Guerre Hamas-Israël : "le Hezbollah sur le plan militaire c’est autre chose que le Hamas"

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00:00 Et on va en parler avec François Hezbourg de cette guerre entre Israël et le Hamas.
00:05 Conseil spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique.
00:08 Bonsoir. Merci d'être avec nous ce soir.
00:10 Auteur de "Les leçons d'une guerre" et c'est aux éditions Odile Jacob.
00:16 Merci d'être avec nous.
00:17 - Merci à vous.
00:18 - La dernière fois qu'on vous a reçu, François Hezbourg, c'était sur la guerre en Ukraine.
00:21 En référence d'ailleurs à votre livre "Les leçons d'une guerre", la guerre en Israël,
00:25 entre Israël et le Hamas, a démarré après cette attaque du Hamas en Israël il y a 21 jours maintenant.
00:32 Vous qui êtes un spécialiste du terrorisme et des conflits,
00:35 d'abord comment est-ce que vous qualifiez cette attaque du Hamas en Israël ?
00:39 - C'est une attaque terroriste dans les modes d'action qui ont été utilisés.
00:45 Quand on tue des civils, hommes, femmes, enfants, bébés,
00:51 en général il n'y a pas d'autre mot que le mot terrorisme comme mode d'action.
00:55 Et bien sûr, le Hamas, d'après l'Union européenne, est une organisation terroriste.
01:02 - Israël a le droit de se défendre, c'est ce qu'a encore soutenu aujourd'hui Emmanuel Macron,
01:07 il n'est pas le seul, dans les limites du droit international.
01:10 Eux disent "on veut détruire le Hamas, l'exterminer", c'est quoi la limite ?
01:14 Ils peuvent aller jusqu'où finalement ?
01:16 - Écoutez, je crois qu'on a une sorte de modèle auquel nous avons participé,
01:22 c'est le siège de Mossoul.
01:24 Vous vous souvenez de Daesh, le Bataclan, tout ça, donc acte de terrorisme,
01:29 un peu moins important que ce qui vient de se passer en Israël,
01:32 mais quand même le Bataclan c'était 90 morts.
01:36 Et donc on est allé chercher Daesh, là où il se trouvait, dans son prétendu califat,
01:43 et notamment pendant des mois et des mois il y a eu ce siège très dur à Mossoul,
01:48 avec quand même plus de 2 millions d'habitants, comme à Gaza.
01:53 Et je crois qu'on est parvenu à respecter le droit international, le droit de la guerre,
02:00 mais ça n'allait pas de soi, c'est très très compliqué à ajuster.
02:05 Et si je rappelle ce passé récent qui nous concerne, il faut l'avoir en tête,
02:14 lorsque nous-mêmes nous sommes tentés de donner des conseils
02:17 ou de porter des jugements sur les actions non encore advenues des Israéliens à Gaza.
02:25 - C'est-à-dire de l'idée de leçon sur les bombardements à Gaza ?
02:28 - Non, pas sur les bombardements, sur l'invasion terrestre,
02:32 puisque c'est là qui est, semble-t-il, en jeu.
02:36 C'est là que tente de cadrer, en quelque sorte, la communauté internationale,
02:42 les États-Unis, la France, qui rappelle Israël à la nécessité,
02:49 dans sa défense, de respecter les droits internationaux.
02:53 Là, on se projette plus dans l'avenir que dans le passé.
02:57 - Mais justement, une offensive de grande ampleur,
02:59 est-ce que ça serait un bon calcul de la part de l'armée israélienne ?
03:02 Eux-mêmes disent que ça serait long, que ça serait très dur, y compris pour eux.
03:06 - Ce serait très dur, et là encore, c'est pour ça que je fais le rappel de Mossoul,
03:10 ça a duré plus d'un an.
03:12 Et la ville a été quand même, pour l'essentiel, détruite à Mossoul.
03:18 Il a fallu que les civils évacuent la ville pour se retrouver dans des campements,
03:24 dans le désert, etc., qui n'étaient pas franchement joyeux.
03:29 Du point de vue militaire, est-ce qu'il était nécessaire d'aller déraciner Daech à Mossoul ?
03:35 Je crois que la réponse est oui, dans le sens où...
03:39 - Même si ce n'est pas la fin de Daech ?
03:41 - Comment ?
03:41 - Même si ce n'est pas la fin de Daech ?
03:43 - Non, c'est jamais la fin.
03:46 Il y a des responsables de Daech qui vivent confortablement du côté du Golfe Persique,
03:53 et ils continueront vraisemblablement à le faire.
03:55 Par contre, Daech n'a pas pu monter une seule opération importante
04:00 contre les pays qu'il visait, dont la France.
04:03 On est quand même bien contents de ne pas avoir eu un nouveau Bataclan.
04:05 - Mais donc, quelle leçon on tire de ce siège dont vous parlez à Mossoul ?
04:11 Quelle leçon on en tire aujourd'hui, dans le cas d'Israël et du Hamas ?
04:15 - La leçon qu'il faut en tirer, c'est qu'effectivement,
04:19 il faut, dans la préparation de ce genre d'opérations,
04:23 intégrer dès l'amont, et là-dessus, le président de la République a tout à fait raison,
04:28 il faut que la donnée de respect du droit international humanitaire
04:32 et du droit de la guerre soit intégrée dès le départ.
04:35 Ça fait partie de la préparation et, le cas échéant, de la conduite des opérations.
04:40 Il n'est jamais trop tôt pour en parler.
04:43 - Mais est-ce qu'il l'applique aujourd'hui ?
04:46 - Ça, c'est au juriste de déterminer.
04:49 - Avec les bombardements de Gaza, avec le siège ?
04:53 - Où 500 personnes ont été tuées.
04:55 - Et le siège ?
04:56 - Non, pardon, quand je parle de l'hôpital où il y a 500 personnes qui ont été tuées,
04:59 je faisais une ironie.
05:00 - On ne connaît pas le chiffre.
05:01 - Non, et on connaît quand même assez bien l'origine.
05:05 Les médias et beaucoup de responsables politiques ont couru,
05:09 sans un instant d'hésitation, pour dénoncer la frappe israélienne
05:14 contre l'hôpital où il y avait au moins 500 morts.
05:18 - Ce n'était pas notre cas, ce n'est pas ce qu'on a demandé.
05:21 - Oui, mais il y en a beaucoup qui ont cavalé.
05:23 Et je crois qu'une certaine prudence s'est malgré tout installée, c'est salutaire.
05:30 C'est pour ça qu'avant de porter du jugement à l'emporte-pièce,
05:33 avec les mots lourds comme "génocide" qui apparaissent,
05:38 il faut peut-être avoir une idée un petit peu plus précise
05:41 de ce qui s'est passé, moi en tant qu'analyste des affaires militaires.
05:44 - Mais lorsqu'on fait le siège, par exemple, de Gaza,
05:46 ça c'est déjà contraire aux droits internationaux.
05:48 - Le siège, dans l'histoire de la guerre, il y en a 36 000.
05:52 Le siège de Mossoul était un siège, il n'était pas contraire aux droits internationaux.
05:58 En tout cas, je n'ai entendu aucun responsable arabe ou non-arabe
06:04 dire qu'il ne fallait pas faire le siège de Mossoul,
06:06 parce que tout le monde voulait effectivement la fin des Daesh.
06:09 Ce qui s'appliquait à Mossoul, je crois, s'applique à peu près dans les mêmes conditions pour Israël.
06:16 Du moins, si l'on suit le président de la République.
06:19 - Lui, il appelle aujourd'hui à une trêve humanitaire.
06:22 Il a fait justement ce voyage, François Esbourg, je vais vous faire réagir sur son voyage.
06:26 Il est allé en Israël, ensuite il est allé en Cisjordanie, en Jordanie, puis en Égypte.
06:30 Quel bilan faites-vous de ce voyage ? D'abord, c'était un succès pour vous, ce voyage ?
06:35 - Ecoutez, d'abord, ce genre de choses se jugent dans la durée.
06:39 On ne libère pas des otages comme ça.
06:43 Ça prend du temps. - Il n'y en a que quatre qui ont été libérés en 21 jours.
06:46 - C'est très difficile. Et bien sûr, s'agissant des otages français, pour l'instant, il n'y en a aucun qui ait été libéré.
06:53 D'ailleurs, on n'a pas encore de certitude sur le nombre exact de nos compatriotes qui sont captifs du Hamas à Gaza.
07:04 Et donc, ce jugement-là, on ne peut évidemment pas encore le porter.
07:08 Est-ce qu'il a rencontré le succès pour faire avancer la solution des deux États ?
07:15 La réponse honnête, c'est bien sûr que non, mais il était essentiel qu'il le rappelle,
07:21 parce que c'est quand même, au plan politique, à peu près la seule issue...
07:26 - Le seul repère. - Le seul repère, et du côté de l'autorité palestinienne,
07:30 et du côté d'une bonne partie de la classe politique israélienne,
07:35 c'est à peu près la seule balise dont on dispose.
07:39 Il a eu raison de la faire. Il a eu raison aussi de cadrer très précisément le rôle de Hamas à l'avenir.
07:48 C'est-à-dire que Hamas n'est pas un interlocuteur. Le Hamas fait partie du problème. Il ne fait pas partie de la solution.
07:55 - Et cette coalition dont il a parlé, contre le terrorisme, avec...
07:58 Maintenant, il parle plutôt d'opérations ciblées. C'est une bonne idée ?
08:01 - Écoutez, je ne sais pas comment...
08:03 - Est-ce que vous vous y rappelez avec Mossoul ?
08:06 - Non. Alors, la comparaison avec Mossoul, c'est... Je parlais essentiellement du point de vue militaire.
08:13 Mais l'idée de la coalition, quand il a sorti cette proposition,
08:19 je crois que beaucoup de gens sont tombés de l'armoire au quai d'Orsay, et même à l'Élysée,
08:24 parce que je crois que ça ne figurait pas de façon très précise au tableau des initiatives.
08:31 Et d'ailleurs, il y a eu quelques heures de grand désordre dans les explications fournies.
08:37 Et le président a dû finir par faire l'ajustement lui-même.
08:41 - Oui, mais enfin, il a dit qu'il continuait sur cette idée.
08:44 - Mais s'il s'agissait de faire une coalition militaire ou même une coalition politique, ça ne pouvait pas marcher,
08:52 puisque une bonne partie des pays mobilisés contre Daech, comme la Turquie,
08:56 où la plupart des pays arabes n'avaient aucune envie de rentrer dans ce type de logique, à l'encontre du Hamas.
09:04 - Donc comment ça peut se traduire ?
09:06 - On a entendu le président Erdogan parler du Hamas comme d'une organisation de libérateurs.
09:12 Donc maintenant, la position de repli du président, c'est de dire que ça va être une coalition humanitaire.
09:21 Il emboîte ça avec son idée de trêve humanitaire.
09:28 - Et ça, ça vous semble possible ? Vous qui connaissez bien les conflits,
09:31 on sait que c'est très compliqué tout de même d'arriver sur place.
09:34 Aujourd'hui, il y a eu la première aide médicale de la Croix-Rouge.
09:38 - Non, s'il s'agit de dire qu'on va contribuer à l'organisation des intervenants de la Croix-Rouge,
09:45 de l'UNRWA, de l'Égypte, du croissant rouge égyptien et ainsi de suite,
09:50 on peut appeler ça une coalition humanitaire.
09:53 Mais en fait, ça n'a plus rien à voir avec la proposition initiale du président Macron.
09:57 Et je pense qu'il regrette peut-être un petit peu d'avoir sorti cette idée sans grande préparation diplomatique,
10:07 puisque une bonne partie de nos partenaires ont été également totalement pris par surprise.
10:13 Si vous voulez faire une coalition de pays, il vaut quand même mieux leur en avoir parlé au préalable.
10:21 - Donc ils se replient sur l'humanitaire ?
10:23 - Ils se replient sur l'humanitaire, ce qui me paraît d'autant plus bienvenu
10:28 qu'avec l'arrivée du porte-hélicoptère Tonnerre, le navire hôpital, ça, c'est une très très bonne idée.
10:36 Ça va desserrer un peu la contrainte sanitaire à Gaza.
10:42 On va pouvoir effectivement faire en sorte que des patients puissent être traités à Chypre.
10:48 Ça permettra peut-être aussi...
10:51 - Donc ça veut dire qu'on les transporterait de Gaza ?
10:53 - Les hélicoptères, c'est fait pour ça.
10:55 - Sur le paquebot amiral, hôpital, jusqu'à Chypre ?
11:00 - Moi, je ne vois pas d'obstacle matériel, sauf à ce que le Hamas ou les Israéliens s'y opposent.
11:08 Je pense que le Hamas risque de s'y opposer parce qu'il ne souhaiterait probablement pas trop
11:15 que l'on aille voir dans les profondeurs de l'hôpital al-Shifa
11:18 la jonction entre l'hôpital et les tunnels de combat du Hamas.
11:23 - Donc ce n'est pas fait ?
11:24 - Ce n'est pas fait.
11:25 - Une dernière question sur les risques d'une déflagration régionale, François Heisbourg.
11:29 - C'est la méga question.
11:33 L'Iran, les Hezbollah ont entre leurs mains la capacité de faire changer de dimension ce conflit,
11:40 de passer à quelque chose d'infiniment plus violent militairement et de plus large régionalement.
11:48 Chacun, les Américains, les Européens, le président Macron,
11:53 tous essayent de dissuader ou de persuader ou de convaincre l'Iran et les Hezbollah de ne pas courir ce risque.
12:04 - Pour l'instant ?
12:06 - Pour l'instant, ça tient à peu près,
12:09 mais il ne suffirait que d'une petite erreur d'appréciation à Téhéran ou à Beyrouth pour que tout parte en vrille.
12:18 Et les Hezbollah, au plan militaire, c'est autre chose que le Hamas.
12:22 - Merci d'avoir été avec nous ce soir.
12:24 François Heisbourg, conseiller spécial de l'art à la Fondation pour la recherche stratégique auteur des "Leçons d'une guerre" chez Odile Jacob.

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