• l’année dernière
Arrêtée en Iran en 2019 pour atteinte à la sécurité nationale, Fariba Adelkhah, spécialiste reconnue du chiisme et de l’Iran post-révolutionnaire, avait été condamnée en mai 2020 à une peine de prison de cinq ans.
Depuis le mardi 17 octobre, Fariba Adelkhah est enfin de retour en France.
Elle est l'invitée exceptionnelle de Quentin Lafay.

#iran #otage #france
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Transcription
00:00 Les matins de France Culture, Quentin Laffey.
00:04 Quatre ans et quatre mois de privation, de liberté et en leur sein des années d'incarcération
00:10 dans l'une des prisons les plus redoutées au monde.
00:13 Celle d'Evine, honneur de Téhéran, Farida Adelka, anthropologue, directrice de recherche
00:19 aux séries Science Po, spécialiste reconnue du chiisme et de l'Iran post-révolutionnaire,
00:23 a pu regagner la France le 17 octobre dernier.
00:26 C'est la première fois qu'elle parle à un média depuis son retour.
00:29 Bonjour Farida Adelka.
00:30 Bonjour.
00:31 Nous sommes très heureux de vous savoir en France d'abord, honorés aussi de vous savoir
00:36 dans ce studio à France Culture.
00:38 Il faut peut-être commencer par nous rappeler votre histoire.
00:41 Vous êtes arrêtée le 5 juin 2019 en Iran, en même temps que votre mari Roland Marshall,
00:45 chercheur lui aussi au Centre de Recherche Internationale de Science Po Paris.
00:50 Comment s'est passée concrètement votre arrestation et à ce moment-là, est-ce que
00:54 vous savez même pourquoi vous êtes arrêtée ?
00:56 Oui, en fait j'allais chercher Roland Marshall à l'aéroport et donc on m'a appelée et
01:05 on m'a montré une feuille avec ma cousaine d'espionnage.
01:10 Je voulais expliquer qu'ils se sont peut-être trompés.
01:14 Qui vous attendait ? Qui vous a montré cette feuille ?
01:16 Quatre personnes, trois hommes et une femme qui se sont rapprochées à moi en étant très
01:23 polie d'ailleurs, en m'appelant par mon qualificatif de docteur.
01:28 C'est très respectueux normalement en Iran.
01:31 Ils m'ont tendue cette feuille et après, comme je ne comprenais bien sûr pas en me
01:39 disant que je devais d'abord attendre mon ami Roland Marshall et ensuite les joindre,
01:46 ils m'ont dit juste une petite explication.
01:49 La petite explication c'était dans une voiture et je suis partie, sans voir Roland Marshall
01:53 bien sûr.
01:54 Le motif de cette arrestation, le motif officiel, c'est une attente à la sécurité nationale.
02:02 Comment est-ce qu'on pourrait…
02:03 Non, le motif d'arrestation c'était l'espionnage.
02:07 Et après l'accusation a été commuée, avant que ce soit une peine, a été commuée,
02:14 collusion, attente à la sécurité nationale comme vous dites.
02:18 Et comment est-ce qu'on prouve quelque chose qui n'existe pas ? Comment est-ce qu'on
02:22 démontre qu'on n'est pas coupable dans un régime comme celui-ci ?
02:25 C'est tout un travail.
02:27 Et puis, quand on vous prive d'un terrain de recherche et on vous emmène quelque part,
02:33 vous en trouvez un autre terrain.
02:34 Donc c'était tout mon travail et tout mon espoir, ça l'est toujours d'ailleurs,
02:39 de pouvoir dire que la recherche se qualifie toujours, se met toujours en avant par ses
02:46 publications qui sont vues par tout le monde.
02:48 Enfin, ce sont des publications pas secrètes.
02:51 Donc ce sont des publications en bonne et douce forme.
02:53 Et ensuite, les universités sont des universités, il y a le droit à l'expression, le droit
02:59 à l'enseignement, le droit à la recherche.
03:01 Donc j'ai essayé et je continue de faire un peu de menace au combat parce qu'effectivement
03:08 j'étais emprisonnée pendant…
03:10 J'avais une sentence de cinq ans.
03:13 J'ai passé quatre ans en prison et j'étais ensuite gracieuse, malheureusement pas acquitée,
03:17 mais gracieuse.
03:18 Mais donc j'espère pouvoir faire parvenir cette voie, la voie de la liberté académique,
03:26 liberté d'universitaire, scientifique si vous voulez.
03:30 Et que le métier de chercheur ou de l'enseignant ou de l'universitaire ne le regarde pas
03:35 seulement elle ou lui, regarde aussi la société parce que qui dit contrainte à l'enseignement
03:42 ou à la recherche dit aussi contrainte pour les autres d'écouter l'expression libre
03:49 si vous voulez.
03:50 Donc le combat il est là, il va être emmené et je vais…
03:54 Je suis toujours, si vous voulez, je reste très naïve parce que je suis une personne
03:57 très moyenne, une personne moyenne, vie avec cette naïveté.
04:01 Finalement notre métier est de pouvoir passer un message, de pouvoir…
04:05 C'est cette interaction de laquelle on se lord toujours, mais donc j'espère y arriver.
04:11 Je suis de toute façon, j'ai quitté l'Iran légalement avec mon passeport et donc j'espère
04:17 pouvoir un jour plus communiquer avec les autorités iraniennes sur la nécessité
04:23 de laisser la liberté académique.
04:25 Est-ce que vous savez pourquoi vous avez été arrêtée vous particulièrement, vous et
04:29 votre mari ? Vous travaillez effectivement sur l'Iran, vous êtes anthropologue de
04:35 ce pays et vos recherches sont notamment centrées sur l'Iran post-révolutionnaire, mais
04:41 votre mari, lui, travaille sur un tout autre sujet, il travaille notamment sur les conflits
04:46 en Afrique.
04:47 Alors pourquoi vous vous arrêtez vous tous les deux ?
04:48 C'est une question qu'on peut se poser encore aujourd'hui, mais pour les gens
04:53 qui nous arrêtent, ils ont quand même leur raison à eux, peut-être qu'ils échappent
05:00 à ma raison et à moi, mais non, c'est une question encore ouverte, notamment pour
05:05 ceux qui concernent, comme vous avez très bien dit, mon ami qui travaille sur l'Afrique,
05:10 qui ne parlait même pas le persan et qui a finalement été victime de cette situation.
05:18 Non, la question est ouverte et restera ouverte pour savoir exactement, mais pour les autorités
05:23 effectivement il y avait cette...
05:25 Bon, à moi, les questions lors des interrogatoires nombreux, ça concernait quelques passages
05:31 de mon livre, alors qu'un livre, vous savez, c'est quelques pages, quelques centaines
05:36 de pages et finalement s'arrêter sur une phrase, on ne comprenait pas véritablement.
05:40 Quelles étaient ces questions, quelles étaient les phrases sur lesquelles il pouvait buter ?
05:43 C'est un peu paradoxal parce que c'est ce qu'on me reproche en Occident.
05:49 Les autorités iraniennes ont contesté par exemple le fait que je m'opposais au voile,
05:58 non pas au voile en soi, parce que c'est une liberté de porter ce qu'on veut, mais à
06:02 la loi qui interdisait aux femmes de ne pas pouvoir se détacher du voile.
06:08 Et donc voilà, alors qu'en Occident, quelques fois parmi mes collègues, on me reproche
06:15 de soutenir le voile.
06:16 En fait, je soutiens la liberté de porter le voile qu'on veut, mais je suis de toute
06:23 façon contre la loi.
06:24 Un des exemples un peu banal et puis un peu, disons, incompréhensible, c'était ça.
06:30 Donc, quand on arrête quelqu'un au nom de la sécurité nationale, enfin l'atteinte
06:35 à la sécurité et on lui reproche d'avoir parlé du voile, c'est un peu difficile de
06:40 comprendre effectivement le raisonnement qui est au fond de cette arrestation.
06:45 Non, je n'ai pas compris.
06:47 Comment s'est déroulée votre incarcération Fariba Adelka au sein de cette prison tant
06:54 redoutée, tristement célèbre, la prison d'Evine ? Est-ce que vous avez subi des sévices,
07:00 des maltraitances ? Racontez-nous.
07:02 Si vous voulez, des sévices, maltraitances, si vous voulez, le plus grand, disons, problème
07:13 qu'a une prisonnière, en l'occurrence moi, avait, c'était peut-être d'être pas comprise
07:20 et d'irrespect, si vous voulez.
07:23 Bon, effectivement, on est, en tout cas pour ceux qui m'ont concerné, je crois que j'ai
07:27 eu d'autres discussions avec d'autres, des co-détenus.
07:30 Les expériences sont diverses et variées.
07:33 Pour moi, d'abord, l'arrestation, on peut dire qu'elle est composée en deux moments.
07:40 D'abord, c'est ce qu'on appelle l'arrestation provisoire, où j'étais dans des cellules
07:45 sol, la majorité du temps, et l'interdiction de lecture pendant plus de quatre mois.
07:53 Et puis, bon, des interrogatoires, effectivement, vous essayez de comprendre qu'est-ce qui
07:58 ne va pas, donc vous vous battez avec les quatre, cinq personnes que vous avez devant
08:04 vous pour les convaincre.
08:05 Mais je dirais, s'il y avait quelqu'un qui a maltraité les autres, c'était plutôt
08:11 moi en jetant quelques fois des bouteilles d'eau à mes interlocuteurs.
08:14 Vous, vous avez maltraité les autres ?
08:15 Oui, parce qu'effectivement, ou ils sont très calmes, ou ils font leur travail.
08:20 Ils ont été chargés de cette arrestation.
08:23 Ils continuent et donc sans véritablement être irrespectueux.
08:27 L'irrespect vient du fait que je suis absolument ignorée, mes raisonnements ne sont pas compris
08:34 et que je suis coupée de mes liens et puis surtout de mon travail, mon métier qui m'est
08:39 très si cher et de mon milieu.
08:42 Ça, c'est la première, enfin si vous voulez, le problème le plus grand, parce qu'on ne
08:48 sait pas pourquoi on est là.
08:49 Mais employer de la force ou des mots, je dirais, de maltraiteur, non.
08:58 En tout cas, mon expérience ne me permet pas de savoir.
09:00 Mais par contre, d'autres détenus, effectivement, ils étaient interrogés les yeux bandés,
09:05 face au mur, avec des mouvements, assis, debout, assis, debout, en expliquant, en donnant les
09:10 raisons alors que c'était bon.
09:12 D'abord, c'est peut-être mon âge et puis ensuite, ça faisait plus de 30 ans que je
09:16 travaillais sur l'Iran, donc quelque chose qui est tombé et que finalement, moi, je
09:21 n'ai pas compris.
09:22 Pourquoi pendant 30 ans, j'étais libre et que soudain, je ne l'étais plus.
09:25 Donc, je sortais de mes gants, effectivement, oui, moi, j'étais quelquefois très violente,
09:30 je passais du temps à crier quelquefois et puis surtout chanter pour pouvoir essayer
09:37 d'exhorter, enfin essayer de me libérer un peu, de comprendre où je suis, me sentir
09:42 un peu plus vraie.
09:43 Oui, moi, j'étais très violente et contrairement à mes interlocuteurs, enfin mes interrogateurs
09:48 qui n'étaient absolument pas dans ce registre, ils avaient un cahier de charge, je dirais.
09:54 Je trouve absolument fondé ça, que la République, qui se sent toujours menacée par tout le
10:00 monde, c'est idéologique, c'est un peu le chiisme, ils se sentent maltraités, c'est
10:05 le martyr dans le monde entier, etc.
10:07 Donc, qu'ils puissent un moment douter de la nature des travaux d'une chercheure, en
10:12 l'occurrence, puisque j'étais, et je trouve normal qu'ils puissent, moi, j'aurais
10:18 espéré que finalement les thèmes d'accusation soient différents, les thèmes de, disons,
10:28 au moment de, au tribunal, la dernière lettre qu'on vous lit, j'espérais que cette
10:33 lettre soit différente par rapport à, réquisitoire on appelle ça, par rapport au premier thème
10:38 d'accusation, c'est pas venu parce que j'ai essayé, j'ai fait tous mes efforts
10:42 pendant un an, et j'ai passé mes soirées à noircir des feuilles, expliquant quelle
10:47 sont la façon dont nous travaillons, quels sont les tenants et les aboutissants de ce
10:51 métier, si vous voulez, c'était un peu mon espoir de me faire comprendre.
10:55 C'était ça l'enjeu quotidien, c'était d'essayer de démontrer quel était le fond
10:59 de votre travail, le fond de votre démarche scientifique, est-ce que c'était possible
11:04 au fond de les convaincre véritablement de la démarche qui était la vôtre, de votre
11:08 démarche sincèrement scientifique ?
11:09 Si vous voulez, je suis chercheure, je reste convaincue que c'est toujours possible.
11:14 Maintenant, vraisemblablement, j'ai pas réussi de convaincre la justice dans cette
11:21 instance et mes interlocuteurs, ça veut dire les interrogateurs que j'avais devant moi,
11:26 ça c'est vrai que je n'ai peut-être pas réussi, mais ça veut pas dire que le combat
11:30 s'arrête là, donc j'espère vraiment, mais le travail c'était ça.
11:34 Donc, encore une fois, comme je disais, c'est coupé en deux fois.
11:37 La première partie, c'est l'arrestation provisoire pour vous dire que c'est légal
11:41 parce qu'on vous fait signer tous les mois une feuille comme quoi vous êtes d'accord
11:46 de rester en prison et de continuer les interrogatoires.
11:48 Donc, cette arrestation provisoire, pour beaucoup, ça dure une semaine, deux semaines et les
11:53 gens sont libérés sous caution et ils passent à la prison.
11:56 Et pour moi, ça durait onze mois et demi, mais pour bien des gens, comme l'ONG de
12:03 l'environnement, ça durait deux ans.
12:05 Merci beaucoup Farid Iba, Adelka.
12:07 On va poursuivre cette discussion à 8h20 et vous nous parlerez notamment de la prison
12:11 des vignes où vous avez continué d'avoir sur cet endroit si particulier un regard de
12:16 chercheur, un regard d'anthropologue.
12:18 Ce sera à partir de 8h20.
12:20 Les matins de France Culture, Quentin Laffey.
12:23 Quatre ans et quatre mois de privation de liberté et en leur sein des années d'incarcération
12:28 dans l'une des plus redoutées des prisons au monde, celle des vignes au nord de Téhéran.
12:33 Farid Iba, Adelka, anthropologue, directrice de recherche au série Science Po, spécialiste
12:37 reconnue du chiisme et de l'Iran post-révolutionnaire, a pu regagner la France le 17 octobre dernier.
12:42 Vous êtes, madame, aujourd'hui l'invité exceptionnel de France Culture.
12:46 Merci encore d'être parmi nous.
12:48 Une question durant vos années de détention, qu'est-ce qu'ils filtraient ? Qu'est-ce
12:53 qui traversait les murs ? Est-ce que d'abord vous aviez des nouvelles de vos proches, de
12:57 vos soutiens en France et en Iran ? Et au-delà, qu'est-ce que vous saviez de l'actualité
13:02 iranienne ?
13:03 Donc si vous voulez, comme je vous ai dit, c'est vraiment découpé en deux parties.
13:09 La partie où on est dans l'arrestation provisoire et qui peut se renouveler tous les mois de
13:13 façon très légale avec nos signatures, notre accord.
13:16 Et l'autre partie, là, quand on rejoint la prison où se trouvent tous les autres
13:23 détenus au même moment.
13:24 Et on vit ensemble, on est entre 20, 30 et 60.
13:30 Ça dépend des moments et du temps.
13:33 Effectivement, on a une source d'information la plus intéressante pour nous, ce sont les
13:39 chaînes télévisées.
13:40 Donc effectivement, quand on est dans la détention provisoire, moi je n'avais pas accès à l'information.
13:46 Puisque j'étais pendant quatre mois dans un cellule-sol.
13:50 Et après, effectivement, on a la télé, mais pas les chaînes info.
13:55 On a la télé plutôt satellite pour regarder des films ou des documentaires, etc.
14:02 Mais en prison, on regardait l'information tous, tout ensemble, à 14h et à 20h30.
14:10 C'est réglementé, il y a énormément de règles pour que les 60 puissent habiter ensemble
14:15 sans poser de problème.
14:16 Donc c'était l'heure de grande écoute des informations.
14:19 Ensuite, on a les téléphones.
14:21 Vous savez, la prison change tout le temps, les règlements changent tout le temps.
14:27 Dans la première partie de mon arrestation, avant la réception de mon bracelet électronique,
14:33 c'était, on avait le téléphone 10 minutes par jour, enfin, trois jours par semaine et
14:41 10 minutes à chaque fois.
14:43 Ça faisait pas beaucoup.
14:44 Mais quand je suis rentrée, après qu'on m'a retiré le bracelet et qu'on m'a fait
14:49 retourner en prison, alors là, on avait des coups de fil possible allant jusqu'à une
14:54 demi-heure et tous les jours, sauf le vendredi.
14:57 Donc c'est une source d'informations, c'est par téléphone et par la famille.
15:00 Sinon, il y a une visite régulière hebdomadaire toutes les semaines avec la famille et les
15:09 gens obtiennent pas mal d'informations comme ça.
15:11 Mais donc, du coup, vous avez, si vous avez 60 personnes qui parlent des choses diverses
15:15 et variées, à la fois l'information, vous vous noyez dans des informations aussi très
15:20 contradictoires.
15:21 Vous savez, la prison, c'est une, il rend en miniature, c'est une communauté comme
15:25 une autre.
15:26 Donc les choses peuvent être selon les moments très, aussi très conflictuels, mais aussi
15:33 très différentes.
15:34 Les gens, ils ont pas du tout les mêmes intérêts, pas le même bagage, pas les mêmes accusations.
15:38 Même si on est entre prisonnières politiques, donc les demandes, les revendications sont
15:43 très, très différentes.
15:44 Donc voilà, j'étais la plus âgée.
15:46 Ce qui était intéressant dans votre démarche et notamment dans ce moment que vous avez
15:51 passé à la prison, Dévine, et je voudrais qu'on se concentre sur cet instant là, maintenant
15:55 dans notre échange, Fariba Adelka, c'est que vous avez, vous êtes restée vous-même
16:00 au fond, vous êtes restée une scientifique, une anthropologue.
16:04 Vous avez continué d'observer.
16:05 Qu'est-ce que vous avez observé, notamment à travers le regard de vos co-détenus ? Est-ce
16:11 que vous avez notamment observé une solidarité entre prisonnières politiques ? C'est ce
16:15 qu'on imagine souvent, une solidarité au sein de la prison.
16:18 Est-ce que c'est ce que vous avez constaté ?
16:20 Oui, mais je veux dire, on est ensemble 24 heures, donc on peut vraiment constater, comme
16:27 vous dites, beaucoup de solidarité, mais aussi beaucoup de conflits.
16:31 Encore une fois, c'est une communauté, en tant qu'anthropologue, on m'avait privée
16:35 de mon terrain, on m'en avait donné un autre, forcément, et encore parce que j'étais
16:39 la plus âgée, enfin souvent.
16:41 Donc forcément, c'était prendre ce recul qui était plus facile pour moi, à cause
16:48 de mon métier, parce que j'avais grandi dans ce métier à regarder les autres.
16:52 Donc forcément, les co-détenus se sont très vite transformés en véritable terrain pour
16:57 moi.
16:58 C'était bien, quoi.
16:59 Enfin bon, j'essayais de m'en sortir, voilà, c'était le biais par lequel j'essayais
17:05 aussi de respirer, de penser différemment, c'est aussi ça, c'est une façon aussi
17:09 de respirer.
17:10 Je voudrais citer Zeynab Jalalian, elle est incarcérée à la prison d'Evin depuis
17:15 2008.
17:16 Elle est la militante féministe kurde de 41 ans, la plus ancienne prisonnière d'Iran,
17:22 et elle a fait parvenir au monde un texte absolument magnifique.
17:26 "Je suis enfermée depuis plus de 16 ans pour avoir réclamé la liberté, la justice
17:30 et l'égalité.
17:31 Ma vraie douleur ne réside pas dans le fait d'être emprisonnée, mais dans la perte
17:35 de tous ces êtres chers tombés pour la liberté, ceux dont nous n'entendrons plus la voix."
17:40 Est-ce que cette valeur du courage incarnée à travers ces mots, elle est là aussi diffusée
17:46 au sein de la prison ? Est-ce que la valeur du courage est prépondérante parmi les prisonnières
17:50 politiques que vous avez rencontrées, que vous avez côtoyées durant ces années ?
17:53 Oui, tout à fait.
17:54 Parce qu'en fait, c'est des gens qui sont souvent arrêtés pour la revendication de
18:00 la liberté de mise.
18:02 Ils vont jusqu'au bout de leur revendication.
18:04 Ils arrivent en prison un peu détachés de toute leur famille, de tous les liens, de
18:10 leur travail.
18:11 C'est vraiment des gens absolument magnifiques.
18:15 Qu'est-ce qu'on peut dire d'autre ?
18:17 On dit souvent que le régime iranien arrête des personnes étrangères d'une façon totalement
18:24 arbitraire, ce qui est vrai, mais notamment pour nourrir une politique spécifique, qui
18:28 est la politique des otages.
18:30 Est-ce que vous savez, vous aussi, lorsque vous êtes rentré en France, lorsque vous
18:34 avez été libéré, est-ce qu'il y a eu un échange entre la France et l'Iran ?
18:39 Est-ce que vous avez des informations là-dessus ? J'ai entendu, j'ai lu même à travers
18:43 le travail de journaliste que ce n'était pas le cas.
18:46 Est-ce que vous nous confirmez cela aujourd'hui ?
18:48 Oui, oui, moi j'ai tout de suite, vraiment, j'ai revendiqué.
18:51 J'ai bien sûr deux nationalités, ce qu'on appelle les doubles nationalités, mais j'ai
18:57 tout de suite revendiqué qu'on me traite comme une Iranienne et que je refusais toute
19:01 forme d'échange, comme vous dites, tant qu'il y a lieu.
19:05 Mais sur cette question, je ne veux pas de tout m'étendre.
19:07 Je veux juste avoir une pensée pour les quatre autres Français qui sont aujourd'hui encore
19:14 en Iran.
19:15 Donc, Cécile Kholer, Jacques Paris.
19:18 Arrêtés tous les deux le 7 mai 2022.
19:21 Voilà, exactement.
19:22 Et Louis Arnaud et Olivier.
19:24 Et donc, maintenant, les raisons pour lesquelles ils ont été arrêtés, vraiment, permettez-moi
19:31 de ne pas m'étendre là-dessus, parce que tout simplement, ils sont encore là.
19:34 Et ensuite, qu'est-ce qu'on sait vraiment des vraies raisons pour lesquelles les gens
19:39 sont arrêtés ? Encore une fois, je dis après quatre heures et demie, je suis là devant
19:43 vous pour dire que je ne sais pas les raisons exactes pour lesquelles.
19:47 Effectivement, ce qui ne me paraît pas rationnel semble rentrer dans une certaine rationalité
19:52 pour mes interlocuteurs.
19:54 Donc, c'est la raison de nos conflits au quotidien avec eux.
19:58 Mais je voudrais citer une autre prisonnière de la prison d'Evine, une prisonnière politique,
20:05 lauréate cette année du prix Nobel de la paix.
20:08 Elle a réussi hier à faire parvenir des mots une réaction quant au prix Nobel qu'elle
20:14 avait reçu.
20:15 Je la cite là encore "la victoire n'est pas facile, mais elle est certaine".
20:19 Ce sont les mots de Narges Mohammadi.
20:22 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette idée, même cette idée d'espoir ? La victoire
20:27 n'est pas facile, mais elle est certaine.
20:29 Oui, si vous voulez, on avance par des coups.
20:34 C'est un peu ça.
20:36 On n'a jamais pensé qu'on finit un mouvement.
20:40 La démocratie, justement, c'est dans la durée.
20:42 C'est un rapport permanent avec vos revendications, avec les contestations.
20:47 Là, effectivement, par exemple, c'est ce qui s'est passé après ce mouvement "Femmes,
20:51 vie et liberté".
20:52 C'est qu'on reviendra plus loin en arrière.
20:55 On voit évidemment la liberté d'habillement, elle n'est pas respectée, elle n'est pas
21:03 dite de façon claire et évidente dans la loi.
21:07 Mais finalement, il est très, très difficile de faire porter à pas mal d'Iraniennes aujourd'hui
21:13 le voile.
21:14 On peut se balader dans les grandes villes avec la tenue qu'on se trouve ici en Occident.
21:20 Enfin, au quotidien, j'entends bien.
21:22 Mais en attendant, je crois qu'il y a beaucoup de gens qui continuent à le porter.
21:28 Mais même pour elles, on voit aussi un changement dans les formes d'habillement, dans les comportements,
21:34 dans les façons dont les femmes se tiennent en public.
21:38 C'est en ceci qu'on peut dire oui, il y a des choses qui changent.
21:43 Vous savez, on n'a jamais vécu la même chose en Iran.
21:46 Il y a eu des moments meilleurs et on peut toujours espérer, comme le dit très bien
21:51 Mohamed Naguess, on peut toujours espérer que les choses aillent dans le bon sens.
21:55 Les choses vont dans le bon sens, vous avez raison de le souligner Fariba Adelkar.
22:00 Et dans le même temps, le mouvement révolutionnaire se poursuit.
22:04 Je pense notamment à cette jeune fille, Armita Gheravand, qui est décédée il y a quelques
22:09 jours à la suite d'un coma.
22:11 Elle serait tombée dans le métro.
22:13 Elle aurait fait un malaise selon les autorités.
22:15 Les organisations non gouvernementales expliquent qu'en réalité, elle a été maltraitée
22:20 par la police des mœurs, ce qui lui reprochait d'ailleurs, comme Maasah Amini, de ne pas
22:24 porter correctement son voile.
22:26 Elle ne portait pas du tout de voile apparemment.
22:29 Il reste quand même encore beaucoup, beaucoup à faire.
22:31 Il faut beaucoup d'optimisme pour poursuivre le combat.
22:34 Oui, ce n'est pas l'histoire d'optimisme.
22:36 C'est le courage que nous avons d'espérer encore beaucoup de changements.
22:41 Et puis, c'est ce courage qu'ils ont les femmes de continuer leur mouvement et leur
22:45 combat.
22:46 Vous savez, il y a aujourd'hui dans les rues de Teheran, les femmes qui ne portent pas
22:49 le voile, elles se disent bonjour, que tu es belle.
22:53 Enfin, il y a plein de mots qui s'échangent juste pour la solidarité, pour exprimer
22:59 une solidarité ensemble.
23:00 Ça continue.
23:01 C'est vrai que c'est des petits pas pour vous, mais c'est des grands pas pour les
23:05 Iraniens qui n'avaient pas espéré ce jour et que peut-être il y a énormément de victimes
23:11 qui n'avaient pas espéré ce jour d'être capables de sortir sur les rues et s'habiller
23:15 comme ils veulent.
23:16 Encore une fois, le problème n'est pas le voile pour beaucoup de femmes.
23:20 C'est la liberté de s'habiller, de se comporter comme on veut.
23:24 Le problème est seulement l'obligation de porter le voile.
23:28 Il y a beaucoup de femmes qui le portent, qui l'ont porté avant, qui vont continuer
23:33 à le porter.
23:34 La question, ce n'est pas vraiment s'opposer à ce mode vestimentaire, mais s'opposer
23:39 à ce principe qui devient un principe légal, républicain.
23:44 Comment est-ce que vous qualifiez, Fariba Adelka, le mouvement qui se diffuse en Iran
23:50 depuis octobre 2022, depuis la mort, depuis le meurtre même de Massa Amini par la police
23:57 des mœurs iraniennes ? Est-ce que pour vous c'est une contestation, un mouvement révolutionnaire,
24:01 une révolution ? Quel regard, j'allais dire, scientifique vous portez sur ce mouvement
24:06 politique ?
24:07 Pour moi, c'est vraiment des actions très tactiques et il n'y a pas une grande stratégie
24:12 derrière quand on l'attend, il n'arrive jamais véritablement.
24:16 Il n'y a pas de leader comme on l'a souvent mentionné.
24:19 C'est un peu comme pour moi, c'est un peu la suite du mouvement Aminoun Siniataire qui
24:26 se battait contre les ségrégations et qui était magnifique, qui est magnifique.
24:30 Ce qui est intéressant pour moi, c'est qu'après la révolution, il n'y a que les femmes
24:35 qui brillent dans les mouvements de contestation.
24:37 Les mouvements classiques, on les connaît bien sûr, mais comme comportement nouveau,
24:44 comme forme de contestation, effectivement, on voit beaucoup les femmes s'affirmer et
24:49 comme elles ne veulent pas aller sous les tutelles ou sous les drapeaux d'autres mouvements,
24:54 c'est aussi la faiblesse de ce mouvement.
24:56 Mais en même temps, c'est vraiment très louable et très magnifique d'être en Iran
25:02 et de voir que finalement, il y a des moments qu'on n'attend pas.
25:05 Un mouvement de contestation se met en place, s'agite quelques jours et puis voilà.
25:12 Il faut savoir qu'en Iran, on vit une crise économique très, très importante.
25:16 Les gens sont plutôt aussi quelquefois très sceptiques, peut-être poros, et se transforment
25:24 en conservateurs parce que tout simplement, il faut gagner l'argent, il faut payer des
25:29 loyers, il faut travailler.
25:31 - Et vous relève au second plan ces dynamiques politiques ?
25:33 - Oui, si ce n'est pour les jeunes qui effectivement n'ont rien d'autre à perdre.
25:38 Ça me rappelle un peu le temps de la révolution, les jeunes sont plus au devant, ou les femmes
25:43 étaient plus au devant, elles n'avaient rien à perdre et c'est aussi le cas pour beaucoup
25:48 de femmes.
25:49 Mais oui, il faut travailler, c'est priorité des gens.
25:53 Vous savez, il y avait un coup d'inflation qui, je ne sais pas, on parle de 50, peu
25:59 importe, mais ce que vous achetez aujourd'hui, moi j'étais très surprise le jour de mon
26:04 arrivée quand j'ai pris un café au comptoir, je quittais Paris avec un café au comptoir.
26:08 Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème de pauvreté, etc., vraiment loin de moi l'idée,
26:13 mais j'ai pris un café au comptoir, c'était 1,20 euro.
26:17 J'avais quitté la France avec ce même 1,20 euro pour mon café, puis on n'a pas regardé
26:21 ma tête pour me donner un prix.
26:23 Alors qu'en Iran, ça change tous les jours et on regarde votre tête et ça, c'est la
26:27 tête de client pour un prix.
26:28 Donc on ne contrôle pas la situation économique, que ce soit pour les locations, pour les achats
26:34 au quotidien, pour tout, pour le travail que vous avez.
26:38 Donc du coup, c'est une situation non maîtrisable et donc c'est beaucoup de frustration.
26:43 Évidemment, la différence de vie entre les riches et les pauvres nous fait élargir
26:48 dans ce genre de situation.
26:50 Mais évidemment, les bénéficiaires ne sont pas seulement les gens à le pouvoir, c'est
26:54 aussi une partie de la société qui en bénéficie.
26:56 Je voudrais qu'on revienne, Fariba Adelka, à votre incarcération en lisant votre histoire,
27:02 en me renseignant sur ce que vous avez vécu en Iran.
27:05 J'ai pensé à cette citation des Racines du ciel de Romain Garry, ce moment où il
27:10 est emprisonné.
27:11 Il dit "Je dois vous dire aussi que j'ai contracté en captivité une dette envers
27:16 les éléphants dont j'essaye seulement de m'acquitter".
27:18 C'est un camarade qui avait eu cette idée après quelques jours de cachot, alors qu'il
27:22 sentait que les murs allaient l'étouffer.
27:23 Il s'était mis à penser aux troupeaux d'éléphants en liberté et chaque matin,
27:28 les Allemands le trouvaient en pleine forme, en train de rigoler.
27:30 Il était devenu ingérable, increvable.
27:33 Quand il est sorti de cellule, il nous a passé le filon et chaque fois qu'on n'en pouvait
27:36 plus dans notre cage, on se mettait à penser à ces géants fonçant irrésistiblement
27:40 à travers les grands espaces ouverts de l'Afrique.
27:43 Cela demandait un formidable effort d'imagination, mais c'était un effort qui nous maintenait
27:47 vivants.
27:48 Qu'étaient à vous, Fariba Adelka, vos éléphants lorsque vous étiez incarcérée ?
27:54 Je chantais.
27:55 Vous chantiez ?
27:56 Oui, ça ne remplace pas tout à fait, mais je chantais.
28:01 On va écouter un extrait de ce que vous chantiez et vous nous parlerez ensuite de cette chanson.
28:06 C'est parti.
28:07 C'est parti.
28:14 C'est parti.
28:21 C'est parti.
28:36 C'est parti.
28:59 C'est gougouche que l'on entend Fariba Adelka.
29:15 Qu'est-ce que raconte cette chanson et ces paroles persannes ?
29:19 En fait, c'est l'histoire de deux fenêtres encastrées dans le mur.
29:25 Vous savez, les fenêtres sont côte à côte, elles sont très proches, mais à cause de
29:30 cet encastrement, elles ne peuvent pas se toucher, elles ne peuvent pas se tenir la main.
29:37 Donc voilà, c'est l'envie que ce mur puisse un jour briser.
29:41 En fait, c'est une chanson qu'on me demandait, la plus jeune des deux tenues à Évin, Savo
29:48 Kordafjan.
29:49 Elle avait 19 ans quand je l'ai rencontrée, mais je ne l'ai finalement pas rencontrée
29:53 parce qu'on était dans des cellules différentes, séparées.
29:56 Un mur vous séparait ?
29:57 On était dans deux cellules différentes.
29:59 Oui, oui, oui.
30:00 Alors elle demandait souvent sa mère et un jour, j'ai essayé de parler avec les trous
30:06 qu'on avait sur la porte en disant mais ça va aller, ça va.
30:10 En essayant de la consoler, elle m'a demandé de lui chanter cette chanson qui est devenue
30:16 notre chanson de Évin.
30:18 Donc je la chantais souvent.
30:20 D'abord, bien sûr, j'ai commencé pour elle.
30:22 Ensuite, je l'ai beaucoup chantée dans la prison avec les autres femmes.
30:28 Je me suis fait une vocation.
30:30 J'ai été appelée souvent quand il y avait une commémoration de mort, les décès des
30:36 parents, des proches ou des anniversaires de mort.
30:39 Et on m'a demandé de chanter.
30:41 Il paraît que je mettais de l'ambiance.
30:42 Vous êtes devenue la chanteuse de la prison ?
30:44 Oui, la chanteuse de l'ouage de la prison, tout à fait.
30:47 Est-ce que vous avez encore des liens ?
30:49 Est-ce que c'est encore possible pour vous d'avoir des liens avec vos co-détenus d'Évin ?
30:54 Si vous voulez, il y a un site qui s'est formé tout de suite parce qu'on a été
30:59 nombreux d'être graciaires.
31:00 Donc en février dernier, plus de 40%.
31:04 Pourquoi vous avez été graciée comme ça en nombre ?
31:06 Exceptionnel, on ne sait pas.
31:09 C'est parmi les choses qu'on ne saura jamais.
31:11 Ça a arrivé, mais 5, 10 personnes, pas plus que ça.
31:17 C'était une quarantaine de personnes.
31:18 Et elles ont créé un site.
31:21 Mais à vous dire sincèrement, c'est aussi un peu sans sortir de cette situation,
31:27 partir et ne plus entendre les mêmes choses, les mêmes sons de cloche.
31:31 Ce sont des amis qu'on vous impose, vous ne les choisissez pas.
31:36 J'avais envie de prendre mes distances, alors qu'il y a eu d'excellentes relations,
31:41 surtout avec les trios, je les appelle les trios, qui m'ont soutenu pendant tout au
31:45 long de mon arrestation provisoire.
31:47 C'était les deux personnes qui travaillaient dans l'ONG d'environnement, Nilofar Bayani
31:56 et Sepideh Khoshoni, plus elles étaient les trois dans la même cellule, l'Australienne,
32:02 je crois que c'était Kylie Gilbert-Moore.
32:05 Et donc elles étaient toutes les trois ensemble, elles m'ont soutenu par la porte parce qu'on
32:10 essayait d'échanger en anglais ou en français, ce qui passait plus facilement, évidemment.
32:15 Elles m'ont fait parvenir plein de choses, plein de bonnes choses.
32:19 Je ne vais pas en parler parce que j'ai envie que ce mode d'échange puisse continuer.
32:24 Donc si on le dévoile, peut-être qu'ils seront condamnés pour de bon.
32:27 Donc je n'ai pas envie, mais ils m'ont fait jusqu'à me faire parvenir par exemple des
32:31 livres parce que moi je n'avais pas l'accès aux livres.
32:33 Et voilà, c'est possible, ça se passe, ça arrive.
32:37 Vous êtes rentrée en France, Fariba Adelka, le 17 octobre dernier.
32:42 Est-ce que la liberté, cette liberté nouvelle a le goût que vous espériez durant vos années
32:48 de détention ?
32:49 Oui, disons que j'ai retrouvé mon travail.
32:53 Je crois que c'est la plus belle chose que j'ai eue.
32:58 Après, Mathias Vichra m'a donné aussi la carte d'entrée.
33:04 Le directeur de Sciences Po.
33:05 Le directeur de Sciences Po m'a donné la carte d'entrée que je trouve le plus beau
33:08 cadeau qu'il m'a fait à mon retour.
33:10 Donc je suis très contente.
33:11 C'était pour ça que je voulais ma liberté.
33:13 J'ai retrouvé mes amis, mes liens.
33:16 Donc très beau pour moi, très intéressant.
33:20 Mais en même temps, vous avez ce goût, cette pensée pour les gens que vous avez laissé
33:24 derrière vous.
33:25 Et puis cette expérience qui finalement sera indélébile dans la mesure où il y a…
33:31 J'ai envie de rigoler, j'ai envie de tourner une page, mais c'est une expérience incomprise
33:38 encore aujourd'hui.
33:39 Et il y a eu des moments effectivement de grande tension que j'aimerais comprendre
33:43 parce que j'ai toujours communiqué avec l'Iran.
33:46 Il y a eu énormément d'échanges entre les universitaires français et les universitaires
33:51 iraniens.
33:52 J'aimerais tout simplement savoir pourquoi tous mes collègues n'ont pas à me défendre,
33:57 pourquoi tous mes collègues restés en Iran n'ont pas défendu la liberté académique,
34:02 la liberté scientifique.
34:03 Finalement, j'ai été arrêté pour avoir exercé ce métier et mon université a été
34:09 mise en cause parce que je considérais qu'en ayant des liens avec le ministère de l'Enseignement,
34:14 pourquoi les gens qui ont été en contact avec moi et avec cette université ne l'ont
34:19 pas soutenu.
34:20 Soutenu, si vous voulez, pour moi, il y a un autre combat qui commence pour sensibiliser
34:24 les gens sur la vérité de ce qui est notre métier.
34:26 Nous, on a besoin de…
34:29 Qu'est-ce que ça serait en Moyen-Orient désormais quand tout le monde, les chercheurs
34:34 reportent d'aller entrer en Iran ou dans les autres pays de port d'être un jour
34:40 incarcérés.
34:41 Je crois que ce n'est pas en Iran, enfin ce n'est pas en Moyen-Orient de lequel j'aspire.
34:45 Et donc j'ai vraiment envie que cette situation puisse un jour se clarifier et que les chercheurs
34:51 puissent avoir un grand droit.
34:53 Mais bien sûr, c'est un mouvement long.
34:54 Ce n'est pas un jour que ça se décide ou ça se définit.
34:57 Ce n'est pas avec ma propre plantée sol.
34:59 J'espère vraiment qu'il y a un mouvement de parler de la liberté académique parce
35:03 que ça touche à la liberté tout court.
35:05 Nous restons donc avec beaucoup de questions et nous restons avec vous Fariba Adelka.
35:10 Merci beaucoup d'être venue à France Culture, d'être venue raconter, témoigner, expliquer.
35:16 Nous sommes surtout très très heureux de vous savoir de retour en France.

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