Grand invité : Éric Fottorino, journaliste, co-fondateur de « Le 1 », écrivain, auteur de « Des gens sensibles » (Gallimard)
GRAND DÉBAT / Donald Trump : le retour de l'obscurantisme ?
« Le récap » par Bruno Donnet
Le monde de la recherche s'est donné rendez-vous dans la rue le vendredi 7 mars 2025 pour protester contre la politique de Donald Trump. Regroupés sous la bannière « Stand Up for Science », des scientifiques du monde entier manifestent dans 144 villes pour dénoncer les coupes budgétaires et les licenciements massifs imposés par l'administration Trump. « Un certain nombre de chercheurs américains ont maintenant peur de prendre la parole, peur de perdre leur emploi », analyse l'astrophysicien Olivier Berné qui co-organise les mobilisations en France. Les chercheurs dans les domaines du climat, de la recherche médicale et des sciences sociales sont particulièrement visés. L'administration Trump a par exemple fait supprimer des milliers de pages Internet consacrées à la prévention du VIH et à la maladie d'Alzheimer. Les manifestants réclament la sanctuarisation de leurs financements, la fin de la censure et la réhabilitation des scientifiques écartés brutalement de leurs travaux après l'élection de Donald Trump. Cette mobilisation massive qui traverse l'Atlantique suffira-t-elle à faire flancher un Président américain qui campe sur ses positions ?
Invités :
- François Gemenne, membre du GIEC, professeur à HEC, chercheur,
- Aurélie Trouvé, députée « La France Insoumise » de Seine-Saint-Denis, ingénieure agronome, enseignante-chercheure,
- Dominique Costaglia, directrice de recherches émérite à l'INSERM, membre de l'Académie des Sciences, épidémiologiste,
- Rudy Reichstadt, directeur de « Conspiracy Watch ».
GRAND ENTRETIEN / Éric Fottorino : « Des gens sensibles », ou la résonance du drame algérien
Éric Fottorino n'a jamais connu son père biologique. La recherche des origines, la quête d'identité a été au centre de ses nombreux romans. C'est le cas également pour « Des gens sensibles » qui suit l'histoire d'un jeune écrivain dans le Paris des années 90 qui ne connaît pas son père et qui publie son premier livre. Ce jeune écrivain, Fosco, fait la rencontre de Clara, attachée presse folle de littérature, et de Saïd, écrivain algérien exilé en France. À travers le personnage de Saïd, c'est la persécution des élites intellectuelles algériennes par les islamistes et les militaires lors de la guerre civile qui est dénoncée. Alors que le régime actuel d'Abdelmadjid Tebboune a arrêté injustement l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, « Des gens sensibles » nous montrerait-il les menaces d'une nouvelle décennie noire ?
Grand invité : Éric Fottorino, journaliste, co-fondateur de « Le 1 », écrivain, auteur de « Des gens sensibles » (Gallimard)
GRAND ANGLE / Emmanuel Macron : les mots choisis face à la guerre en Ukraine
- Mariette Darrigrand, sémiologue,
- Philippe Moreau-Chevrolet, consultant en communication et PDG de MC
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« Le récap » par Bruno Donnet
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- Rudy Reichstadt, directeur de « Conspiracy Watch ».
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Éric Fottorino n'a jamais connu son père biologique. La recherche des origines, la quête d'identité a été au centre de ses nombreux romans. C'est le cas également pour « Des gens sensibles » qui suit l'histoire d'un jeune écrivain dans le Paris des années 90 qui ne connaît pas son père et qui publie son premier livre. Ce jeune écrivain, Fosco, fait la rencontre de Clara, attachée presse folle de littérature, et de Saïd, écrivain algérien exilé en France. À travers le personnage de Saïd, c'est la persécution des élites intellectuelles algériennes par les islamistes et les militaires lors de la guerre civile qui est dénoncée. Alors que le régime actuel d'Abdelmadjid Tebboune a arrêté injustement l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, « Des gens sensibles » nous montrerait-il les menaces d'une nouvelle décennie noire ?
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00:00:00Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans Ça vous regarde ce soir.
00:00:10Éric Fautorino, notre grand témoin ce soir, merci d'être avec nous.
00:00:14Bonsoir.
00:00:15Vous êtes le co-fondateur de l'hebdomadaire Le 1.
00:00:18On va parler ensemble de votre dernier roman qui vient juste de sortir, Des gens sensibles,
00:00:23chez Gallimard, qui nous transporte entre Paris et Alger dans les années 90, La décennie
00:00:28noire.
00:00:29On réfléchit à nouveau sur l'identité, la liberté, l'amour des mots, leur pouvoir
00:00:34aussi, à l'heure où les relations entre l'Algérie et la France sont au plus mal.
00:00:39On va en parler longuement tous les deux dans la deuxième partie.
00:00:42Mais d'abord, les attaques de Donald Trump contre la science.
00:00:47Les chercheurs américains appellent à une mobilisation massive aujourd'hui contre leur
00:00:52président à travers le mouvement Stand up for science, budget sabré, jeunes scientifiques
00:00:58virés, accès aux données supprimés, l'offensive obscurantiste est sans précédent alors que
00:01:03faire ? La France et l'Europe s'organisent, nous en débattons dans un instant avec mes
00:01:09invités sur ce plateau.
00:01:10Enfin, grand angle ce soir sur les mots de la semaine, guerre et paix, l'intervention
00:01:15du président, la menace russe, la défense européenne, semaine où l'on a changé d'air,
00:01:21on décryptera tout cela avec nos chroniqueurs à la fin de cette émission.
00:01:26Voilà pour le sommaire.
00:01:27On y va.
00:01:28Eric Fautorino, ça vous regarde ?
00:01:29Ça commence tout de suite.
00:01:30C'est le moteur de la croissance économique américaine, la recherche, et pourtant, Donald
00:01:47Trump a décidé de la mettre au pas.
00:01:49Licenciement massif, tour de vis sur les budgets, l'administration s'applique méthodiquement
00:01:54à effacer les vérités scientifiques qui la dérangent.
00:01:57Alors à quoi fait-on face précisément et comment résister ?
00:02:00Cet après-midi, les chercheurs français se sont mobilisés en solidarité de leurs
00:02:05collègues américains un peu partout en France et vous y étiez, Dominique Costaglia.
00:02:10Bonsoir.
00:02:11Bonsoir.
00:02:12Merci d'être là.
00:02:13Vous êtes épidémiologiste, directrice de recherche et mérite à l'Inserm et membre
00:02:16de l'Académie des sciences.
00:02:18Vous débattez ce soir avec François Gemmet.
00:02:20Bonsoir.
00:02:21Bonsoir.
00:02:22Vous êtes professeure à l'UGIEC, professeure à HEC, spécialiste des migrations.
00:02:25Bonsoir.
00:02:26Aurélie Trouvé.
00:02:27Bonsoir.
00:02:28Bienvenue, députée LFI de Seine-Saint-Denis, ingénieure, agronome de profession, enseignante
00:02:31chercheure pendant des années.
00:02:33Vous aussi, vous sortez du cortège parisien.
00:02:36Enfin, bonsoir, Uly Reifstadt.
00:02:38Merci d'être avec nous, directeur de Conspiracy Watch, spécialiste des théories du complot
00:02:44et de la désinformation sur les réseaux sociaux.
00:02:47Eric Fottorino, il est pour vous, ce débat.
00:02:48Je suis sûre que le 1 a déjà beaucoup travaillé sur ces sujets de post-vérité.
00:02:53Vous intervenez quand vous le souhaitez, juste après, le récap de Bruno Denec, qu'on accueille
00:02:57tout de suite.
00:02:58Bonsoir, mon cher Bruno.
00:03:08Bonsoir, Myriam.
00:03:09Bonsoir à tous.
00:03:10Alors, ils sont attaqués de façon très frontale, les chercheurs américains.
00:03:14Oui, le combat de Donald Trump contre des scientifiques jugés trop dépensiers et totalement
00:03:19inutiles est en marche et Donald Trump s'est d'ailleurs ouvertement payé leur tête ce
00:03:25mardi devant le congrès.
00:03:2610 millions de dollars pour la circoncision masculine au Mozambique.
00:03:318 millions de dollars pour rendre les souris transgenres.
00:03:36C'est réel.
00:03:41Voilà, arreau sur la recherche, Trump a décidé de réduire de 20% le budget de la NASA, de
00:03:48licencier 800 scientifiques de la NOA, l'agence de recherche sur le météo et l'océan,
00:03:54mais également de virer 1200 employés du National Institute of Health.
00:03:58Ça, c'est la plus grande agence biomédicale au monde, au point en France.
00:04:04Certaines grandes voix de la communauté scientifique évoquent aujourd'hui des purges dignes des
00:04:10heures les plus sombres de notre histoire.
00:04:12On peut aussi penser à l'Allemagne en 1933 ou même à la France sous Vichy comme période
00:04:17où il y a eu ce type d'approche de chasse aux sorcières sur la communauté scientifique.
00:04:22Voilà, il faut dire que les faits sont assez préoccupants et les décisions parfois hautement
00:04:27baroques.
00:04:28Saviez-vous qu'il existe désormais des mots interdits ? Plus question.
00:04:33Pour les chercheurs, d'utiliser les termes transgenre, handicap, diversité, inclusivité,
00:04:40discrimination et même femme.
00:04:52Le masculinisme est en marche, Myriam, y compris là où on ne l'attendait pas.
00:04:57Les attaques les plus vives sont dirigées contre les chercheurs sur le climat ?
00:05:01Absolument, c'est le sujet qui défrise Donald Trump, qui veut également interdire l'usage
00:05:07du terme changement climatique et qui a largement fustigé les dépenses qui sont liées à
00:05:13la recherche sur la question.
00:05:23Alors vous pouvez trembler, vous François Jemen, vous qui avez rédigé, co-rédigé
00:05:28le sixième rapport du GIEC, car Donald Trump vient de faire en sorte que 8000 pages web
00:05:34dédiées aux évolutions du climat soient purement et simplement effacées des sites
00:05:39fédéraux, que les spécialistes de la météo soient empêchés de communiquer avec leurs
00:05:44collègues étrangers ou encore qu'il soit strictement interdit aux chercheurs de se
00:05:49rendre à la réunion du GIEC, celle qui s'est tenue la semaine dernière en Chine, car le
00:05:54président américain veut désormais pouvoir forer, drill, baby, drill et extraire du
00:06:00pétrole sans être contrarié.
00:06:02Tout ce qui est hostile à produire et exporter plus d'énergie fossile ou à accumuler des
00:06:08richesses est perçu comme l'ennemi, c'est ça qui se passe.
00:06:11Alors ironie de l'histoire Myriam, c'est très précisément aux Etats-Unis, en 1988
00:06:17et sous la présidence de Ronald Reagan qu'a été créé le GIEC.
00:06:20Merci beaucoup pour ce récap' Bruno Donnet.
00:06:23On va continuer dans le diagnostic pour prendre un peu la mesure de l'ampleur de ces purges.
00:06:27Je commence avec le climat, avec vous François Gémen.
00:06:31Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'on peut dire que toute la recherche sur le climat
00:06:34est stoppée nette aux Etats-Unis ou c'est exagéré ?
00:06:37Non, on peut dire d'abord qu'elle est stoppée nette et sans doute qu'il y a une partie
00:06:40qui ne renaîtra jamais, qui va disparaître sans doute définitivement malheureusement.
00:06:46Donc ce qui se passe est d'abord très grave pour la recherche sur le climat en elle-même,
00:06:52pour la contribution américaine au GIEC, c'est un pays où il y avait des recherches
00:06:56très nombreuses, très fournies sur le changement climatique, c'est très grave pour les collaborations
00:07:00avec nos collègues américains parce qu'on sait aujourd'hui que l'essentiel de la recherche
00:07:04elle ne se fait pas tout seul en bibliothèque mais ce sont des recherches collaboratives
00:07:08par des grands projets de recherche, c'est très grave parce que toute une série de
00:07:11thermomètres, d'instruments, d'observations de la Terre, de mesures, des concentrations
00:07:16de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, dépendent des agences américaines.
00:07:19Expliquez-nous ça, parce qu'on peut lire effectivement que les données météo, si
00:07:23elles ne sont plus américaines, c'est l'ensemble de la recherche mondiale sur le climat qui
00:07:28a un impact.
00:07:29De la même manière que notre défense est largement appuyée sur les capacités militaires
00:07:31américaines, nos capacités d'observation et de mesure du changement climatique se
00:07:37sont aussi largement appuyées sur les instruments, sur les agences américaines.
00:07:41Les météorologues du monde vont être aveugles ?
00:07:44C'est-à-dire qu'il va falloir développer toute une série d'instruments.
00:07:47Je pense par exemple à la NASA, la NASA avait tout un programme d'observation de la Terre
00:07:52qui était complètement sucré, ça veut dire qu'il va falloir développer un équivalent
00:07:56européen via Galiléo ou d'autres et donc on a les moyens de les remplacer, mais simplement
00:08:01il va falloir que nous nous prenions en main.
00:08:02Et ça va prendre du temps.
00:08:03Et puis c'est grave aussi, je pense, plus encore, plus grave encore que pour la recherche
00:08:08sur le climat en elle-même, c'est très grave surtout pour la démocratie, parce qu'on
00:08:12a là véritablement la marque d'un régime totalitaire et je suis frappé de voir que
00:08:18ces restrictions, ces interdictions proviennent de gens qui se prétendent être les apôtres
00:08:24de la liberté d'expression.
00:08:25Alors totalitaire c'est un mot très fort, expliquez-nous en quoi vous l'assumez.
00:08:29Moi je l'assume complètement, c'est la marque d'un régime totalitaire et ce qui est frappant
00:08:32c'est de dire que ça vient de gens qui se prétendent être les apôtres de la liberté
00:08:36d'expression.
00:08:37La liberté d'expression c'est comme le sexe, c'est ceux qui en parlent le plus qui en font
00:08:39le moins, très clairement.
00:08:41Et là, je trouve qu'il y a quelque chose de très inquiétant qui est révélé aussi
00:08:45par le climat de peur qui règne aux Etats-Unis chez nos collègues, c'est-à-dire qu'on voit
00:08:50aujourd'hui des collègues qui sont interdits par leur gouvernement de se rendre à une
00:08:54réunion, mais moi jamais j'accepterais que mon gouvernement m'interdise de me rendre
00:08:59à une réunion scientifique, j'irais quand même, quels que soient les consignes du gouvernement,
00:09:03parce que nous vivons pour le moment dans des démocraties libérales, eux n'osent même
00:09:06plus le faire tellement ils sont terrorisés littéralement par l'administration.
00:09:10Terrorisés, climat totalitaire, les mots sont très forts, un dernier mot ?
00:09:13Non, pas climat, régime.
00:09:15Régime, pardonnez-moi, vous avez raison de me reprendre, c'est pas la même chose, c'est
00:09:18encore pire, régime.
00:09:19Juste un dernier mot et on va passer sur les questions de santé et de médecine, le rapport
00:09:24du GIEC, le prochain, est-ce qu'il est compromis ?
00:09:26Oui, non seulement le rapport, mais peut-être même potentiellement l'existence du GIEC
00:09:31elle-même est compromise.
00:09:32La dernière assemblée générale qui se tenait en Chine la semaine dernière, c'était une
00:09:36assemblée un peu technique, qu'ils devaient se mettre d'accord sur des règles de procédure,
00:09:40sur un calendrier, on n'a pas réussi à dégager d'accord entre les pays, à la fois
00:09:46parce que les Etats-Unis s'en sont retirés, mais même parce que parmi les autres gouvernements,
00:09:50on sent bien aujourd'hui qu'il n'y a pas vraiment d'accord sur les procédures et potentiellement
00:09:55on peut tout à fait envisager que le GIEC disparaisse absolument.
00:09:58Alors on poursuit ce tour de table, ce diagnostic qui commence très fort et qui fait vraiment
00:10:04très peur à Dominique Costaglia.
00:10:06En matière médicale, qu'est-ce qui se passe précisément ? On a entendu Bruno Donnet
00:10:11nous parler des coupes sombres dans l'agence nationale fédérale de santé.
00:10:15Quelles conséquences ? Est-ce que c'est la même chose, le climat de peur, de terreur
00:10:20et au fond des mots qui racontent un moment quasi orwellien, totalitaire ?
00:10:25Oui, complètement.
00:10:26Déjà, tous les projets déjà financés sont en train d'être revus pour vérifier
00:10:32s'ils comportent ou pas les mots interdits qui ont été évoqués.
00:10:36Tout ce qui tourne autour de diversité, équité, intégration, jusqu'à donc femmes.
00:10:43Donc si vous voulez comparer ce qui se passe chez les hommes et chez les femmes...
00:10:48En matière de santé, c'est régulier dans les études.
00:10:51La DOGSA dit que ce n'est pas éthique parce que ça ne concerne pas la santé de l'ensemble des Américains.
00:10:55Mais ça veut dire concrètement qu'aujourd'hui, ça n'est pas possible.
00:10:58Déjà, aux Etats-Unis, les chercheurs ne peuvent pas faire ce genre d'étude.
00:11:01Tout ce qui avait déjà été financé et accepté, pour lequel le budget est versé tous les ans,
00:11:05est en train d'être vu et bloqué.
00:11:07Un certain nombre de gens ont déjà reçu des mails pour leur dire que
00:11:11votre projet de recherche ne sera plus financé.
00:11:13Alors, c'est au titre, soi-disant, des économies, mais vous voyez, la Gabgi,
00:11:17parce qu'ils ont été financés trois ans et les deux dernières années ne vont pas être financées,
00:11:21ça va s'arrêter du jour au lendemain.
00:11:22En matière sanitaire, en matière épidémiologique, c'est votre métier.
00:11:26Est-ce qu'il y a un risque pour les populations ?
00:11:28Il y a évidemment un risque pour les chercheurs qui travaillent
00:11:30dans ce métier.
00:11:31Vous voyez, le Center for Disease Control,
00:11:33qui est l'agence de surveillance américaine,
00:11:36ont été renvoyés les gens de l'intelligence service.
00:11:40Donc, c'est ceux qui enquêtent quand il y a une alerte.
00:11:42Donc, vous voyez, les gens qui travaillaient autour de l'épidémie de rougeole,
00:11:46bien les gens qui travaillaient autour de la grippe aviaire,
00:11:49ce qu'on craint avec la grippe aviaire.
00:11:5170 cas humains de grippe aviaire.
00:11:53On a les transmissions animales-hommes,
00:11:55mais on n'a pas encore de façon claire des transmissions inter-humaines.
00:11:59Et l'enjeu, c'est, est-ce qu'il va y avoir une variant qui apparaît
00:12:01avec des transmissions inter-humaines ?
00:12:03Il n'y a plus aucune donnée, plus aucune information sur ça,
00:12:05sur le site du CDC,
00:12:07et plus personne qui travaille sur ça parce qu'ils n'ont pas le droit.
00:12:09De toute façon, ils n'ont pas le droit de communiquer rien,
00:12:11ni sur leur site, ni avec les journalistes,
00:12:13ni d'aller à des congrès scientifiques,
00:12:15ni même de continuer...
00:12:17La détection des risques est mise en cause.
00:12:19Voilà, complètement.
00:12:21Des conséquences qui peuvent avoir des effets
00:12:23sur la santé des gens aux Etats-Unis.
00:12:25Et bien sûr, entre l'arrêt
00:12:27de financement
00:12:29de USAID
00:12:31et du programme PEPFAR.
00:12:33Le programme PEPFAR, c'était un programme mis en place
00:12:35par Bush, fils, en 2003,
00:12:37qui vise à
00:12:39produire des services de santé
00:12:41autour de la prise en charge
00:12:43des personnes vivant avec le VIH
00:12:45et de la prévention de l'infection à VIH.
00:12:47Ça sert, en gros, dans le monde,
00:12:49quelque chose comme 20 millions de personnes.
00:12:51Le programme a été...
00:12:53Avec les mots homosexualité,
00:12:55ça n'est plus possible.
00:12:57Le programme a été suspendu
00:12:59pour 90 jours.
00:13:01Vous allez trouver un site
00:13:03qui s'appelle pepfar.impactcounter.com
00:13:07sur lequel vous avez
00:13:09des chercheurs qui travaillent sur la modélisation
00:13:11de l'infection à VIH
00:13:13qui vous ont mis un compteur.
00:13:15Combien de gens sont décédés depuis le 24 janvier
00:13:17à cause de cette mesure ?
00:13:19C'est mis à jour tous les jours.
00:13:21Ce matin, c'était environ 20 000 personnes,
00:13:2318 000 adultes et 2 000 enfants.
00:13:25Avec le programme USAID, notamment.
00:13:27Un petit mot sur les vaccins,
00:13:29ARN messager, tout ça, on arrête ou pas,
00:13:31aux Etats-Unis ?
00:13:33Et sur le cancer, la recherche ?
00:13:35Pour l'instant, disons qu'on n'a pas
00:13:37de signal clair
00:13:39encore venant
00:13:41de RFK autour de ces problématiques.
00:13:43RFK, on va en parler dans un instant.
00:13:45C'est bien des choses dont on a...
00:13:47La personne qui va être en charge
00:13:49de la santé, hein.
00:13:51Mais on a...
00:13:53Il y avait des discours où il avait dit
00:13:55qu'il voulait arrêter de financer pendant 8 ans,
00:13:57faire un moratoire, c'était les recherches
00:13:59sur le cancer et les recherches sur les maladies infectieuses.
00:14:01Comme s'il n'y avait pas de relation
00:14:03entre maladies infectieuses
00:14:05et maladies chroniques.
00:14:07Bien sûr qu'ici, il y a des relations,
00:14:09et pour les cancers, un certain nombre d'entre eux
00:14:11sont liés à des maladies infectieuses.
00:14:13Il y a les prises de position
00:14:15de Robert Kennedy Jr. sur la santé,
00:14:17donc le ministre Trump
00:14:19est farouchement anti-vax,
00:14:21il y a ce qu'il dit et ce qu'il fait,
00:14:23ce qu'il faut distinguer.
00:14:25Qui est-il et comment, déjà,
00:14:27sa propre idéologie anti-vax
00:14:29a des effets concrets ?
00:14:31On parlait de la grippe aviaire,
00:14:33ce sont dans les communautés évangélistes
00:14:35qu'il y a le moins de protection vaccinale.
00:14:37Robert Kennedy Jr., c'est le neveu
00:14:39de JFK, c'est le fils de Bobby Kennedy
00:14:41et c'est quelqu'un
00:14:43qui est un militant anti-vaccination
00:14:45de longue date, qui a été pendant plus de 10 ans
00:14:47à la tête d'une ONG qui s'appelle
00:14:49Children's Health Defense,
00:14:51qui produisait un discours anti-vax,
00:14:53y compris sur la rougeole,
00:14:55qui a rallié Donald Trump
00:14:57il y a quelques mois, après avoir été lui-même
00:14:59candidat à l'élection présidentielle
00:15:01et qui a promis aux Américains
00:15:03de les rendre en meilleure santé.
00:15:05Make America healthy again,
00:15:07c'était son slogan. Et c'est le grand paradoxe,
00:15:09c'est-à-dire qu'on voit que les premières
00:15:11décisions qui sont prises, là, vont plutôt
00:15:13dans le sens inverse.
00:15:15Il a dû faire machine arrière.
00:15:17Là où il y a quand même un point d'espoir
00:15:19et peut-être d'optimisme, c'est que
00:15:21le populisme a quand même ses limites,
00:15:23c'est le réel. Le réel, c'est quand on se cogne.
00:15:25C'est-à-dire que le principe de réalité
00:15:27va peut-être rattraper cette administration,
00:15:29en tout cas sur la rougeole. Il a été obligé
00:15:31de ravaler son chapeau,
00:15:33RFK Jr., puisqu'il a dû
00:15:35faire un tournant à 180 degrés
00:15:37il y a quelques jours pour dire que oui,
00:15:39ils allaient vacciner, c'est important.
00:15:41Tout en vantant des traitements totalement
00:15:43efficaces, par ailleurs.
00:15:45Dans le discours, il y a une inflexion très nette,
00:15:47alors que lui expliquait que la rougeole,
00:15:49le vaccin contre la rougeole, était lié à l'autisme,
00:15:51on sait que c'est faux, c'est basé sur
00:15:53une étude truquée, il y a plus de 20 ans,
00:15:55et il a produit ce discours
00:15:57anti-vax, pas seulement anti-vax,
00:15:59complotiste, tous azimuts sur un tas de sujets,
00:16:01y compris géopolitiques.
00:16:03Il faut qu'il y ait des communautés qui sont très peu vaccinées
00:16:05à l'heure actuelle qui expliquent ça. La rougeole,
00:16:07il faut savoir, pour espérer...
00:16:09C'est une maladie pour laquelle
00:16:11les communautés durent très longtemps,
00:16:13mais pour espérer contrôler la diffusion,
00:16:15il faut avoir plus de 95 % de la population
00:16:17qui soit vaccinée.
00:16:19J'ajoute qu'un enfant est mort de la rougeole.
00:16:21Et un adulte, maintenant. Un jeune adulte,
00:16:23parce que ça fait des formes particulièrement graves
00:16:25chez les jeunes adultes.
00:16:27Alors qu'a-t-il expliqué que c'était pas une maladie mortelle,
00:16:29il y a encore quelques années ?
00:16:31Bien sûr, on poursuit le diagnostic,
00:16:33le tour de table dans les sciences humaines.
00:16:35Aurélie Trouvé, vous revenez du cortège parisien,
00:16:37vous avez croisé beaucoup de chercheurs,
00:16:39post-docs, comme on les appelle,
00:16:41qui vous racontent un peu
00:16:43comment ils se sentent menacés
00:16:45ou déjà sur le carreau
00:16:47à travers les coupes sombres
00:16:49dans les différents programmes de recherche.
00:16:51Il y a ce qu'on a appelé
00:16:53la lutte contre le wokeisme
00:16:55à l'université américaine.
00:16:57Les programmes, on l'a vu, avec les mots interdits.
00:16:59Femmes, discrimination,
00:17:01tout ce qui est diversité.
00:17:03Et puis il y a aussi les données
00:17:05scientifiques qui sont menacées.
00:17:07Expliquez-nous.
00:17:09Je voudrais dire qu'à la manifestation,
00:17:11il y avait plus d'un millier de scientifiques.
00:17:13C'est un succès.
00:17:15C'est un vrai succès.
00:17:17Moi-même, j'ai été enseignante chercheuse
00:17:19pendant 25 ans.
00:17:21D'abord, je suis extrêmement inquiète
00:17:23en tant que responsable politique,
00:17:25mais aussi en tant que chercheuse de métier.
00:17:27Parce qu'aux Etats-Unis,
00:17:29c'est un effondrement,
00:17:31c'est quand même un bousculement total
00:17:33pour la recherche publique.
00:17:35C'est très grave.
00:17:37Étant donné que je suis présente
00:17:39de la commission des affaires économiques
00:17:41de l'Assemblée, je peux vous dire aussi
00:17:43que c'est toute l'économie qui est impactée.
00:17:45Parce qu'il faut savoir que la recherche publique,
00:17:47il faut se redire ce que c'est.
00:17:49C'est la santé des gens.
00:17:51Mais c'est aussi toute l'économie.
00:17:53C'est l'innovation.
00:17:55Tout le progrès humain est fondé
00:17:57sur notre capacité de recherche publique.
00:17:59Avec les interdépendances
00:18:01avec les chercheurs américains,
00:18:03et vous parlez, par exemple,
00:18:05du wokisme.
00:18:07Il y a 5 200 personnes licenciées
00:18:09dans la recherche aux Etats-Unis
00:18:11parce que soupçonnées de wokisme.
00:18:13D'accord ?
00:18:15Et je veux dire aussi une chose.
00:18:17Ça a été dit à la manifestation.
00:18:19C'est qu'il y a des dérives,
00:18:21évidemment pas au même degré,
00:18:23mais dans d'autres pays, y compris en France.
00:18:25Il y a quelques années,
00:18:27on avait fait une sorte de chasse aux sorcières
00:18:29de tout ce qui pouvait ressembler à de l'islamo-gauchisme
00:18:31dans les universités.
00:18:33On n'est pas dans les mêmes proportions.
00:18:35Bien sûr, on n'est pas du tout dans les mêmes...
00:18:37Le macartisme et la chasse aux sorcières, aujourd'hui...
00:18:39Je dis juste qu'il y a besoin
00:18:41de la plus grande vigilance.
00:18:43Parce qu'on sent des signes aussi.
00:18:45La chute des budgets,
00:18:47là, il y a la suppression massive
00:18:49des milliers de milliards de dollars
00:18:51qui sont gelés.
00:18:53Une doctorante me disait dans la manifestation,
00:18:55une astrophysicienne,
00:18:57ça y est, mon programme est gelé totalement.
00:18:59Il n'y a plus de programme avec les chercheurs américains.
00:19:01Avec la diminution des coûts indirects,
00:19:03toutes les universités sont touchées,
00:19:05quel que soit leur domaine.
00:19:07Du coup, par précaution,
00:19:09on a potentiellement décidé
00:19:11de diminuer
00:19:13le nombre de doctorants
00:19:15qui vont embaucher en septembre prochain.
00:19:17Dans tous les domaines,
00:19:19même les domaines qui ne sont pas
00:19:21dans les domaines interdits.
00:19:23On supprime un certain nombre de mots
00:19:25et un certain nombre d'accès aux données scientifiques.
00:19:27Je voudrais dire que ça s'ajoute
00:19:29au fait qu'en France,
00:19:31il y a eu des coûts budgétaires année après année,
00:19:33dont une nouvelle de 630 millions,
00:19:35de 8 millions d'euros.
00:19:37Si vous voulez, on a ça du côté américain,
00:19:39qui touche nos programmes,
00:19:41mais il y a aussi...
00:19:43Bien sûr que ça n'a rien à voir,
00:19:45mais attention, la coupe budgétaire
00:19:47qui est annoncée de 630 millions...
00:19:49On ne fait pas notre débat sur le budget de la recherche française.
00:19:51Non, mais je dis que tout ça s'accumule.
00:19:53Vous l'avez bien expliqué.
00:19:55C'est très présent, très présent
00:19:57chez les jeunes chercheurs qui étaient là.
00:19:59Donc je dis simplement...
00:20:01On voit très bien ce que donne l'extrême droite
00:20:03avec un régime totalement obscurantiste
00:20:05côté Etats-Unis.
00:20:07Je dis juste qu'il faut la plus grande vigilance
00:20:09partout dans le monde et particulièrement en France.
00:20:11Eric Fautorino, à ce stade du débat,
00:20:13comment vous regardez ce phénomène ?
00:20:15On parle d'un moment orwellien.
00:20:17Est-ce que vous reprendriez l'expression ?
00:20:19On a pu lire MacCarthyisme,
00:20:21cette chasse aux vérités scientifiques,
00:20:23comme on chassait
00:20:25le soviétique aux Etats-Unis
00:20:27pendant la guerre française.
00:20:29J'ai même parlé de mesures,
00:20:31de gouvernements totalitaires,
00:20:33de pouvoirs totalitaires.
00:20:35Il y a beaucoup de choses qui ont été dites
00:20:37et qui nous ramènent à une sorte d'irréalité.
00:20:39Est-ce qu'on est vraiment en train de parler
00:20:41de ce qui se passe ?
00:20:43Et oui, en effet, c'est ce qui se passe.
00:20:45Il y a plusieurs choses.
00:20:47D'une part, les mots, la sémantique.
00:20:49Je me souviens de ce travail d'Otto Klemperer
00:20:51qui disait que l'ensauvagement du langage
00:20:53prépare l'ensauvagement des actes.
00:20:55Quand le langage s'ensauvage comme ça,
00:20:57c'est-à-dire que ce qu'on croyait vrai,
00:20:59c'est un monde inversé.
00:21:01C'est un monde complètement inversé.
00:21:03Si j'essaie de trouver des références,
00:21:05il y a des références historiques,
00:21:07des références philosophiques,
00:21:09le travail de Guy Debord sur la société du spectacle
00:21:11qui disait que dans un monde inversé,
00:21:13le vrai n'est plus qu'un moment du faux.
00:21:15Aujourd'hui, nous y sommes.
00:21:17Le vrai surnage difficilement,
00:21:19surtout avec les outils de l'IA,
00:21:21l'industrialisation du fake,
00:21:23fait que, finalement, la vérité
00:21:25devient très fragile.
00:21:27Dans le monde trumpiste,
00:21:29les platistes, ceux qui pensent que la Terre est plate,
00:21:31ont autant de droits de cité
00:21:33que les scientifiques qui démontrent le contraire.
00:21:35C'est ce relativisme-là.
00:21:37C'est ça, cette post-vérité.
00:21:39On parlait tout à l'heure de la liberté d'expression.
00:21:41En fait, il faut savoir
00:21:43que les Américains avant Trump
00:21:45sont tellement attachés au premier amendement.
00:21:47Il y a un premier amendement partout dans le monde.
00:21:49Le premier amendement, c'est la liberté d'expression.
00:21:51Mais on a vu le discours de Munich,
00:21:53de M. Weintraub.
00:21:55D'ailleurs, Munich...
00:21:57Mais c'est quoi ? Ca veut dire que la liberté d'expression,
00:21:59ils nous la font à l'envers.
00:22:01Ca voudrait dire de pouvoir être antisémite,
00:22:03de pouvoir être anti...
00:22:05-"Toutes les opinions se valent."
00:22:07-"Toutes les opinions se valent."
00:22:09Et c'est là, évidemment, la liberté d'expression
00:22:11ne peut pas aller sans la responsabilité.
00:22:13Et donc, je pense que là,
00:22:15c'est un monde qui est en train de nous construire irresponsable.
00:22:18Et là où je vois une limite,
00:22:20et Rudy Reichstein l'a bien dit pour la rougeole,
00:22:22c'est qu'à un moment donné,
00:22:24dans un monde qui est à la fois
00:22:26où il y a de la conflictualité,
00:22:28comment peut-elle se développer
00:22:30dans l'interdépendance ?
00:22:32Malgré tout, on est interdépendants.
00:22:34La mondialisation a fait que ce que font les Américains,
00:22:37nous, on en dépend, mais eux aussi
00:22:39dépendent de nous pour certaines choses.
00:22:41Vous avez beaucoup travaillé sur ces sujets.
00:22:43Au fond, c'est la question de la vérité qui est posée,
00:22:46la vérité scientifique, mise sur le même plan
00:22:48que ma vérité, moi,
00:22:50twittos.
00:22:52On parlait à l'instant du platisme.
00:22:54Tucker Carlson, grande figure
00:22:56de l'alt-right américaine
00:22:58qui était sur Fox News auparavant,
00:23:00a dit dans une interview l'année dernière
00:23:02que finalement, l'idée que la Terre est plate,
00:23:04c'est pas si délirant que ça,
00:23:06vu tout ce qu'on nous a caché par le passé,
00:23:08donc il est prêt à entendre y compris ça.
00:23:10En réalité, il est dans une forme de populisme,
00:23:12de démagogie pseudo-journalistique,
00:23:14et moi, je parlerais pas
00:23:16de régime totalitaire aujourd'hui aux Etats-Unis.
00:23:18Je pense que c'est le vrai tournant illibéral
00:23:20de la démocratie américaine.
00:23:22On est en train de le vivre.
00:23:24En revanche, qu'il y ait des germes
00:23:26de ce qui nous fait penser au totalitarisme,
00:23:28oui, il y a plus de 70 ans,
00:23:30Hannah Arendt, dans Les Origines du totalitarisme,
00:23:32disait que le sujet du totalitarisme,
00:23:34c'est pas le nazi convaincu
00:23:36ou le communiste convaincu,
00:23:38c'est celui pour qui il n'y a plus de différence
00:23:40entre le vrai et le faux.
00:23:42Si on brouille la différence entre le vrai et le faux,
00:23:44et qu'on ne sait plus s'y retrouver,
00:23:46ce relativisme-là...
00:23:48On ne peut plus faire société
00:23:50parce qu'on n'est plus d'accord sur ce qui est vrai et ce qui n'est pas.
00:23:52Mais ce relativisme, il est déjà
00:23:54à l'oeuvre en France.
00:23:56On cite l'exemple du platisme,
00:23:58de la Terre qui serait plate,
00:24:00comme un peu un exemple extrême.
00:24:02Mais sur toute une série d'autres sujets,
00:24:04sur la guerre en Ukraine,
00:24:06sur l'immigration,
00:24:08sur le climat, sur plein d'autres sujets de société,
00:24:10nous avons en France, chaque jour,
00:24:12des organes de presse qui déversent des contre-vérités,
00:24:14qui déversent de la propagande
00:24:16poutinienne ou d'extrême droite
00:24:18comme si c'était des vérités scientifiques.
00:24:20Si je peux ajouter une chose,
00:24:22il y a aussi dans ce type de dérive et de régime
00:24:24la recherche de boucs émissaires.
00:24:26Les intellectuels, les experts, les scientifiques,
00:24:28ils sont mis sur le banc des accusés
00:24:30parce qu'ils représentent une forme de magistère,
00:24:32justement, une autorité,
00:24:34une parole d'autorité.
00:24:36On pourrait parler sur le Covid aussi.
00:24:38Oui, absolument.
00:24:40Félicitez-vous directement.
00:24:42On pourrait parler des attaques contre l'ANSES,
00:24:44des attaques contre le CNRS.
00:24:46J'ai été chercheuse à l'INRAE.
00:24:48L'INRAE a été emmurée
00:24:50par un certain nombre de syndicats agricoles
00:24:52sans que j'aie entendu beaucoup
00:24:54de mots de soutien politique,
00:24:56en tout cas du gouvernement,
00:24:58pour l'INRAE.
00:25:00Mais c'est typique sur l'immigration
00:25:02que les discours ne se basent pas sur l'ANSES.
00:25:04D'ailleurs, ça ne veut pas dire que lorsqu'on a
00:25:06des autorités intellectuelles ou morales,
00:25:08qu'on ne puisse pas les critiquer.
00:25:10C'est sain de les critiquer aussi.
00:25:12Là, ce n'est pas de la critique,
00:25:14c'est de les condamner moralement.
00:25:16L'ANSES, ce n'est pas que de la critique.
00:25:18L'Agence nationale de la sécurité...
00:25:20Sanitaire.
00:25:22Je le dis, il va y avoir
00:25:24une proposition de loi...
00:25:26Il va y avoir une proposition de loi
00:25:28pour enlever la capacité de l'ANSES
00:25:30à interdire un certain nombre...
00:25:32Je dis que cette proposition de loi
00:25:34va être sur la table.
00:25:36Je dis simplement qu'il y a des dérives possibles
00:25:38et qu'il faut la plus grande vigilance.
00:25:40Je suis d'accord avec mon collègue,
00:25:42il y a des risques aussi ici.
00:25:44C'est ce qu'on peut faire dans cette mobilisation
00:25:46des chercheurs du monde entier.
00:25:48La France est aux avant-postes.
00:25:50Stéphanie Despierre et Marion Duvauchel
00:25:52ont promené un micro des caméras dans le cortège parisien.
00:25:54Regardez, on en débat juste après.
00:25:56La manifestation a commencé en début d'après-midi.
00:25:58C'est une mobilisation montée en quelques jours,
00:26:00mais ça a fonctionné.
00:26:02Des dizaines de personnes battent le pavé.
00:26:04Des plus célèbres comme la climatologue
00:26:06Valérie Masson-Delmotte,
00:26:08aux anonymes, des simples citoyens
00:26:10et bien évidemment un gros contingent
00:26:12de chercheurs, de scientifiques
00:26:14et d'étudiants dans tous les domaines.
00:26:16On a vu des délégations de l'Institut Pasteur,
00:26:18de l'Ecole Normale Supérieure.
00:26:20Tous veulent résister à ce qu'ils appellent
00:26:22l'offensive obscurantiste aux Etats-Unis.
00:26:24Alors pourquoi et comment ?
00:26:26Pourquoi ne pas avoir une initiative européenne ?
00:26:28Par exemple pour les accueillir.
00:26:30Nous partageons avec nos collègues américains
00:26:32cet héritage des Lumières.
00:26:34Il faut les embaucher.
00:26:36Et c'est peut-être une opportunité
00:26:38pour notre pays d'ailleurs.
00:26:40Parce qu'il y a très certainement
00:26:42des avancées technologiques majeures
00:26:44à faire sur le climat, sur l'environnement.
00:26:46Il y a certainement des découvertes à faire
00:26:48et c'est peut-être une chance
00:26:50pour notre pays d'embaucher ces gens
00:26:52pour investir dans ces technologies du futur.
00:26:54Eux, ils ont exprimé
00:26:56leurs désarrois en privé,
00:26:58à moi entre autres.
00:27:00Mais ils ne disent pas grand chose en public
00:27:02parce qu'ils ont peur des représailles.
00:27:04Donc je peux être un relais
00:27:06en donnant des exemples
00:27:08des difficultés qu'ils rencontrent
00:27:10depuis le 20 janvier.
00:27:12On connaît le programme PAUSE
00:27:14du ministère des Affaires étrangères
00:27:16qui accueille depuis 2017 des scientifiques en exil.
00:27:18Ce programme va être ouvert
00:27:20à des scientifiques américains.
00:27:22Ce qu'on n'aurait jamais imaginé,
00:27:24c'est d'accueillir des scientifiques américains
00:27:26comme des exilés ou des réfugiés.
00:27:28Le parcours de cette manifestation
00:27:30passe par des lieux emblématiques du savoir
00:27:32et de la recherche française.
00:27:34Ici, le Collège de France,
00:27:36puis la place de la Sorbonne.
00:27:38Et enfin, pour symboliser la solidarité
00:27:40avec leur collecte scientifique américain,
00:27:42les organisateurs ont demandé à chacun
00:27:44de déposer une fleur au pied
00:27:46de la réplique de la statue de la liberté
00:27:48qui est au Jardin du Luxembourg.
00:27:50Stéphanie Despierre avec les équipes d'LCP
00:27:52vous aurez sans doute reconnu.
00:27:54C'est un peu le moment rêvé pour l'Europe
00:27:56et pour la France d'attirer ces scientifiques
00:27:58et de leur dire à bras ouverts
00:28:00qu'on va créer un plan
00:28:02d'accueil et de programme de financement.
00:28:04Qu'attendez-vous ?
00:28:06C'est certain qu'à HEC,
00:28:08nous accueillons régulièrement des étudiants,
00:28:10des chercheurs, des enseignants
00:28:12de pays en guerre, d'Afghanistan, d'Irak, de Syrie.
00:28:14Peut-être demain, accueillerons-nous
00:28:16des collègues américains.
00:28:18Généralement, on les accueille sur la base
00:28:20du mérite et de l'excellence scientifique.
00:28:22Potentiellement, peut-être devons-nous leur offrir
00:28:24une forme de refuge.
00:28:26Il y a déjà le président d'Aix-Marseille
00:28:28à l'université, monsieur Berton,
00:28:30qui ouvre ses portes
00:28:32aux chercheurs américains
00:28:34qui le souhaiteraient.
00:28:36Faut-il favoriser ces initiatives ?
00:28:38J'ai tendance à dire que oui, mais je ne suis pas sûr
00:28:40que les collègues américains soient
00:28:42à ce point demandeurs.
00:28:44Pour le moment, j'ai pas vu tellement
00:28:46de chercheurs en exil.
00:28:48Il y a aussi des collègues russes.
00:28:50Beaucoup de collègues russes,
00:28:52il y a beaucoup de recherches sur le climat en Russie,
00:28:54au moment de l'invasion de l'Ukraine
00:28:56par la Russie, au moment des sanctions
00:28:58qui tombaient contre la Russie,
00:29:00se sont exilés aux Etats-Unis.
00:29:02Je me mets leur place de se dire que
00:29:04dans le pays qu'ils pensaient être un refuge
00:29:06pour leurs recherches, ils se trouvent
00:29:08à nouveau empêchés de mener leurs recherches.
00:29:10Demain, peut-être,
00:29:12nous, nous serons peut-être
00:29:14les terres d'accueil,
00:29:16à nouveau, peut-être,
00:29:18et des scientifiques russes partis s'exiler
00:29:20aux Etats-Unis.
00:29:22On avait déjà tenté de mettre en place ce programme en 2017
00:29:24avec Make Our Planet Great Again.
00:29:26Il y avait un programme d'accueil des scientifiques américains
00:29:28qui a marché à moitié
00:29:30parce qu'en termes de gestion
00:29:32de carrière et de salaire, ce n'était pas évident.
00:29:34La question, c'est
00:29:36de quel argent on parle ? Est-ce qu'il nous faut
00:29:38de l'argent public, des universités,
00:29:40d'un programme d'ampleur nationale
00:29:42à France, européen,
00:29:44ou est-ce que peut-être que l'argent privé,
00:29:46après tout, peut suppléer
00:29:48avec des programmes privés,
00:29:50des fondations pour essayer
00:29:52de sauver la recherche américaine ?
00:29:54La plupart des universités ont déjà créé des fondations
00:29:56dans le système actuel, mais
00:29:58on disait bien déjà précédemment
00:30:00que le budget de la recherche,
00:30:02au fond, ça fait des années qu'il s'effrite.
00:30:04La situation des universités françaises
00:30:06n'est pas très favorable à l'heure actuelle.
00:30:08Moi, dans mon université,
00:30:10qui est pourtant certainement pas la plus à plainte
00:30:12pour l'instant,
00:30:14on n'a pas les attributions pour l'année 2025.
00:30:16On en est quand même
00:30:18à plusieurs.
00:30:20Mais ça, il y a beaucoup de ministères qui sont impactés.
00:30:22On a 50 milliards d'euros d'économie.
00:30:24Je pense que
00:30:26les initiatives par rapport à ce problème-là,
00:30:28de la même façon,
00:30:30d'ailleurs, qu'on le voit en défense,
00:30:32devraient être au niveau de l'Europe,
00:30:34parce que c'est là qu'il peut y avoir la force de frappe.
00:30:36Que ce soit dans des programmes publics
00:30:38ou dans des programmes de paternariat
00:30:40public-privé, je pense que
00:30:42l'ampleur de la crise, c'est vraiment
00:30:44au niveau Europe qu'il faut qu'on arrive
00:30:46à trouver des solutions.
00:30:48Oui, alors des solutions,
00:30:50c'est évidemment cet accueil,
00:30:52mais je suis désolée, je vais le redire,
00:30:54ça demande effectivement un budget
00:30:56à la hauteur. Et or, je suis désolée,
00:30:58mais ce budget ne cesse de diminuer
00:31:00année après année.
00:31:02Il y a eu des grosses coupes l'année dernière et cette année.
00:31:04Je ne voudrais pas...
00:31:06On n'en a pas beaucoup parlé, mais c'est un des budgets
00:31:08les plus touchés par les
00:31:10restrictions budgétaires. Certes, tous les budgets
00:31:12sont touchés, mais celui
00:31:14de l'enseignement supérieur
00:31:16et de la recherche, particulièrement.
00:31:18Mais pas pour les mêmes raisons.
00:31:20Le problème, il est que quand même...
00:31:22Enfin, le résultat n'est pas si différent.
00:31:24Oui, il n'est pas différent.
00:31:26Il y a quand même un mouvement général
00:31:28qui viserait
00:31:30à penser que la recherche publique
00:31:32n'est pas si importante que ça.
00:31:34Or, elle est primordiale pour notre société.
00:31:36Et d'enlever 630 millions d'euros
00:31:38à des universités qui sont déjà à l'os,
00:31:40et je le dis à l'os parce que
00:31:42déjà, on avait des conditions... Enfin, vous aviez,
00:31:44j'en fais plus partie, des conditions de travail difficiles.
00:31:46Ça rajoute encore ces difficultés.
00:31:48Il faut comprendre que
00:31:50même les salaires... Les salaires, c'est
00:31:52honteux, les salaires auxquels on
00:31:54commence à 35-40 ans parce que d'abord,
00:31:56il faut avoir fait une thèse et des post-doctorats
00:31:58en pagaille. C'est des conditions de travail
00:32:00qui sont inacceptables et c'est surtout la recherche
00:32:02fondamentale qui n'est plus possible.
00:32:04On ne peut pas mettre sur le même plan la situation
00:32:06de l'université française au regard des budgets
00:32:08et cette attaque
00:32:10obscurantiste ou azimuthe
00:32:12des chercheurs américains.
00:32:14Il y a plus d'argent aux Etats-Unis,
00:32:16mais moins de liberté.
00:32:18Et du coup, ça veut dire
00:32:20qu'en France, si on veut réagir,
00:32:22il va falloir y mettre les moyens.
00:32:24François Gemmell, on se souvient très bien
00:32:26quand Donald Trump, en 2016,
00:32:28avait quitté les accords de Paris. Vous avez tout
00:32:30un tissu privé qui a repris
00:32:32le relais.
00:32:34Et finalement,
00:32:36la décarbonation des Etats-Unis
00:32:38ne s'est pas absolument
00:32:40arrêtée. Donc, est-ce qu'on peut
00:32:42imaginer la même chose avec
00:32:44le privé, avec les initiatives
00:32:46individuelles entre l'Europe
00:32:48et les Etats-Unis ?
00:32:50On peut imaginer qu'il y ait
00:32:52toute une série d'initiatives de recherche
00:32:54qui prennent le relais. Je pense,
00:32:56par exemple, l'observation satellitaire de la Terre,
00:32:58la mesure des concentrations
00:33:00de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
00:33:02J'imagine qu'il y aura soit des médecines,
00:33:04soit des fonds publics de recherche
00:33:06en Europe, en Chine, potentiellement,
00:33:08qui prendront le relais.
00:33:10Par contre, je pense qu'il y a quelque chose
00:33:12qui va être cassé pour de bon,
00:33:14effectivement, dans les carrières
00:33:16de ces chercheurs, dans ces thèmes de recherche.
00:33:18Je pense qu'on a tort de voir ça comme
00:33:20une sorte de balancier, de se dire
00:33:22on va faire le gros dos et dans 4 ans,
00:33:24on aura un président démocrate qui sera à nouveau
00:33:26ouvert et plus sympathique.
00:33:28Ca veut dire quoi ?
00:33:30Ca veut dire que ça reviendra plus.
00:33:32C'est des recherches qui, je pense, sont cassées
00:33:34pour de bon et ne reviendront plus.
00:33:36Je pense que les Etats-Unis vont
00:33:38disparaître de la scène mondiale de la recherche
00:33:40sur plusieurs sujets.
00:33:42Or, on sait que les Etats-Unis,
00:33:44ça a quand même été un grand pays de recherche,
00:33:46un grand pourvoyeur de prix Nobel.
00:33:48Je pense que c'est quelque chose qui va s'arrêter.
00:33:50Beaucoup de progrès sont venus des Etats-Unis
00:33:52et ce ne sera plus le cas.
00:33:54Vous savez mieux que moi.
00:33:56Jusqu'où, au fond,
00:33:58ce poison de la post-vérité peut aller
00:34:00aux Etats-Unis ? Vous l'observez
00:34:02sur les réseaux sociaux.
00:34:04On se dit que c'est fou parce que
00:34:06ils sont contre les cancellers,
00:34:08ceux qui annulent,
00:34:10mais ils ne font qu'annuler eux-mêmes.
00:34:12On peut leur renverser l'argument.
00:34:14Jusqu'où ça peut aller ?
00:34:16C'est ça. Je dirais jusqu'à
00:34:18le refus du réel,
00:34:20d'une certaine manière.
00:34:22On a un président qui prétend
00:34:24rendre sa grandeur à l'Amérique
00:34:26et qui rend l'Amérique plus petite.
00:34:28On le voit bien sur tout un tas de sujets.
00:34:30Il va handicaper son propre pays.
00:34:32La question, c'est...
00:34:34Est-ce qu'elle peut résister ?
00:34:36Est-ce que les Américains vont finir par se lever ?
00:34:38Je n'en sais rien.
00:34:40La mobilisation d'aujourd'hui en est peut-être
00:34:42un témoignage, mais est-ce qu'elle est à la hauteur ?
00:34:44Je suis sympathique et je la soutiens,
00:34:46mais ça reste une petite marche,
00:34:48une petite balade quasiment du week-end
00:34:50par rapport à l'ampleur des coupes
00:34:52qui se passent. Je suis effaré que les collègues
00:34:54américains acceptent ça sans se révolter.
00:34:56Sincèrement.
00:34:58Pour l'instant, les actions sont au niveau judiciaire.
00:35:00Pour l'instant, il y a peu de choses
00:35:02qui ont été jusqu'à
00:35:04la dernière instance, c'est-à-dire
00:35:06la Cour suprême. La seule décision
00:35:08qui soit allée jusqu'à la Cour suprême
00:35:10qui a dit que c'était illégal
00:35:12ce qui avait été fait par 5 voix
00:35:14contre 4, c'est la suspension
00:35:16de l'aide étrangère,
00:35:18donc tout ce qui est autour de USAID.
00:35:20Néanmoins,
00:35:22dans la mesure où
00:35:24les choses ont été
00:35:26démantelées,
00:35:28on ne sait pas dans quelle mesure ça va réellement
00:35:30re-rentrer en action
00:35:32et comme les choses ont été démantelées,
00:35:34les gens ont été renvoyés
00:35:36sur le terrain, par exemple
00:35:38en Afrique, les équipes ne sont
00:35:40plus là, je ne sais pas dans quelle mesure
00:35:42ça va être réparable si jamais
00:35:44les crédits revenaient.
00:35:46On va s'arrêter là. Je voulais juste dire
00:35:48que ce n'est pas que sur le propre pays des Etats-Unis.
00:35:50Par exemple, l'Agence de santé mondiale
00:35:52passe de 10 000 à 250 employés.
00:35:54C'est des recherches sur le sida,
00:35:56sur le paludisme qui concernent
00:35:58la vie de millions de gens.
00:36:00C'est pour ça que je dis qu'il faut maintenant aussi
00:36:02qu'en France et en Europe, on puisse prendre le relais
00:36:04qu'il puisse y avoir des efforts de recherche publique
00:36:06à la hauteur de ce qui est détruit aujourd'hui.
00:36:08Si on peut le faire sur notre défense, on peut le faire aussi
00:36:10pour nos chercheurs. On va essayer de s'arrêter sur cette
00:36:12note d'optimisme.
00:36:14Merci beaucoup.
00:36:16LCP voulait absolument s'arrêter sur ce sujet.
00:36:18C'est un enjeu démocratique qui nous concerne tous,
00:36:20bien au-delà de la question
00:36:22des chercheurs.
00:36:24Merci à vous. Vous restez avec moi, Éric Fautorino.
00:36:26On va parler à présent de votre
00:36:28dernier roman, comme souvent
00:36:30très personnel.
00:36:32Fosco, il est comme vous.
00:36:34C'est un écrivain, auteur des
00:36:36« Gens sensibles ». Tiens, tiens, c'est le titre
00:36:38de votre livre chez Ganimal.
00:36:40Il rencontre Clara et Saïd à Paris
00:36:42lorsqu'ils présentent son manuscrit.
00:36:44C'est l'invitation de Marco Ier.
00:36:46On en parle juste après.
00:36:48Si on vous invite, Éric Fautorino,
00:36:50c'est parce que votre
00:36:52quête identitaire s'applique
00:36:54aussi à vos personnages de romans.
00:36:56Dans votre dernier ouvrage,
00:36:58Jean Foscolani, dit Fosco,
00:37:00s'apprête à publier
00:37:02son premier livre dans le Paris
00:37:04des années 90.
00:37:06Et voici ce que dit de lui son ami.
00:37:08Il trouve triste qu'un jeune homme
00:37:10ne sache pas qui il est,
00:37:12même si son histoire se raccroche.
00:37:14Il dit qu'il vaut mieux tout savoir
00:37:16de son histoire, même si elle est terrible.
00:37:18L'origine, l'héritage,
00:37:20des thèmes qui vous habitent, Éric Fautorino.
00:37:22Homme de presse et de lettres,
00:37:24ancien grand reporter et directeur
00:37:26du journal Le Monde.
00:37:28De vous, nous retenons aussi des objets
00:37:30de presse atypiques. Le 1, Zadig,
00:37:32America ou Légende, auteur d'une quinzaine
00:37:34de romans, d'une dizaine d'essais,
00:37:36de l'homme qui mémé Touba à 17 ans,
00:37:38autant d'ouvrages pour questionner
00:37:40votre identité.
00:37:42Mon propre questionnement d'enfant,
00:37:44né son père dans une famille
00:37:46française catholique, ayant changé
00:37:48de nom à l'âge de 10 ans,
00:37:50par adoption, et découvrant
00:37:52à 17 ans que son vrai père,
00:37:54vrai évidemment avec des guillemets,
00:37:56est un Marocain et Juif de surcroît.
00:37:58Témoigner, pour mieux
00:38:00transmettre à travers la littérature,
00:38:02c'est aussi le message engagé
00:38:04des trois personnages de votre livre.
00:38:06Un trio inséparable,
00:38:08animé par la liberté.
00:38:10De Fosco, l'écrivain prometteur
00:38:12et innocent, acclara
00:38:14l'attaché presse passionné et insomniaque
00:38:16en passant par Saïd,
00:38:18exilé en France, fuyant la guerre
00:38:20civile en Algérie entre l'armée
00:38:22et les islamistes, dénonçant
00:38:24les assassinats et les persécutions
00:38:26des intellectuels. Son écriture
00:38:28faisait du bruit, trop aux yeux des islamistes,
00:38:30trop aux yeux des militaires,
00:38:32trop encore pour les dirigeants du FLN
00:38:34qui avaient dévoyé la révolution.
00:38:36Une histoire avec une résonance
00:38:38particulière alors que le français
00:38:40Boalem Sansal est détenu
00:38:42par les autorités algériennes depuis la mi-novembre
00:38:44sur fond de tensions
00:38:46diplomatiques entre Paris et Alger.
00:38:48Le combat pour la liberté
00:38:50d'expression, plus que jamais
00:38:52d'actualité.
00:38:54Alors on retrouve le thème de l'identité
00:38:56dans ce roman cher
00:38:58à toute votre oeuvre,
00:39:00cette identité qu'on cherche,
00:39:02qu'on cache, qu'on transmet
00:39:04parfois malgré soi.
00:39:06Et comme vous, Fosco
00:39:08ne connaît pas son père. Est-ce qu'il est mort ?
00:39:10On ne sait pas. Est-ce qu'il a été assassiné ?
00:39:12On ne le sait pas. Vous auriez pu écrire
00:39:14sur le pays de votre père, le Maroc,
00:39:16mais vous avez choisi l'Algérie.
00:39:18Vous racontez le drame
00:39:20algérien des années noires vu de Paris.
00:39:22Pourquoi ?
00:39:24Si vous voulez, c'est un texte qui vient de loin.
00:39:26C'est un texte que j'ai commencé à écrire
00:39:28il y a 25 ans.
00:39:30Pas du tout dans une actualité qui serait celle d'aujourd'hui.
00:39:32Mais j'avais été marqué
00:39:34par deux personnages,
00:39:36vraiment des personnages que j'ai connus
00:39:38dans le monde de l'édition.
00:39:40Une attachée de presse. Dans le mot attachée de presse,
00:39:42on dit souvent presse, mais c'est le mot attaché.
00:39:44Quelqu'un qui s'attache à un texte
00:39:46pour le défendre quand elle voit surgir un jeune auteur.
00:39:48Et puis un écrivain algérien
00:39:50qui était à l'époque très important
00:39:52et qui est mort, qui s'est laissé mourir.
00:39:54Et ces deux personnages qui ont
00:39:56été dans la réalité.
00:39:58C'est qui, alors, cet écrivain ?
00:40:00Saïd, je me suis beaucoup inspiré
00:40:02d'un homme que j'ai beaucoup aimé
00:40:04et très bien connu, qui s'appelait Rachid Mimouni,
00:40:06qui était un écrivain algérien
00:40:08très connu à son époque
00:40:10et qui, justement, dans les années 90,
00:40:12était pourchassé
00:40:14par les islamistes, voyait ses amis
00:40:16assassinés, égorgés, leurs enfants tués.
00:40:18Et donc, quand ils sont morts,
00:40:20l'un et l'autre, cette attachée de presse
00:40:22et cet écrivain, j'ai eu le sentiment
00:40:24qu'il ne restait que moi pour écrire cette histoire.
00:40:26Elle était douloureuse.
00:40:28Mais en même temps, je me suis rendu compte
00:40:30qu'avec le temps, on voit se décanter ce qui a été important
00:40:32dans votre vie et moins important.
00:40:34Et eux, ils ont été comme des météores dans ma vie,
00:40:36ils ont passé moins d'un an
00:40:38dans ma vie, mais cette année a été
00:40:40très fondatrice pour l'écrivain que je suis devenu.
00:40:42Mais que de résonance avec aujourd'hui,
00:40:44parce que moi, j'ai pensé à Kamel Daoud
00:40:46ou Alain Stenshal, bien sûr.
00:40:48Ces années noires, au fond, vous écrivez
00:40:50sur le survivant, celui qui
00:40:52a réussi à traverser
00:40:54ces années-là,
00:40:56qui a pu fuir la guerre,
00:40:58mais qui est toujours rattrapé par elle.
00:41:00Et Saïd est toujours rattrapé
00:41:02par ses amis intellectuels assassinés.
00:41:04Et il y repense sans arrêt,
00:41:06dans son ivresse permanente.
00:41:08Racontez-nous.
00:41:10Il vit dans un double exil, c'est un Algérien.
00:41:12Il a décidé,
00:41:14à un moment donné, puisqu'il est menacé,
00:41:16ses enfants sont menacés,
00:41:18de s'installer à Tangier, au Maroc,
00:41:20le coin le plus éloigné
00:41:22en Afrique du Nord de l'Algérie.
00:41:24Et puis, bien sûr, il est très souvent
00:41:26dans l'exil parisien. Et là, il y a le GIGN,
00:41:28il y a les gendarmes, ses faits et gestes
00:41:30sont protégés, donc surveillés.
00:41:32Il se sent tellement seul,
00:41:34il a peur,
00:41:36et il est désespéré.
00:41:38C'est l'histoire d'un homme qui croit, bien sûr,
00:41:40en l'écriture, pour conjurer,
00:41:42pour exorciser ce mal
00:41:44des obscurantistes,
00:41:46à la fois
00:41:48des salafistes, de l'armée,
00:41:50du FLN, etc., et en même temps,
00:41:52qu'il va se laisser mourir.
00:41:54Il va tomber malade, il va se laisser mourir.
00:41:56Et ce qui reste de lui,
00:41:58on le trouve dans les cabines téléphoniques
00:42:00devenues des boîtes à livres,
00:42:02encore qui sont là, en liberté,
00:42:04dans des boîtes, mais qui ne sont plus...
00:42:06Lui n'est plus vivant.
00:42:08C'est aussi un livre sur le pouvoir
00:42:10de la littérature. C'est un trio.
00:42:12C'est un trio.
00:42:14C'est l'histoire un peu de Jules et Jim,
00:42:16au fond, que vous racontez,
00:42:18entre Clara Fosco et Saïd.
00:42:20Est-ce que vous avez le sentiment
00:42:22qu'au fond,
00:42:24cette histoire, il faut la comprendre
00:42:26pour nous, Français,
00:42:28ou de là-bas ?
00:42:30En quoi est-elle
00:42:32si fondamentale ? Parce qu'on a
00:42:34tous lu Houri de Kamel Daoud,
00:42:36qui montre à quel point cette dessinée noire,
00:42:38cette histoire, n'est pas faite
00:42:40ni là-bas, ni ici,
00:42:42mais c'est moins la nôtre. Pourquoi elle est fondamentale ?
00:42:44Elle est fondamentale, pour moi,
00:42:46en tout cas, d'abord parce qu'elle s'est
00:42:48incarnée dans un homme, dans une femme,
00:42:50et un homme qui croyait justement
00:42:52à la littérature pour faire
00:42:54exploser toute l'ignorance,
00:42:56l'indifférence,
00:42:58et aussi, peut-être, réparer
00:43:00par les mots ce qui, dans sa chair, saignait
00:43:02profondément le fait que,
00:43:04par exemple, une voiture officielle
00:43:06sans plaque d'immatriculation
00:43:08va assassiner son fils
00:43:10dans le roman,
00:43:12c'est quelque chose d'abject.
00:43:14Eh bien, lui, il se raccroche
00:43:16à la possibilité qu'un livre peut,
00:43:18à un moment donné, dire, je ne suis pas libre,
00:43:20mais par mes mots, je me libère,
00:43:22et surtout, je fais prendre conscience
00:43:24à vous, ce qu'a fait Kamel Daoud,
00:43:26je vous fais prendre conscience,
00:43:28que là, tout près de vous, français,
00:43:30de l'autre côté de la Méditerranée,
00:43:32il y a ce drame qui se joue. Côté algérien,
00:43:34on voit bien que cette histoire
00:43:36dont on n'a pas pu
00:43:38parler pendant des années,
00:43:40c'est, en fait,
00:43:42il y a un ennemi à jamais,
00:43:44c'est la France.
00:43:46Une guerre civile où des Algériens
00:43:48se déchirent entre eux, ça ne doit pas
00:43:50être dit, parce que c'est comme
00:43:52justement une autre vérité,
00:43:54et cette vérité, il faut la cacher.
00:43:56Ca ne peut pas exister.
00:43:58Comment ça se fait décrire
00:44:00en pleine actualité,
00:44:02en pleine tension
00:44:04entre Paris et Alger,
00:44:06alors que Boislem Sansal est l'un de vos amis
00:44:08et qu'il a été arrêté
00:44:10plus de trois mois maintenant
00:44:12pour être atteinte à la sûreté de l'Etat ?
00:44:14Comment on fait pour porter un texte
00:44:16avec tout ça qui vient se percuter ?
00:44:18C'est une synchronicité, comme on dit,
00:44:20qui est troublante, puisque, comme je vous l'ai dit,
00:44:22j'ai commencé ce texte il y a 25 ans
00:44:24et je n'arrivais plus à l'écrire.
00:44:26D'abord, il y avait beaucoup de douleur
00:44:28de repenser à cet homme et à cette femme
00:44:30que j'avais beaucoup aimé.
00:44:32Je savais que je ferais un roman,
00:44:34parce que c'était leur rendre hommage
00:44:36que d'en faire des personnages de romans
00:44:38et de prendre la liberté de l'imaginaire.
00:44:40Mais au fur et à mesure que j'avançais,
00:44:42j'ai repris ce texte en 2017,
00:44:44puis en 2023, vous voyez,
00:44:46et puis, l'an dernier,
00:44:48j'ai commencé vraiment à le finaliser
00:44:50et puis, il y a quelques mois,
00:44:52à le donner à mon éditeur et à corriger.
00:44:54Chez Gallimard, on me disait
00:44:56que j'avais l'impression
00:44:58de parler de Boislem Sansal.
00:45:00J'ai dit oui, c'est vrai,
00:45:02et je vais penser à l'éternel retour,
00:45:04c'est-à-dire que quand un mâle
00:45:06n'a pas été soigné, vous êtes condamné
00:45:08à le revivre et il se reproduit de la même manière.
00:45:10Et donc, c'est vrai que c'est d'autres mots,
00:45:12c'est d'autres gens, c'est plus Rachid Mimouni,
00:45:14c'est Kamel Daoud, c'est Boislem Sansal,
00:45:16mais eux-mêmes ne sont pas écrasés,
00:45:18en tout cas, Kamel n'est pas écrasé,
00:45:20mais aujourd'hui, effectivement,
00:45:22Boislem Sansal, il est entre les mains
00:45:24de gens qui veulent qu'il arrête de parler.
00:45:26C'est la figure de l'écrivain,
00:45:28de l'intellectuel algérien, persécuté
00:45:30dans un moment particulier où, finalement,
00:45:32l'Algérie n'aime plus trop ses intellectuels.
00:45:34Comment vous voyez, on va parler
00:45:36de Boislem Sansal particulièrement,
00:45:38mais vous avez vu que les éditions
00:45:40France Fanon ont été fermées
00:45:42et qu'il y a des éditeurs qui sont menacés
00:45:44en Algérie, que la presse,
00:45:46une partie d'entre elles, est très clairement
00:45:48muselée. C'est devenu
00:45:50une véritable dictature,
00:45:52le pouvoir d'Abdelmajid Tebboune ?
00:45:54Ecoutez, ce qui est certain,
00:45:56c'est qu'il n'y a plus de liberté
00:45:58et, d'une certaine manière,
00:46:00Boislem Sansal était la sentinelle
00:46:02d'une liberté, c'est-à-dire que je me souviens,
00:46:04je l'ai interviewé pour le 1, précisément,
00:46:06et je me souviens d'un texte que j'ai remis en forme,
00:46:08parce que c'était une oralité,
00:46:10qui s'appelait Les sept plaies de l'Algérie.
00:46:12Il était à Boumerdes, et moi, j'étais à Paris,
00:46:14je lui téléphonais, et je lui disais
00:46:16les mots de l'Algérie, et il disait
00:46:18l'FLN, l'armée, l'arabisation, etc.
00:46:20Je lui disais, Boislem, tu peux parler comme ça ?
00:46:22Il me dit, oui, bien sûr, mais il me laisse en liberté
00:46:24ce qui leur donne la caution
00:46:26d'être une démocratie.
00:46:28Eh bien, cette caution a disparu.
00:46:30Effectivement, à travers la figure de Boislem Sansal,
00:46:32ça aurait pu être, d'ailleurs, qu'Amel Daoud,
00:46:34s'il était revenu en Algérie,
00:46:36il aurait peut-être cueilli de la même manière
00:46:38sur le tarmac de l'aéroport.
00:46:40Il le dit, je n'ai pas fait le dernier voyage, Boislem l'a fait.
00:46:42Il y a évidemment
00:46:44les dernières informations
00:46:46selon lesquelles Boislem Sansal
00:46:48aurait dû changer, d'après ses avocats algériens,
00:46:50d'avocat français.
00:46:52Parce qu'il est juif.
00:46:54On va laisser les téléspectateurs
00:46:56se faire leur opinion.
00:46:58La France, comment vous regardez
00:47:00ce bras de fer ?
00:47:02Elle doit dire, enfin, le chantage doit cesser.
00:47:04Ça, c'est la ligne Retailleau,
00:47:06la ligne de François Bayrou,
00:47:08aujourd'hui, ou, au contraire,
00:47:10la voie feutrée du quai d'Orsay
00:47:12et de la diplomatie doit primer, comme le veut
00:47:14le chef de l'Etat ?
00:47:16Je pense que la voie feutrée n'a
00:47:18montré aucune efficacité.
00:47:20Faire ce qu'on appelle une défense de connivence,
00:47:22en disant, oui, on reconnaît
00:47:24vos institutions, donc c'est un malentendu,
00:47:26ça n'a eu aucun effet.
00:47:28Donc, je pense que ce régime,
00:47:30c'est terrible de dire ça,
00:47:32mais, au fond, on ne connaît que la force.
00:47:34Donc, le rapport de force.
00:47:36En ce moment, il y a une renégociation
00:47:38de convention entre l'Algérie et l'Union européenne.
00:47:40C'est le moment où il faudrait dire,
00:47:42avant qu'on discute de tout accord...
00:47:44Les fameux accords de 68 ?
00:47:46Oui, qui est avantageux pour l'Algérie,
00:47:48il faut libérer un homme qui n'a rien à faire en prison.
00:47:50Boalem Sansal, il est là
00:47:52pour écrire des romans
00:47:54qu'on a envie de lire.
00:47:56Au travers des gens sensibles,
00:47:58je voulais montrer en quoi la littérature...
00:48:00C'est pour ça qu'on enferme des écrivains.
00:48:02La littérature, c'est la plus grande des libertés.
00:48:04C'est l'esprit libre
00:48:06et la capacité, par des mots,
00:48:08à créer un autre réel.
00:48:10Merci beaucoup, Eric Fautorino.
00:48:12Il faut dire des gens sensibles.
00:48:14Votre dernier roman
00:48:16où on retrouve les thèmes chers à vos cœurs,
00:48:18mais aussi de la nouveauté
00:48:20qui nous emmène entre Paris et Alger
00:48:22avec ce très beau personnage de Saïd,
00:48:24donc monsieur Mimouni.
00:48:26Rachid Mimouni,
00:48:28auquel vous rendez hommage.
00:48:30C'est la fin de cette émission.
00:48:32Pour terminer, on va faire un grand angle
00:48:34pour revenir sur cette semaine ô combien politique,
00:48:36celle où l'on a changé d'air.
00:48:38On accueille nos chroniqueurs tout de suite.
00:48:44Ce soir, avec
00:48:46la sémiologue Mariette Barry-Grand,
00:48:48qu'on est très ravies, heureux
00:48:50de retrouver comme chaque vendredi.
00:48:52Bonsoir, Mariette.
00:48:54Bonsoir, Philippe Moreau-Chevrolet,
00:48:56pour la communication, consultant
00:48:58et PDG... Pourquoi je dis consultant ?
00:49:00Oui, consultant en communication,
00:49:02mais surtout patron de votre boîte
00:49:04qui s'appelle MCBG Conseil.
00:49:06Bonsoir, Brigitte Holzer.
00:49:08Vous êtes la correspondante
00:49:10de l'ARD, c'est ça ?
00:49:12ARD ? Non, de plusieurs journaux.
00:49:14Plusieurs journaux allemands.
00:49:16On change d'air également
00:49:18en Allemagne et Friedrich Merz
00:49:20l'a fait savoir.
00:49:22On va remobiner un petit peu
00:49:24avec les mots choisis
00:49:26d'Emmanuel Macron.
00:49:28Au-delà de l'Ukraine,
00:49:30la menace russe est là
00:49:32et touche les pays d'Europe.
00:49:34Nous touche.
00:49:36On a 13 minutes
00:49:38de discours, Mariette Barry-Grand.
00:49:40Quel mot a retenu votre attention ?
00:49:42Il faut savoir que 15 millions
00:49:44de Français, c'est énorme,
00:49:46ont écouté le chef de l'Etat cette semaine.
00:49:4871,6 % du public,
00:49:50devant sa télévision.
00:49:52Qu'est-ce qui vous a marqué ?
00:49:54Le mot de guerre
00:49:56n'a pas été prononcé.
00:49:58A contrario, celui de paix l'a été.
00:50:00Oui, c'est ça.
00:50:02C'est le mot absent, je crois.
00:50:04C'est par le mot absent qu'il faut regarder
00:50:06l'ensemble des mots de cette,
00:50:08je dirais, pas allocution, mais déclaration.
00:50:10Pour moi, c'est un discours de déclaration
00:50:12à trois niveaux.
00:50:14Déclaration non pas de guerre, mais d'économie de guerre.
00:50:16C'est autre chose.
00:50:18Déclaration de paix, je crois qu'on peut le dire.
00:50:20C'était le mot anaphorique, il l'a dit
00:50:22dix fois, et surtout, il l'a qualifié,
00:50:24la paix, à plusieurs reprises.
00:50:26On reviendra peut-être
00:50:28sur ce mot.
00:50:30Le mot de paix est intéressant
00:50:32en français parce qu'il est de la même famille
00:50:34que pacte, c'est-à-dire que l'on va
00:50:36faire ce geste de relier deux choses.
00:50:38La paix, c'est pas l'arrêt de combat,
00:50:40c'est relier deux choses antagonistes.
00:50:42Je crois que c'est ça
00:50:44qui nous a été dit.
00:50:46Je ne sais pas si le président allait jusqu'au sens
00:50:48étymologique, mais il a voulu...
00:50:50C'est pour ça qu'il s'est dit déclaration de paix.
00:50:52Il a voulu montrer que... Il s'est bien gardé
00:50:54de dire le mot guerre puisque celui-ci
00:50:56avait été reproché comme métaphore.
00:50:58Pendant le Covid.
00:51:00La période depuis cinq ans, ce que nous avons vécu,
00:51:02en particulier depuis trois ans, nous interdit
00:51:04l'usage de la métaphore. On est dans le réel.
00:51:06Donc, il ne pouvait pas l'employer, ce mot.
00:51:08En revanche, paix venait prendre la place
00:51:10de guerre, c'est-à-dire que
00:51:12c'est ça qu'il fallait préparer.
00:51:14C'est l'adage, le fameux adage,
00:51:16si tu veux, la paix prépare la guerre.
00:51:18Et puis, dernier point,
00:51:20on y reviendra peut-être après,
00:51:22je pense que c'était aussi une éto-déclaration de lui-même.
00:51:24Comme autre chose
00:51:26qu'un président national.
00:51:28Plutôt un leader européen.
00:51:30Pour peut-être déjà anticiper l'après.
00:51:32On va y revenir. Philippe Moreau-Chevalet,
00:51:34c'est vrai que la menace russe
00:51:36a été qualifiée, très précisément.
00:51:38On s'en serait cru vraiment pendant
00:51:40la guerre froide, puisque la Russie
00:51:42est décrite comme un monde brutal,
00:51:44fait de mensonges et d'agressivité
00:51:46par rapport à la France qui incarne la patrie,
00:51:48l'humanisme et la démocratie.
00:51:50Et ça marche parce que, quand on regarde,
00:51:52les Français sont extrêmement inquiets,
00:51:54ils sont persuadés, sans doute à raison,
00:51:56que la Russie puisse attaquer l'Europe
00:52:00et même la France.
00:52:02On va voir les résultats des sondages.
00:52:04On a une guerre froide avec deux rideaux de fer.
00:52:06On a un rideau de fer qui est tombé de l'autre côté de l'Atlantique
00:52:08le 20 janvier avec l'élection de Trump
00:52:10et un rideau de fer avec la Russie
00:52:12qui est conquérante et qui conquiert
00:52:14des territoires en Europe.
00:52:16On est tout seuls. En gros, c'est le message
00:52:18qu'il nous donne face à cette menace-là.
00:52:20Il va falloir s'adapter. Ce qu'il y a de bien,
00:52:22c'est qu'il était assez sobre,
00:52:24contrairement à ce qu'il a pu être dans la fausse guerre,
00:52:26en tout cas au niveau
00:52:28assez biologique pour le coup du Covid.
00:52:30Ce n'était pas une guerre, c'était une épidémie.
00:52:32Là, il y a vraiment un danger.
00:52:34Il est assez sobre, il est efficace
00:52:36et il positionne comme un leader européen.
00:52:38Il faut savoir qu'il y a de la concurrence.
00:52:40Il y a une forme d'émulation qui lui est peut-être favorable.
00:52:42C'est une bonne chose.
00:52:44Il y a une pléthore de leaders en Europe.
00:52:46On a Mélanie qui joue une partition intéressante.
00:52:48On a Starmer en Grande-Bretagne.
00:52:50On a Merz.
00:52:52J'ai du mal avec les noms car ils sont récents en Allemagne.
00:52:54Tout ça, ce sont
00:52:56des concurrents sérieux à une position
00:52:58de leader européen.
00:53:00Lui n'est qu'un d'entre eux. Il a la puissance nucléaire.
00:53:02On a quand même la magie du verbe,
00:53:04les Français.
00:53:06Il y a deux discours qui ont traversé de l'autre côté de l'Atlantique
00:53:08pour être repris par les démocrates,
00:53:10qui ont du mal à avoir une voix, les démocrates américains.
00:53:12C'est celui du président
00:53:14et celui de Claude Maluret au Sénat,
00:53:16qui était extraordinaire.
00:53:18Il comparait
00:53:20Musk à un bouffon sous kétamine.
00:53:22C'était extraordinaire parce que c'était moderne
00:53:24et fort.
00:53:26Chacun dans sa partition, j'ai trouvé que c'était assez admirable.
00:53:28La France retrouve une voix paradoxalement
00:53:30dans cette crise absolument ahurissante
00:53:32qui doit faire peur à tout le monde.
00:53:34On retrouve une voix un peu autonome.
00:53:36C'est ça qui me donne un peu d'espoir.
00:53:38La question, c'est est-ce que ça va créer
00:53:40un fort sentiment d'unité nationale ?
00:53:42Est-ce que ça va être suffisant pour contrer
00:53:44l'offensive des populistes ?
00:53:46Les opposants.
00:53:48On verra ça. En tout cas, c'est vrai que ce discours
00:53:50a passé le mur du son.
00:53:52Il a réveillé Poutine.
00:53:54Poutine ne répond jamais ou très peu
00:53:56à ses adversaires. Et là, il a carrément
00:53:58décidé de parler en disant
00:54:00que c'est gentil. L'époque napoléonienne,
00:54:02on se souvient. Et pareil, il a été étrié
00:54:04par Moscou, par le ministre Lavrov
00:54:06et ses différents collègues
00:54:08en Allemagne.
00:54:10Comment ce discours a été
00:54:12perçu ? Est-ce qu'il a été
00:54:14écouté avec attention ?
00:54:16Il a été écouté, même si on a un peu l'habitude
00:54:18parce qu'il y a plus de déclarations
00:54:20du président français que des chanceliers
00:54:22et chancelières allemands. C'est plus régulier
00:54:24quand même, mais c'est un moment
00:54:26crucial, ça, on en est sûr.
00:54:28Je pense qu'il fait
00:54:30un peu la même chose que fait le futur
00:54:32gouvernement allemand,
00:54:34qui a, avec son probable
00:54:36partenaire de coalition,
00:54:38qui veulent faire
00:54:40un nouveau plan d'investissement
00:54:42très très fort, ce qui veut dire qu'on prépare
00:54:44la population à
00:54:46des efforts qui sont
00:54:48beaucoup plus importants. Oui, avec les annonces
00:54:50sur la défense européenne hier à Bruxelles.
00:54:52Ca veut dire que là, au fond,
00:54:54Friedrich Merz, il a même dit,
00:54:56justement, d'alliance, ce changement d'époque
00:54:58est tel qu'on va sans doute arrêter
00:55:00de s'approvisionner
00:55:02en armes américaines, il faudra juger
00:55:04aux actes. Est-ce que les Allemands sont prêts
00:55:06à, quelque part,
00:55:08s'abriter, même symboliquement,
00:55:10derrière la protection
00:55:12française ? Au-delà de la question
00:55:14du nucléaire, mais déjà,
00:55:16politiquement, c'est très fort.
00:55:18Déjà, ils sont prêts à en parler, et ça, c'est nouveau,
00:55:20parce que très très longtemps, comme vous dites,
00:55:22les Allemands voulaient absolument avoir
00:55:24la sécurité des Etats-Unis et de l'OTAN.
00:55:26Et dès qu'il était question
00:55:28d'avancer plus
00:55:30sur des questions militaires,
00:55:32sécuritaires, défense,
00:55:34et aussi la parapluie nucléaire,
00:55:36les Allemands ont freiné. Et je pense que là,
00:55:38il y a un vrai changement.
00:55:40Je serais moi aussi sur la notion
00:55:42de la concurrence, parce que je pense
00:55:44qu'on a aujourd'hui besoin, et je pense qu'en Allemagne,
00:55:46il y a un certain soulagement
00:55:48qu'il y a un président français,
00:55:50qu'il y a un Premier ministre britannique
00:55:52qui organise des conférences
00:55:54et qui se bouge,
00:55:56parce que justement, l'Allemagne est toujours paralysée
00:55:58à un moment vraiment important,
00:56:00ce qui est vraiment regrettable.
00:56:02Et on a besoin, aujourd'hui,
00:56:04de plusieurs leaders.
00:56:06Et on a aussi besoin d'une voix
00:56:08unie. Et donc, je pense qu'Emmanuel Macron
00:56:10fait, et surtout, il prépare
00:56:12la population à... Ca va changer,
00:56:14il y a un vrai changement.
00:56:16Et encore une fois, ce que font
00:56:18les Allemands.
00:56:20On a parlé, cette semaine,
00:56:22du coût de cette montée en puissance
00:56:24sur la défense européenne.
00:56:26Il y a cette phrase dont est très fière l'Elysée.
00:56:28On va la réécouter.
00:56:30Notre génération ne touchera plus
00:56:32les dividendes de la paix.
00:56:34Il ne tient qu'à nous
00:56:36que nos enfants récoltent demain
00:56:38les dividendes de nos engagements.
00:56:40Mariette d'Aragon.
00:56:42Alors, métaphore financière.
00:56:44Tout à fait.
00:56:46Dans l'esprit, je dirais,
00:56:48l'idiolecte d'un écrivain, son style à lui,
00:56:50ces mots qui sortent comme ça.
00:56:52Je ne suis pas sûre que ce soit un conseiller
00:56:54qui lui ait soufflé ça.
00:56:56Je pense que c'est pas ça.
00:56:58On n'est pas dans la pédagogie la plus simple.
00:57:00Et puis, c'était le président
00:57:02d'Irish. Je ne pense pas
00:57:04que quelqu'un lui aurait conseillé de faire cela.
00:57:06C'est simplement lui. Il a cette métaphore
00:57:08en lui.
00:57:10Il l'a répété, d'ailleurs, hier soir
00:57:12à la conférence de presse, après la réunion.
00:57:14Donc, il y croit.
00:57:16Je crois qu'il se représente les choses.
00:57:18Pourquoi pas ? Parce qu'après tout,
00:57:20qu'est-ce qu'il nous reproche
00:57:22collectivement ? C'est d'avoir été des enfants
00:57:24gâtés, de la démocratie libérale
00:57:26pacifiée depuis 1945.
00:57:28Et souvent, j'ai entendu ça
00:57:30chez les commentateurs. Nous avons plus ou moins conscience
00:57:32que tous les gens nés après-guerre,
00:57:34c'était un peu tranquille. Et c'est ça,
00:57:36la nouvelle ère, c'est mettre fin
00:57:38à cela.
00:57:40Là, il nous invite une forme de résistance
00:57:42ou c'est anxiogène ?
00:57:44C'est un peu culpabilisant. Personnellement,
00:57:46je ne lui aurais pas conseillé de faire ça,
00:57:48mais l'idée est quand même celle-là.
00:57:50Il l'a dit, c'est maintenant une nouvelle donne,
00:57:52une nouvelle ère.
00:57:54C'est drôle parce qu'il nous faisait, en 2017,
00:57:56passer à la nouvelle ère de la start-up nation,
00:57:58la modernité technologique,
00:58:00et en fait, on va y passer
00:58:02en retrouvant la vieille
00:58:04industrie de l'armement. C'est drôle.
00:58:06Philippe Moreau-Chovrelet, incontestablement,
00:58:08la fonction
00:58:10présidentielle redevient
00:58:12prioritaire
00:58:14dans notre séquence politique.
00:58:16Oui, ça fait longtemps
00:58:18qu'il avait disparu de la scène. Il était incapable
00:58:20de jouer un rôle dans le jeu parlementaire.
00:58:22Ce n'est pas dans son habitude à lui.
00:58:24Ça fait très longtemps qu'on est très rouillé
00:58:26au plan parlementaire en France, ce qui est ahurissant,
00:58:28mais c'est comme ça. Là, il retrouve
00:58:30un peu son espace, c'est-à-dire qu'on a besoin
00:58:32de lui. Pour le coup, il est bien présent.
00:58:34Un Français sur deux, plus de 50 %,
00:58:36considère qu'il doit jouer
00:58:38incontestablement un poids
00:58:40important et sa fonction est attendue.
00:58:42Après, la désolution,
00:58:44c'est quand même un renversement rêvé.
00:58:46Je ne sais pas si quelqu'un ne lui a pas écrit ça,
00:58:48parce qu'il est entouré de Normaliens qui savent écrire.
00:58:50C'est le défaut des Français. On pense qu'il faut
00:58:52des gens un peu abstraits pour écrire des discours.
00:58:54En revanche,
00:58:56ce que je ne conseillerais pas, c'est d'aller
00:58:58sur le terrain économique trop précocement.
00:59:00Si les Français associent
00:59:02guerre et impôts et taxes,
00:59:04il y a un boulevard pour l'extrême droite et les populistes
00:59:06pour attaquer cette position.
00:59:08Il revient dans l'histoire.
00:59:10Je trouve que ces dernières semaines,
00:59:12on l'a vu dans tous vos débats, on est sortis de l'actualité
00:59:14pour rentrer dans un moment d'histoire.
00:59:16Macron n'est jamais aussi à l'aise
00:59:18que lorsqu'il faut convoquer l'histoire.
00:59:20Le parcours mémoriel, la guerre de 1914,
00:59:22la libération... Il revient dans son élément.
00:59:24Le tragique de l'histoire
00:59:26le fait revenir au premier plan.
00:59:28Il a fait deux citations de De Gaulle
00:59:30sans référence à De Gaulle.
00:59:32Absolument.
00:59:34Une certaine idée de la France, bien sûr.
00:59:36Il fallait le mentionner.
00:59:38C'est fini pour aujourd'hui.
00:59:40C'est le week-end.
00:59:42Profitez bien.
00:59:44N'hésitez pas, lisez
00:59:46des gens sensibles.
00:59:48C'est à lire chez Gallimard, comme d'habitude.
00:59:50Merci à vous.