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Maud reçoit le professeur Jean-François Delfraissy, président du comité consultatif national d'éthique et ancien président du conseil scientifique qui publie aux éditions du seuil « Un médecin au front » co-écrit avec Denis Lafay. C'est lui qui a été choisi par le président pour gérer le conseil scientifique pendant la crise covid sur laquelle il reviendra. 



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Transcription
00:00 Bonjour Professeur Delfressi, c'est vous qu'Emmanuel Macron a choisi en 2020
00:04 pour gérer la crise du Covid.
00:05 Pendant plus de deux ans, vous avez dirigé le Conseil scientifique,
00:08 vous avez conseillé le chef de l'État sur les mesures sanitaires,
00:11 sur les confinements, sur les vaccins.
00:14 Dans votre livre, vous racontez comment tout ça s'est passé de l'intérieur,
00:17 cette gestion de la pandémie.
00:19 Avec le recul, qu'est-ce qu'il nous reste aujourd'hui de cette pandémie ?
00:21 Qu'est-ce que vous en retenez ?
00:24 Je pense que d'abord, l'immense majorité des Français a envie d'oublier.
00:28 Je me suis posé la question s'il fallait écrire un bouquin ou pas,
00:31 et je l'ai fait pour deux raisons.
00:34 D'abord, aller jusqu'à la transparence la plus complète.
00:37 J'avais décidé en tant que président du Conseil scientifique
00:39 qu'il fallait être aussi transparent que possible.
00:42 Et puis ensuite, il y a un devoir aussi quand même,
00:45 on vient de vivre une crise extraordinaire,
00:47 un confinement, deux confinements, trois confinements,
00:51 et il faut qu'il y ait une trace un peu,
00:53 et qu'on ait un devoir de mémoire un peu de tout cela.
00:56 Mais plus de transparence parce qu'il n'y en a pas eu assez
00:58 pendant la gestion de la crise ?
00:59 Il y en a eu, jamais assez, il n'y a jamais assez de transparence,
01:02 c'est bien clair.
01:03 Il y a des choses à certains moments qui ont été…
01:05 La décision a toujours été politique.
01:07 Les experts, on a conseillé, entre guillemets, éclairé,
01:11 souvent d'ailleurs dans un climat d'incertitude.
01:15 Et puis il y a certains moments où des choses ne se sont pas dites
01:17 parce qu'on ne le savait pas d'ailleurs.
01:20 L'absence de transparence, elle a été surtout liée
01:23 au fait que la science s'est construite au fur et à mesure de la pandémie.
01:27 L'absence de connaissance, oui.
01:28 Est-ce qu'il y a des moments où vous avez eu peur, vraiment peur ?
01:31 Vous vous êtes dit "le monde ne sera plus jamais pareil après cette pandémie" ?
01:34 J'ai eu peur deux fois, à vrai dire.
01:38 Juste le lendemain du confinement, j'étais sur mon balcon à Paris le soir
01:42 et je me suis dit "mais mon Dieu, qu'est-ce qu'on a conseillé
01:44 quand j'ai vu ce pari totalement vide ?"
01:46 C'était en mars 2020.
01:48 Et puis en avril 2020, nos projections avaient prévu
01:52 que le confinement très dur qui avait été réalisé
01:56 devait casser la courbe.
01:57 Et c'était le moment où, vous savez, il y avait les trains partaient de Paris
02:00 pour transférer les patients à Bordeaux, à Rennes.
02:02 Et je voyais la courbe qui ne se cassait pas.
02:04 Et je me suis dit "est-ce qu'on ne s'est pas trompé ?"
02:06 Et en fait, la courbe s'est cassée,
02:08 c'est-à-dire le fait que les contaminations s'étaient arrêtées,
02:11 s'est cassée deux jours plus tard.
02:12 C'est-à-dire que vous n'avez pas de regrets, par exemple, sur ce confinement lourd ?
02:16 J'ai beaucoup de regrets, ainsi que le Conseil scientifique, bien sûr.
02:19 Est-ce qu'on a tout fait bien ? La réponse est non.
02:22 On a essayé de faire au mieux, avec une certaine humilité,
02:25 avec beaucoup d'incertitude.
02:27 Moi, je sais que je suis considéré un peu comme une sorte de garde-chourme
02:30 qui vous a tous embêtés pour ne pas dire autre chose pendant deux ans et demi.
02:35 Mais en fait, je suis un type normal.
02:36 Mais vous referiez les choses de la même manière ?
02:39 Je ressens. Alors, est-ce qu'on a des regrets ?
02:41 Oui, on a des regrets sur, par exemple, le début de la crise.
02:45 Est-ce qu'on n'aurait pas dû conseiller de porter un défaut de masque,
02:50 de se protéger avec des foulards ou des masques occasionnels ?
02:54 Probablement si.
02:55 Est-ce qu'en juin 2020, est-ce qu'on n'aurait pas dû, dans les EHPAD,
02:59 faire attention de ne pas privilégier la santé au nom de l'humanité ?
03:03 Probablement si aussi.
03:04 Il y a eu beaucoup d'isolement ressenti quand même.
03:06 Bien sûr, il y a eu beaucoup d'isolement.
03:07 Mais inversement, je n'ai pas de regrets d'avoir conseillé
03:10 au président de la République de confiner.
03:12 D'ailleurs, ce n'est pas une décision française,
03:13 elle est européenne, disons-le, à peu près au même moment
03:17 et en fonction d'un certain délai.
03:19 Non, il fallait le faire, sinon on aurait eu beaucoup plus de décès,
03:23 en particulier chez les personnes âgées.
03:25 Et les vaccins, est-ce que vous trouvez que c'est allé trop vite ?
03:27 Est-ce que vous trouvez que les labos se sont engouffrés dans la brèche
03:30 et ont profité de la situation ?
03:33 Écoutez, si on n'avait pas eu les vaccins, qu'est-ce qu'on entendrait ?
03:35 D'abord, on ne serait pas dans cette situation-là,
03:37 puisque là, maintenant, on a une sorte de barrière
03:39 qui est liée à la fois à la vaccination et à l'immunité vaccinale.
03:43 C'est finalement une sorte de paradoxe.
03:47 C'est une victoire de la science extraordinaire.
03:49 Moi qui suis issu des maladies infectieuses, du sida, d'Ebola,
03:53 c'est les maladies sur lesquelles on n'a pas de vaccin,
03:55 et on peine et on crie et on se dit "pourquoi on n'a pas encore de vaccin ?"
03:58 Là, on a eu des vaccins, avec le vaccin Aménada, en neuf mois.
04:04 Bien sûr, c'est rapide, il y a eu beaucoup d'incertitudes sur les vaccins.
04:08 Nous nous sommes trompés initialement sur les vaccins
04:12 en disant qu'ils protégeaient contre la transmission.
04:14 Ils protègent mal contre la transmission,
04:17 ils ont une durée de vie relativement limitée,
04:19 d'où la répétition des vaccinations.
04:21 Inversement, on ne s'est pas trompé peut-être sur l'essentiel.
04:24 C'est-à-dire qu'ils protègent de façon très forte, puissante,
04:28 et soutenue contre les formes graves.
04:30 Un moment dans votre livre, vous évoquez l'excessive confiance
04:34 des autorités politiques françaises, à l'exception d'une personne,
04:37 Agnès Buzyn, l'ancienne ministre de la Santé,
04:39 qui est beaucoup moins sympa que vous pour le coup dans son livre,
04:41 puisqu'elle dit de vous que vous aimez aller dans le sens du vent,
04:44 elle vous accuse même de l'avoir mal conseillée.
04:46 Qu'est-ce que vous lui répondez, Agnès Buzyn ?
04:48 Je réponds que je ne suis pas là pour être dans la polémique.
04:52 Les Français, je pense d'ailleurs, ont ras-le-bol de ces polémiques.
04:55 Et puis, on est dans une temporalité différente.
04:58 Madame Buzyn, médecin, ministre, démissionne de son poste le 17 février.
05:04 Le Conseil scientifique est nommé le 6 mars 2020,
05:08 et il va travailler jusqu'au 31 juillet 2022.
05:10 Donc, on est dans autre chose.
05:13 Le Covid, ce n'est pas seulement le début mars 2020,
05:17 c'est deux ans et demi.
05:19 Je rappelle qu'il y a 185 000 décès en France,
05:22 où la France d'ailleurs s'en sort plutôt bien par rapport aux autres grandes démocraties.
05:26 La perte de durée de vie en France est de l'ordre de trois mois.
05:29 Je rappelle qu'elle est de moins 2,6 ans aux États-Unis,
05:33 qu'elle paye l'innovation.
05:34 Donc voilà, on est dans des temporalités différentes.
05:38 Parmi les personnes qui vous ont entouré dans ce Conseil scientifique,
05:41 il y avait notamment Didier Raoult.
05:42 Est-ce que c'était une erreur de le faire entrer au Conseil scientifique ?
05:46 Écoutez, je connaissais Didier Raoult depuis longtemps,
05:49 parce qu'on était un petit milieu dans le milieu scientifique en France.
05:52 Il a produit des choses intéressantes à un temps donné.
05:55 Je l'avais fait inviter à la réunion des scientifiques à l'Élysée.
05:58 Ensuite, oui, j'avais demandé à ce qu'il rentre dans le Conseil scientifique.
06:01 Il y est resté deux jours.
06:03 Il pensait à l'époque avoir trouvé la solution avec l'hydroxychloroquine.
06:06 J'aurais aimé qu'il ait eu raison.
06:08 J'aurais aimé.
06:09 Malheureusement, ce n'était pas le cas.
06:11 C'est lui qui est parti.
06:13 Dans votre livre, vous dites "regretter de ne pas avoir ouvert le Conseil scientifique aux citoyens".
06:17 Qu'est-ce que ça aurait changé ?
06:20 D'abord, il y avait une représentante de l'association ADT Carmon.
06:25 Ce n'était pas l'ouvrir aux citoyens.
06:26 C'était qu'à côté du Conseil scientifique, il y a un comité de citoyens.
06:30 Vous savez que je porte la notion de démocratie en santé,
06:33 qui est un triangle dans lequel il y a à la fois le décideur politique,
06:37 les sachants, les experts, et puis le citoyen.
06:40 La médecine, les soins, elles ne peuvent se construire que pour et avec les citoyens.
06:46 Et donc je regrette que le gouvernement, et je pense que c'est une erreur,
06:49 n'ait pas créé un comité de citoyens.
06:51 Un comité, par exemple, sur les écoles.
06:54 La France est le pays qui a gardé le plus longtemps les écoles ouvertes.
06:56 Mais les conditions dans lesquelles,
06:58 vous vous souvenez du début 2022 pour les enfants, etc.,
07:01 je pense qu'écouter mieux les citoyens et les parents d'élèves
07:04 auraient été probablement plus sensés.
07:06 Merci beaucoup Jean-François Delprécier d'être venu nous voir sur le plateau de Télématins.

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