Médéric Chapitaux, ancien gendarme, fonctionnaire du ministère des Sports, docteur en sociologie, et auteur du livre « Quand l’islamisme pénètre le sport » (PUF), était l'invité de la matinale de franceinfo. Il répondait aux questions de Salhia Brakhlia.
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00:00 "Quand l'islamisme pénètre le sport", c'est le titre d'un livre qui paraît aujourd'hui aux presses universitaires de France.
00:06 Et son auteur est l'invité de France Info en exclusivité. Bonjour Médéric Chapiteau.
00:10 Bonjour.
00:11 Merci d'être avec nous ce matin, docteur en sociologie, ancien gendarme, vous avez aussi exercé des fonctions à la Fédération Française des Sports de Contact.
00:19 Normalement, le sport doit être neutre, religieusement.
00:23 Pour qu'on comprenne bien de quoi vous parlez exactement quand vous écrivez "l'islamisme pénètre le sport", concrètement de quoi il s'agit ? Quels sont les exemples concrets dont vous disposez ?
00:32 Avant de parler d'exemples concrets, pour illustrer le propos, c'est qu'en France on a tendance à faire un amalgame entre islam et islamisme.
00:39 Et le sport est un réceptacle de cet amalgame.
00:43 L'islamisme, c'est tout ce qui va en contradiction avec les règles du sport et le principe de neutralité que vous avez évoqué dans le champ du sport.
00:52 C'est-à-dire des exemples concrets, ils vont être gradués de quatre niveaux.
00:55 Ça va être de la permissivité, c'est-à-dire des gens qui vont s'autoriser le port du voile par exemple sur un terrain de sport.
01:02 Ça a été aujourd'hui contesté devant les tribunaux et les tribunaux ont donné raison au gouvernement français là-dessus.
01:07 Ça va être des gens qui vont être dans le communautarisme.
01:09 On se regroupe contre qu'aux religionnaires.
01:11 Pour un club de sport, les autres n'ont pas le droit d'y venir.
01:13 Là, on bascule dans le séparatisme.
01:15 Et enfin, la radicalisation.
01:17 Là, ça dépend des services de renseignement qui vont ficher les personnes au F.S.P.R.T.
01:21 Comme on l'a entendu depuis quelques jours, depuis l'attentat du professeur Narache.
01:25 Vous l'avez dit, il y a plusieurs niveaux dans cet antrisme religieux.
01:29 Vous dites qu'il y a deux disciplines les plus affectées, c'est le foot, notamment le futsal, et les sports de combat.
01:35 Pourquoi ces deux sports sont des terreaux selon vous ?
01:37 Alors, c'est pas nouveau.
01:39 On a les premières apparitions de cette identification depuis 2010.
01:42 En 2011, le Conseil de l'Europe avait alerté sur ces disciplines-là.
01:45 L'ensemble des pays européens.
01:48 Et on voit que dans mes travaux, j'ai recueilli des notes des services de renseignement
01:52 qui ont montré qu'il y avait vraiment une porosité à l'intérieur de ces deux disciplines.
01:56 Enfin, ces deux familles d'activités.
01:58 Alors, pourquoi ?
01:59 Le premier, c'est que le sport est un formidable espace de socialisation.
02:02 On ne peut que s'en réjouir.
02:03 Mais il y a parfois des déviances.
02:05 On l'a vu avec les violences sexuelles, on le voit avec le dopage.
02:07 Et là, on le voit avec l'antrisme islamiste.
02:09 Et donc, le football étant pratiqué par énormément de personnes, c'est un moyen de recrutement.
02:13 Par contre, les sports de combat, on est sur une version utilitariste.
02:16 C'est-à-dire qu'on veut se préparer au combat.
02:18 Et on a des documents des groupes terroristes à travers le monde qui sont publiés sur la toile
02:23 qui expliquent qu'il faut aller dans des clubs de sport de combat pour se préparer à terme aux djihadistes.
02:28 Donc, on a une forme...
02:29 Si je vous écoute bien, vous dites qu'il y a des clubs de boxe, par exemple, en France,
02:34 qui servent de lieu de recrutement pour les djihadistes ?
02:36 Aujourd'hui, on peut le confirmer.
02:38 Pour des djihadistes, déjà au moins pour dû à la radicalisation idéologique.
02:41 Après, pour aller plus loin, on verra pour ceux qui y sont passés.
02:43 On a un responsable des services de renseignement en France qui a dit,
02:47 lors d'un entretien très documenté, dans le cadre de ma thèse,
02:51 que quasiment tous les auteurs des attentats terroristes en France et en Europe
02:54 étaient passés par des clubs de sport de combat.
02:56 Mais c'est pertinent. C'est pertinent.
02:58 Puisque, techniquement parlant, ils cherchent à s'affronter aux forces de l'ordre.
03:01 Donc, autant faire des sports de combat plutôt que de la danse classique.
03:04 Dans votre enquête pour la Fédération française de football,
03:07 vous dites que le principe des prières avant le match finit parfois par s'institutionnaliser.
03:11 Oui.
03:12 C'est-à-dire ?
03:13 C'est-à-dire que dans des championnats, aujourd'hui, des clubs demandent,
03:16 dans les déplacements qu'on leur met à disposition,
03:19 un vestiaire pour pouvoir faire la prière avant le match.
03:22 Et on a même eu des cas, comme je le cite à un moment,
03:25 de deux éducateurs qui nous disent, nous, aujourd'hui, la prière,
03:28 elle est complètement intégrée à la préparation avant le match.
03:31 Mais on peut vous dire aussi en quoi c'est problématique
03:33 de prier dans les vestiaires avant un match ?
03:35 C'est une vraie question. C'est pas une opposition.
03:38 C'est ce que je dis, c'est de la permissivité.
03:40 C'est à tel moment où on sort du cadre républicain
03:42 qui est que c'est un espace de neutralité.
03:44 Le vestiaire fait partie du jeu.
03:46 Vous savez qu'un arbitre de foot a le droit de mettre un carton,
03:48 jaune ou rouge, dans le cadre du vestiaire pour des propos divers et variés.
03:51 Et que donc, c'est dans l'espace du jeu.
03:53 Et donc, dans l'espace du jeu, on ne prie pas.
03:55 Et dès qu'on commence à faire une prière collective,
03:57 en plus, ce qui plus est collective, ça peut poser des questions.
04:00 Si quelqu'un va, moi, je viens des sports de combat,
04:02 si on doit prier avant de monter sur un ring parce qu'on a besoin de ça,
04:05 on ne va pas l'interdire. C'est normal.
04:07 On met en jeu son corps, on met en jeu plein de choses.
04:09 Certains éducateurs nous disent que la religion fait partie de la performance sportive.
04:14 Et ça doit s'entendre.
04:15 Et donc, c'est ce que j'explique, on est dans le cadre de la permissivité.
04:18 Ça ne signifie pas que toutes les personnes qui vont faire une prière
04:20 vont devenir des terroristes demain.
04:22 C'est absolument pas le propos.
04:23 Oui, qu'on ne comprenne pas votre livre comme ça.
04:25 C'est absolument pas ça. C'est justement l'idée.
04:27 C'est de dire, attention, il y a une graduation.
04:30 Vous êtes capable d'identifier cette graduation.
04:33 Dans la très très grande majorité des cas, ça se passe très bien.
04:36 Qu'est-ce qu'on fait quand ça se passe moins bien ?
04:38 Et c'est là où il faut intervenir.
04:40 Et c'est là où il y a peut-être un sujet de discussion.
04:43 Justement, pour qu'on essaie de mesurer l'ampleur du phénomène,
04:46 127 associations sportives sont aujourd'hui identifiées
04:49 comme ayant une relation avec une mouvance séparatiste.
04:53 Si on vous objecte, par exemple, que c'est très peu
04:57 par rapport aux 360 000 structures déclarées,
05:00 finalement, c'est pas un phénomène massif.
05:02 Est-ce que ça valait le coup d'en faire un livre ?
05:04 C'est une très bonne marque, en plus, 127.
05:07 C'est les chiffres du gouvernement, ce n'est pas les miens.
05:09 Oui, c'est pour ça que je vous le dis.
05:11 On ne peut que s'appuyer dessus. On ne peut que se réjouir.
05:13 Je vais prendre le terme à dessein, que ça représente 0,07%
05:17 des associations sportives.
05:19 Et quand on le dit comme ça, je vous rejoins, il n'y a pas besoin d'en faire un livre.
05:21 Mais si je vous dis qu'on ramène ce chiffre en valeur réelle,
05:24 c'est 11 000 personnes qu'on laisse s'entraîner dans un environnement séparatiste
05:27 alors qu'on a une loi en France qui l'interdit.
05:29 Donc la loi séparatisme, elle a servi à rien ?
05:32 Si, elle a servi à écrire, maintenant il faut l'appliquer.
05:34 C'est là où on pêche ?
05:36 Pour l'instant, on vous a...
05:38 Qu'est-ce qu'il faudrait de plus, puisque vous, vous avez enquêté sur ces phénomènes-là ?
05:41 Qu'est-ce qu'il faudrait de plus ? Est-ce qu'il faut, comme pour l'éducation nationale,
05:45 instaurer des règles ? Il y a la loi de 2004 pour l'éducation nationale
05:48 avec l'interdiction des objets ostentatoires,
05:52 des signes religieux, le voile, la grosse croix.
05:56 Est-ce qu'il faut faire pareil dans le sport ?
05:58 Moi, je suis pour la cohérence pédagogique et républicaine.
06:01 Qu'est-ce qu'il y a derrière ce grand mot ?
06:03 On ne peut pas dire que le sport est un vecteur d'éducation
06:06 si on n'applique pas les mêmes directives et les mêmes consignes
06:08 que le ministère de l'Éducation nationale.
06:11 À partir de là, aujourd'hui, l'actuel ministre des Sports a rappelé les signes ostentatoires
06:15 et on ne peut que s'en féliciter et s'en réjouir.
06:17 Il n'en demeure pas moins, techniquement parlant,
06:19 une loi de 2004 étendue aux services sportifs permettrait aux dirigeants des clubs de sport
06:24 d'avoir une base légale sur laquelle s'appuyer pour pouvoir avancer.
06:28 Deuxième élément qui est incontournable pour moi,
06:30 imaginez qu'aujourd'hui, des éducateurs sportifs peuvent être fichés au plus haut niveau
06:34 et être en face-à-face pédagogique avec nos enfants
06:36 puisque la radicalisation n'étant pas illégale,
06:38 ils peuvent être avec une carte bleu-blanc-rouge devant des stagiaires ou des élèves au quotidien.
06:44 C'est ce que vous dites, on a un problème avec les encadrants,
06:46 parfois ce sont eux qui font du prosélytisme.
06:48 Évidemment, imaginez un éducateur sportif qui va être repéré par le renseignement,
06:53 va être fiché le matin en jet d'un groupe d'évaluation départementale
06:56 dans une réunion avec un préfet de département.
06:58 Tout ce qu'il y a de plus normal, ça arrive tous les jours,
07:00 il y a des chiffres, tous les jours les préfets se réunissent.
07:02 À midi, il est donc fiché par le renseignement, très bien.
07:05 À 14h, ce même éducateur a obtenu son diplôme d'état d'éducateur sportif
07:10 d'une discipline quelconque, de foot par exemple.
07:12 Et alors qu'il est fiché, l'après-midi, le même préfet va pouvoir lui délivrer
07:16 une carte bleue, blanc, rouge pour être éducateur sportif dans tous les lieux
07:19 puisqu'on ne peut pas l'interdire d'exercer.
07:21 Il y a un moment, il y a une dichotomie qui frôle l'absurdité
07:24 et je pense qu'il faut impérativement remettre un peu de cohérence pédagogique dans tout ça.
07:28 – Merci beaucoup, merci Médéric Chapiteau.
07:30 Quand l'islamisme pénètre le sport, ça sort aujourd'hui aux éditions, puf !
07:35 – Merci.