Voici pourquoi le rugby n'a plus d'avenir

  • l’année dernière
Même si on perdu la coupe du monde de rugby 2023, je pense qu'il faut que tu saches ceci … Les commotions cérébrales sont encore trop tabou dans ce sport “de combat”. On l’a bien vu avec Antoine Dupont.
Transcription
00:00 et en 2003, c'est la consécration de sa carrière,
00:02 il remporte la coupe du monde du rugby avec son équipe.
00:05 Je pense que personne ne peut vraiment comprendre
00:07 ce qu'il a ressenti comme émotion ce jour-là.
00:09 Ça doit être tellement incroyable, tellement inoubliable,
00:12 et pourtant...
00:14 Je ne me souviens pas du moment de la coupe du monde.
00:16 Je ne me souviens même pas d'être en Australie.
00:18 Steve Thompson ne se souvient pas d'avoir gagné la coupe du monde.
00:22 Pendant cette interview avec le journal Le Monde,
00:24 il a déclaré que c'était une épreuve de la vie.
00:26 Il a dit que c'était une épreuve de la vie,
00:27 et qu'il ne se souvient pas du moment de la coupe du monde.
00:30 Pendant cette interview avec le journal The Guardian,
00:32 il dit même qu'il regrette son passé de rugbyman.
00:35 Dans cette vidéo, on va parler d'un sujet
00:37 qui est encore tabou dans le rugby, même aujourd'hui.
00:39 On verra que les blessures qui impactent le plus ces joueurs
00:42 sont souvent invisibles au public,
00:44 mais ce sont celles qui font le plus de dégâts.
00:46 C'est le cas pour Steve Thompson, mais aussi pour plein d'autres.
00:49 Et cette situation est arrivée à un point tellement critique
00:52 que plusieurs fédérations et clubs
00:54 risquent de se retrouver très prochainement au tribunal.
00:57 [Musique]
01:04 On est habitué au fait que le rugby soit un sport quelquefois violent.
01:08 [Musique]
01:10 Des fractures, des nez cassés, des oreilles en chou-fleur.
01:13 Bref, les rugbymen ont souvent des blessures au cours de leur carrière.
01:16 Je t'apprends rien de nouveau.
01:17 [Musique]
01:20 Malheureusement, c'est une partie invisible de notre corps
01:23 qu'il faut prêter le plus attention, le cerveau.
01:25 En fait, ce sport de contact est une source majeure de commotions cérébrales.
01:29 C'est quand le cerveau situé dans la boîte crânienne
01:32 subit un choc tellement violent
01:33 qu'il va être secoué dans tous les sens
01:35 et va entrer en contact violemment avec la paroi du crâne.
01:38 Il y en a certaines très impressionnantes
01:40 où le joueur tombe carrément KO.
01:42 Même si la majorité ne provoque pas d'évanouissement,
01:45 elles ne sont pas moins graves.
01:46 Dans ces cas-là, ils sont pris de maux de tête,
01:49 de troubles de mémoire, de vues, d'équilibre.
01:51 Comme la blessure du cerveau n'est pas aussi visible qu'une fracture ouverte,
01:55 elle est souvent négligée par les sportifs eux-mêmes.
01:57 A long terme, comme ces commotions s'accumulent au long de leur carrière,
02:01 elles facilitent l'apparition de démence et de troubles de la mémoire,
02:04 comme Steve Thompson.
02:05 La commotion cérébrale n'est pas à prendre à la légère.
02:08 Parce qu'il faut savoir aussi que dans certains cas,
02:10 il peut y avoir une complication rare, mais grave,
02:13 le syndrome du second impact.
02:15 Là où j'ai un gros souci,
02:19 et là où j'ai vraiment quelque chose à dire parce que je l'ai vécu,
02:22 c'est que les protocoles commotions ne sont pas du tout assez poussés.
02:25 Et un mec commotionné, il peut répondre à quasiment 100% des choses
02:29 et re-rentrer sur un terrain et re-risquer le second choc où il peut mourir.
02:31 Ça, c'est vrai.
02:32 C'est un gonflement, souvent mortel,
02:34 qui se produit quand la personne subit une deuxième commotion cérébrale
02:37 avant que la première ne soit guérie.
02:39 Malheureusement, c'est souvent les joueurs, les plus jeunes, qui en sont victimes.
02:43 Comme Rowan Stringer, qui avait décrit à ses amis
02:45 les symptômes d'une commotion cérébrale
02:47 et qui est quand même revenu sur le terrain.
02:49 Malheureusement, malgré les efforts des secours
02:51 et le recours à une chirurgie d'urgence,
02:53 la joueuse canadienne de 17 ans n'a pas survécu à ces blessures.
02:57 Du coup, en sachant tout ça,
03:00 et en sachant que toutes ces histoires ont été largement médiatisées,
03:04 est-ce que les commotions cérébrales sont vraiment prises au sérieux aujourd'hui ?
03:07 Alors, il faut savoir que sa prise en charge n'est pas du tout la même
03:10 entre les amateurs et les professionnels.
03:12 On pourrait croire que ce sont les professionnels qui sont le plus touchés,
03:15 mais en fait, non, pas du tout.
03:17 Ce sont les amateurs.
03:18 Ça a été un crève-cœur d'arrêter le rugby à cause de ça,
03:22 mais après on le sait, c'est un sport de combat.
03:24 C'est maintenant que je ne joue plus au rugby que j'ai peur pour les mecs.
03:27 Des fois, les mecs, je les vois s'éteindre.
03:28 Oui, ça me fait peur.
03:29 Parce que d'une part, je me vois, moi, dans cet état-là,
03:32 je sais ce qu'ils ressentent,
03:34 et être commotionné, c'est la plus dégueulasse des blessures,
03:37 parce que ça touche le fond de l'inconscient.
03:38 Alors, la dernière commotion, c'était à Bourgogne, le club où j'ai commencé,
03:42 et je me suis dit "c'est bon".
03:43 J'étais KO, je me sentais complètement dissocié de mon corps.
03:48 C'était vraiment une sensation pas agréable,
03:49 et en sachant que j'en avais fait beaucoup,
03:51 et le fait qu'on en parle beaucoup,
03:53 je pense que j'ai eu un gros moment de flip.
03:56 Et les femmes dans cette histoire ?
04:10 Eh oui, il y a quelques différences entre les hommes et les femmes dans le rugby.
04:14 En fait, les commotions cérébrales n'ont pas lieu à la même fréquence
04:17 entre les joueurs et les joueuses.
04:19 Effectivement, à cause de la différence de musculature de la partie haute du corps,
04:23 les femmes sont beaucoup plus sujettes aux coups du lapin,
04:26 qui entraînent des commotions cérébrales répétées et beaucoup plus violentes.
04:30 La musculation des cervicales est donc une étape indispensable à la sécurité des sportifs.
04:34 On parle souvent des joueurs de rugby qui n'ont pas de coups tellement ils sont musclés.
04:37 Eh bien, c'est justement eux qui encaissent le mieux la pression des mêlées.
04:41 Donc en gros, il faudrait tous se ressembler à Kamisha ou Samson Lee.
04:44 Bon, mais est-ce qu'aujourd'hui, on fait assez pour protéger les joueurs et les joueuses
04:47 des commotions cérébrales et des dégâts que ça peut entraîner ?
04:50 Une évolution assez extraordinaire depuis 2005 en France,
04:55 et qu'on a mis en place des protocoles depuis 2013,
05:00 qui sont probablement pas suffisants.
05:02 Je pense qu'on peut toujours se dire qu'on en fait pas suffisamment,
05:05 mais le neurologue qui voit le joueur à trois jours après une commotion
05:10 pour évaluer la gravité de la commotion et savoir exactement quand le joueur pourra reprendre
05:15 en fonction des antécédents de commotion.
05:17 Ce que je pense qu'il est important de dire, c'est qu'il y a encore beaucoup de choses qu'on ne sait pas.
05:20 À partir de combien de commotions, il risque d'y avoir des dommages dans le cerveau ?
05:23 Quand doit-on arrêter un joueur définitivement ?
05:26 De nombreux progrès ont été faits ces dernières années.
05:28 Mathieu Blin, ancien joueur du Stade français, énumère quelques-uns.
05:32 Formation plus poussée pour les staffs médicaux et la détection et l'accompagnement,
05:35 notamment dans les différents protocoles.
05:38 Test initial à tous les joueurs qui sont réalisés pour que les neurologues puissent avoir des comparaisons
05:43 lorsqu'il y a une commotion cérébrale par rapport à quelque chose et pas dans le vide.
05:47 Il y a un regard beaucoup plus précis durant les matchs, notamment un match avec un médecin indépendant
05:51 qui n'appartient ni à une équipe ni à l'autre et qui peut demander à l'arbitre de faire sortir un joueur.
05:55 Il y a cette amélioration de la conscience des staffs qui, maintenant, ne remettent plus sur la scène un joueur
06:02 et une prise de conscience des joueurs.
06:04 Bref, il y a eu énormément d'avancées, mais il y a encore énormément de travail à faire.
06:09 Six, la terrible nouvelle à laisser, le monde du rugby à terre.
06:13 Oui, la disparition brutale de Christophe de Ménissis, 48 ans, victime d'une chute mortelle dans un parc.
06:20 Louis Fachkrofsky avait 21 ans et jouait trois quarts à Aurillac.
06:24 Il subit un plaquage appuyé, les soigneurs se précipitent, le remettent sur pied,
06:28 il sort seul du terrain, plaisante avec d'autres joueurs.
06:32 Mais à l'intérieur du vestiaire, il perd à nouveau connaissance.
06:34 Malgré des massages cardiaques à 20 heures, le médecin du salut annonce son décès.
06:39 De plus en plus de joueurs trouvent qu'ils n'ont pas été assez protégés au cours de leur carrière.
06:43 Certains ont même porté plainte contre les fédérations et leurs clubs.
06:47 Ce qui leur reproche, c'est principalement leur inaction à les protéger.
06:50 Les plaignants sont aujourd'hui soutenus par le cabinet d'avocats Alecto et demandent des nouvelles mesures,
06:55 notamment plus de prévention et une réduction des impacts à la tête, que ce soit au match ou en entraînement.
07:00 Ils souhaitent aussi augmenter la perte de repos de 6 jours à 3 semaines après un choc.
07:05 L'un des avocats des joueurs avance aussi que quasiment tous ses clients ont été remis sur le terrain pendant les matchs,
07:11 alors qu'il n'aurait pas dû.
07:12 Depuis maintenant 20 ans, le syndicat des joueurs et joueuses de rugby en France
07:16 propose de les accompagner dans leur démarche de santé, mais aussi de les aider à faire respecter leurs droits.
07:21 Le rugby n'est pas le seul sport où les adeptes sont pleins de manque de protection.
07:24 Aux Etats-Unis, la Ligue Nationale de Football Américain, NFL, a été contrainte à verser 1 milliard de dollars
07:31 de dédommagement aux joueurs qui l'avaient attaqué en justice.
07:34 Et est-ce qu'avec ces événements, les fédérations prendront des mesures concrètes pour protéger l'avenir des joueurs ?
07:40 Est-ce qu'il y aura un réel changement à l'avenir ?
07:42 Difficile à dire.
07:43 A l'heure actuelle, on ne connaît pas encore toutes les conséquences à long terme que ça peut entraîner les commotions cérébrales.
07:48 Et ce sont des joueurs comme Steve Thompson qui en payent les frais aujourd'hui.
07:52 Il a d'ailleurs prévu, une fois mort, de donner son cerveau à la science dans l'espoir qu'un jour,
07:57 les futurs vainqueurs de la Coupe du Monde de Rugby puissent être suffisamment protégés pour garder ce beau souvenir à jamais.
08:03 Bon, merci d'avoir regardé cette vidéo, on l'a écrite pendant la Coupe du Monde 2023.
08:07 On a eu envie de parler de ce sujet quand Antoine Dupont s'est pris ce gros coup à la tête
08:12 et qu'il est retourné sur le terrain après quelques jours seulement.
08:15 Bon, sinon j'ai une autre vidéo qui pourrait t'intéresser, c'est l'histoire d'Anatoly Bulgovski,
08:19 un scientifique soviétique qui s'est retrouvé, un peu malgré lui, la tête dans un accélérateur de particules, allumé.
08:25 Même si ça paraît normal en Russie, crois-moi, ça ne l'est pas.
08:27 Je te laisse regarder.

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