui, l'objectif, c'est la culture de protection civile,
05:15 la culture du risque à l'intérieur des foyers.
05:18 C'est ça aujourd'hui qui doit prédominer et qui va toucher tous les secteurs ministériels
05:21 et sur lesquels la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France milite
05:24 pour justement, dès le plus jeune âge, capter ces intentions-là.
05:27 Et vous, est-ce que vous êtes formé à ça ?
05:29 Alors, moi, personnellement, oui, évidemment, par rapport à la culture du risque.
05:33 Mais est-ce que c'est de plus en plus le cas ?
05:35 Mais je vais vous donner un exemple très simple en termes de risque.
05:37 On sort du contexte naturel, on rentre dans quelque chose de beaucoup plus,
05:39 on va dire, familial.
05:41 Quand vous êtes jeune maman et que vous commencez à vous apercevoir
05:44 que vous n'êtes pas formé au geste qui sauve, déjà, il y a un manque.
05:47 Donc, ça veut dire que globalement, si vous partez de ce postulat-là,
05:51 ça veut dire qu'il y a encore du travail à faire en amont.
05:53 Ce n'est pas normal aujourd'hui en France
05:54 qu'on malheureusement décède lors d'un incendie domestique.
05:59 Ce n'est pas normal aujourd'hui qu'il faut attendre, effectivement,
06:02 qu'il y ait une grosse sonnette d'alarme qui soit lancée
06:05 pour donner des comportements aux gens.
06:07 Il faut avoir des attitudes, réflexes en permanence.
06:09 Il faut comprendre pourquoi on doit faire ça.
06:10 Ça vous parlait des particuliers ?
06:11 Tout le monde.
06:12 Les particuliers, c'est les pompiers.
06:13 Exactement.
06:14 On parle souvent du feu.
06:15 Là, en cas de tempête, il y a du vent, il y a de l'eau.
06:17 C'est quoi le plus dangereux ?
06:19 Tout est dangereux.
06:21 Parce que le vent est imprévisible quelque part.
06:22 Il peut tomber dans des couloirs et nécessairement
06:24 emporter avec lui des toitures, des branchages ou autres.
06:27 L'inondation est extrêmement redoutable.
06:29 On se souvient en 2015 à Mandelieu,
06:31 lorsque malheureusement nous avons constaté des décès.
06:33 C'était dû à des personnes qui étaient allées dans les sous-sols
06:35 avec une forte remontée des eaux.
06:37 Donc, nécessairement aujourd'hui, tous les risques naturels
06:40 comme le feu de forêt, on doit se prémunir de tout ça.
06:42 Comment ?
06:43 Au niveau d'équipement, l'application de l'obligation légale
06:45 de débroussaillement dans le cas des feux de forêt.
06:47 Et bien entendu, respecter les consignes
06:48 dans le cas de tous les risques naturels.
06:50 Rapidement, il y a des gens qui sont en vacances.
06:51 Est-ce qu'ils vont pouvoir rentrer chez eux, prendre les transports ?
06:53 Je pense qu'il vaudrait mieux attendre un petit peu
06:55 que l'ensemble des vigilances retombe dans le jaune
06:59 et surtout dans le vert pour pouvoir reprendre l'activité normale.
07:02 Ça va paraître peut-être un peu long,
07:03 mais je pense qu'aujourd'hui, pour l'intégrité de nos infrastructures
07:06 et des personnes, et la sécurité de tous,
07:08 je pense que c'est beaucoup plus sage.
07:10 Merci beaucoup, Éric Brocardi d'avoir été avec nous.
07:12 Je rappelle que vous êtes porte-parole de la Fédération des sapeurs-pompiers.